Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

29.8.12

LA LIMONADE
D'ALEXANDRE MARIUS JACOB

La veille de se donner, comme il l'avait prévu, la mort le 28 août 1954, Alexandre Marius Jacob avait invité - il aimait à le faire - les enfants du village à jouer puis déjeuner. Ceux-ci étaient heureux comme tout car il y avait au menu, de la limonade.

21.8.12

DE LA TOUR D'AIGUES À TREIGNAC

Sur la route à toute vitesse quelque part entre Montélimar et Avignon, le fronton d'une grande bâtisse arbore en très grosses lettres : "Le Sang du peuple". Il semble s'agir d'un négociant en vin. L'image passe vite, impossible de voir le détail de la marque tant les quatre mots marquent l'esprit. Le sang du peuple n'a que faire des grands crus, il coule si souvent - jeudi 16 août à Marikana, 34 mineurs grévistes tués par la Police - il ne saurait couler en vain.

La musique elle ne devrait jamais être jouée vainement ; elle peut quand elle le veut incarner une chance immense de tant d'œillades sur le monde. Les festivals de musique sont légions et enfilent de plus en plus machinalement leurs dizaines sur le grand chapelet d'un gigantesque parc d'attractions culturelles. La lutte des classes y est souvent flagrante (cachets entre 100€ et + 100 000€) ce qui ne choque pas grand monde, pas même les commentateurs ou les agents de redistribution des deniers publics. Plus l'endroit est grand, plus les stars sont chères (les places aussi) et plus le contact avec l'artiste se voit relayé par des intermédiaires sélectionnant visuellement l'action musicale sur des écrans géants si fait qu'en direct il n'y a plus de direct. Rien de mieux que d'être à la télévision pour avoir l'impression de bien/rien voir. La fin du présent, le triomphe du lointain, de la figuration. 

Il existe heureusement des exceptions, des tas d'exceptions, des échappées au "format", des veilleurs qui distillent, des tireurs à l'arc soulevant des vagues, des pieds de nez aux semonces de l'élimination de la mémoire, des visages qui aiment, des inventeurs de compagnonnage, des préférences d'amitiés, des lutteurs hardis, des casseurs de cadres, des danseuses et danseurs lucides, des permanents du souffle et de l'amour.

Deux exemples flagrants : Jazz à la Tour (organisé par l'Ajmi) à la Tour d'Aigues (Lubéron) et Kind of Belou à Treignac (Corrèze).

À la Tour d'Aigues (le 14 août), les murs d'un château Renaissance vandalisé (puis restauré) servent d'enceinte. Les fenêtres évidées font parler les fantômes. On pense à ces photographies poignantes de l'Hôtel de Ville brûlé par les Communards. De l'obscurité sort la flamme. Le trio Journal Intime occupe tout l'espace, au sol et aux fenêtres,  éconduit le temps divisé, ravive les sources vivantes quelle que soit l'époque, brouille le conflit des significations, il éclate comme un beau soulèvement.  Le trio de Bruno Angelini (avec Sébastien Texier et Christophe Marguet) se livre avec humilité et conviction profonde. On y entend le désir d'une poésie qui doit sauver le monde, notre vie ne tient qu'à un fil. La très belle fin du set dit doucement que le feu couve toujours. Cette fin est un commencement et toute la réalité de ce qui a été joué précédemment. Et puis Kartet (Guillaume Orti, Benoît Delbecq, Hubert Dupont et Stéphane Galland), groupe à la polyphonie des sens, qui dit l'être vivant, rassure les oiseaux, célèbre toutes formes de retrouvailles au détour d'une image insolite, ouvre toutes les possibilités d'agir par une sorte d'évidence bourrée de mystère d'où émerge, en un tout, la danse.

Le programme de cette distinguée soirée à Jazz à la Tour ressemble à ceux et celles qui organisent ce festival. Ils nous offrent, l'après concert le confirme, tant de sourires et de pas légers, de liberté et d'inattendu faits de traces assez claires : le temps plein et le présent du dialogue.

Le festival Kind of Belou à Treignac (le 17 août - un spectateur fait remarquer que c'est la date anniversaire de la sortie du disque de Miles Davis Kind of Blue) a invité, Salle des fêtes, le Jef Lee Johnson Band (avec Yohannes Tona et Patrick Dorcéant). Le groupe prend tout son temps sur cette terre de résistance, évolue lentement vers une forme de redéfinition des corps déployés jusqu'au bouleversement de l'être, un foisonnement de feu serti par la douceur âpre du blues.

Là aussi le programme ressemble aux organisateurs, à leur impressionnante énergie, leur sens du partage. Cette phrase de René Char, résistant et poète, leur va si bien :

" Dans nos ténèbres, il n´y a pas une place pour la Beauté. Toute la place est pour la Beauté." 



Merci à Pierre, Jean-Paul, Anne-Marie, Bernard, Aurore, Magali, Jean-Luc, Florence, Benoît, Sophie, Thierry, Isabelle et toutes les équipes de Jazz à la Tour et Kind of Belou qui nous ont tant offert.  

Photos : Z. Ulma et B. Zon



17.8.12

PIERRE EST OURS


Les roches parlent et leurs dessins évoquent. Ainsi cette tête d'ours et l'occasion du souvenir d'une conversation avec Pierre Villeret lors du festival Jazz à la Tour d'Aigues.

Photo : B. Zon

11.8.12

EDWARD SHERIFF CURTIS AU BLACK DOG

Le Black Dog (St Paul Minnesota) présente une exposition de tirages du photographe Edward Sheriff Curtis (qui fut apprenti photographe à St Paul avant de se consacrer à son grand oeuvre sur les Indiens d'Amérique). Le lundi 20 août, il y aura une discussion sur ces fameuses photographies avec Christofer Cardozo en charge des tirages effectués selon le procédé d'époque.

Réaction à certains commentaires et articles postés sur le Face Book du Black Dog : http://www.facebook.com/blackdogcafe  :

Les 20 volumes de "The North American Indian" de Curtis sont une inestimable documentation. Le fait qu'il ait souhaité représenter les Indiens dans une certaine pureté à une période où ceux-ci était dévastés est bien sûr sujet à débat. Theodore Roosevelt voulait voir dans ces photographies un objet du passé, pensant que la disparition des Indiens était salutaire au développement de la civilisation là où Curtis voulait au contraire sauver quelque chose du grand désastre. Edward Sheriff Curtis a été peu publié à son époque et sujet à de nombreuses critiques ; préserver le passé était pour beaucoup une entrave à l'achèvement de la construction du Nouveau Monde. Aujourd'hui, l'aspect posé de ces photos évitant le tragique contexte de misère au tournant du siècle est contesté. Mais cette distorsion est sans commune mesure avec celle qui a prévalu de façon écrasante dans le cinéma américain par exemple et de bien des façons, ces photos ont permis, en un temps où l'expression et le témoignage des Indiens eux-mêmes était très rare, une possibilité de contrer l'inacceptable révision de l'histoire par la machine hollywoodienne. Souvenons-nous que nous sommes dans un contexte différent désormais et que ces images ont ouvert les yeux à de nombreuses personnes sur l'existence des indiens dans une période critique.

En les regardant avec attention, on voit qu'elles ne sont pas silencieuses, qu'elles crient pour quelque chose et ce "quelque chose" a désormais besoin de complément, d'autres vues, d'autres commentaires et tout ce qui est nécessaire à reconsidérer l'histoire et le présent pour leur réalité. Sans comprendre celle du colonialisme et sa violence extrême, bien peu pourra être accompli pour le souhait d'un monde meilleur.

Sans aucun doute Edward Sheriff Curtis est l'un des photographes essentiels de l'histoire. L'écrivain Kiowa Scott Momaday a dit " L'ensemble des travaux de Curtis représente un singulier achèvement. Jamais n'avions nous pu voir les Indiens d'Amérique du Nord si près des origines de leur humanité. Les photographies de Curtis comprennent les images indispensables de chaque humain se trouvant à chaque période à chaque endroit ".

2.8.12

LA RÉALITÉ ET SON BESOIN D'IMAGINATION


Si j'avais quatre dromadaires
de
Chris Marker
(1966)
Musique :
Barney Wilen,
Jean-François Jenny-Clark,
Jacques Thollot