Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

31.3.17

BARRE PHILLIPS DEUX FOIS LE 31 MARS


Vendredi 31 mars, spécial Barre Phillips avec la sortie musicale de théâtre et de cinéma avec les publications de "No Man's Zone" (Cinénato), musique composée en 2011 par Barre Phillips et interprétée en duo avec Emilie Lesbros pour le film de Toshi Fujiwara consacré aux suites de la catastrophe de Fukushima et "La vida es sueño" (Wan+Wan), opéra improvisé en 2015 par Barre Phillips et l'ensemble EMIR (Patrice Soletti - Laurent Charles - François Rossi - Emilie Lesbros - Lionel Garcin - Emmanuel Cremer - Anna Pietsch - Charles Fichaux) d'après l'ouvrage de Pedro Calderón de la Barca.

No Man's Zone
La vida es sueño

21.3.17

BERRY SCOPE

La tendance à tailler l'histoire pour faire l'éloge des gens est assez pénible. Oui Chuck Berry a écrit quantité de chansons formidables, oui il a créé quelque chose d'unique qui a fasciné bien des musiciens qui s'en sont servi (profondément mais assez brièvement) comme point de départ de leur création, mais non il n'est pas le créateur du rock'n'roll comme on l'entend dire partout depuis trois jours. Le terme et la musique existaient déjà lorsque Chuck Berry surgit avec "Maybellene" en 1955. "Rocket 88" enregistré par Ike Turner et Jackie Brenston date de 1951 (repris la même année par Bill Haley). C'est alors que le terme rock'n'roll apparait (par la voix d'Alan Freed) pour enfin nommer une musique qui elle existe depuis dix ans avec Louis Jordan.

17.3.17

GÉRARD TERRONÈS

Gérard Terronès nous a quittés hier. L'homme au chapeau à l'activité incessante et à la fabuleuse foi en la musique a été une telle influence pour tant d'entre nous. Du Blues Jazz Museum à la Java en passant par le Gill's Club, le Totem, Jazz Unité, les disques Futura puis Marge, les tournées, les nuits du jazz à Massy ou à la Mutualité... tous ces moments qui nous ont tant nourris. Les mots manquent, la tristesse est immense.
On a tellement envie de lui dire merci.



Photo : © Christian Ducasse

16.3.17

HENRI CUECO

"Dialogue avec mon jardinier" d'Henri Cueco paru en 2004 (Le Seuil) est un livre étonnant, délicieux, gracieux, espiègle, tranquillement extraordinaire : une représentation de la lutte des classes et de la nature des hommes transportées par l'observation et les idées d'un jardinier et d'un peintre. Henri Cueco, Corrèzien d'origine espagnole peignait comme il pensait ou l'inverse ou les deux en même détente entre l'homme et le paysage. Il participait aux Papous dans la tête sur France Culture, émission à la poésie facétieuse et impertinente de type Oulipo. Fondateur avec Ernest Pignon Ernest du Syndicat national des artistes plasticiens, Cueco croyait en une culture populaire. Il nous a quittés le 13 mars et nos pensées vont aussi vers son fils Pablo.

Peinture : © Henri Cueco, Paysage dans la main, 1978 - Musée du Vivant

12.3.17

AUX ÉLÈVES DES QUATRE MOULINS
ET DE KERZOUAR




Chers et chères amiEs d'une région d'un bout du monde,

À l'invitation des associations Nautilis et Penn Ar Jazz, de vos professeurs et proviseurs, nous nous étions rendus avec Tony Hymas et Christophe Rocher dans vos classes le 6 décembre 2016. Ce jour-là, Tony Hymas avait joué une pièce dédiée au chef Comanche Quanah Parker puis, avec Christophe Rocher, un morceau fraîchement créé ce jour même : "Standing Rock 2016", qui allait être joué sur scène au Vauban le dimanche suivant avec Hélène Labarrière et Beñat Achiary. Nous avions ensemble échangé à propos de la musique comme langage et des différentes expériences qu'elle reflète, commente ou stimule. 

Standing Rock est le nom d'une réserve indienne à cheval entre les états américains du Dakota du Nord et du Dakota du Sud où vivent les Lakotas (communément appelés Sioux). Cette réserve, la sixième des États-Unis d'Amérique en superficie, est aussi célèbre car elle fut la terre de Sitting Bull, qui y fut tué par la police en 1890, ce qui précipita les événements qui allaient se conclure tragiquement par le massacre de Wounded Knee où furent décimés entre 300 et 400 Lakotas par le 7e de Cavalerie. Cette réserve est également celle de Vine Deloria jr, activiste, historien et écrivain indien dont l'ouvrage Custer died for your sins, publié en 1969, eut une influence considérable sur la naissance de l'American Indian Movement et le renouveau indien. L'an passé, cet endroit qui compte à peine 10 000 habitants vivant souvent dans la pauvreté fut le théâtre d'une lutte exemplaire pour la vie, pour la nature, pour l'histoire et pour l'espoir.

Début avril, les habitants de Standing Rock ont commencé un combat pour empêcher la proximité de la traversée d'un oléoduc nommé Dakota Access Pipe Line (DAPL), entreprise de la société texane Energy Transfer Partners financée par 17 banques (dont 4 françaises). Le DAPL traverserait quatre états sur 1 900 km avant d’être raccordé à un autre oléoduc afin d'alimenter les raffineries du golfe du Mexique. Le trajet initial prévoyait de passer près de la ville de Bismarck, mais au vu de l'inquiétude provoquée (les risques de pollutions étant très élevés), il a été révisé pour passer à proximité (moins d'un kilomètre) de la réserve indienne. Son coût initial est estimé à 3 700 000 dollars.

Conscient du danger écologique majeur (il s'agit du transport d'un peu moins de 600 000 barils de pétrole par jour - les précédents accidentels sont nombreux), de la violation de sites ancestraux (les limites de la réserve sont par traité bien plus larges que celles effectives par confiscations successives), les membres de la tribu ont invité les représentants d'une centaine d'autres tribus indiennes de tous les Etats-Unis. Des milliers d'indiens, mais aussi de soutiens se sont ainsi retrouvés pour s'opposer aux travaux en cours. Cette lutte est rapidement devenue synonyme de la défense absolue de l'eau indispensable et d'une autre façon de partager nos vécus. Black Lives Matter, nouveau mouvement noir fondé après le meurtre de Michael Brown par la police de Ferguson, se montra également un soutien actif. Malgré la répression très violente (de la police et des services de sécurités privés) et les arrestations nombreuses, un gigantesque campement fut installé pour plusieurs mois. Le 5 décembre, alors que le camp devait être évacué par la force et que 2000 vétérans indiens avaient afflué à Standing Rock comme bouclier des opposants au DAPL, l'administration retirait in extremis le permis de forer. La nouvelle était d'importance mais provoqua une joie mesurée. On savait bien que le nouveau président élu, était forcément favorable au projet puisqu'y ayant des intérêts personnels. Une amertume aussi : cette décision prise quelques années auparavant aurait eu une issue toute autre. Ce n'est pas nouveau : le monde politique et ses relations vivent en un autre temps.
 
Le 6 décembre, jour de répit à Standing Rock, nous étions ensemble en pays de Brest à échanger sur tout cela, sur la relation que des gens de musique pouvaient avoir à ce type d'événement, ce qu'ils pouvaient modestement un peu éclairer. Nous avons tous appris les uns des autres ce jour-là, plus que par nos paroles. J'y ai souvent pensé.

"Ils nous faisaient beaucoup de promesses, plus que je ne peux me rappeler, mais ils n’en ont jamais tenu qu’une seule ; ils ont promis de prendre nos terres, et ils les ont prises."
Mah’piua Luta (Red Cloud - chef lakota oglala)


Le nouveau président, dès sa prise de fonction, ordonna la reprise des travaux et le camp fut évacué le 23 février 2017. Les occupants, encerclés par la police en surnombre, mirent le feu au camp avant de se retirer pour ne pas voir les bulldozers le détruire. Refus de cette humiliation-là après ces mois de vie exemplaire, ces mois de solidarité où la vie prenait un nouveau sens.

C'est naturellement que j'ai pensé à vous lors de ces récents épisodes. À cette journée où s'était doucement inscrite votre essentielle jeunesse, cette journée où même si j'étais le plus bavard, c'est vous qui m'avez appris, ce type de journée que l'on n'oublie pas car la vie est faite de ces moments d'échanges inattendus où se mêlent les souvenirs, les métaphores du réel, une altération salutaire, une douce insurrection naturelle. En quelques instants et toutes proportions gardées quelque chose de parallèle au camp de Standing Rock, qui nous laisse espérer la vie. La vie nôtre lorsque nous le voulons.

Cette semaine, les Lakotas et leurs amis ont marché sur Washington, ils y ont manifesté et planté quelques tipis à deux pas de l'arrogante Maison Blanche sur le National Mall. Façon de continuer l'action, façon aussi de ne pas faire taire l'histoire populaire.




Nous avons tant à faire ensemble.

Amitiés fraternelles,

Jean

Un grand merci aux professeurs d'anglais Marine Carval, Stéphanie Cohier, Lydie Le Lann et aux principaux Pascal Coignec, Olivier Hureau et Eric Salaun, aux collèges des Quatre Moulins à Brest et à celui de Kerzouar à Saint Renan ainsi qu'aux équipes de Nautilis et Penn Ar Jazz.

Photo : DR et B. Zon

10.3.17

COMPTES COURANTS

BNP Paribas (450 millions de dollars), Crédit agricole (120 millons de dollars), Société générale (120 millons de dollars) et Natixis (180 millons de dollars) : quatre banques françaises (parmi les 17) qui ont investi dans le Dakota Access Pipeline. Investissement destructeur de la vie, investissement contre l'histoire, contre le futur, investissement raciste aussi.


Mais les banques, comme les cimentiers, ne font pas de politique c'est bien connu !

4.3.17

MISHA MENGELBERG

La Free Music, celle qui dessinait de nouveaux axes libres se jouant de leurs propres définitions, de leurs propres attaches, a connu d'invraisemblables horizons grâce à des baladins hallucinants. Le duo Misha Mengelberg - Han Bennink en a éclairé de beaux jours tant leur complicité dépassait l'entendu. Avec Willem Breuker, ils avaient fondé Instant Composers Pool. Misha Mengelberg aimait les chats (il pensait qu'ils étaient les meilleurs pianistes), les échecs, et sa malice ingénieuse lui permettait bien des parcours, de Monk à Fluxus, de Dolphy à l'oublié Herbie Nichols, en osant toutes les pirouettes et toutes les réflexions où l'absurde dit vrai. Misha Mengelberg nous a quittés hier. 

 Photo : © Francesca Patella (Muziekencyclopedie)

3.3.17

ENFANTS CONTRE L'INFÂME

Au moment où l'imbu monde adulte opte pour l'extinction du simple sentiment de justice, où il parade avec des sacs de soldes de l'expérience humaine (énième démarque), où il encourage l'étouffement léthargique et la disparition des couleurs, au moment où des hommes exhibent la pire mistoufle intellectuelle dans le feuilleton d'un intolérable vaudeville électoral, il est des enfants comme ceux que l'on voit depuis quelques semaines dans les rues de Paris, de sa banlieue et d'autres villes de France, qui se lèvent vigoureusement pour la justice et pour la vie, avec bonheur. Comment ne pas saluer et accueillir pleinement ces sauveteurs véritables, embrasser ce qu'ils nous offrent ?






Peinture : George Demetrescu-Mirea