Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

26.8.19

MATTIOLI C'EST FINI


Nos camarades d'Un Drame Musical Instantané avaient eu la bonne idée, pour leur album Qui Vive ? (Grrr 1989), de confier la couverture au dessinateur Massimo Mattioli, créateur de M le Magicien, Pinky, Frisk the Frog, Superwest, Joe Galaxy, Awop-Bop-Aloobop et les fameuses aventures de Squeak the mouse, sorte d'interprétation survoltée (pour dire le moins) de Tom et Jerry avec chat et souris explosivement déjantés. Au dos de Qui vive ?, le chat disait : "c'est fini, il est mort". Mattioli vient de nous quitter.

22.8.19

LE MONARQUE, VICTOR HUGO,
ET LE BULLETIN MÉTÉO

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"Quelques ondées sont encore à craindre" entend-on par la voix de la speakerine du bulletin météorologique lors des émissions matinales de France Inter, radio nationale, en début de semaine. Si les ondées, seules, sont "à craindre", alors le reste de l'actualité devra être très cool. La semaine précédente, la même nous prévenait : "Le soleil est en guerre avec la pluie" et son alter ego, présentateur des informations lui passait auparavant le micro en prévenant : "Pas très sexy la météo aujourd'hui !". Sur les mêmes ondes, l'hiver dernier : "Le froid embusqué à Strasbourg." Le climat, c'est la guerre. Le réchauffement climatique, une bonne inquiétude à la mode, mais en théorie seulement. Depuis Charles X,  bourgeoisie et aristocratie recomposée ont progressivement imposé l'idée qu'il n'y aurait qu'une sorte de beau temps se situant au delà de 25° à l'ombre avec un ciel sans nuage. Certaines inventions comme le réfrigérateur ou même la télévision ont accentué cette conception de séparation de nos corps des conditions météorologiques en en rejetant toutes les variations (à l'exception de la neige utile pour confectionner des décors de Noël). Pas de bonne humeur sans beau fixe. Le beau temps est devenu le botox du mode de vie général. On ne vit plus avec le temps, on le craint ou on le maudit s'il ne correspond pas à l'image exacte. La moindre averse, le moindre refroidissement et c'est le début de l'apocalypse : la vigilance orange. Au printemps dernier, alors que la journée s'annonçait pluvieuse, un autre speaker radiophonique prévenait : "La journée va être déprimante". On peut gouverner tranquille. Ravageur idéal, le préjugé de beau temps a sinistrement triomphé de la raison humaine devenant l'allié principal de la déferlante touristique à l'objectif sournois s'appuyant en résumé sur ces termes souvent entendus : "Je me tue au travail toute l'année, ce n'est pas pour avoir un temps pourri en vacances". Si l'on vivait toute l'année, un mois d'averse serait autrement vécu. Du pain et des jeux remplacés par du bulletin météo. Pour un peu de sens libre, nous devrons bien réapprendre à nous conjuguer par tous les temps.

La restauration monarchique, l'empire et toutes les filiations bourgeoises se mettront en quête de transformation de villes et village sympathiques en casemates pour villégiature ensoleillée. Infernales et rentables. Biarritz est un cas typique. Modèle haut de gamme. Napoléon 1er aima s'y baigner en 1808 et Napoléon III opéra la transformation de cette charmante localité en capitale du "beau temps", faisant bâtir en 1854 un monumental palais attirant toutes les têtes couronnées d'Europe (dont Bismarck qui viendra faire un tour avant la Guerre de 1870 - ça donne une idée). Victor Hugo alertait dans le tome II de En voyage : "Rien n’est plus grand qu’un hameau de pêcheurs, plein des mœurs antiques et naïves, assis au bord de l’océan (...) Rien n’est plus petit, plus mesquin et plus ridicule qu’un faux Paris". Emmanuel Macron, qui en 2016 n'était pas encore monarque, passa ses vacances à Biarritz et, comme l'endroit lui plu, le choisi pour organiser son G7 du 24 au 26 août 2019, pas la réplique de la compagnie de taxis parisiens créée en 1905, mais l'arrogante réunion des 7 pays plus ou moins les plus riches de la planète pompeusement qualifiés de "démocratie". Depuis son élection relative le consacrant autocrate pour cinq années, il affiche son goût pour les demeures royales ou impériales : Versailles, d'après lui "un lieu où la République s’était retranchée quand elle était menacée" 1 - sale temps pour La Commune -, ou le château de Chambord qu'il occupe plus souvent que François Ier. Pour son groupe des sept, le petit souverain, à la perversité d'une imagination appauvrie, a donc convié à Biarritz ses copains ou rivaux (en la matière c'est la même chose) : Donald Trump, Boris Johnson, Giuseppe Conte, Justin Trudeau, Angela Merkel, Shinzo Abe, tous à la tête de pays dit "riches". Pas vraiment le cas d'une partie importante de leurs habitants. Ces métayers du monde sont tellement certains d'être aimés du peuple qu'il faut tout de même 13200 policiers et gendarmes pour les protéger. Les touristes sont priés de quitter les lieux et les habitants d'obtenir un laisser passer dans "la ville qui sera certainement l'endroit le mieux protégé de la planète" selon son maire Michel Venac. Il parait que "la lutte contre les inégalités" est un des thèmes centraux de cette réunion dans la ville impériale. On s'étouffe. Le 18 décembre, lors d'une manifestation en opposition à la tenue de ce G7 à Biarritz, une jeune femme est blessée par un tir de flash-ball (triple fracture de la mâchoire). Des interpellations préventives ont déjà eu lieu, 300 places en cellule sont déjà réservées pour les 4 prochains jours et 17 procureurs sont de service. "Police partout justice nulle part", toujours Victor Hugo. 

L'escobarderie est énorme. Le beau temps pourrait faire place à l'orage. Toujours dans son tome II de En voyage, Victor Hugo s'interrogeait sur la remarque d'un bayonnais qui lui avait dit à son arrivée en gare, alors qu'il cherchait comment se rendre à Biarritz : "Monsieur, il est facile d’y aller, mais difficile d’en revenir."

1 Le retour des Versaillais




21.8.19

KIND OF BELOU ORCHESTRA
Photographies Gérard Rouy

Il est des lieux alternateurs de tempéraments vigoureux, des situations où le sol et les gens qui l'habitent offrent tous leurs reliefs dans la rencontre avec un réel rendu inapte à nier l'utopie d'un instant. À Treignac pendant 4 jours du 31 juillet au 3 août, le Kind of Belou Orchestra s'est constitué physiquement, amicalement et musicalement : Catherine Delaunay (clarinettes, cor de basset, lèvres, rires), Morgane Carnet (saxophones ténor et baryton, lèvres, rires), Nathan Hanson (saxophones ténor et soprano, lèvres, rires), François Corneloup (saxophone baryton, rires), Didier Petit (violoncelle, chant, lèvres, rires), Tony Hymas (clavier, lèvres, rires), Étienne Gaillochet (batterie, chant, lèvres, rires) rejoints par Anna Mazaud (chant) et D' de Kabal (chant-rap). Le jour du concert (3 août) c'est en riant quelques minutes que l'orchestre pénètre sur scène. Tous les sentiments sont permis jusqu'à la gravité tellement actuelle lorsque D'de Kabal dresse la liste des dernières et intolérables férocités policières avant que le groupe ne salue le résistant Addi Bâ 1. On y danse aussi, beaucoup, sans mise en garde, sans garde à vue, on se donne la réplique jaillissante, la poésie veille et on rit encore. Autant d'influences, de sources différentes, de parcours émotionnels, de questions turbulentes, de façons expressives, d'accents colorés, de débats en charades, de petits trésors et de secrets sans gêne historique alors mis en commun, quand un "est un autre"2 et tous ensemble. Vieux motto et pensée moins furtifs qu'il n'y paraît : un autre monde est possible "quand tous les belous s'y mettront". Des jours très heureux pour une musique aux larges et humaines aptitudes, une musique pour se lever... naturellement.

Gérard Rouy qui fut témoin de l'effervescence de la musique libérée au tournant des années 60/70, présent lors de cette vingtième édition de Kind of Belou a photographié quelques instants de cette effervescence là.

Merci aux insulaires treignacois et treignacoises de Kind of Belou, du Treignac Project et d'autres caravanes avec qui et par qui tout cela fut vécu et vit encore : Thierry Mazaud, Isabelle Vedrenne, Thierry et Isabelle Collet, Christelle Raffaëlli, Jean Agier, Jean-Paul Peyrat, Mona Guillerot, Joël Vaujour, Martine Fourniaud, Sam Basu, Liz Murray, Sylvia Cornet, Philippe d'Hauteville, Peter Marvel, Flavien Barouty et l'irrésistible Café du Commerce.

1 Répertoire détaillé et présenté ici
2 Artur Rimbaud 

  
  
 
 

Photographies © Gérard Rouy

17.8.19

PETER FONDA, (NOT SO EASY) RIDER

La famille Fonda est l'une des plus avisée du jeu des sept familles du cinéma. En 1971, Peter Fonda réalisait le western indiscipliné The Hired Hand (L'homme sans frontières) qui eut quelques problèmes avec la société productrice laquelle a viré le film au bout d'une semaine. Malgré ça (ou grâce à ça), le film est devenu un petit classique qui a inspiré pas mal de gens et non des moindres.

9.8.19

JEAN-PIERRE MOCKY

Jean-Pierre Mocky in Grandeur et décadence d’un petit commerce de cinéma de Jean-Luc Godard que l'on aperçoit comme une sorte d'ombre (celle d'un doute ?)

Ça devait arriver, comme un défi au défi d'être et ne plus être : Jean-Pierre Mocky n'est plus. Il y aura bien sûr un concert de louanges de gens qui ne regardaient plus ses films depuis longtemps ou qui même ne les revoyaient plus, des hommages aussi crétins et niais que celui de la ministre Muriel Pénicaud rendu à l'auteure Toni Morrison partie quelques jours plus tôt, des simagrées que Mocky aurait volontiers mises en scène d'un trait de couteau.

Jean-Pierre Mocky a réalisé 66 longs métrages, 43 téléfilms (à la Hitchcock), quelques courts métrages, joué comme acteur en quelques participations bien pointées (avec Georges Franju - dans un film qui est aussi le sien, Jean-Luc Godard, Jean Cocteau, Michelangelo Antonioni). Le compte n'est sans doute pas bon car d'autres films étaient en train de pellicule ou de papier (on parle d'un film sur les Gilets Jaunes et d'un autre sur la campagne de l'actuel locataire de l'Elysée). Au-delà d'anecdotes plus ou moins sidérantes, de moments de télévision somme toute anecdotiques, il a incarné, au sens le plus direct du terme, une vie de cinéma. Les spécialistes proclamés dissocieront certainement ses films remarquables - ses grands films mêmes - de ses bricolages fauchés. Si les moyens diffèrent d'un film à l'autre et que les trois dernières décennies furent celles d'une redoutable adversité, d'une certaine solitude pourtant très entourée (une impressionnante fidélité des acteurs et actrices dans tous les cas de figure), il s'agit bien d'un même élan, d'une même énergie, d'un même défi avec des traitements un peu différents au vu des moyens. Jean-Pierre Mocky est une nouvelle vague à lui tout seul, qui naît en 1959 avec Les dragueurs (qui fait rentrer l'expression dans le langage courant) pour s'échouer le 8 août 2019. À la différence de l'autre nouvelle vague qui naît en même temps, celle de Mocky est sans rupture avec le cinéma d'avant - ou de sa continuité. Il se montre accueillant avec ses réfugiés (Bourvil, Victor Francen, Charles Vanel, Micheline Presle, Michel Serrault, Élina Labourdette, Francis Blanche, Denise Grey, Jean Poiret, Michel Simon, Michel Galabru, Raymond Rouleau, Jacqueline Maillan, Alexandre Rignault ...) autant qu'avec les nouvelles figures (Véronique Nordey, Charles Aznavour, Jacques Charrier, Michael Lonsdale, Jeanne Moreau, Catherine Deneuve, Carole Laure, Eddy Mitchell, Stéphane Audran, Patricia Barzyk, Philippe Noiret, Eva Darlan, Alberto Sordi, Jacques Dutronc, Dominique Lavanant, Andréa Ferréol, Jean-François Stévenin, Emmanuelle Riva, Anne Deleuze, Catherine Leprince, Bernadette Lafont, Béatrice Dalle, Richard Bohringer, Jane Birkin, Sabine Azéma...). Pourtant chez Mocky, tout explose, rien de pathétique, les acteurs figurent ce qu'ils sont sans se soucier d'intérioriser (mais peut-être est-ce parfois leur petit chagrin : on se souvient de Fernandel et Heinz Rühmann assez paumés en 1965 dans La Bourse ou la Vie), l'incarnation est purement cinématographique (d'une autre façon que chez Robert Bresson, mais in fine toute aussi forte). Certains acteurs et actrices spécifiquement mockystes en portent les repères : Jean-Claude Rémoleux, Marcel Pérès, Jean Abeillé, Sylvie Joly, Antoine Mayor, Marcel Pérès, Dominique Zardi, Roger Legris, Rudy Lenoir, Sophie Moyse, Jacques Legras, Roland Blanche, Olivier Hémon, Eric Dod, nos amis Jac Berrocal ou Violeta Ferrer ou même Noël Roquevert (du cinéma "d'avant").

Si on se délecte de voir et revoir La Cité de l'indicible peur, Les Compagnons de la marguerite, Un drôle de paroissien, Solo, L'Albatros, L'Ibis rouge, Le Témoin, Litan, Y a-t-il un Français dans la salle ?, Le Miraculé, À mort l'arbitre, Bonsoir, Noir comme le souvenir, Grabuge, Le Deal, Le Renard Jaune...,  on sera tout autant saisi par l'ascendant cinématographique de n'importe quel film de Jean-Pierre Mocky. Dans cette "espèce d'encyclopédie du genre humain", selon ses propres mots, le chahut est total, les charges dépourvues de cajoleries, l'invention risquée, l'ailleurs implacablement là, le fantastique révélateur, la marge explosive, le décalage agressif, le romantisme sans réplique, les marmites bouillonnantes, les bourgeois à vomir. L'enfance y reprend tous ses droits. Les autorités hypocrites en prennent pour leur grade. "Je ne veux pas avoir une morale, je ne suis pas meilleur que les autres, par conséquent je ne peux pas dire aux gens 'faites ci ou ça', par contre je peux, à travers des fables où un personnage fait ce que moi, je voudrais faire, indiquer des façons d'arranger certaines choses" confiait-il en 1989.

Ce franc-tireur, pour reprendre une expression commode - comme le sont quelques autres gens de cinéma : Jean-Luc Godard (au bout du conte, sorte de marginal de la Nouvelle Vague), Jean-Louis Comolli ou Jacques Rozier, comme l'était Agnès Varda - qui achetait des cinémas (Le Brady, l'Action École) pour projeter ses films et faire la nique aux "emmerdeurs opportunistes" a inventé en toute autonomie un cinéma du déménagement permanent du même endroit, un irrécupérable et salutaire non conformisme.


5.8.19

PRÉSENTATION DU RÉPERTOIRE
DU KIND OF BELOU ORCHESTRA


KIND OF BELOU ORCHESTRA
Treignac le 3 août 2019
Orchestre sans chef avec :
Catherine Delaunay (clarinettes)
Morgane Carnet (saxophones)
Nathan Hanson (saxophones)
François Corneloup (saxophones)
Didier Petit (violoncelle)
Tony Hymas (clavier)
Étienne Gaillochet (batterie, chant)

Invités :
Anna Mazaud : chant
D’ de Kabal : rap

À 20 ans, "On a des réserves de printemps / Qu'on jetterait comme des miettes de pain / À des oiseaux sur le chemin" (Léo Ferré)

Il y a 3 fois 20 ans, Miles Davis enregistrait Kind of Blue[1], album promu à un raisonnable succès qui s'entendit jusque dans le massif des Monédières, territoire des Belous, peuplade fervente de résistance qui a le sens du blues, n'en déplaise à Jules César qui provoqua un incendie pour se débarrasser des druides.

Belou, c'est un appel de berger, un individu solitaire, un joli bébé, un petit mouton ou une bête sauvage, une amoureuse, un buveur de bière, un voyou ou même un dieu chevauchant les nuées. Des Belous, il en est donc de plusieurs kind, au fond toutes complémentaires.

Il y a 1 fois 20 ans, au pied des Monédières à Treignac, naissait le festival Kind of Belou et voici venu, 20 ans après, comme diraient les trois mousquetaires qui cette fois seront 7, à moins qu'on ne les compte par 9, le Kind of Belou Orchestra qui résoudra l'équation sans se priver d'en poser d'autres : comment mettre 20 ans dans un orchestre, comment y mettre une définition, un paysage, des danses d'ici et d'ailleurs, des visions d'antan, des souvenirs futurs, des luttes d'ici et maintenant ?

Répertoire

The Vikings
Composition : Mario Nascimbene (1958) - Arrangement : Catherine Delaunay
Des Vikings en pays belou ? Drôle d’introduction. Certes, il y a des Vikings dans le Kind of Belou Orchestra qui viennent du Minnesota ou bien qui vont revoir leur Normandie après chaque séjour corrézien. D’aucun pourrait y voir quelques excités de la trompe songeant à déferler sur Fort Lalatte en riant très fort [2]. Mais plus simplement, il s’agit peut-être de l’emprunt d’un beau cri de ralliement pour les rêves enfantins.

Move
Composition : Jef Lee Johnson (2005) - Arrangement : Tony Hymas
Jef Lee Johnson, musicien de Philadelphie, est venu pour la première fois à Kind of Belou en 2006 avec Ursus Minor et y est revenu en 2012, quatre mois avant de nous quitter [3]. En 2015, à Treignac, Ursus Minor enregistrait sa composition « Move » avec la chanteuse Ada Dyer. [4]
« Time is never still and so you know you got to move »

Bruyères corréziennes
Composition : Jean Ségurel - paroles Jean Leymarie (1936)
Arrangement : François Corneloup
En 1936, le Front Populaire fait rêver la France un trimestre, en Espagne anarchistes et antifascistes font échec au coup d’état nationaliste, une porte de beauté s’ouvre mais le rêve tournera court, annonciateur d’un cauchemar gigantesque. Adolf Hitler présente la Volkswagen et l’Allemagne nazie se militarise à l’extrême. En Corrèze, Jean Ségurel rêve aux Monédières, sorte d’île tranquille pleine de bruyères bientôt confrontée à l’infernal tumulte.

All belous
Incl. « Les Fiancés d’Auvergne », André Verchuren (1961), « All Blues » Miles Davis (1959)
Arrangements : Catherine Delaunay - Nathan Hanson
En 1959, Miles Davis écrivait un « All Blues » à la capacité fort enveloppante d’évoquer tous les blues, ou mieux, de saisir le blues de chaque occasion. André Verchuren en eut-il vent lorsqu’il composa « Les Fiancés d’Auvergne » deux ans plus tard ? Les deux thèmes partagent une phrase commune et Treignac en sera enfin le lieu dépositaire. 

Give chance a chance to surprise you
Composition, paroles : Étienne Gaillochet (2019)
Comme plusieurs membres du Kind of Belou Orchestra, Étienne Gaillochet a joué en plusieurs points limousins signifiants (Treignac, Tarnac, Tulle, Limoges…). La logique beloue ne lui échappe donc pas. Donner à la chance la chance de nous surprendre pourrait bien être un motto avéré de l’histoire limousine.

La Paloma
Composition : Sebastián Iradier (1863) - Arrangement : François Corneloup
« La Paloma » est l’un des thèmes les plus populaires de l’histoire, bien avant son premier enregistrement phonographique en 1899. Il en existe plus de 2 000 versions où le bel oiseau blanc se pose ci et là au gré du vent, des tempos des bateaux filant dans l’océan ou de mortelles randonnées quand le souvenir perdure « n´oublie pas je t´aime ».

Free style avec  D’ de Kabal
Paroles : D’ de Kabal - Composition et arrangements collectifs (2019)
« Ma colère est mienne, est une et indivisible, incassable, incorruptible ». D’ de Kabal a rencontré Tony Hymas et François Corneloup dans le Zugzwang [5] d’Ursus Minor en 2003. Étienne Gaillochet a été le batteur du groupe de D’de Kabal : « Ma colère ». D’ a passé une année avec les élèves du collège Lakanal à Treignac. Un moment de carrefour qui ne rond point.

Addi Bâ
Composition : Tony Hymas - paroles Sylvain Girault (2013)
Addi Bâ, tirailleur d'origine guinéenne, devint chef du premier maquis vosgien, et fut fusillé le 18 décembre 1943. Son portrait figure dans Chroniques de Résistance, l’album de Tony Hymas, pensé et réalisé à Treignac avec ses compagnons : Nathalie Richard, Frédéric Pierrot, Elsa Birgé, Desdamona, François Corneloup, Journal Intime, Pete Hennig. Un album dédié aux résistants du passé, du présent et du futur.

Sung in Vain
Composition : Nathan Hanson (2009) - Auteur : Kid Dakota
« No melody could ever reach him ». Composée par Nathan Hanson et Kid Dakota pour un album saluant Leonard Cohen[7], la chanson « Sung in Vain » se défie elle-même car la mélodie en a touché plus d’un et une au point d’ailleurs de devenir un standard de la Fanfare des Belous. 

La semaine sanglante (version beloue 2019)
Composition : Jean-Baptiste Clément sur un air de Pierre Dupont (1871)
Arrangement : Tony Hymas
Il est de belles chansons qu’on espérerait n’avoir plus aucune actualité. Ce n’est pas le cas avec « La semaine sanglante », écrite par Jean-Baptiste Clément au lendemain de l’écrasement de la Commune de Paris. La version beloue reprend quatre couplets avec une légère modification du texte final.

Belou, blue, blues
Composition : Catherine Delaunay (2018)
Dans son énumération des « Hommes sans visage, bas les masques », le Sous Commandant Marcos[8] disait être « gay à San Francisco, noir en Afrique du Sud, asiatique en Europe, chicano à San Isidro, anarchiste en Espagne, palestinien en Israël, indigène dans les rues de San Cristóbal, (…) féministe dans les partis politiques, communiste dans l’après-guerre froide, prisonnier à Cintalapa, pacifiste en Bosnie, Mapuche dans les Andes (…), artiste sans galerie ni portefeuille, maîtresse de maison un samedi soir dans n’importe quelle colonie de n’importe quelle ville de n’importe quel Mexique, guérillero dans le Mexique de la fin du XXe siècle, journaliste bouche-trou dans les pages intérieures, (…) femme seule dans le métro à 22 heures, paysan sans terre, éditeur marginal, ouvrier au chômage, médecin sans cabinet, étudiant non conforme, dissident du néolibéralisme, écrivain sans livres ni lecteurs, et, pour sûr, zapatiste du Sud-Est mexicain ». Se risquerait-on à dire qu’un Belou pourrait avoir été ou pourrait être gilet jaune sur les ronds-points, gilet noir au Panthéon, zadiste à Notre-Dame-des-Landes, jeune fêtard à la fête de la musique à Nantes, immigré à Lampedusa, indien au Brésil, résistant en Corrèze, Communard à Paris, juif dans le ghetto de Varsovie, bluesman dans le Delta du Mississippi ? En tout cas, les Belous, le blues, ils connaissent. Catherine Delaunay, bien à l’écoute de leurs sentiments, en a composé un pour la treignacoise Fanfare des Belous.

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Une fantaisie issue de la complicité fraternelle
du festival Kind of Belou et des disques nato.



[1] Kind of Blue, Miles Davis (Columbia, 1959)
[2] The Vikings, Richard Fleischer (1958)
[3] Thisness, Jef Lee Johnson (Hope Street – nato 2005)
[4] What matters now, Ursus Minor (Hope Street – nato 2016)
[5] Zugzwang, Ursus Minor  (Hope Street – nato 2003)
[6] Chroniques de résistance, Tony Hymas (nato 2014)
[7] How the Light gets in, Fantastic Merlins with Kid Dakota (Hope Street – nato 2010)
[8] Depuis les montagnes du sud-est du Mexique (éditions Les Ecrits Des Forges)

Photo : B. Zon