Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

31.3.15

REMARQUES RELATIVES AU LIVRE DE FABRICE GRENARD À PROPOS DE GEORGES GUINGOUIN
PAR FRANCIS JUCHEREAU

On nous fait le coup régulièrement ! Au nom d'une sorte de non-politiquement-correct un tantinet pervers, des spécialistes (comme on dit chez Darty) auto mandatés de l'histoire cherchent à mettre à bas les traces humaines inspiratrices de la volonté d'un autre futur, d'un autre présent. Par un relativisme prétendu scientifique (et donc en réalité forcément abstrait), ces historiens tentent de démonter les bases de nos "communes", et par des petits tours de prestidigitation politiques d'annihiler l'esprit critique en prétendant en avoir l'exclusivité, tendre à une vérité plate, une vérité révisée high tec. La réalisation de Chroniques de résistance (2013-2014) à Treignac nous a permis de renforcer autant que possible cette idée dénuée d'abstraction que l'histoire est d'abord la perspective des hommes, qu'elle ne peut être déracinée. Francis Juchereau répond à Fabrice Grenard dont l'ouvrage pourrait bien figurer dans la catégorie précitée.

 Remarques relatives au livre de Fabrice Grenard
« Une légende du maquis.
Georges Guingouin du mythe à l’histoire » (1):
questions sur sa démarche et sur la vérité des historiens
      Par Francis Juchereau,

Francis Juchereau, membre de l’association des Amis du Musée de la Résistance, a rencontré, en tant que secrétaire du cercle Gramsci (Limoges), pour la première fois Georges Guingouin en 2002 pour un entretien, par l’entremise de Jeannette Chartreux (auteure de Destins croisés. Vivre et militer à Limoges, Karthala 2004). Cet entretien est à l’origine du livre Chemin de Résistances, réalisé avec Georges Guingouin, Gérard Monédiaire, et Jean-Jacques Fouché (Lucien Souny/cercle Gramsci, 2003). Francis Juchereau est l’auteur de trois communications lors des colloques organisés par Les Amis du Musée de la Résistance en 2007, 2010 (Le Temps des Cerises 2008, 2011) et 2013 (non édité), ainsi que de la préface du poème d’Armand Gatti, Les cinq noms de Résistance de Georges Guingouin (Le Bruit des Autres, 2006)

Avec son livre « Une Légende du maquis », Fabrice Grenard réalise une monographie monumentale, qui se présente comme « définitive » (2) , du résistant et du personnage politique Georges Guingouin.  Cet ouvrage ambitieux d’un historien tout juste quarantenaire correspond à un travail académique d’Habilitation (3) qui semble avoir été publié en l’état (4) rapidement, contrairement aux usages de l’édition.

Passage obligé vers le professorat des universités, cette deuxième « thèse » après le doctorat fait accéder à la plus haute qualification universitaire. Ce mémoire constitue donc une sorte de chef-d’œuvre par lequel l’auteur recherche une reconnaissance officielle, une légitimité, une réputation d’historien français de la seconde guerre mondiale. Une petite famille de noms de grands ainés vient alors à l’esprit : Pierre Laborie, Jean Pierre Azema, Henry Rousso, Olivier Wieviorka... . Bref, si pour l’intéressé l’enjeu professionnel était de taille – la concurrence pour les postes à l’Université étant très rude –, l’enjeu intellectuel et de notoriété, lié d’ailleurs au premier, paraît plus important encore.
Il s’agissait pour Fabrice Grenard de réussir une démonstration magistrale devant ses pairs qui fasse aussi l’objet d’une certaine publicité (5) par son impact. La finalité était de produire un ouvrage d’histoire qui serait sa référence et ferait référence (6) par rapport à l’institution universitaire en s’appuyant également sur le « public cultivé ».
Il fallait pour cela choisir un sujet – ou plutôt un « objet » d’étude – particulièrement significatif et connu dans le champ dont il s’était fait une spécialité : l’Occupation, l’histoire des maquis (7).  

Le cas (de) Guingouin, figure forte, originale et complexe de la Résistance et du communisme, dont l’histoire encore «sensible » n’avait jamais été étudiée spécifiquement par un historien, était un sujet tout à fait idoine. Il présentait de surcroît un potentiel médiatique (8).
Plus fondamentalement, cette recherche, son orientation, permettait à Fabrice Grenard de se faire valoir aux yeux du petit monde des historiens français de la seconde guerre mondiale avec une contribution conséquente à l’historiographie dominante dont un des chantiers actuels majeurs consiste à déconstruire (ce qu’elle considère comme) la légende de la Résistance (voir infra et notes 14, 17, 19).

La méthode de l’étude, très académique et disciplinaire (9), consiste en un examen minutieux et distancié de la question. Elle se traduit, concrètement, par une recherche extérieure au terrain, essentiellement cantonnée à une étude des pièces
- documents et archives - qui se veut exhaustive (« contrôle » sur pièces).
En mettant en exergue à son livre, en pointant de manière insistante lors de ses interviews et interventions, sa démarche objectivante/objectiviste de recherche, Fabrice Grenard veut faire penser qu’il opère un travail « scientifique » (de « savant ») quasi chirurgical, à travers lequel la réalité-vérité se dévoilerait (10).
Avec Guingouin, Fabrice Grenard s’est attaqué à un morceau de choix qu’il qualifie de « légende (11) dorée » (trop belle pour être vraie), construite en opposition et en liaison (dialectique) avec une « légende noire» toute aussi biaisée. Sachant que la première l’a emportée sur la dernière.
Son opération particulièrement délicate, consistera, au long des 600 pages du livre, à déconstruire et repeindre, touche après touche, la geste héroïque de «l’une des plus belles figures de la Résistance »(12), « l’un des chefs de maquis les plus prestigieux de la Résistance » (13). Fabrice Grenard « écorne »(14) un symbole fort qui touche à la mémoire et à la sensibilité collectives et, à travers celui-ci, l’histoire d’un maquis parmi les plus importants, et certainement le plus remarquable de la Résistance intérieure (15)

Dès l’introduction de son livre (p11), il prévient le lecteur et prend les devants en ces termes: « Il paraît indispensable d’essayer de replacer la trajectoire et l’action de Georges Guingouin dans un contexte plus large, en évitant d’en faire une histoire totalement déconnectée [ !] dont il aurait été le seul acteur. Cela ne veut en aucun cas dire qu’il n’a pas joué un rôle important, ni qu’il ne se soit pas montré héroïque à de nombreuses reprises. ».
Grenard va donc méthodiquement reconsidérer (« re-contextualiser »)le rôle du Grand Georges,  relativisant, banalisant ou oblitérant, les uns après les autres, les éléments idéologiques, politiques, militaires… et même moraux pouvant lui conférer une singularité, une étoffe, bref, une stature de héros,(16).
Quelques centaines de pages plus loin, après sa « radioscopie », que reste-t-il de l’image du résistant?
Il en restera le portrait d’un instituteur de campagne particulièrement idéaliste, courageux, intransigeant, quelque peu naïf et autoritaire, très lié à un/son (petit) monde paysan qu’il a su mobiliser et lever sur un/son secteur de la montagne limousine,  grâce à son aura. En dernière analyse et prosaïquement, cette histoire serait celle d’un résistant, cadre intermédiaire du parti communiste et stalinien modèle, devenu responsable départemental des FFI, dont les périodes aigues de désaccord avec son parti auraient surtout été causées par les mauvais côtés d’un tempérament particulièrement fort ; ces péripéties, considérées secondaires, ne portant aucunement sur des questions de fond.  Selon F. Grenard, devant l’Histoire, Guingouin aurait été de bout en bout le fidèle serviteur de son parti ou son jouet, contribuant par ailleurs avec une efficacité remarquable à la libération de Limoges et à la remise en place des institutions républicaines dans le chef lieu de la Haute-Vienne. Les raisons de sa rupture avec le PCF en 1952 sont envisagée, encore une fois, comme relevant principalement des intempérances de sa personnalité (entière, butée, marquée par un aveuglement de l’esprit –par rapport à Staline, puis Tito… et le communisme en général). De plus, rien n’attesterait que son propre parti ait cherché à l’éliminer physiquement dans la clandestinité, a fortiori après la Libération.

Le 21 novembre dernier, quelques mois après la parution de son livre, à l’invitation de l’association « Rencontre des historiens du Limousin » et du Musée de la Résistance, Fabrice Grenard vint à Limoges passer un « Grand Oral » face à un public qu’il savait particulièrement sensible et averti : une réunion (un conseil) de famille géant(e) avait été en quelque sorte convoqué(e) pour l’auditionner (la salle de l’Espace CITÉ était comble - 200 personnes environ).
Pour remporter cette épreuve délicate, il utilisa ce soir là une double tactique qui s’avéra tout à fait efficace.
Il montra :
1 -  qu’il était incollable sur l’histoire (avec une minuscule) du grand aïeul, fournissant un luxe de petits détails aussi bien sur les événements que sur les personnes ;
2- que sa démarche mesurée et autorisée d’historien était bienfaisante pour la mémoire de Guingouin.
Jouant adroitement sur les sentiments de familiarité, de proximité, de bienveillance et de neutralité, il gagna rapidement l’adhésion affective de l’auditoire. De plus, en se montrant très mesuré, presque lisse,  il chercha et parvint à se faire passer comme le meilleur ami de Guingouin. Celui par le travail « scientifique » duquel,  la terrible « légende noire » ne pourrait définitivement plus sévir.
En revanche, Fabrice Grenard ne critiqua ce soir là « la légende dorée » de Guingouin qu’avec d’infinies précautions, ne laissant cependant de côté aucun des sujets qui pourraient fâcher mais les abordant de manière espacée par touches légères, jouant des inévitables histoires (secrets) de famille dont il n’était pas ignorant.

Lors de cette soirée, son objectif principal n’apparait pas le même ou plutôt ne se situe pas au même plan que celui révélé par une lecture attentive et contextuelle de son ouvrage.
Si à Limoges il s’agissait pour Fabrice Grenard de montrer que la meilleure voie pour défendre la mémoire, voire la grandeur de Georges Guingouin était celle du réalisme, de la critique mesurée et documentée, l’objectif  non dit de son ouvrage participe, lui, d’un tout autre registre et combat d’idées.  
Comme nous l’avons indiqué précédemment, cette recherche peut être considérée comme un acte de bravoure contribuant au combat général du courant dominant parmi les historiens français actuels de la seconde guerre mondiale dont la « doxa » est tout entière contenue dans cette formule lapidaire : « Résistance ou pas, sans doute les alliés auraient-ils libéré la France selon un calendrier guère différent » (17).
Il était important pour cela de (se) défaire (d’) un premier paradoxe, (d’) une sorte de scandale pour la Raison qui est : une marge de la marge, la montagne du Limousin, ne saurait faire centre. Ainsi, les mirages que constituent la légende noire/dorée, le mythe du héros Guingouin, aussi bien que l’idée d’une « capitale » du maquis se doivent d’être dissipés.

À Limoges, après la présentation de son livre, Fabrice Grenard faisait remarquer en aparté, non sans quelque vanité, que Georges Guingouin n’était pas très connu et que son livre contribuerait à le faire connaître. Cette réflexion réactionnelle après une conférence stressante est profondément erronée. Et Fabrice Grenard le sait. En effet, Georges Guingouin est connu, reconnu et célébré nationalement et internationalement comme un des chefs les plus prestigieux de la Résistance intérieure française. Sa trajectoire étonne, questionne et émerveille. Ceci ne concerne évidemment pas le grand public au-delà du Limousin, mais celles et ceux qui s’intéressent à l’histoire et à la politique contemporaines. Cette aura semble d’ailleurs augmenter avec le temps et traverser les générations. Ce qui pour le moins devrait attirer l’attention des historiens !
Donnons quelques exemples et repères :
-  au début des années 70 l’historien Henri Michel, pionnier de l’histoire de la France dans la seconde guerre mondiale, ouvre à Guingouin sa collection (18) « La Libération de la France » (15 titres) aux éditions Hachette, il y publiera Quatre Ans de lutte sur le sol Limousin ;
- en 2005, lors de la mort du « Grand », le journal britannique « The Gardian » (3è site de presse le plus consulté au monde en 2012) lui consacre une nécrologie sur deux colonnes signée Julian Jackson, article occupant un espace équivalent à ceux du Monde ou du Figaro ;
- pour le 40ème anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale, le journal Le Monde publie fin 2005 un hors série de 130 pages avec des contributions d’historiens : 1945 de la victoire des Alliés au début de la guerre froide ; le chapitre « Résistance » de 16 pages (situé entre les chapitres « Débarquement » - Normandie - et « Insurrection » - Varsovie -), est consacré à Guingouin (et au maquis) présenté comme un symbole à travers un grand article de Francis Marmande, « Le Fou des bois » ;
- en 2007, le livre médiatiquement connu à travers le monde L’Insurrection qui vient (traduit en 4 langues et vendu à des dizaines de milliers d’exemplaires outre-Atlantique) donne, page 86, la libération de Limoges « par » Georges Guingouin comme l’exemple historique emblématique d’un « processus insurrectionnel (qui part) d’une vérité sur laquelle on ne cède pas » ;
- en 2011, le film « Le Grand Georges », saga romancée de Guingouin,  passe à la télévision (France 3) en première partie de soirée ;
- en février 2015 sort chez Gallimard le récit et roman Un héros, vie et mort de Georges Guingouin de Jean-Pierre Le Dantec.
De plus, nous soulignons que, dans la culture et les arts contemporains, Guingouin a inspiré deux créateurs majeurs et rebelles: le peintre Paul Rebeyrolle, auteur  du tableau monumental « Le Cyclope –hommage à Georges Guingouin » (1987) et le dramaturge et poète Armand Gatti, auteur du grand poème (100 pages) « Les cinq noms de Résistance de Georges Guingouin » (2006).
Quelle Figure dans l’histoire contemporaine, quel Homme d’action, quel résistant venant d’une province obscure et dont l’action restera cantonnée à celle-ci, a acquis une telle renommée ?

Au bout du compte, Fabrice Grenard renvoie l’« un des chefs de maquis les plus prestigieux de la Résistance » dans son histoire provinciale, rurale et sans poids dans les destinées du pays. De manière involontaire ce traitement nous ramène à la vieille antienne sur les limousins vus de la capitale, véhiculée par Rabelais (l’escholier) ou Molière  (Monsieur de Pourceaugnac). Images d’eux-mêmes que les Limousins n’ont que trop intériorisées.
Mais plus profondément,  la démarche de Fabrice Grenard se situe d’abord dans le courant actuel de réévaluation (dévaluation) de la Résistance, créé par les auteurs français de synthèses historiographiques sur la seconde guerre mondiale. Un numéro récent de la revue Critique (19), mentionné précédemment, fait le point sur ce sujet sous le titre Retours sur la Résistance. Philippe Roger, directeur de la revue, présente le numéro en ces termes. « Nous sommes entrés dans une nouvelle ère de nos rapports avec la Résistance. Plusieurs livres récemment parus l’attestent (Olivier Wieviorka, Histoire de la Résistance ; Pierre Laborie, Le Chagrin et le venin). Du côté de l’histoire, le temps est venu des grandes synthèses, mais aussi d’un retour critique sur les « légendes » successives dont le Résistance a été entourée (20)».
Le livre de Fabrice Grenard « Une légende du maquis » se situe en bloc et de manière tout à fait conventionnelle, dans cette « nouvelle ère ». Mais cette dernière, à son tour, doit faire et fera l’objet de débats, de contestations, de polémiques. Une telle histoire ne saurait prétendre avoir le dernier mot sur l’Histoire, capturer dans son propre récit ce que l’histoire humaine, ses événements les plus forts (et pas forcément les plus visibles) recèlent comme vie(s), comme dimensions, comme forces et richesses cachées, comme potentiels. Bref, comme puissances.
Je pasticherai quelque peu Clémenceau en disant que les vérités de l’Histoire sont des choses trop complexes, trop consistantes et trop lourdes pour les seules épaules et les seuls cerveaux des historiens. Surtout si ceux-ci travaillent cantonnés dans leur sanctuaire disciplinaire, distants, loin du terrain et de la pâte humaine. Surplombants.


                                                                                                              Le 1er février 2015



(1) Une Légende du maquis, Georges Guingouin, du mythe à l’histoire, Vendémiaire, 2014
(2)Le titre et son sous-titre le signifient clairement
(3)Habilitation à diriger des recherches (HDR)
(4)Le livre qui totalise 600 pages contient 166 pages de notes, références, documents, cartes, sources, bibliographie…
(5)La parution de son ouvrage vaudra notamment à Fabrice Grenard d’être l’invité de Jean Lebrun, producteur et présentateur de l’émission « La marche de l’Histoire » sur France Inter et conseiller aux programmes auprès du directeur de France Culture.
(6) Cet objectif paraît avoir été atteint par F. Grenard. Dans un compte rendu du livre fait pour la revue « Le Mouvement social », Laurent Douzou, historien de la seconde guerre mondiale et membre senior de l’Institut Universitaire de France, indique en conclusion de son article : « Fabrice Grenard a produit une étude qui fera référence ».
(7) Antérieurement à cet ouvrage, les travaux de F.Grenard ont porté sur la face sombre des français pendant l’Occupation : il a publié entre 2008 et 2012, Maquis noirs et faux maquis, La France du marché noir et Les scandales du ravitaillement aux éditions Payot.
(8)Des journalistes et intellectuels de renom travaillant pour des médias nationaux, comme Edwy Plenel, Francis Marmande (Le Monde, Médiapart) ou Patrick Rotman (France 3 etc.), par leurs articles, scénario…, ont contribué à faire connaitre Georges Guingouin auprès d’un public large.
(9) Cette recherche en histoire n’emprunte à aucune discipline (philosophie, sociologie, politologie, psychologie, théorie militaire, statistique, géographie, économie) autre qu’elle-même, ou très peu.
(10) Le dévoilement par l’historien (« scientifique »), s’opposerait à l’aveuglement du militant (communiste)
(11) « Légende : représentation embellie de la vie, des exploits de quelqu’un et qui se conserve dans la mémoire collective » (dictionnaire Larousse). L’emploi du terme « mythe » dans le sous titre est totalement abusif, sachant qu’un mythe, « produit de l’imagination, n’est pas associé à quelque chose de concret ».
(12) Termes de la citation faisant Georges Guingouin chevalier de la Légion d’honneur en août 1944
(13) Laurent Douzou, in article cité à la note n°6
(14) Cf. l’article de Jean-François Muracciole « Quand l’historien ‘écorne la légende’ : la Résistance selon Olivier Wieviorka », revue Critique, novembre 2013. Voir texte ci-après en rapport avec les notes n°17 et 19
(15) « Le maquis de Guingouin » ne paraît cependant pas constituer aux yeux des historiens et des politiciens, comme dans l’opinion, un symbole proprement national (maquis emblématique) au même titre que les maquis des Glières (Haute-Savoie) et autour du Mont Mouchet (Auvergne) ; avec son travail F.Grenard accentue et consolide cette construction nationale (hiérarchie des provinces vue de la capitale, maquis dirigés par les gaullistes et des militaires de carrière-AS et MUR) pour le moins contestable.
(16) Voir, Gérard Monédiaire,  Les sacrifices de Georges Guingouin  in Georges Guingouin, chemin de Résistances, Lucien Souny-cercle Gramsci, 2003 ; Marc Ferro, Georges Guingouin, notre Cincinnatus… brochure 2005 et J.Pierre Le Dantec Un Héros, vie et mort de Georges Guingouin, Gallimard 2015
(17) Jean-François Muracciole, op. cit.
(18) Nous croyons comprendre qu’il s’agirait aujourd’hui de s’éloigner définitivement des approches et des travaux de ces historiens pionniers, résistants eux-mêmes, dont Henri Michel (1907-1986) fut une des têtes de proue.
(19) N° 798, novembre 2013. Voir notes n°13 et 16 supra
(20) Une branche de ce mouvement, qui entend mettre bas les légendes de la Résistance, inventorie le champ dit de l’Epuration. Dans ce domaine, l’historien Jean Marc Berlière semble cautionner des entreprises de recherches « décomplexées » très dans l’air du temps relatives aux pratiques de la Résistance dans l’Epuration (article du journal Le Populaire du 27/01/2015 « 1940-1945 en Limousin, la fin des tabous ? » à propos de la création de l’association nationale PHSCO (Pour une histoire scientifique et critique de l’Occupation).

Photo X

 À écouter : "Les cinq noms de résistance de Georges Guingouin" par Tony Hymas in  Chroniques de résistance

27.3.15

LES AMIS DE DENNIS HOWARD


Nous évoquions le 3 mai dernier dans ces colonnes, la disparition de Dennis Howard le 21 fevrier dernier.

" Dennis Howard musicien et marin faisait partie du petit monde de la Roche Bernard... Un petit monde qui ressemble à une belle case dessinée par Will. Il y vivait sur son bateau. Lors du passage d'Hymn for Her, il était tranquillement accouru pour dépanner l'orchestre d'une belle guitare et d'un ampli magique. Gentillesse ! On le voyait au café Le Rochois avec Timothée Le Net ou Stéphane Cattaneo et de nombreux musiciens et riverains pour qui ce café tenu par la belle Hélène est un refuge sans pareil. Il y partageait volontiers son expérience de voyageur et de musicien et on pouvait le voir sur la terrasse offrir un cours de guitare impromptu. Pratiquement aveugle, il avait le projet de naviguer des côtes bretonnes aux USA. Dennis Howard nous a quittés fin février, on a retrouvé son corps près de son bateau. "

Les 4 et 5 février, deux semaines avant sa mort, ses amis musiciens de La Roche Bernard avaient commencé à enregistrer son chant dont ils appréciaient la particularité et la beauté. Ces enregistrements sont désormais un précieux témoignage de sa vie rochoise, un témoignage que l'accordéoniste Timothée Le Net et ses amis souhaitent compléter et transmettre à sa famille, à ses amis marins, amis voyageurs et amis musiciens pour que la musique de cette généreuse personne continue de vivre, d'émouvoir et de rassembler.

Pour concrétiser cet album, une page de financement participatif a été mise en place afin d'en achever la réalisation pour qu'il soit le témoignage visuel, textuel et musical de son dernier passage à la Roche Bernard. La demande est modeste mais d'importance.

Vous trouverez ici quelques extraits du futur album.


23.3.15

PUSTULES ÉLECTORALES

En regardant les panneaux électoraux pour la campagne des "départementales", on a pu être impressionné par l'imagination débordante  - irions nous jusqu'à dire l'enthousiasme poétique - des partis politiques traduits par les qualités graphiques et photographiques des images proposées pour la promotion de ce qui est désormais nommé "binôme" (deux candidats pour le prix d'un bulletin). Ambiance balai dans le cul généralisée, reflet des propositions foisonnantes du grand corps politique maladif pour améliorer l'ordinaire.

Il arrive même que le temps ajoute sa touche révélatrice à l'affaire, son impeccable commentaire, un avertissement même. Ainsi pour plus de vérité encore, cette coloration particulière pour la paire Jean-Jacques Lauga et Hélène Rome, candidats UMP dans le canton Seilhac-Monédière en Corrèze. Les élections peuvent visiblement rendre malade. Ou comme le notait un des élèves du Professeur Scott LaViolette : "Y a-t-il un sorcier à Champignac ?"

Photo B. Zon (panneau électoral à Treignac)

11.3.15

GUILLAUME SÉGURON
CATHERINE DELAUNAY
DAVU SERU
PREMIER TOUR

Dans le film "Elle s'en va" d'Emmanuelle Bercot, Catherine Deneuve commence son périple à La Roche Bernard. En attendant Pétrichor, c'est également à La Roche Bernard que le trio Guillaume Séguron - Catherine Delaunay - Davu Seru commencera le sien dimanche 15 mars à 19h30 au fameux café le Rochois (chez Hélène pour les habitués). Un endroit pas comme les autres où il fait bon être ou même bon naître.

Par la grâce de Kind of Belou, le groupe se dirigera ensuite sur les routes de Corrèze pour d'autres lieux d'histoire(s), d'autres cités de caractère, à la Médiathèque de Tulle le 18 (15h30), au Magasin Général de Tarnac de 19 (20h30) et au Café du Commerce de Treignac même heure le 20 pour fêter le printemps.


Photos de presse sauf Davu Seru par Andrea Canter

6.3.15

TONY HYMAS, PETE HENNIG
ET DESDAMONA
AU CAFÉ DU COMMERCE DE TREIGNAC

8 novembre 2014, lendemain du concert de Chroniques de résistance à Limoges, Tony Hymas, Desdamona et Pete Hennig filent à Treignac pour une soirée au Café du Commerce organisée par Kind of Belou. Fête pleine de vie une fois encore (après le passage d'Hymn for Her deux semaines plus tôt) qui avec un enthousiasme survolté se dessine en point précis de convergence, de multiples engagements qui jalonnent quelques parcours dont les fondements volent en éclats à la première occasion pour mieux se reconstituer par une constance liminaire du blues, d'époustouflants et catalysants retournements vers plus de désir d'exister encore, et donc de poésie, comme cette version particulièrement délurée -surgissant de nulle part- du tube "I won't let you down" flirtant avec des accents de work song jusqu'à son explosion. 

Prochainement au Café du Commerce, le 20 mars, un autre trio étonnant avec Guillaume Séguron, Catherine Delaunay, Davu Seru qui sortira bientôt son premier album La double vie de Pétrichor.
On pourra également entendre ce trio tout neuf :
le 15 mars à La Roche Bernard (56), au mythique Le Rochois
le 18 mars à Tulle (19), à la Médiathèque  
le 19 mars à Tarnac(19), au Magasin Général

Photo : B. Zon

5.3.15

DENNIS HOWARD,
NAVIGATEUR ET MUSICIEN


 Dennis Howard musicien et marin faisait partie du petit monde de la Roche Bernard... Un petit monde qui ressemble à une belle case dessinée par Will. Il y vivait sur son bateau. Lors du passage d'Hymn for Her, il était tranquillement accouru pour dépanner l'orchestre d'une belle guitare et d'un ampli magique. Gentillesse ! On le voyait au café Le Rochois avec Timothée Le Net ou Stéphane Cattaneo et de nombreux musiciens et riverains pour qui ce café tenu par la belle Hélène est un refuge sans pareil. Il y partageait volontiers son expérience de voyageur et de musicien et on pouvait le voir sur la terrasse offrir un cours de guitare impromptu. Pratiquement aveugle, il avait le projet de naviguer des côtes bretonnes aux USA. Dennis Howard nous a quittés fin février, on a retrouvé son corps près de son bateau.

1.3.15

VALÉRIE CRINIÈRE ET SES VÉHICULES


 Lors de sa période chez nato (1990-1999), Valérie Crinière eut successivement deux voitures automobiles : une Coccinelle Volkswagen, puis une Renault 5 transmise par sa mère et restaurée par son père, grand amateur d'autos. Deux véhicules, sympathiques, accueillants, printaniers, de douce fantaisie et diablement efficaces. Elles lui allaient bien, ces deux chouettes bagnoles aussi petites que la cabine des Marx Brothers dans la Nuit à l'Opéra et aussi ouvertes à un mouvement incessant. Drummers de légende - Elvin Jones, Jacques Thollot ou Terry Bozzio - y ont voyagé comme quelques fers de lance d'une nouvelle génération bourrée de promesses, Noël Akchoté, Benoît Delbecq ou Guillaume Orti. Pas mal d'anglais bien sûr, Henry Lowther, Pat Thomas... Les Melody Four y firent leur come back en cinématographe pour Philippe Truffault ou les Films de ma ville. Valérie chantait les Demoiselles de Rochefort en se rendant au bureau de Jacques Perrin. Paris-Roissy, malgré un gros embouteillage et un temps trop court, Michel Doneda ne rata pas son avion. Il fut un temps aussi où la vaillante R5 accompagnait les artisans du disque Buenaventura Durruti pour se rendre au studio, Dominique Pifarély, Raymond Boni, Steve Argüelles, Carmen Alvarez, Carol Robinson, Beñat Achiary, Mark Sanders, Jean-François Pauvros, Kader l'Aktivist, Philippe Carles, François Corneloup, El Roto, Miguel Celma, Marie Thollot, Nathalie Richard, Violeta Ferrer ou Abel Paz, rejoignant d'autres conducteurs : Hélène Labarrière, Claude Tchamitchian, Sylvain Kassap, Didier Petit ou Jean-Jacques Birgé. Temps partagé avec celui du soutien aux sans papiers, d'après-midi de débats à la CNT. Montreuil et ses Instants Chavirés étaient un point de ralliement de musique, d'idées et de voyage d'où l'on pouvait partir pour l'Île de Ré, Niort, Lyon, Lille, Avignon, Bourges, Le Mans, Caen, Rennes, Marseille, Bayonne ou Florence.

Lors de la tournée L'écho des voix indiennes avec Tony Hymas et Barney Bush (grands habitués des voyages avec Valérie), suite à un très imprudent mouvement d'un camion contré par une maîtrise impressionnante de la conductrice, il fut moins une, chacun ayant retenu son souffle ; le poète indien dit "cela aurait fait un pâté intéressant : moitié français, 1/4 shawnee, 1/4 anglais" et tous de rire. Beaucoup d'histoires indiennes aussi, en route, tout au long de cette décennie avec Merle Tendoy, Edmond Tate Nevaquaya ou le Shawnee Nation United Remnant Band Drum. Bien d'autres hôtes ont séjourné dans ces adorables petits engins qui connaissaient les chemins de traverse, comme ces saxophonistes de la grande histoire Sam Rivers ou Evan Parker. Stéphane Ollivier et Thierry Jousse y tinrent débat à propos de Michael Powell un jour de remise de Palme à Cannes. Cinéma encore lors d'une virée à Tours à l'invitation de Bernard Aimé ou en neuf trois pour un tournage de Jean-Pierre Sinapi (qui lui confiera un petit rôle). Valérie, souvent accompagnée de son inséparable amie Tina Hurtis, faisait la navette entre moult endroits pour collecter des dessins de Pierre Cornuel, Cattaneo ou de Mœbius. Elle pouvait s'aventurer dans le brouillard des Alpes Mancelles pour récupérer des disques fraîchement pressés vers 3 heures du matin et les livrer à 9 heures à Olivier Gasnier qui recevait Jacques Thollot pour la sortie de son disque. Début 1999, Sons d'Hiver : moteur pour toutes sortes de transports d'Incontrolados, de flamenquistes (Miguel Linares, Joaquin Escudero, Sharon) et de rappeurs (Kabal, Spike). Tant de rencontres, de rires, d'émotions, d'épisodes entre terre et mer, d'Island Songs de Mike cooper, le fil des jours, habitat de l'imaginaire. Ce que l'on veut beau.

Valérie cherchait du côté de la beauté, elle avait le sens fécond du voyage, comme en attestait sa jolie conduite, sa conduite de vie. Elle savait que notre tout est là : les voyages concernent la vie, ils facilitent une partie de ses lignes poétiques, la révélation du réel (et ses petites expulsions), mais pas d'un absolu dont nous n'avons que faire. Les voyages sont des fragments pour dire un peu de tout, tenter de l'assembler, sentir le vent de la vie elle-même jusqu'au désir, un vent d'une vivacité fulgurante, la liberté en situation.

La route des archipels à relier ? Une relation dont Valérie connaissait bien le simple secret, une formule aussi ancienne que l'humanité mais que le plupart de nous tanguent à ne plus trop savoir.

Photo de Valérie et sa Coccinelle : JR