Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

12.5.07

SOLIDARITE FRATERNELLE AVEC LES OUVRIERS DE LA FNAC (3)



Les commentaires de notre ami Zucayan

Refuser la désintégration sociale

A la lecture du projet bien avancé de Plan social concocté par la direction de la Fnac, il est évident que celle-ci ne cherche qu’ à se donner l’apparence de se soucier du sort de cette première vague de licenciements soi-disant économiques – un véritable dégraissage en fait - dont la justification autre que celle de la profitabilité – pas même de la rentabilité – n’a aucun fondement ! Ce procédé est d’autant plus ignoble et scandaleux que depuis plusieurs mois déjà la direction, d’abord par ses effets d’annonce alarmistes puis rapidement relayés par un travail de sape morale, flirtant avec le harcèlement moral, et en toute illégalité, de la part de son encadrement en magasins, des directeurs aux responsables de rayons en passant par les responsable de départements (livres, disques, produits techniques, etc…), fait en sorte que certains salarié(e)s ont quitté ou quittent l’entreprise sans accompagnement ou garanties. Ce procédé n’a rien de nouveau, il est juste extrêmement intéressant pour la direction puisqu’il ne lui coûte rien et qu’en fait il lui rapporte déjà.
Ce plan social qui touche les personnels des services administratifs ne serait que le premier d’une série qui toucherait tout le monde si aucune intervention des salarié-e-s n’était envisagée pour le stopper. Car, à cette logique destructrice d’avidité il n’y a pas de limite réelle. On connaît la richesse du groupe Pinault – 5,4 milliards d’euros pour s’offrir Puma, une bagatelle – et quelles limites pourrait connaître cette richesse, où pourrait-elle s’arrêter ? Réponse : nulle part ! Car lorsque l’on commence à mesurer la richesse, assez n’existe pas. Quelle que soit la somme elle pourrait toujours être plus grande, et l’on retrouve cela dans la comptabilité – et les résultats comptables dont on rebat les oreilles des employé-e-s – car dans le système comptable existent les catégories du « plus » et du « moins » mais pas celle du « suffisant ». C’est ce qui explique que cette logique de dégraissage du personnel n’a pas de raison de se limiter aux seuls services administratifs. D’ailleurs D.Olivennes, le pdg, l’a déjà exprimé il y a quelques mois quand il expliquait sa « vision » - ses hallucinations plutôt - de l’évolution de l’entreprise : pour lui, les premiers vecteurs de trafic en magasins que sont pourtant les disques et les livres n’existeront plus physiquement mais principalement sous forme dite « dématérialisée » que les clients passeront leur temps à télécharger pour les acquérir. Au regard des résultats actuels – plus de 95% des ventes de disques et de livres se font en magasins, on constate que cette évolution n’est pas près d’être dominante et qu’au mieux elle se place comme un moyen complémentaire d’acheter ce genre d’objets culturels, et encore, parce qu’elle est encouragée par la disparition provoquée des points de vente de proximité et une réduction de la largeur de l’offre en magasins.
Cependant avec une telle idée dans la tête, et bien qu’Olivennes semble avoir quelque peu tempéré son discours ces derniers temps, le rêve ultime de tout dirigeant de grande entreprise serait d’avoir un outil de production (usine ou magasins) sans aucun salarié à payer. Evidemment cela n’étant pas tout à fait possible dans le cadre du commerce, l’idée se traduit alors par une réduction maximum de salariés avec pour ceux qui restent une polyvalence la plus large possible. C’est d’ailleurs exactement ce qui se retrouve dans le « projet métiers », voulant réorganiser les tâches et les qualifications de chacun, où par exemple les disquaires et les libraires disparaissent pour devenir des vendeurs de produits éditoriaux, c’est-à dire vendant disques et livres – donc en étant des spécialistes reconnus…. ! - mais étant aussi capables d’encaisser les achats des clients, etc... . Le tout payé à des conditions misérables comme l’indiquent les rémunérations proposées dans les nouvelles fnac périphéries qui, pour sûr, sont déjà, dans l’esprit de la direction, l’étalon de référence à généraliser.
Il est évident que ni les employé-e-s de la Fnac, ni les clients comme ils ne cessent de le témoigner en signant les pétitions lors des débrayages récents, ne veulent de ce genre d’entreprise.
C’est une entreprise riche, qui gagne de l’argent et le personnel des magasins est à la base de cette réussite. C’est ce qui fait sa force et elle doit être utilisée dès maintenant, car il est toujours temps, pour faire reculer cette direction sur ces projets immoraux et destructeurs.

La morgue et le mépris.
Les dirigeants et leurs exécutants de tous niveaux ne peuvent continuer à vouloir piétiner et traiter les salarié-e-s avec un mépris de plus en plus affiché révélant le cynisme profond des premiers et la peur et la soumission des seconds.
Le Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) et son contenu en trompe-l’œil trouve son expression concrète en magasins où le « turn-over naturel » est sciemment organisé à l’image de ces rayons qui ne voient pas venir le moindre remplacement de collègues déjà partis depuis plusieurs mois maintenant. Ainsi la direction impose clairement à ceux restants une surcharge de travail supplémentaire et non rémunérée. Contrairement à son discours il ne s’agit pas de demander des « créations de postes » mais de pallier la réduction de personnel par de simples remplacements afin de maintenir le bon fonctionnement d’un rayon ou d’un service, c’est-à-dire le bon fonctionnement de l’entreprise, et en particulier le service à la clientèle dont, paraît-il, il a été fait une priorité absolue ! En réalité cette position est un calcul parfaitement pensé puisqu’il permet à l’entreprise une augmentation de la productivité des salarié-e-s – en hausse permanente et régulière depuis de nombreuses années mais dont les bénéfices disparaissent uniquement au profit du propriétaire de l’enseigne, alors que par le passé une partie de ce gain revenait aux employé-e-s sous forme d’augmentations générales par exemple. En réduisant la masse salariale au maximum sans remplacer les départs, la direction prépare la mise en place de plans sociaux qu’elle se permet d’annoncer « sans suppressions d’emplois » ! La charge de plus en plus lourde de travail qui s’abat sur les employé-e-s pèse d’un poids aux conséquences de plus en plus lourdes sur leurs vies : des modifications de plannings se multipliant sans aucune prise en compte des organisations personnelles et familiales, des conditions de travail se dégradant (sous-effectifs chroniques, augmentation du stress pour répondre tant à la clientèle qu’aux tâches quotidiennes…) qui accentuent un épuisement physique et moral, tout ce savant calcul a pour objectif réel de pousser au moins une partie du personnel à quitter l’entreprise. C’est ce que montre le PSE en proposant comme première mesure un pseudo-accompagnement de départs « volontaires »…. .

Maintenant, il faut des armes.
Les semaines qui viennent seront décisives. L’environnement politique national qui se dessine sera encore plus favorable aux grands propriétaires/actionnaires, et pas seulement parce que la casse du code du travail est déjà entamée.
Les « ouvriers » de la Fnac ont commencé à montrer leur désaccord face aux choix de la direction, qui fait mine de ne pas le voir ni l’entendre et se drape dans une attitude arrogante et méprisante. Ils ne peuvent se laisser piétiner davantage, ils ne sont pas de la chair à dividendes. Face à la violence symbolique et physique de la direction, maintenant, il faut des armes : la première d’entre elles est le droit de grève et l’information sur ce qui se passe réellement au sein de cette entreprise. Le constat est là, il peut y avoir des relais substantiels dans les médias car la Fnac résonne dans la tête et l’affectif d’une majorité de clients habituels et potentiels, journalistes compris. En faisant feux de tous bois, ils ont moyen de reprendre possession de ce qui leur revient – emplois, conditions de travail, salaires.
L’avenir des vies, des familles, et des enfants, des « ouvriers » de la Fnac se joue en actuellement, le moment est venu de faire en sorte qu’il leur appartienne.

Du vent !

Les multiples interventions de la direction de la Fnac la semaine dernière pour essayer de désamorcer le mouvement national programmé le 4 Mai n’auront pas eu l’effet escompté. Bien au contraire. Quoi de plus normal lorsqu’un individu tel que Denis Olivennes se contente d’ânonner des paroles sans fondement ni garanties.
Pensant mieux convaincre les salarié-e-s, il tient le même discours à des médias qui, bien qu’un peu trop attentifs à la parole de la direction, ne peuvent que constater la force du nombre et la réalité de la colère et de la situation des employé-e-s de cette enseigne. Et pour cause, puisqu’Olivennes est un exécuteur de sinistre mémoire : ses passages successifs chez Air France puis à la tête de Canal Plus ont été accompagnés de plans sociaux. Ce qui ne l’a pas empêché d’être démissionnaire de la chaîne cryptée avec une modeste indemnité de 3 millions d’euros ! Et qu’ose-t-il venir dire au personnel :
Sous couvert de « modernisation » - la fameuse que l’on retrouve chez Airbus / Eads notamment… - il faut reclasser plus de 300 personnes mais sans licenciements ! Mais alors pourquoi un « Plan de Sauvegarde l’Emploi », pourquoi des conditions de licenciements d’ores et déjà prévues – et à minima de plus – dans ce plan ? Il va même jusqu’à oser présenter ce plan social comme une opportunité pour certains de donner une « nouvelle orientation » à leur carrière, en passant d’un emploi à temps complet à un poste à temps partiel, pour un métier différent et moins qualifié ! Mais qu’il montre donc l’exemple lui-même, lui et ses 70 000 euros mensuels, qu’il vienne donc occuper l’un des postes de gestionnaire administratif à 28 heures hebdomadaires à Colmar, ou de vendeur de cuisines à Morsbach – après tout la mobilité dans le groupe PPR, auquel appartient encore la Fnac, le concerne aussi. En plus, il a déjà le costard de l’emploi, ne lui manque plus que la cravate !
Il est bien trop facile d’user d’effets d’annonce d’abord alarmistes pour affoler une partie du personnel afin de le faire partir de lui-même, puis ensuite prétendre reclasser tout le monde – sans preuve à l’appui. Cette technique de pompier / pyromane d’autres s’en sont déjà faits spécialistes à fin de manipulation et d’enjeux de pouvoir.
Mais les salariés de la Fnac, ne l’entendent pas de cette oreille !
Le coup de semonce adressé vendredi à la direction ne sera que le premier d’une longue série si cette dernière ne réagit pas rapidement à l’adresse officielle de l’intersyndicale concernant la mise en place de réelles négociations sur les emplois, les salaires et le versement d’une prime à hauteur d’un 14éme mois en complément d’un intéressement indigne et injuste.
La démonstration massive de vendredi a été parfaitement vue et ressentie par la direction comme l’indique sa tentative de réaction - méprisante au demeurant – avec l’organisation, bâclée, d’une journée « adhérents » le 12 mai prochain.
Excellente idée ! Car les employé-e-s de cette entreprise savent qu’ils peuvent compter sur leur fidèle clientèle, comme elle le prouve à chaque fois à travers ses encouragements, ses nombreuses signatures aux pétitions et son soutien aux actions d’informations. Et contrairement à ce que croit Olivennes – preuve supplémentaire que sa place n’est pas à la Fnac, méprisant autant les employés que les clients – ces mobilisations et ces actions par les échos et les témoignages qu’elles suscitent, ne nuisent pas à l’image de marque de l’enseigne mais ne font que la renforcer !

Zucayan

8.5.07

MAYDAY



Dimanche 6 mai, jour d’élection présidentielle en France forcément funeste ; alors plutôt que de chercher frénétiquement sur Internet les informations officielles, les réactions des uns et des autres, les larmes de crocodiles, la danse des moutons, le twist des autruches, mieux valait se joindre à Minneapolis à la désormais traditionnelle Mayday Parade organisée par la compagnie de théâtre de marionnettes Heart of the Beast.

Cette année ce rendez-vous créatif de toutes les minorités, tous les âges, tous les groupes affichant leurs différences, tous ceux qui ne peuvent habituellement se faire entendre, avait l’eau pour thème ( Somos Agua – en espagnol) ; ce qu’on lui doit, ce qu’elle aide à créer, ses pollueurs, ses profiteurs. Lors des ateliers dans les locaux d’Heart of the Beast, les deux semaines précédentes où enfants et adultes préparent masques, constructions invraisemblables et marionnettes géantes, un petit garçon, du haut de ses 10 ans, ne s’y retrouve pas. Il dit “mais ce n’est pas organisé, qui dirige, qu’est-ce que je fais ?”. Une jeune fille de la compagnie lui répond qu’il fait ce qu’il veut avec le matériel disponible et que s’il a besoin d’aide, elle ou d’autres la lui apporteront volontiers. Elle lui explique le rôle de l’eau, son opposition à sa privatisation et le sens de cette entreprise collective. La diversité est réjouissante, enfants, parents d’origines fort diverses. Ici, les immigrés, les classes les plus malaisées viennent facilement car personne ne les prend de haut. Tout est réellement heureusement fraternel. Le petit garcon, aidé par un jeune mexicain et une petite somalienne, fera finalement un masque de poisson en riant beaucoup. Il a compris.

C’est la même atmosphère qui règne dans le défilé. Cette année, ce sont des représentants des différentes tribus indiennes que l’on trouve dans le Minnesota, Ojibways (ou Chippewas), Dakotas, Lakotas et Mic Macs, qui ouvrent avec chants et danses (il n’est pas anodin que cet événement soit un des rares où les Indiens se retrouvent avec les autres). Ensuite, ce sont les cinq parties racontant l’histoire de l’eau où, après ses merveilles, les croassements des grenouilles, entrecoupés de fanfares jouant "La Cucaracha", "We shall overcome", des chansons de Woody Guthrie, du funk ou des airs cubains, après les représentants du gâchis et du profit, un magnifique ours blanc géant hurle sa peine. Il y a beaucoup de participants qu’ils soient spectateurs ou acteurs. Les masques et marionnettes sont splendides, heureux ou saisissants. Le long du trajet, qui part du quartier mexicain de Minneapolis, pour traverser ensuite les anciens quartiers hippies, les gens affichent la couleur comme ce vétéran noir du Viet Nam qui a construit dans son jardin une sculpture gigantesque contre la guerre et la répression policière. Après l’ours blanc, un groupe habillé comme les tortures d’Abu Graib ouvre la seconde partie du défilé. Ce sont toutes les associations, tous les groupes différents qui participent, les pacifistes, les païens, les anarchistes, les cyclistes punk avec leurs bicyclettes à étages et leurs tandems sans fin, les femmes contre la folie militaire, les associations d’immigrés et d’aides aux immigrés, l’American Indian Movement (né à Minneapolis à la fin des années soixante, on reconnaît quelques anciens des combats de ces années-la), les féministes, les zapatistes, les mexicains en costumes, revendicant leurs origines indiennes, l’association contre les brutalités policières, les gays, les ennemis de la vivisection, les athés pour la tolérance, les vétérans contre la guerre (partie poignante du défilé, ces anciens combattants qui viennent dire leur horreur de la guerre et qui sont parmi les plus actifs contre les décisions du Pentagone), les nudistes du Minnesota, les Hare Krishna ayant survécu aux années soixante etc. Etonnante foule où se mêlent tambours africains, punks et enfants déguisés en tortues. Ensuite, arrivée au Powderhorn Park pour une grande fête gratuite où Heart of the Beast donne son spectacle et où se tiennent plusieurs scènes libres avec orchestres de tous styles ou d’autres scènes plus petites où s’expriment à foison quantités de penseurs libres. Des stands représentent toutes les associations précitées qui n’ont pas le droit d’y faire commerce. La surprise lorsqu’on participe pour la première fois, c’est cette impression de bien être, de solitude disparue, de se sentir vivant et reconnu dans une foule faite de tout sauf de moutons, une foule non anonyme aux costumes volontiers extravagants ou simplement libérés, de gens qui sourient facilement et qui créent ensemble sans se soucier de leur différence. La Mayday parade d’Heart of the Beast a été créée en 1975 (dernière année de la guerre du Vietnam) et a traversé toutes ces années (Nixon, Ford, Carter, Bush 1, Clinton, Bush 2) sans jamais être récupérée par les politiques (les démocrates que l’on y voit – représentant d’ailleurs les courants moniritaires – y sont très discrets, comme le Green Party) ni les marchands (tout y est gratuit). Ca ne dure qu’un jour chaque année, mais c’est un jour unique. De retour au logis, les nouvelles de France. Là aussi, il faudra bien créer. Mayday ! Mayday !

Jean


Photos : copyright Liz Welch

SOLIDARITE FRATERNELLE AVEC LES OUVRIERS DE LA FNAC (2)








4.5.07

E........ P.... A C...



Chère amie,

Merci pour l'article de Jean Bricmont auquel je n'adhère pas du tout, tu t'en douteras.

Tout d'abord Washington se soucie comme d'une guigne de la victoire de l'un ou de l'autre des deux candidats français à la présidentielle car dans les deux cas ils ont des garanties (ce ne sont pas des enfants et il existe des bureaux avec des représentants de l'UMP et du Parti Socialiste aux USA). Le seul homme politique français à abattre pour la Maison Blanche a été Chirac. Il faut vraiment être diablement naïf pour s'imaginer que Ségolène Royal romprait l'Atlantisme installé par Mitterrand dans les années 80. C'est bien un gouvernement socialiste qui a tout fait pour l'implantation de Disneyland et d'un grand nombre d'entreprises américaines en France, c'est bien un gouvernement socialiste qui a été aux côtés des USA dans la première guerre d'Irak (dont les motifs étaient similaires à la seconde quoi qu'on en dise), c'est bien un gouvernement socialiste qui a engagé la France aux côtés (où nous sommes toujours) des USA dans la guerre contre l'Afghanistan. Et si Sarkozy aurait certainement rejoint la "coalition" US/GB pour la deuxième guerre d'Irak, un gouvernement socialiste mené par un Dominique Strauss Kahn (plus atlantiste encore que le plupart des gens de l'UMP) aurait sans doute fait pareil.

N'oublions pas que le grand modèle de Ségolène Royal et d'une grande partie du Parti Socialiste actuel est Tony Blair, le plus proche allié des néo-conservateurs américains. En demandant aux classes populaires britanniques ce qu'elles en pensent, on sera vite éclairé. La fascination pour la politique américaine du Parti Socialiste qui à maintes reprises en a vanté les mérites en espérant arriver au bi-partisme (là-dessus ils ont gagné) a toujours été forte.

Faire du Parti Socialiste une sorte de continuum vide sans responsabilité me semble faire aussi le jeu des idées Sarkozystes.

J'ai regardé le meeting de Ségolène Royal à Charlety et j'y ai vu quelque chose d'incroyablement proche (dans le ton, le choix des mots, les gestes) des télé-évangélistes américains. Ca m'a assez effrayé. J'ai aussi regardé le débat avec Sarkozy et si j'avais eu encore un millipoil de regret dans mon choix d'abstention, il aurait été anéanti. J'ai vu une femme tout aussi assoiffée de pouvoir que l'homme en face d'elle, tout aussi arbitraire, tout aussi autoritaire. Sa méconnaissance très assurée des dossiers était par ailleurs pathétique.

Quant à un sujet qui te préoccupe et qui est sans doute en grande partie cause de ton choix : le statut des immigrés, dans le débat, les deux candidats avaient la même position c'est-à-dire le cas par cas, l'un l'exprimant fermement, l'autre gentiment. On a déjà vu par le passé comment les socialistes qui étaient volontiers dans les collectifs de soutien aux sans-papiers en ont disparu lors de leur victoire aux législatives et de la nomination de Jospin au poste de Premier Ministre (ils furent ce soir-là chassés violemment par la police rue de Solférino), comment Chevénement a mené une politique très dure sur l'immigration dans la lignée de celle de Pasqua. La différence c'est que Jospin avait dit (à cette époque où dans les ministères, on ne disait pas "racailles" mais "sauvageons") que les Sans Papiers ne seraient pas arrêtés chez eux, mais à l'extérieur. Et c'est ce que signifie Sarkozy lorsqu'il demande à Ségolène Royal : "Mais qu'est-ce que ça fait de les arrêter 100 mètres plus loin ?". Effectivement, les Sarkozystes ont des symboles forts, les Royalistes les même mais enveloppés.

Si effectivement au moins sur ce dossier, les socialistes avaient un point de vue clair et osaient dire la vérité (l'immigration n'est en rien responsables des problèmes économiques de France), alors effectivement le choix serait discutable, ainsi en l'état, il me semble que c'est être aveugle que d'être tellement omnubilé par la personne de Sarkozy à tel point qu'on en oublie la réalité de sa concurrente. Et ce n'est nullement sous-estimer le danger réel que représente l'électionde Sarkozy et plus encore ce qui la motive.

Et puis quel intérêt de défendre la partie du medef acquise aux Socialistes (Rotschild) lorsqu'elle pratique la même injustice, la même violence dans les entreprises que celle acquise a l'UMP. D'ailleurs, les grands patrons comme Lagardère ou Bouygues ont aussi des amitiés au PS (rappelons que c'est sous le gouvernement Jospin -un gouvernement dont était membre Ségolène Royal - qu'ont eu lieu les petits arrangements pour faire finir à la hâte par des travailleurs clandestins le glorieux Stade de France, à temps pour la Coupe du Monde). Le vote en faveur de Ségolène Royal est un vote très bourgeois allant dans le sens de conforter la société bourgeoise et lui donner une légitimité (puisqu'elle sera simplifiée à deux faces - bipartisme) dont il sera bien plus compliqué de se départir. Aux USA, beaucoup de gens souhaitent sortir du bi-partisme verrouillé (Ralph Nader est une personnalité d'un autre calibre que Dominique Voynet) et sont abasourdis que l'on s'y laisse si facilement conduire.

Il est insensé que les électeurs des partis de Gauche puissent aller voter pour une candidate qui est tellement dans les faits (et les textes) au centre droit (giscardienne), d'autant plus insensé que le PS a tout fait pour les liquider.

Et comme toujours plutôt que de questionner réellement le système dans lequel nous vivons, il est toujours plus confortable de remettre à plus tard pour s'enfoncer toujours un peu plus. Le vote pour Ségolène Royal n'est pas celui du barrage (Maginot) contre Sarkozy, mais bien celui du non choix ou plutôt du choix de reconnaissance de la société capitaliste comme étant la seule possible. Mais cette fois plus encore qu'en 2002, l'alarme est vraiment tirée et les électeurs de Royal comme ceux de Sarkozy (les premiers confortant les seconds) porteront une responsabilité sur notre réalité et nos devenirs. L'idée d'un vote contre (en feignant d'ignorer qu'il est un vote pour) dont la seule vertu serait d'arrêter le temps est illusoire car le temps ne s'arrête pas et les souffrances inadimissibles non plus. Le vote par la peur (qui seul peut encore motiver un vote pour le PS) va dans le sens d'une société à l'image de celle souhaitée par Sarkozy. Ce dernier entraînera plus de peur encore et cette fois-ci on ne pourra plus faire comme si (C'est bien l'élection massive de Chirac en 2002 qui a fait le nid du Sarkozy actuel). Sarkozy en cas de victoire (probable) s'appuiera (comme il l'a déjà fait pour le premier tour) non sur les voix qui le portent mais sur l'excellente participation, comme le fera aussi (en cas de victoire moins probable) Ségolène Royal. Et c'est dans cette participation que réside notre collaboration, notre complicité et notre responsabilité.

Amitiés,

Jean

PE : Et qu'on arrête - j'ai ça à plusieurs reprises dans mes e-mails du matin - avec le coup de Le Pen appelle à l'abstention (d'ailleurs dirigée contre Sarkozy). Le Pen est aussi contre la guerre d'Irak, la constitution européenne et c'est aussi à nous de faire la différence de nos motifs.