Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

16.10.11

LES PRIMAIRES DE LA RÉVOLTE


Entre ces deux images, pas sept différences, mais une. La première affiche l'indignation, l'autre la révolte.

Sur la chaîne BFM, un journaliste demande à sa correspondante à Rome si "certains indignés n'auraient pas franchi la ligne jaune". Elle est catégorique : "non", les violences sont le fait de "casseurs". Et qu'attaquent ces "casseurs" ? Des banques ? Une marque supérieure d'indignation non ? Comme l'armée américaine au 19ème siècle pour les indiens, les médias aiment leurs petits classements, les indignés "friendly" et puis les "hostiles".
Ceux qui rentrent chez eux, et ceux qui en sortent. Nous sommes des chiens !

On peut commenter de tout son saoul sur la faiblesse du mot "indigné" qui indique aussi peut-être les faiblesses du mouvement, sa récupération facile, sur le fait que le modèle des printemps arabes n'était pas un simple élan pacifiste, mais bien un mouvement bravant la peur, les arrestations, la torture, une autre réalité mouvante non résolue. Certes, mais tout de même, chaque moment où la rue revient à sa vocation première, où la circulation des idées reprend même en balbutiant, est à chérir. On peut aussi avec le luxe dédaigneux de ceux qui ont tout vu et pas réussi grand chose, sourire de ce geste d'exaspération qui pour l'instant ne va pas (assez) loin, il n'empêche là encore que tout rassemblement où la parole peut reprendre, toute vibration d'un désir d'autre chose, même confus, se manifeste, tout questionnement a sa valeur inestimable en un temps de perdition.


Hier, comme dans d'autres villes du monde, les "Indignés" parisiens (moins nombreux qu'ailleurs) se retrouvaient sur la place de l'Hôtel de Ville. L'image fait plaisir. Au milieu de déclarations vagues qui n'affichent guère de rupture avec le système, beaucoup de slogans aux origines libertaires. Les racines existent. C'est ce qu'il y a de plus difficile à couper. Et puis des prises de paroles, beaucoup de blah blah, toujours trop d'individualisme, mais aussi le désir d'en finir avec la représentativité. Et soudain, enfin quelque chose se passe, une jeune fille prend le micro et décrit la manifestation qui se passe à deux pas au Châtelet. Il s'agit d'une manifestation d'Africains contre la Françafrique, il sont encerclés par des policiers bien plus nombreux qu'eux. La jeune fille demande (car ça n'a aucun sens de palabrer ici lorsqu'il se passe ça à deux pas) d'aller briser ce cordon pour établir le contact avec les Africains. Les gentils organisateurs demandent à ce que le débat reprenne, à ne pas se laisser "divertir", d'autres prétextent qu'il y a parmi ces Africains des partisans de Laurent Gbagbo pour ne pas y aller. Mais au moins la moitié des Indignés (virant "hostiles" ?) se dirigent vers le Châtelet. Un des gentils organisateurs (sans doute adepte du non franchissement de ligne jaune) dit avec une belle impuissance : "Bon ceux qui veulent y aller peuvent y aller, mais ce qui est important c'est de prolonger le débat". À Châtelet, le dispositif policier est impressionnant, presque risible (mais de quoi l'état a-t-il peur ?). Un 15 octobre 2011 des Africains manifestent à Paris complètement encadrés par les CRS, ça commence par octobre, ça se termine par un 1. Les Indignés désobéissants bloquent la circulation, certains font un sit in,les CRS les dégagent, matraques et lacrimos, mais ce n'est pas le repli rapide, les gens restent autant que possible. Ils scandent le classique "Police partout justice nulle part". Pour que les idées circulent, il faut arrêter la circulation. C'est chose faite, ça peut sembler petit, c'est peut-être le plus important de cette journée du 15 octobre : malgré l'intimidation policière et l'instauration d'une frontière, des français cherchent à nouer le contact avec des Africains. Mais me direz-vous, qu'est-ce que ça peut bien signifier dans un pays où on se drape dans sa dignité pour élire (mode dînette enfantine) un fromage à 0% ou une courgette ?

Post blogum : Et la musique dans tout ça ? Il vaut encore mieux entendre en dansant la Bella Ciao jouée par une fanfare vivante sur une place publique que se farcir les restes de la dépouille de Miles Davis à en mourir.




Sur youtube : Quand un flic tente d'étouffer un "indigné" pour l'intimider...
Sur youtube :15/10 : Secteur Châtelet, milliers d'indignés
Sur Youtube :15/10 : Blocage du secteur Châtelet
Sur youtube : 15/10 : Les gazeuses sont de sortie chez les flics

Photos : B. Zon, Z. Ulma

3 commentaires:

Thierry a dit…

Votre post scriptum est des plus incongrus, qu'est-ce que ça a à voir avec le sujet ?

nato a dit…

Ben, la musique a à voir avec tout non ? Ou devrait ...

Sans grade a dit…

ce qui est confortable (physique et psychique) avec certains mouvements c'est l'utilisation de l'abstraction ou slogans policiers.

Si bien qu'une réalité monstrueuse peut bien être à 500 mètres de leur nombril qu'elle se retrouve à des années-lumières

quand au "PS" il est moribond que ça se sache.