Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

28.2.11

LA LUNE SE TERRE


"La lune est pleine et on ne sait pas qui l'a mise dans cet état".
Alphonse Allais

Photo : B. Zon

27.2.11

PORTES À FAUX


Que dire après l'écœurant discours de l'empereur ce dimanche soir ?

Le souvenir d'une photographie prise dans les rue de Paris hier ?


Photo B. Zon


LES RÉVOLUTIONS SORTENT, NON D'UN ACCIDENT, MAIS DE LA NÉCESSITÉ *






* Victor Hugo

Photos de la manifestation parisienne du 26 février 2011 : B. Zon


26.2.11

L'IMAGINATION N'EST PAS AU POUVOIR (...)


À Tripoli, le colonel Khadafi déclare que les manifestants contre son régime assassin, autoritaire et dictatorial sont "sous l'emprise de la drogue". Le président du Yémen, autre "interprète très particulier des droits de l'homme" Ali Abdullah Saleh décrit (croyant faire peur, il apporte de bonnes nouvelles...) le soulèvement contre son pouvoir comme "anarchiste ". Tunisiens et Egyptiens ont rêvé et bougé en grand en plaçant l'imagination à un autre niveau que les sinistres guignolades de pouvoirs en mal d'épouvantails. Au Bahrein, au Yemen, en Libye où la violence policière est des plus meurtrières, mais aussi en Algérie, en Chine, au Maroc, dans le Wisconsin (USA), l'inspiration est grande et de la taille de l'humanité. Et nous, quand allons nous redevenir "nous" ?

24.2.11

SUR LA ROUTE DE MADISON (WISCONSIN)



Madison, Wisconsin, la semaine passée, Tom Morello a choisi de soutenir les 75 000 personnes (et le nombre croît avec le soutien d'arrivants d'autres États) venues de tout l'État manifester leur colère contre les projets du nouveau gouverneur républicain, Scott Walker, consistant à diminuer considérablement prestations et salaires des fonctionnaires de l'état et employés municipaux et abroger le droit de convention collective inscrit dans la législation, et ce après avoir voté récemment la suppression de la quasi-totalité des impôts touchant les très grandes entreprises.

Jerry Smith écrit ce jour sur le site WSWS : "Les tensions sociales ont atteint à présent un point de rupture. Depuis l’éclatement de la crise financière il y a deux ans et demi, plus de 26 millions de travailleurs n’ont pu trouver un emploi à plein temps. Les gouvernements d’Etat, tant sous les Démocrates que les Républicains, réagissent aux déficits budgétaires en fermant les écoles, les bibliothèques, les cliniques et autres établissements publics et en perpétrant des attaques contre les travailleurs de la fonction publique et des municipalités. Entre-temps, les cours des actions à Wall Street ont enregistré une reprise complète depuis le krach de 2008 et les entreprises et leurs PDG sont plus riches que jamais. Le président Obama a refusé d’octroyer un centime d’aide aux travailleurs qui ont perdu leur emploi, leur maison et leurs économies. Au lieu de cela, pour payer le sauvetage de Wall Street, l’extension pour les riches des réductions d’impôts de l’ère Bush et pour la machine de guerre du Pengatone, il a exposé les grandes lignes de projets destinés à supprimer mille milliards de dollars de services sociaux qui sont d’une importance vitale. Et ce n’est là que le début. L’émergence d’une lutte de classe ouverte révèle au grand jour les mythes propagés par l’establishment politique. Parmi ces derniers figure celui du soi-disant soutien de masse pour le mouvement du Tea Party. En grande partie une création des médias attisée par des millions de dollars issus de patrons milliardaires, les partisans du Tea Party du gouverneur Walker n’ont pu rassembler samedi à Madison qu’une petite foule de partisans démoralisés. Le sentiment populaire écrasant exprimé par presque toutes les personnes rencontrées en ville, était de soutenir les protestations. Un nombre de questions politiques sérieuses se posent aux travailleurs du Wisconsin. L’objectif immédiat des manifestants est Walker, représentant incorrigible des entreprises et des intérêts les plus réactionnaires. Pour le gouverneur, la destruction des droits des salariés de la fonction publique est une question de principe et un moyen d’institutionnaliser une quasi dictature sur le lieu du travail".

Cette fois-ci le peuple a choisi de passer outre la médiation de syndicats canalisant les luttes ici comme ailleurs. Métallos et enseignants (qui ont rejeté les injonctions syndicales à reprendre le travail aujourd'hui) sont unis dans une même lutte. "Enough is enough"

Le gouverneur Walker a placé la Garde nationale en alerte contre la résistance populaire. Il y a un précédent dans l'état du Wisconsin, le 1er mai 1886 lors des luttes pour la journée de huit heures, la Garde nationale avait ouvert le feu et tué 7 manifestants.

Aux grévistes de Madison, Tom Morello, insistant aussi sur les nécessités d'une lutte internationale, a lu une lettre de soutien d'un ami du Caire.

À lire : The Death of Capitalism: Is Scott Walker helping build a "better world?" par Rich Broderick

Photo extraite d'un petit film où Tom Morello chante "World Wide Rebel Songs" après avoir lu la missive cairote



18.2.11

ANTOINE DE BAECQUE, JEAN-LUC GODARD
ET LES MUSIQUES
DES DERNIERS DES MOHICANS*



Si la biographie écrite est un genre aussi difficile que l'expédition de Thésée pour venir à bout du Minotaure, s'attaquer à celle d'un animal type Jean-Luc Godard, une vie où il y a tant de joués et de déjoués, de théâtre et son double, d'attachements et de détachement, pourrait sembler aussi raisonnable que pour Hercule, attraper le sanglier d'Érymanthe après avoir mis à bas l'Hydre de Lerne et avant de battre à la course la biche de Cérynie.

Antoine de Baecque s'y est risqué avec un succès indéniable. Son Godard biographie (Grasset) est une franche réussite loin de toute godardolâtrie, avec beaucoup de précision, de mises en relations de ces drôles de mélanges de fragilité et d'assurance de tendresse et de cruauté, d'enfance et d'innocence brulée, et d'éclairages qui peuvent surprendre en tous sens et à tout moment. De quoi reconsidérer bien des certitudes à propos de ce cinéaste essentiel à son art.

Petite frustration tout de même, l'absence de détails ou de clés concernant les choix musicaux de Godard ou plus précisément sur sa relation avec les compositeurs des musiques de ses films. Le passage sur Pierrot le Fou ne mentionne pas Antoine Duhamel, celui sur Sauve qui peut (la vie) ignore Gabriel Yared (pourtant le dernier compositeur utilisé par le réalisateur - qu'est ce qui décide Godard à utiliser des emprunts ensuite ?), celui sur Le Mépris expédie Georges Delerue. On sait simplement que seul Paul Misraki (pour Alphaville) avait trouvé grâce à ses oreilles dans les années 60. Mais on aimerait tout de même en savoir plus, puisqu'il existe des photographies de Godard discutant avec ces gens, vivant avec ces gens. Pourquoi Godard manque le free jazz en 1960 en choisisant le Melvillien Martial Solal ? Quoi qu'on en dise, quoi que JLG in person en dise, ces musiciens ont aussi porté leur empreinte puissante dans le souvenir de pas de géant comme Pierrot le Fou, Le Mépris ou même À bout de souffle. Ce ne sont pas de minces exemples. Ce n'est pas rien la musique chez Godard. De même, on ne comprend pas vraiment l'éloignement du projet "Eicher" pour Notre Musique et la drôle d'amourette entre Manfred et Jean-Luc.

Et puisqu'on en est à Notre Musique (film important trop sous estimé), tout de même, il y a quelque chose, un tout petit détail, d'un peu choquant à lire page 791 "... qui donne à Godard l'idée de convier trois vrais indiens Sioux en tenue de combat...". Si comme le dit le cinéaste suisse "Le vrai contrechamp des palestiniens, c'est sans doute moins Israël que les Indiens", alors les indiens sont passés dans le contrechamp du contrechamp, le hors champ total avec si peu de considération. Il serait bien choquant en effet de lire "... qui donne à Godard l'idée de convier trois vrais Palestiniens..." ou "... qui donne à Godard l'idée de convier trois vrais Israëliens...". Ça ne passerait heureusement pas, alors pourquoi cela devrait-il "passer" pour les indiens ? Ne peut-on en finir véritablement avec la contre-histoire fabriquée à Hollywood. L'indien se doit d'être authentique sinon il n'est pas et son authenticité est faite de détails fabriqués par ses colonisateurs même. Comme ces imaginaires tenues de combat invoquées ici (non nommées dans le film qui aurait mérité d'avoir à cet endroit meilleur contour, le biographe en fait trop - ce qui ne lui ressemble pas - dans la grandiloquence momentanée et en sait trop peu sur les peuples en questions, du coup, il johnfordise). La présence de ces indiens est une clé forte du film. On dira que c'est couper les cheveux quatre mais un simple : "... qui donne à Godard l'idée de convier trois indiens..." aurait avec force fait l'affaire. Pas de "vrais" Sioux (terme impropre hérité d'une injure mal comprise par des trappeurs français pour désigner Lakotas, Dakotas et Nakotas) dans Notre musique vrai film, mais trois comédiens figurant de façon (trop) stylisée les membres d'un même peuple : George Aguilar acteur français d'origine apache (mari de Josiane Balasko à la ville), Leticia Gutierrez actrice mexicaine, et Ferlyn Brass d'origine ojibway, ex animateur du Buffalo Bill Wild West Show chez Disney à Marne la Vallée. Le cinéma peut tout, mais il ne peut pas encore tout dire.

Ce détail, aussi infime que la parole des opprimés, ne devrait pas gâcher le plaisir des 929 autres pages de cet excellent ouvrage. Pour Godard et la musique, il y aura peut-être un jour un complément en attendant Godard et les indiens.

* Les mohicans sont une tribu inventée de l'auteur James Fenimore Cooper à partir d'une sorte de mix culturel entre Mahicans et Mohegans

17.2.11

LA RÉVOLUTION FACEBOOK



"Un artiste danois a été temporairement exclu de Facebook pour avoir mis sur son profil le tableau L'Origine du monde de Gustave Courbet, et avoir de la sorte contrevenu au règlement du réseau social." Le Monde 16 février 2011

Patience, nous ne sommes pas encore en 1871...


Liens : Tony Hymas De l'Origine du monde

Merci Christian

Photo : B.Zon


15.2.11

LUCHON 2011




Palmarès du 13e Festival des créations télévisuelles de Luchon :
- Prix de la meilleure musique originale : Tony Hymas pour Une vie Française (France 2)
- Prix du meilleur réalisateur : Jean-Pierre Sinapi pour Une vie Française (France 2)

Jury présidé par Zabou Breitman

Une vie Française, un film de Jean-Pierre Sinapi avec Jacques Gamblin et Pauline Etienne, produit par Florence Dormoy.

Musique interprétée par Davina Sowers, Tony Hymas, Erik Fratzke, JT Bates, Brian Roessler & Matt Turner et enregistré par Steve Wiese et Miles Hanson.

C'est en 1996 que Jean-Pierre Sinapi fit, pour Un arbre dans la tête son premier film , appel à Tony Hymas. L'écoute d'Oyaté et Left for Dead l'avait inspiré. Ce film sensible, scénarisé par Colo Tavernier, faisait la part belle à deux adolescents remarquables : Gérald Thomassin (déjà vu dans Le petit Criminel de Jacques Doillon) et Stanislas Crevillén. La musique était jouée par Tony Hymas bien sûr, mais aussi par Noël Akchoté, Steve Argüelles, Marie Thollot, Kader l'Aktivist et Tina Hurtis. Jean-Pierre Sinapi a fait une dizaine de films depuis (dont son très réfléchi L'affaire Ben Barka). Offrant toujours une belle place à la musique, il a ensuite travaillé avec différents compositeurs comme Bernard Lubat, Alexandre Desplat, Antoine Duhamel et Louis Sclavis. Avec ce dernier, il a développé une relation comme le meilleur cinéma les aime. Pour Une vie Française le réalisateur est revenu vers Tony Hymas, sans doute par appel de l'enfance et ses secrets. Le mutisme de Marie (interprétée par la sidérante Pauline Etienne, déjà appréciée dans Le bel âge de Laurent Perreau, avec Michel Piccoli) renvoie à celui de Frank (Stanislas Crevillén) dans Un arbre dans la tête.

On ajoutera que le travail entre l'équipe du film (Jean-Pierre Sinapi, bien sûr, mais aussi Florence Dormoy la productrice, Varda Kakon, la conseillère musicale et Catherine Schwartz, monteuse) et celle de nato a été une relation comme celles que l'on espère toujours, mais qui semblent souvent irréelles (simplicité, écoute, compréhension, proposition, gentillesse - soudain, on se dit c'est possible).

Alors effectivement, ce prix fait plaisir (pas comme un prix, mais comme un signe) pour ces raisons-là. Et le fait que la présidente du jury ait été Zabou Breitman, cinéaste déterminée (Se souvenir des belles choses, petit chef-d'oeuvre) et actrice de grande humanité, est une autre douceur.

Photo : Laurent Denis pour Scarlett productions


11.2.11

LE PEUPLE UNI NE SERA JAMAIS VAINCU

Égypte 11 février 2011



Sur la chaîne de télévision Al Jazeera une femme en pleurs (de joie) dit en ce moment même : "Ce n'est pas tant d'avoir mis Moubarak dehors qui est fort, ce qui est fort c'est ce que le peuple uni a été capable de faire"

Cette phrase résonne au plus fort de tout ce qui fait le monde habitable.

Combien de fois avons nous chanté : "Le peuple uni ne sera jamais vaincu !" ou "The people united never will be defeated !" ou "El pueblo unido jamás será vencido !" avec quelques arrières pensées, quelques distances de toutes nos déceptions, de nos incapacités, de nos résignations, de notre drôle de confort, de notre absence d'espoir. Aujourd'hui en Égypte depuis moins d'une heure cette phrase résonne de la plus grande vérité, de celle qu'il ne faudrait jamais quitter.

Un autre homme dit "Nous ne cherchons pas de leader, nous pouvons tous être leader."

Photo prise sur la chaîne Democracy Now ce matin à un moment d'extrême détermination avant l'annonce du départ de Moubarak


10.2.11

MOMENTS
(DE NOUS AUTRES)

Égypte 10 février 2011


DEIR EL-MÉDINEH, ÉGYPTE : PREMIÈRE GRÈVE CONNUE DE L'HISTOIRE DES HOMMES

"Si nous en sommes arrivés à ce point,
c’est à cause de la faim et de la soif ;
il n’y a plus de vêtements, ni d’onguents, ni de poissons, ni de légumes ; écrivez au pharaon, notre bon seigneur, à ce propos, et écrivez au vizir, notre supérieur,
pour que les provisions nous soient données !
"


Témoignage (enregistré sur papyrus) d'un ouvrier des grèves de Deir el-Médineh contre Ramsès III...


AUTRES EXEMPLES FUTURS PERMANENTS
(liste largement non exhaustive)

La révolte des esclaves de Sicile
Les compagnons de Spartacus
Émeutes de Londres (1780)
La Commune de Paris
La révolution mexicaine
la révolution makhnoviste
La république des conseils de Bavière
La révolution Espagnole
République libertaire de Carrare
Le retour des zapatistes au Chiapas
La révolution tunisienne
Le peuple d'Égypte (2011)

...

7.2.11

HEALTH CAÏRE



Les revues de presse devraient s'appeler des vues pressées, tant on aimerait souvent ne pas les revoir. Le gouvernement français vient d'interdire à ses fonctionnaires travaillant en Égypte "de s'exprimer dans les médias sur ce pays, au nom de l'obligation de réserve des fonctionnaires et pour des raisons de sécurité". Comme il est grand de voir ce champion de la démocratie dont certains membres posaient, parfois dans leur seul imaginaire atrophié, devant les photographes, avec quelque retard face au mur de Berlin achevé, avec leur petits piolets, afficher cette sale circonspection du même type que celle qui laissaient les pouvoirs fascistes s'installer en Europe quand le peuple espagnol criait "liberté".

Les affaires sont les affaires, d'ailleurs les économistes se préoccupent de la note de l'agence Moody plus que du mood des révoltés de la place Tahir. "Fermez vos gueules pour des raisons de sécurité ! La sécurité de qui ? Pendant ce temps, l'envoyé spécial de Washington Frank Wisner jr (fils de Frank Wisner sr co-fondateur de la CIA) financier véreux (voir Enron) ex président d'AIG et toujours fonctionnaire temporaire de l'agence créé par papa, déclarait vendredi qu' "Hosni Moubarak devait rester au pouvoir pour le moment afin de superviser la transition". L'obligation de réserve n'aura pas étouffé celui-ci. Quand bien même la Maison Blanche a de suite dans un communiqué dit que le zélé Wisner ne parlait alors qu'en son nom, on voudrait être étonné que l'ambassadrice américaine en poste au Caïre, Margaret Scobey, ait été écartée des négociations au profit d'un bon vieux barbouze US à l'ancienne. On ne l'est pas.

Le premier ministre de la France François Fillon, quand à lui, se rendra en visite d'affaire en Arabie Saoudite le 11 février, autre terre où les mots "liberté, égalité et fraternité" sont absents du dictionnaire officiel.

Qui a beau prétendre "ne pas négocier avec les terroristes" négocie facilement avec les dictateurs (qui ont sans doute plus à vendre et à acheter).

On est écœuré devant tant de cynisme, d'hypocrisie. Mais c'est loin de suffire car en Égypte, les gens luttent toujours, ils ne le font pas seulement pour eux, mais pour tous.


A écouter et voir : Democracy now tous les jours, information de grande qualité d'Egypte, à propos de l'Egypte et sur les rapports actuels entre l'Egypte et son principal allié occidental

À lire : Égypte : Point de vue d'un compagnon anarchiste (le 5 février) sur le site www.anarkismo.net

In English : The Arab world is on fire: dialogue with a Syrian anarchist (February 5th) website site www.anarkismo.net

In Arabic : العالم العربي يحترق website site www.anarkismo.net



Manifestation de soutien aux manifestants égyptiens à St Paul Minnesota le 4 février dernier ; photo : B. Zon


5.2.11

RAGS TIME


"La question n'est plus vraiment celle de la nouveauté..." dit Brian Roessler à l'entracte après un premier set du trio Todd Harper (piano, chant), Brian Roessler (contrebasse), Peter Leggett (batterie) hier soir au Black Dog à St Paul. Deux semaines auparavant à Arcueil pour Sons d'Hiver Marilyn Crispell (piano) faisait état d'une sorte de collage lucide de morceaux choisis, d'étoffes à coudre, à assembler en une logique idéale des parcelles du temps car c'est ce qui reste, ce qui est beau, ce qui peut rendre beau. Signe du matin.

Trois jours plus tard à Choisy (toujours Sons d'Hiver) Geri Allen et Timeline (Kenny Davis à la contrebasse, Kassa Overall à la batterie et Maurice Chestnut, danseur de claquettes). Timeline veut dire ligne du temps, calendrier. L'orchestre de la pianiste rappelle que le temps ne va pas en un seul sens, que le temps n'est pas une histoire de temps dominant, mais une conjonction de ce qui prolonge sans oublier ; et comme nous sommes devenus si difficiles ("difficile" de nos jours signifie souvent "amnésique") sans trop savoir pourquoi, peut-être parce qu'exposés au trop en permanence et surtout au trop peu, la pianiste souligne cet engagement, cette alliance d'une histoire en cours avec le cours de l'histoire, grâce à l'invitation du danseur. Besoin de voir, de sentir, de recoller les morceaux, exigence de laisser tomber notre suffisance du rien. La nécessité du monde est là, et parce que Timeline swingue, elle se fait urgemment comprendre tout simplement. Il fallait y penser. Le jazz a son utilité véritable qu'il est bon de saisir à nouveau. Signe du soir.

Trois autres jours plus tard aux Instant Chavirés à Montreuil, lieu porteur de temps divers, Lol Coxhill (saxophone soprano), John Edwards (contrebasse) et Steve Noble (batterie) prononcent bribes de blues, de calypso, de swing aussi en autant d'appels nombreux, en une reconstruction poétique et fédératrice d'inventions de tous temps, capable d'amalgamer le plus concret au plus rêvé. La musique est action. Signe de nuit lumineuse.

"Stranger in the night" joué au Black Dog, encore trois jours plus tard, en toute véritable simplicité par le trio Harper-Roessler-Leggett, mais avec un groove inquiétant, celui de l'autre, que l'on ne verra qu'au petit matin, lorsque la nuit terminée, les contours se redessineront. La chanson s'appelait d'abord "Broken guitar" puis changea (pour quelques deniers) de titre pour A man could get killed, comédie sans danger avant de faire les beaux jours d'un voyou à la belle voix. Harper-Roessler-Leggett dérobent le standard pour rappeler que si la nuit inquiète, l'étranger est proche, tellement proche qu'il ne saurait être autre chose que nous-mêmes. Oui la nouveauté n'est plus vraiment la question, l'important c'est la relation totale, c'est là qu'il nous faut chercher, peut-être même innover, comme ont su le faire avec la plus humaine puissance, la plus intelligente, la plus nécessaire, la plus neuve, Tunisiens et Egyptiens. Signe des temps.


Photos : B. Zon

4.2.11

CE QUI SE PASSE EN EGYPTE
SUR DEMOCRACY NOW



Sur Democracy now, programme radio où l'on retrouve notamment quotidiennement Amy Goodman depuis 1996 - diffusé (sans publicité ni fonds publics) sur l'ensemble des USA par différents relais - offre une couverture remarquable des événements d'Egypte grâce à la présence sur place de Sharif Abdel Kouddous. On peut retrouver ces émissions (en anglais) sur le site de Democracy now.

UN AUTRE EXEMPLE : L'ISLANDE



En Islande, et les médias sont plutôt avares de commentaires à ce sujet, le peuple a non seulement refusé toute confiance au gouvernement social démocrate remplaçant celui de droite (démissionnaire après la "crise financière des banques islandaises", un signal !) en obligeant un référendum à la suite de nombreuses manifestations dont le résultat est :

93,3% du Peuple sans transiger imposent le NON-Remboursement des Banques!...

Le capitalisme n'est pas une fatalité

LES MURS TRANSPIRENT




note : La première grève de l'histoire eut lieu en Haute Egypte à Deir el-Médineh contre Ramsès III.


Photo : B. Zon

1.2.11

PRÉSENCES


Au Caïre un manifestant dit de grande joie (et sans le moindre accent de fanatisme que les "spécialistes" se plaisent à déceler) : "C'est incroyable de vivre ça, ça vaut le risque de mourir"...

Le passé est horreur, le futur est futur (les pronostiqueurs fatalistes et les boutiquiers hypocrites s'en chargent déjà), mais le présent est beau.

L'automne français n'aura même pas fait reculer le gouvernement pour les lois nouvelles sur les retraites ; au Caïre, à Tunis, la rue parle tellement plus fort, tellement mieux...