Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

24.8.22

FUNESTE 1er

Et, avec la gravité robotique qui le caractérisait, le roi Funeste 1er s'adressa à ce qu'il prenait pour son peuple en des termes misérablement choisis : «fin de l’abondance de terre ou de matière (...) la fin des évidences (...), la fin, pour qui en avait, d’une forme d’insouciance». Quid de sa propre insouciance (insouciance calculée ?) quant à l'abondance de son propre mépris, son évidence d'avanie ? ... À venir : réponse de NOS RELATIONS ! (abondantes, évidentes et jamais insouciantes) ?

9.8.22

LA PREUVE PAR TROIS

 

La forme trio, pour les groupes de musique, a été décrite, plus souvent qu'à son tour, comme "idéale", ce qui voulait sans doute dire par équilibre : au plus près du corps musical (le duo dit intimement autre chose de la très humaine conversation). Le trilogue de composition, plus rare, su raconter de belles histoires. À la Motown, le trio Holland–Dozier–Holland offrit de bien belles chansons à Martha and the Vandellas, aux Miracles, à Marvin Gaye et bien sûr aux Supremes et aux Four Tops, au plus près des corps.

5.8.22

CONTE D'ÉTÉ


Le soleil tape sans faire de claquettes. En un cri superflu, une femme râle, gênée par un reflet pour lire l'écran de son téléphone (oui, croyez-le ou non, au XXIe siècle les téléphones ont des écrans). Il lui suffirait d'aller à l'ombre. Mais il n'y a plus d'ombre. Ou n'y a t-il pas d'application pour ce type de situation ? Ce qui, de nos jours, revient au même. Un peu plus bas dans la rue cuisante, des jeunes cyclistes employés par une de ces start-up (« Notre pays est celui qui produit le plus de start-up et elles croissent »*). Avec peine, ils pédalent avec acharnement ; il fait si chaud qu'il faut bien que quelqu'un sue pour apporter des bouteilles d'eau à de petits bourgeois dépourvus de la force d'aller à l'épicerie. La vie en un clic. 

En juillet, le seul jour où la pluie tente une pénible sortie avant que les nuages ne désespèrent, à la boulangerie en attendant son tour de baguette, la femme au téléphone geint  : "Quel temps pourri !" et l'homme juste devant elle dans son petit costard d'habitué de Roland Garros (il en a fait mention juste avant) d'acquiescer. Pour juillet, on enregistre un déficit de précipitations de 88 % **. Petit jeu des pourcentages : le corps humain est composé de 65 % d'eau. Tranquille, tranquille, on n'est pas dans la précipitation. Une goutte d'eau et le temps est pourri. Ce qui nous compose. Tant que le doigt glisse sur l'écran...

"Pourriture", depuis sa racine latine pas encore putréfiée, a deux significations : décomposition ou corruption. L'idée que le temps soit pourri vaut son lot de prétention faisandée. Aucun autre animal que le Bourgeois Humanum ne peut à ce point se prendre pour dieu. Dieu soit loué et par conséquent, tout est à louer : sa chambre d'ami, sa voiture, ses costumes, ses caresses et même sa piscine (18€ de l'heure nous apprend-on à la radio nationale toujours fière de nous donner des nouvelles des start-up). Les partis politiques ont même inventé une tarification pour leurs élections primaires. "Je paie donc je donne mon avis". Riche idée, comme au restaurant. Tiens, il n'y a pas encore d'application pour louer les enfants ! (À l'énoncé, une start-up se prépare). En un clic, je paie, je vote, je rote, je pète. En un crac, la forêt flambe. Contre la colère des populations parfois encline à croître plus que les start-up : blindés, grenades et autres armes de (selon la formule officielle) "gestion démocratique des foules" ; pour aider les arbres : si peu. Des appareils en panne, faute de maintien.

Pourtant les arbres se sont saignés aux quatre sèves pour nous donner de quoi être prévenus des risques d'incendies, nous donner à lire Elisée Reclus, Voltairine de Cleyre, Marguerite Duras, André Franquin ou David Graeber, entre dix mille autres. Pour savoir. Mais en un clic, le savoir part en fumée. 

Aux dernières nouvelles, un belouga nage dans la Seine à Vernon pendant qu'un kangourou s'est fait la malle en Mayenne. Pour fuir l'incendie, les écrans lumineux, trouver un peu d'ombre ? 

 

Photographie : Un kangourou s'éloigne d'une maison en feu près du Lac Conjola, en Australie. (MATTHEW ABBO/T/NYT-REDUX-REA)


* Emmanuel Macron, candidat au Casino Électoral, 20 avril 2022, débat télévisé avec sa consœur Marine Le Pen.

** Source Météo France.

3.8.22

LA VALEUR TRAVAIL (TWIST)


De tous côtés on n'entend plus que ça
Un air ranci qui nous vient de bien bas
Un air ranci qui nous fait du dégât
Comme tous les pauvres il vous tuera
 

2.8.22

JEAN-PIERRE TAHMAZIAN

 

1968, free jazz indeed et coïntéressés parfois interrompus. 1968 aussi, création de la maison de disque Black and Blue par Jean-Marie Monestier. Jean-Pierre Tahmazian est à ses côtés comme photographe avant de s'associer pleinement avec lui pour mener à bien une tâche consistant à ne pas reléguer dans l'oubli des figures d'un jazz dit classique (très endurant à Nice à l'époque) par un opulent catalogue. Codex annulaire à ne pas mettre à l'index, la bien nommée Black and Blue contient son lot de petites merveilles : récemment encore la parution de Nice Jazz 1978, enivrant trio de Mary Lou Williams avec Ronnie Boykins (alors bassiste de Sun Ra) et Jo Jones. JO JONES ! 

Milt Buckner, Guy Lafitte, Illinois Jacquet (mais qui écoute ce sublime ténor aujourd'hui ?), Arnett Cobb (mais qui écoute ...), Earl Hines, Slam Stewart, Wild Bill Davis, Stéphane Grappelli, Harold Ashby, Jay McShann (entendu parler de Charlie Parker ?) et même sans crainte d'écarts, un Romain Bouteille chantant parmi tant d'autres alliés à un entêté enracinement dans le blues : Koko Taylor, T. Bone Walker, Memphis Slim, Jimmy Rogers... Archie Shepp, figure incandescente du free jazz indeed 68, y a même apporté son blues. 

Dans la valse des préjugés, les confins sont souvent bien ailleurs et l'ultime distinction rassemble. 

Photographie : Jean-Pierre Tahmazian et sa photo de Paul Gonsalves

 

À lire : Disque ami : Mary Lou Williams, Nice Jazz 1978