Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

31.5.11

MAJESTIC MASTIC IN JAZZ MAGMAN



















Un mastic, une coquille, autant de mots-cauchemars pour le rédacteur en chef ou les artisans d'une revue, d'un journal ou d'un livre. En ces temps de mise au chômage des correcteurs et de machines qui changent d'avis comme de chemises hors de nos contrôles, c'est même souvent une hantise. Voilà un des avantages d'internet, dès qu'on s'en rend compte, vite on peut corriger. À Jazz Magazine JazzMan, on ne doit pas s'intéresser trop à la version site puisqu'après un peu plus d'un mois, demeurent en une, le mystérieux contrebassiste Kirk Lightsey et son ensemble Emir, et le très demandé pianiste de biguine Ambrose Akinmusire. C'est dommage car c'est (à notre humble avis) plus sur leur site (le blog) que dans les pages imprimées qu'il y a encore des choses à lire.

LE SUICIDE SANS DOUBLE

Un panneau publicitaire vantant les mérites d'un grand magasin dans le métro parisien nous interpelle : "Mettez vous en scène ... le théâtre de la beauté".

Lundi après midi, station de métro Crimée, quelqu'un s'est suicidé en se jetant sous le métro. La station est évacuée puis fermée. Une femme panique puis demande des excuses comme pour chercher de l'air, des lycéens plaisantent, ça choque, on ne peut leur en vouloir, quelques uns qui n'ont pas compris pestent contre les retards et les fonctionnaires, les autres sont ailleurs, absents grâce aux "bienfaits" du MP3 ; la musique pour ne pas voir la mort, mais pas du bon côté. C'est très flippant ! Tout ça est flippant !

Les empereur, ministres, conseillers spéciaux, impératrice, Fmistes, top-models, bête en cour, prétendants, généraux, magnats ne connaissent ni le prix du pain ni celui du ticket de métro. Impossible donc pour eux de pénétrer dans les coulisses de ce tordu théâtre de la beauté où pour échapper à leur mise en scène, des humains (très nombreux), privés de toute offre, quand les mots les plus simples n'ont plus de résonance, ne peuvent plus que se tuer.

Photo : B. Zon

28.5.11

GIL SCOTT HERON
WILL (NOT) BE ...

Gil Scott Heron admirait les poètes LeRoi Jones et Langston Hughes. Bob Thiele (producteur d'Impulse et des très grands disques de Coltrane) le remarqua et grâce à lui et le pianiste Brian Jackson, le poète pu trouver le moyen de penser, dire et projeter ses mots à la gueule du monde, mots de la rue (ou de la "bottle") pour sortir l'Amérique de la série B, des ghettos de la violence, de l'enfer des photocopieurs, des empreintes meurtrières de géants dans les toilettes. "The Revolution will not be televised" 1970. On dira mieux qu'un classique, une observation prophétique, un mot passé dans le langage courant jusqu'à devenir le titre d'un film de lointain mais puissant rapport (le coup d'état manqué au Venezuela en 2002 par Kim Bartley et Donnacha Ó Briain). Les mots de Gil Scott Heron n'étaient pas de vent mais de sang. Ils savaient faire trembler avec humour et souffrance. À nous de saisir les boucliers d'Héraclès, d'y voir les dragons des médias, empoisonneurs. Gil Scott Heron s'est éteint hier, 27 mai 2011, au terme d'une agonie ignorant la soumission. Ses mots étaient pour nous, pour les transmettre, venger d'emblée notre futur et construire le monde véritable. So long Gil Scott Heron et merci beaucoup.

"Et les supporters ivres qui foutaient leur poing dans la gueule des flics quand ceux-ci essayaient de les calmer devenaient des héros, parce que c’était au nom de tous les perdants qu’ils distribuaient leur coups. Lorsque ceux qui s’étaient rebiffés étaient finalement maîtrisés et assommés pour le compte, c’était un moment de tristesse, mais aussi de fierté. Ils ne s’étaient pas laissé faire"*.

*Gil Scott Heron : Le vautour Seuil / Points Roman Noir

27.5.11

BARCELONE 27 MAI 2011


"Aux mains de l'individu, la force s'appelle crime. Aux mains de l'Etat, elle s'appelle droit".

Max Stirner, L'unique et sa propriété.

23.5.11

LE CRI DU CHAT n°1

Pour lire ces pages du premier numéro du Cri du Chat, vous pouvez, soit vous munir d'une loupe et d'un costume de Sherlock Holmes, soit cliquer avec votre souris (rassurez la, c'est sans risque) sur chaque image pour les agrandir puis cliquer encore pour un confort maximal. Si vous désirez la version papier qui sent bon l'encre, vous pouvez la demander en écrivant à l'e-mail suivant : webmaster@natomusic.fr



Téléchargeable sur le site nato, rubrique échos choisir dans dossier de presse

20.5.11

LE ROSIER MONSIEUR HUCHON

Le film L'Apollonide - souvenirs de la maison close de Bertrand Bonello raconte (d'après le dossier de presse) "À l'aube du XXème siècle, l'histoire d'une maison close à Paris,une prostituée a le visage marqué d'une cicatrice qui lui dessine un sourire tragique. Autour de la femme qui rit, la vie des autres filles s’organise, leurs rivalités, leurs craintes, leurs joies, leurs douleurs... Du monde extérieur, on ne sait rien. La maison est close."

Ce film est produit avec le soutien de la région Ile-de-France. Le président (parti socialiste) du conseil régional d'Ile de France, Jean-Paul Huchon était à Cannes le 17 mai pour la présentation de ce film en sélection officielle. On ne s'étonnera pas de trouver des hommes politiques dans cette fête qui mélange, acteurs, metteurs en scènes et producteurs, c'est même leur meilleure place. Et bien figurez-vous que par une sorte d'étrange réflexe de solidarité qui n'est pas donnée au premier venu, il "a décidé, vu les difficultés dans lesquelles se trouve son ami Dominique Strauss-Kahn, de ne pas participer à la montée des marches, un événement festif". Passé le ridicule du (non) geste, on est éberlué (enfin plus vraiment au vu des réactions bien grasses de ses confrères - le mot "camarade" est ici déplacé) que la seule violence qui l'ait "choqué" dans cette affaire (où l'on commence à sentir les millions de dollars arriver, provoquant le "soulagement" des élus socialistes - il ne faudrait tout de même pas qu'"un homme aussi puissant" pour reprendre les mots de Robert Badinter soit traité comme un vulgaire "petit dealer") c'est celle de "la violence du réquisitoire". Dans violence, il y a viol, les rosiers (type décrits par Maupassant) semblent l'ignorer. Le parti socialiste, spécialiste en sourires figés, est décidément une maison bien close. Pauvre Monsieur Huchon !

17.5.11

BAD INTER


"Je suis très heureux pour elle" dit Robert Badinter (France Inter journal du matin le 17 mai) en faisant allusion aux précautions prises pour protéger la victime (fortement) présumée dans la "tragédie" arrivée à "un des hommes les plus puissants".

L'ex ministre de la justice, ajoute sa voix déraillée au grand concert machiste, à la super solidarité envers les "puissants", à la compassion unidirectionnelle du festival de Kahn.



Image : campagne "Viol, la honte doit changer de camp" des associations Osez le féminisme, CFCV et Mix-cité, lancée en novembre 2010 dont la pétition fut encouragée par certains membres du... Parti Socialiste

Voir : trouvez les bonnes légendes

16.5.11

JEU : TROUVEZ LES BONNES LÉGENDES

Ami lecteur,

Pour une de ces deux photographies,

Manuel Valls (ex-futur ministre de l'intérieur) a déclaré qu'elle était "d'une cruauté insupportable", il en a "pleuré", Martine Aubry (amie supposée du peuple), qu'elle était "profondément humiliante"
et qu'elle en était "vraiment bouleversée", Elizabeth Guigou (ex ministre de la justice) l'a "trouvé d'une brutalité, d'une violence, d'une cruauté inouies", Ségolène Royal (ex rivale de l'Empereur) a vu un «déferlement d'images plus violentes les unes que les autres», Jack Lang (ex prince) quant à lui a eu le cœur brisé face à une image qui "fait horreur et suscite l’écœurement".

Saurez-vous la reconnaître ?





Photo 1 : Harlem Nocturne
Photo 2 : jeune victime des troupes de l'Otan en Afghanistan

11.5.11

NUAGES




"La faim est un nuage d'où il tombe une pluie de science et d'éloquence. La satiété est un autre nuage qui génère une pluie d'ignorance et de grossièreté".
Platon
























Photographies Minneapolis 10 mai (avant la tornade) : B. Zon

10.5.11

SALETÉS DE PAUVRES !
(RETOUR SUR SWIFT)

Laurent Wauquiez, ministre de Napoléon IV, a déclaré sans rigoler que "les dérives de l'assistanat étaient le cancer de la France". Il a même fustigé les "couples qui au RSA, en cumulant les différents systèmes de minima sociaux, peuvent gagner plus que les couples dans lequel il y a une personne qui travaille au Smic". Le problème des gens pauvres, ce n'est pas seulement qu'il sont incapables de s'offrir une Rolex à 50 ans, c'est aussi qu'il n'ont aucune moralité, grattant à droite à gauche, contents de parasiter la bonne société avec leur misère. L'énarque fils d'industriel Wauquiez veut même créer un service de travail obligatoire pour ces cancers ruinant la France. C'est pas con, on force les pauvres à bosser pour rien, pour un petit pourboire, et comme il y aura (il y a, cette manie du futur !!!) de plus en plus de pauvres, on aura une main d'œuvre gratos. Et si ça ne marche pas, si les camps sont trop pleins, il n'y aura qu'à les tuer.

L'écrivain Irlandais, auteur des Voyages Gulliver (que l'on n'aurait bien tord de prendre pour un conte pour enfants), Jonathan Swift avait écrit en 1729 Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres dʼêtre à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public. Voilà le moment de relire ce pamphlet visionnaire avant de se faire bouffer tout cru par la nouvelle aristocratie désormais sans limites (traduction Léon de Wailly - 1804 ― 1863).


MODESTE PROPOSITION
POUR EMPÊCHER LES ENFANTS DES PAUVRES EN IRLANDE D’ÊTRE À CHARGE À LEURS PARENTS ET À LEUR PAYS ET POUR LES RENDRE UTILES AU PUBLIC


C’est une triste chose pour ceux qui se promènent dans cette grande ville
(Dublin) ou voyagent dans la campagne, que de voir les rues, les routes et les portes des cabanes encombrées de mendiantes que suivent trois, quatre ou six enfants tous en haillons et importunant chaque passant pour avoir l’aumône. Ces mères, au lieu d’être en état de travailler pour gagner honnêtement leur vie, sont forcées de passer tout leur temps à mendier de quoi nourrir leurs malheureux enfants, qui, lorsqu’ils grandissent, deviennent voleurs faute d’ouvrage, ou quittent leur cher pays natal pour s’enrôler au service du prétendant en Espagne, ou se vendent aux Barbades.

Tous les partis tombent d’accord, je pense, que ce nombre prodigieux d’enfants sur les bras, sur le dos ou sur les talons de leurs mères, et souvent de leurs pères, est, dans le déplorable état de ce royaume, un très-grand fardeau de plus ; c’est pourquoi quiconque trouverait un moyen honnête, économique et facile de faire de ces enfants des membres sains et utiles de la communauté, aurait assez bien mérité du public pour qu’on lui érigeât une statue comme sauveur de la nation.

Mais ma sollicitude est loin de se borner aux enfants des mendiants de profession ; elle s’étend beaucoup plus loin, et jusque sur tous les enfants d’un certain âge, qui sont nés de parents aussi peu en état réellement de pourvoir à leurs besoins que ceux qui demandent la charité dans les rues.

Pour ma part, ayant tourné mes pensées depuis bien des années sur cet important sujet, et mûrement pesé les propositions de nos faiseurs de projets, je les ai toujours vus tomber dans des erreurs grossières de calcul. Il est vrai qu’un enfant dont la mère vient d’accoucher peut vivre de son lait pendant une année solaire, avec peu d’autre nourriture, la valeur de deux shillings au plus que la mère peut certainement se procurer, ou l’équivalent en rogatons, dans son légitime métier de mendiante ; et c’est précisément lorsque les enfants sont âgés d’un an que je propose de prendre à leur égard des mesures telles qu’au lieu d’être une charge pour leurs parents ou pour la paroisse, ou de manquer d’aliments et de vêtements le reste de leur vie, ils contribuent, au contraire, à nourrir et en partie à vêtir des milliers de personnes.

Un autre grand avantage de mon projet, c’est qu’il préviendra ces avortements volontaires et cette horrible habitude qu’ont les femmes de tuer leurs bâtards, habitude trop commune, hélas ! parmi nous ; ces sacrifices de pauvres petits innocents (pour éviter la dépense plutôt que la honte, je soupçonne), qui arracheraient des larmes de compassion au cœur le plus inhumain, le plus barbare.

La population de ce royaume étant évaluée d’ordinaire à un million et demi, je calcule que sur ce chiffre il peut y avoir environ deux cent mille couples dont les femmes sont fécondes ; de ce nombre je soustrais trente mille couples, qui sont en état de pourvoir à la subsistance de leurs enfants (quoique je ne pense pas qu’il y en ait autant, dans l’état de détresse où est ce royaume) ; mais en admettant ceci, il restera cent soixante-dix mille femmes fécondes. Je soustrais encore cinquante mille pour les fausses couches ou pour les enfants qui meurent d’accident ou de maladie dans l’année. Restent par an cent vingt mille enfants qui naissent de parents pauvres. La question est donc : Comment élever cette multitude d’enfants et pourvoir à leur sort ? Ce qui, comme je l’ai déjà dit, dans l’état présent des affaires, est complètement impossible par les méthodes proposées jusqu’ici. Car nous ne pouvons les employer ni comme artisans ni comme agriculteurs. Nous ne bâtissons pas de maisons (à la campagne, j’entends), et nous ne cultivons pas la terre ; il est fort rare qu’ils puissent vivre de vol avant l’âge de six ans, à moins de dispositions toutes particulières, quoique j’avoue qu’ils en apprennent les rudiments beaucoup plus tôt, durant lequel temps ils peuvent, néanmoins, à proprement parler, être considérés comme de simples aspirants ; ainsi que me l’a expliqué un des principaux habitants du comté de Cavan, qui m’a protesté qu’il n’avait jamais rencontré plus d’un ou deux cas au-dessous de six ans, même dans une partie du royaume si renommée pour sa précocité dans cet art.

Nos négociants m’ont assuré qu’avant douze ans un garçon ou une fille n’est pas du tout de défaite ; et même à cet âge ils ne valent pas plus de trois livres, ou tout au plus trois livres et une demi couronne, à la Bourse, ce qui ne saurait indemniser les parents ni le royaume, les frais de nourriture et de guenilles valant au moins quatre fois autant.

Je proposerai donc humblement mes propres idées qui, je l’espère, ne soulèveront pas la moindre objection.

Un jeune américain de ma connaissance, homme très-entendu, m’a certifié à Londres qu’un jeune enfant bien sain, bien nourri, est, à l’âge d’un an, un aliment délicieux, très-nourrissant et très-sain, bouilli, rôti, à l’étuvée ou au four, et je ne mets pas en doute qu’il ne puisse également servir en fricassée ou en ragoût.

J’expose donc humblement à la considération du public que des cent vingt mille enfants dont le calcul a été fait, vingt mille peuvent être réservés pour la reproduction de l’espèce, dont seulement un quart de mâles, ce qui est plus qu’on ne réserve pour les moutons, le gros bétail et les porcs ; et ma raison est que ces enfants sont rarement le fruit du mariage, circonstance à laquelle nos sauvages font peu d’attention, c’est pourquoi un mâle suffira au service de quatre femelles ; que les cent mille restant peuvent, à l’âge d’un an, être offerts en vente aux personnes de qualité et de fortune dans tout le royaume, en avertissant toujours la mère de les allaiter copieusement dans le dernier mois, de façon à les rendre dodus et gras pour une bonne table. Un enfant fera deux plats dans un repas d’amis ; et quand la famille dîne seule, le train de devant ou de derrière fera un plat raisonnable, et assaisonné avec un peu de poivre et de sel, sera très-bon bouilli le quatrième jour, spécialement en hiver.

J’ai fait le calcul qu’en moyenne un enfant qui vient de naître pèse vingt livres, et que dans l’année solaire, s’il est passablement nourri, il ira à vingt-huit.

J’accorde que cet aliment sera un peu cher, et par conséquent il conviendra très-bien aux propriétaires, qui, puisqu’ils ont déjà dévoré la plupart des pères, paraissent avoir le plus de droits sur les enfants.

La chair des enfants sera de saison toute l’année, mais plus abondante en mars, et un peu avant et après, car il est dit par un grave auteur, un éminent médecin français, que, le poisson étant une nourriture prolifique, il naît plus d’enfants dans les pays catholiques romains environ neuf mois après le carême qu’à toute autre époque : c’est pourquoi, en comptant une année après le carême, les marchés seront mieux fournis encore que d’habitude, parce que le nombre des enfants papistes est au moins de trois contre un dans ce royaume ; cela aura donc un autre avantage, celui de diminuer le nombre des papistes parmi nous.

J’ai déjà calculé que les frais de nourriture d’un enfant de mendiant (et je fais entrer dans cette liste tous les cottagers, les journaliers et les quatre cinquièmes des fermiers), étaient d’environ deux shillings par an, guenilles comprises ; et je crois qu’aucun gentleman ne se plaindra de donner dix shillings pour le corps d’un enfant bien gras, qui, comme j’ai dit, fera quatre plats d’excellente viande nutritive, lorsqu’il n’aura que quelque ami particulier ou son propre ménage à dîner avec lui. Le squire apprendra ainsi à être un bon propriétaire, et deviendra populaire parmi ses tenanciers ; la mère aura huit shillings de profit net, et sera en état de travailler jusqu’à ce qu’elle produise un autre enfant.

Ceux qui sont plus économes (et je dois convenir que les temps le demandent) peuvent écorcher le corps ; la peau, artistement préparée, fera d’admirables gants pour les dames, et des bottes d’été pour les beaux messieurs.

Quant à notre cité de Dublin, des abattoirs peuvent être affectés à cet emploi dans les endroits les plus convenables, et les bouchers ne manqueront pas assurément ; toutefois je recommande d’acheter de préférence des enfants vivants, et de les préparer tout chauds sortant du couteau, comme nous faisons pour les porcs à rôtir.

Une très-digne personne, qui aime sincèrement son pays et dont j’estime hautement les vertus, a bien voulu dernièrement, en discourant sur cette matière, proposer un amendement à mon projet. Elle a dit que nombre de gentlemen de ce royaume ayant détruit, depuis peu, leur gros gibier, elle croyait que l’on pouvait suppléer à ce manque de venaison par des corps de jeunes garçons et de jeunes filles, pas au dessus de quatorze ans et pas au dessous de douze, tant d’enfants des deux sexes étant en ce moment menacés de mourir de faim, faute d’ouvrage ou de service ; et les parents, s’ils sont encore en vie, ou, à défaut de ceux-ci, leurs plus proches parents étant tout disposés à s’en défaire. Mais avec toute la déférence due à un si excellent ami et à un si digne patriote, je ne puis être tout à fait de son sentiment ; car pour ce qui est des mâles, l’Américain que je connais m’a assuré, pour en avoir souvent fait l’expérience, que leur chair était généralement dure et maigre, comme celle de nos écoliers, et que les engraisser ne paierait pas les frais. Quant aux femelles, ce serait, je pense, en toute soumission, une perte pour le public, parce que bientôt elles deviendraient fécondes elles-mêmes. Et d’ailleurs, il n’est pas improbable que des gens scrupuleux seraient portés à censurer cette mesure (quoique bien injustement, il est vrai), comme frisant un peu la cruauté ; ce qui, je l’avoue, a toujours été, à mes yeux, la plus forte objection contre tout projet, quelque bonne qu’en soit l’intention.

Mais je dois dire à la justification de mon ami, qu’il confessa que cet expédient lui avait été mis en tête par le fameux Psalmanazar, natif de l’île de Formose, qui vint à Londres il n’y a pas plus de vingt ans, et raconta à mon ami que dans son pays chaque fois qu’on mettait quelqu’un de jeune à mort, l’exécuteur vendait le corps à des personnes de qualité, comme une grande friandise ; et que de son temps le corps d’une fille dodue de quinze ans, qui avait été crucifiée pour une tentative d’empoisonnement sur l’empereur, fut vendu au premier ministre de Sa Majesté impériale, et autres grands mandarins de la cour, par quartiers, au sortir du gibet, pour quatre cents couronnes. En effet, je ne puis nier que si on tirait le même parti de plusieurs dodues jeunes filles de cette ville, qui, sans un sou de fortune, ne peuvent sortir qu’en chaise à porteurs, et se montrent à la comédie et aux assemblées dans des toilettes venues de l’étranger et qu’elles ne payeront jamais, le royaume ne s’en trouverait pas plus mal.

Quelques personnes portées au découragement sont fort inquiètes de ce grand nombre de pauvres gens, qui sont âgés, malades ou estropiés, et j’ai été prié de chercher dans ma tête ce que l’on pourrait faire pour soulager la nation d’une si lourde charge. Mais je ne suis pas le moins du monde embarrassé à ce sujet, car il est bien connu qu’ils meurent et pourrissent chaque jour de froid et de faim, de saleté et de vermine, aussi vite qu’on peut raisonnablement s’y attendre. Et quant aux jeunes journaliers, leur état aujourd’hui donne presque autant d’espérance : ils ne trouvent pas d’ouvrage et par conséquent dépérissent faute de nourriture, à un degré tel que si, par hasard, on leur confie le plus simple travail, ils n’ont pas la force de le faire ; et ainsi le pays et eux-mêmes sont heureusement délivrés des maux à venir.

Cette digression est trop longue, et je reviens à mon sujet. Je crois que les avantages de ma proposition sont évidents et nombreux, ainsi que de la plus haute importance.

Premièrement, comme je l’ai déjà fait observer, elle diminuerait considérablement le nombre des papistes dont nous sommes inondés tous les ans, car ce sont les plus grands faiseurs d’enfants de la nation, aussi bien que ses plus dangereux ennemis ; et s’ils restent au pays, c’est afin de livrer le royaume au Prétendant, espérant profiter de l’absence de tant de bons protestants, qui ont mieux aimé s’expatrier que de rester chez eux et de payer la dîme à un curé épiscopal contre leur conscience.

Deuxièmement. Les plus pauvres tenanciers auront quelque chose à eux que la justice pourra saisir et affecter au payement de la rente de leur propriétaire, leur blé et leur bétail étant déjà saisis et l’argent une chose inconnue.

Troisièmement. Attendu que l’entretien de cent mille enfants de deux ans et au-dessus ne peut être évalué à moins de dix shillings par tête et par année, l’avoir de la nation s’accroîtra par là de cinquante mille livres par an, outre le profit d’un nouveau plat introduit sur les tables de tous les gens riches du royaume qui ont quelque délicatesse de goût ; et l’argent circulera parmi nous, l’article étant entièrement de notre crû et de notre fabrication.

Quatrièmement. Les producteurs réguliers, outre le gain annuel de huit shillings sterling par la vente de leurs enfants, seront quittes de leur entretien après la première année.

Cinquièmement. Cet aliment amènera aussi beaucoup de consommateurs aux tavernes, où les cabaretiers auront certainement la précaution de se procurer les meilleures recettes pour l’accommoder dans la perfection, et, conséquemment, auront leurs maisons fréquentées par tous les beaux messieurs qui s’estiment fort justement en raison de leurs connaissances en cuisine ; et un cuisinier habile, qui sait comment ou engage ses hôtes, saura bien rendre celle-ci aussi coûteuse qu’il leur plaira.

Sixièmement. Ce serait un grand stimulant au mariage, que toutes les nations sensées ont encouragé par des récompenses ou imposé par des lois et des pénalités. Cela augmenterait le soin et la tendresse des mères pour leurs enfants, lorsqu’elles seraient sûres d’un établissement pour ces pauvres petits, soutenus en quelque chose aux frais et au profit du public. Nous verrions une honnête émulation entre les femmes mariées à qui apporterait au marché l’enfant le plus gras. Les hommes deviendraient aussi aux petits soins pour leurs femmes en état de grossesse qu’ils le sont aujourd’hui pour leurs juments, leurs vaches et leurs truies prêtes à mettre bas, et ils ne les menaceraient plus ni du poing ni du pied (comme ils en ont trop souvent l’habitude), de peur d’avortement.

On pourrait énumérer bien d’autres avantages. Par exemple, l’addition de plusieurs milliers d’animaux à notre exportation de bœuf en baril, la consommation plus abondante de la chair de porc, et un perfectionnement dans la manière de faire de bon lard, dont nous manquons si fort, par suite de la grande destruction des cochons de lait, qui se servent trop souvent sur notre table, et qui ne sont nullement comparables, comme goût et comme magnificence, à un enfant d’un an, gras et d’une belle venue, qui, rôti tout entier, fera une figure considérable à un repas de lord-maire, ou à tout autre festin public. Mais cela et beaucoup d’autres choses, je n’en parle pas, tenant à être bref.

En supposant qu’un millier de familles de cette ville achèteraient régulièrement de la viande d’enfant, indépendamment de ce qui s’en consommerait dans les parties de plaisir, particulièrement aux noces et baptêmes, je calcule que Dublin en prendrait environ vingt mille par an, et le reste du royaume (où probablement il se vendrait un peu meilleur marché), les quatre-vingt mille autres.

Je ne prévois aucune objection possible à ma proposition, à moins qu’on n’allègue que le chiffre de la population en sera fort abaissé. Ceci, je l’avoue franchement, et c’est même une des principales raisons pour lesquelles je l’ai faite. Je prie le lecteur d’observer que mon remède n’est destiné qu’à ce seul et unique royaume d’Irlande, et à aucun autre qui ait jamais existé ou qui puisse, je crois, jamais exister sur la terre. Qu’on ne me parle donc pas d’autres expédients : de taxer nos absentees à cinq shillings par livre ; de n’acheter ni vêtements, ni meubles qui ne soient de notre crû et de nos fabriques ; de rejeter complètement les matières et instruments qui encouragent le luxe étranger ; de guérir nos femmes des dépenses qu’elles font par orgueil, par vanité, par oisiveté et au jeu ; d’introduire une veine d’économie, de prudence et de tempérance ; d’apprendre à aimer notre pays, ce qui nous manque bien plus qu’aux Lapons même et aux Topinambous ; de cesser nos animosités et nos factions, et de ne plus faire comme les Juifs, qui s’égorgeaient les uns les autres au moment même où on prit leur ville ; de prendre un peu plus garde de ne pas vendre notre pays et notre conscience pour rien ; d’enseigner aux propriétaires à avoir au moins un degré de miséricorde pour leurs tenanciers ; enfin, de faire entrer un peu d’honnêteté, d’industrie et de savoir-faire dans l’esprit de nos boutiquiers qui, si la résolution pouvait être prise de n’acheter que nos marchandises, s’entendraient immédiatement pour nous tromper et nous rançonner sur le prix, la mesure et la qualité, et n’ont jamais pu encore se décider à faire une honnête proposition de trafic loyal, malgré de fréquentes et vives invitations.

C’est pourquoi, je le répète, que personne ne me parle de ces expédients et autres semblables, jusqu’à ce qu’il ait au moins quelque lueur d’espoir qu’on essayera de tout cœur et sincèrement de les mettre en pratique.

Mais, quant à moi, las de voir offrir, depuis maintes années, une foule de futiles et oiseuses visions, je désespérais entièrement du succès, lorsque je suis tombé par bonheur sur cette proposition, qui, outre qu’elle est tout à fait neuve, a quelque chose de solide et de réel, n’entraîne aucune dépense et exige peu de soins, est tout à fait dans nos moyens, et ne nous expose nullement à désobliger l’Angleterre. Car cette sorte de denrée ne supporte pas l’exportation, cette viande étant d’une consistance trop tendre pour rester longtemps dans le sel, quoique peut-être je puisse nommer un pays qui ne demanderait pas mieux que de manger notre nation tout entière sans cet assaisonnement.

Après tout, je ne suis pas tellement coiffé de mon idée que je rejette toute proposition, faite par des hommes sensés, qui serait jugée aussi innocente et peu coûteuse, aussi facile et efficace. Mais avant qu’on en mette une de cette espèce en concurrence avec la mienne, et qu’on en présente une meilleure, je désire que son auteur, ou ses auteurs, veuillent bien considérer mûrement deux points : premièrement, dans la condition où sont les choses, comment ils seront en état de trouver le vivre et le couvert pour cent mille bouches et dos inutiles ; et, deuxièmement, comme il existe dans ce royaume un million de créatures à figure humaine que tous leurs moyens de subsistance mis en commun laisseraient en dette de deux millions de livres sterling, ajoutant ceux qui sont mendiants de profession à la masse de fermiers, cottagers et journaliers avec femmes et enfants, qui sont mendiants de fait, j’invite les hommes politiques à qui mon ouverture déplaira, et qui auront peut-être la hardiesse de tenter une réponse, à demander d’abord aux parents de ces mortels, si, à l’heure qu’il est, ils ne regarderaient pas comme un grand bonheur d’avoir été vendus pour être mangés à l’âge d’un an, de la façon que je prescris, et d’avoir évité par là toute la série d’infortunes par lesquelles ils ont passé, et l’oppression des propriétaires, et l’impossibilité de payer leur rente sans argent ni commerce, et le manque de moyens les plus ordinaires de subsistance ainsi que d’un toit et d’un habit pour les préserver des intempéries du temps, et la perspective inévitable de léguer un tel sort, ou des misères encore plus grandes, à leur postérité jusqu’à la consommation des siècles.

Je déclare, dans la sincérité de mon cœur, que je n’ai pas le moindre intérêt personnel à poursuivre le succès de cette œuvre nécessaire, n’ayant d’autre motif que le bien public de mon pays, que de faire aller le commerce, assurer le sort des enfants, soulager les pauvres, et procurer des jouissances aux riches. Je n’ai plus d’enfant dont je puisse me proposer de tirer un sou, le plus jeune ayant neuf ans, et ma femme n’étant plus d’âge à en avoir.
.
Jonathan Swift

Image : SITT Montréal

9.5.11

WALL STREET

Photo : B. Zon (1er Mai Minneapolis)

7.5.11

HANSON ROESSLER LEGGETT ET HARPER
LES POSSIBILITÉS DU PAYSAGE
(BLACK DOG 6 MAI 2011)


«Je suis né dans les prairies, où le vent soufflait libre et il n'y avait rien pour cacher la lumière du soleil. Je suis né là où il n'y avait pas de murs. "
Geronimo (1829-1909)

En se rapprochant des amateurs d'art en train de regarder un tableau, on s'aperçoit parfois que ce que ces gens regardent véritablement est souvent tout simplement le cadre. Cela pourrait s'appeler : "l'impossibilité du paysage". Un paysage ne peut être encadré, tout comme un homme libre, tout comme une souffrance.

Le pianiste Todd Harper joue (presque) tous les vendredis au Black Dog, au fil des semaines, il raconte une histoire faite des plus significatifs brics et brocs du monde qui se réjouit (instinctivement) de penser. Il conclut (presque) toujours par "My favourite things", ritournelle écrite et composée par Richard Rodgers et Oscar Hammerstein le deuxième (toujours étonnant ces familles légèrement dynastiques où le père donne son prénom au fils) en 1959 pour une comédie musicale en deux actes intitulée The sound of music (le titre français s'était quelque peu avancé : La mélodie du bohneur) inspirée par la vie un brin romancée (euphémisme) de la chanteuse autrichienne Maria Augusta Trapp et de sa famille. En 1965, Robert Wise, fort du succès de West Side Story, en fit une adaptation cinématographique avec Julie Andrews. Bien mignonne Julie Andrews, mais d'une certaine manière, il était déjà trop tard, car la chanson phare de l'histoire (aucun des titres du véritable répertoire des Trapp ne figure ni dans le film, ni dans la pièce) "My favourite things" avait déjà été piratée par John Coltrane. Piratée au sens où il l'avait eue à l'abordage en 1961 pour ne pas cesser ensuite de l'ausculter, la caresser, l'interroger, la bousculer, l'exploser aussi. Entre les mains et la pensée active de John Coltrane, "My favourite things" est devenu l'exemplaire élément d'une révélation américaine type, the girl next door confrontée à la turbulence du monde. Le rose qui vire au rouge. Soudain il autorisait la douceur un peu forcée à reconnaître sa douleur jusqu'à la violence (Live in Japan). Pour Coltrane cette chanson était "un terrain qui se renouvèle selon l'impulsion qu'on lui donne". Au moment où les renouvellements de terrain autant que la nécessité d'impulsion crient leur désir d'être à la hauteur de la vie, les rappels de Todd Harper sont mieux que bienvenus, le paysage sans cadre a ses exigences de précision.

L'entracte n'est pas le moment du vide entre deux corps, mais bien au contraire l'intrusion d'un troisième corps aux fonctions nourrissantes (Erik Satie, Francis Picabia et René Clair l'avaient publiquement déclaré). Nathan Hanson (saxophone), Brian Roessler (contrebasse) et Peter Leggett (batterie), autres habitués du lieu, se retrouvent et s'installent. Moment de fraternité et d'échanges avec d'autres passants pendant que le contrebassiste s'accorde avec la môme Piaf. Nous ne sommes donc pas loin du pays des oiseaux (Birdland). Et puis les trois hommes se mettent à chanter fort, à chanter comme Albert Ayler, pour ne pas oublier d'où nous venons et figurer où nous allons. Une touche à la Carmen (dégaine Bizet/Preminger), comme une sorte d'unisson "pour pays l'univers et pour loi ta volonté ! Et surtout, la chose enivrante : la liberté, la liberté!"
L'explosion du cadre est inévitable, elle est célébrée par "Dancing in you head", composition d'Ornette Coleman magnifiquement désordonnée, présentée après coup comme un vieux marronnier et totalement investie par le trio. Ça guinche sérieux ! La danse n'a pas de limite, elle sort du cadre, c'est sa nature, son paysage : la vie en compagnie des arbres pour oublier les cadres et le cas échéant les pulvériser. Il n'y a aucun dynamisme dans les cadres, les cadres dynamiques, ça n'existe pas, soit ils s'alignent pour fabriquer des armées, soit ils dépriment et se suicident. L'archet introduit et les cymbales frémissent. Gustav Mahler qui croyait à l'enfance est gentiment (et dûment) extorqué un peu comme Roger & Hammerstein. Il n' y a pas que les cymbales qui frémissent. La musique est forte. Comment faire autrement que frémir pour échapper à toutes les comédies qui nous rapetissent. Moment indispensable. On poussera même jusqu'au Cambodge pour finir par malmener en riant la marche n°1 de "Pomp and Circumstance" du baronnet impérialiste Edward Elgar, symbole annuel de la remise des diplômes. Bande de sales gosses ! Hanson-Roessler-Leggett jouent en profondeur, en épaisseur et sans peur, sans alibi d'époque aussi. Des rires dans la pièce d'à côté et l'herbe pousse. Verte et sans cadre.








Photos : B. Zon

UNITED COLOURS





















Photos : B. Zon

5.5.11

L'ÉTAT DES CHOSES (RÉALITÉ)



Photos : 1er Mai à Minneapolis par B. Zon

3.5.11

NOM DE CODE "GERONIMO",
UNE HISTOIRE AMÉRICAINE

Geronimo, dont le véritable nom apache était Goyahkla, fut un grand résistant. Il n'était pas chef, mais homme-médecine des Bedonkohes, un clan de la tribu des Chiricahuas. D'influence forte, il deviendra vite responsable de la tribu aux côtés de Naiche, fils de Cochise. En 1858, sa mère, sa femme Alope et ses trois enfants sont assassinés par l'armée mexicaine. Il en demeura meurtri à vie. Cet événement décide son entrée en résistance active. Il multiplie les raids au Mexique. Le 30 septembre, jour de la St Jérôme, les Mexicains implore le Saint en question, lors d'un raid de Goyahkla. Celui-ci les entend crier "Geronimo ! Geronimo !" C'est alors que ce deuxième nom est adopté. Les Mexicains tuent sa seconde épouse. En 1862, c'est la bataille d'Apache Pass contre le régiment US du général James H. Carleton. Geronimo est aux côtés de Cochise et de Mangas Coloradas, le vieux chef apache qui avait réussi l'unité. Geronimo le sauve alors qu'il est sévèrement blessé. Mais en 1863, Mangas Coloradas épuisé demande à signer un traité de paix, il se rend à Fort McLane à cette fin. Le brigadier général Joseph Rodman West lui promet sa protection. L'Apache arrive au fort avec un drapeau blanc. Mais le militaire a donné d'autres instructions à ses soldats : "Messieurs, ce vieux criminel nous a échappé pendant des années. Il a laissé derrière lui une trainée de sang de 700 km. Je le veux mort ou vif demain, vous comprenez ? Je le veux mort." Mangas Coloradas est torturé puis assassiné. Cet épisode déclenchera la colère de Geronimo qui multipliera d'autant les raids contre les armées et colons mexicains et américains. Alors que Cochise signe un traité garantissant leur terre aux Apaches, ceux-ci sont déportés dans le désert de San Carlos. Geronimo et Naiche s'évadent et reprennent les actions. Geronimo sera arrêté plusieurs fois et s'échappera toujours. Le général Crook, "héros" de la guerre de Sécession, s'occupe personnellement du cas Geronimo. Dès lors ce sera une longue traque dans les montagnes mexicaines, en Arizona et au Nouveau Mexique. La mobilité (plus souvent à pied qu'à cheval) et la ruse de l'Indien impressionnent. Crook, jugé trop "aimable", démissionne et est remplacé par le général Nelson Miles, ancien compagnon de Custer, pourchasseur d'indiens invétéré, qui a le vent en poupe à Washington. 5000 soldats américains et 3000 soldats mexicains font la chasse aux Chiricahuas des deux côtés de la frontière. Miles fait déporter les Apaches paisibles de la réserve de San Carlos en Floride pour affaiblir encore Geronimo. Les officiers militaires les plus réputés sont sur le coup. Mais le maître de la guérilla n'en peut plus de fatigue et le 4 septembre 1886, se rend (pour la quatrième fois, dira-t-il) avec 16 guerriers, 12 femmes et 6 enfants. Le général Howard se vantera d'avoir arrêté un dangereux bandit alors que le général Stanley certifie que Geronimo s'est constitué prisonnier de guerre contre la garantie d'une prise en charge sociale, humanitaire et éducative des différentes communautés apaches par le gouvernement américain.

Geronimo sera déporté avec son groupe à Fort Pickens en Floride où nombre de ses camarades vont mourir (l'acclimatation s'avère rude). Il se convertit au christianisme et semble en apparence adopter pour cette fin de vie le chemin de l'homme blanc (Exposition universelle de 1904 à St Louis, parade d'inauguration de Theodore Roosevelt en 1905...). Pourtant il dit jusqu'à la fin regretter sa reddition. Il meurt d'une pneumonie en 1906 à Fort Sill en Oklahoma (autre territoire de déportation). Son souhait d'être enterré près de la rivière Gila ne sera pas respecté.

La tombe de Geronimo au cimetière du camp militaire Fort Sill aurait été profanée en 1918 par un groupe d'étudiants dont aurait fait partie Prescott Bush, futur co-directeur de l'Union Bank qui fit fortune en commerçant avec l'Allemagne nazie et père et grand père de deux présidents des Etats-Unis : George H Bush et George W. Bush.

...XXIème siècle
Le nom de Geronimo a été attribué par l'armée américaine, comme code, à Oussama Ben Laden et l'opération visant à le tuer. Geronimo n'avait rien d'une créature américaine. Et si God bless America reste d'actualité pour les dirigeants de Washington, la guerre de Geronimo n'avait rien de religieux, il se battait le plus simplement du monde pour les droits et le salut de son peuple et au-delà pour la dignité humaine, le sentiment le plus éloigné de toute réalité coloniale. Rien en commun avec le fondateur d'Al Qaeda donc, mais la simplification hollywoodienne, celle qui a généré tant de haine, de bêtise et de racisme, ne s'encombre pas de détails. Elle aime jouer aux cow boys et aux Indiens (la solution militaire contre la pauvreté) pour tromper ses propres crimes et se rire de sa propre tragédie.

"Nous avons Geronimo !" commente Léon E. Panetta, chef de la CIA au petit ensemble présent autour du président Obama (successeur et héritier de George W. Bush) lors de l'élimination d'Oussama Ben Laden le 1er mai 2011. Puis s'affiche le message "Geronimo EKIA" (Enemy killed in action). Barack Obama confirme "On l'a eu".

L'histoire ne dit pas si le fantôme de Joseph Rodman West était dans la place. La mémoire a les sombres limites d'un jeu vidéo.


À lire : Mémoires de Geronimo (transcrites par SM Barrett) La découverte

JUSTICE ?

MORTS GUERRE D'IRAQ* depuis 2003 (chiffre Août 2010) :
900 338

BLESSÉS GUERRE D'IRAQ depuis 2003 : 1 690 903

MORTS GUERRE D'AFGHANISTAN depuis 2001 (chiffre Août 2010) : 19 629
BLESSÉS GUERRE D'AFGHANISTAN depuis 2001 : 48 644

NEW-YORK, WASHINGTON, SHANKSVILLE : 11 SEPTEMBRE 2011 : 2 996

SOUVENIR DU PRIX D'UN MESSAGE ENVOYÉ PAR LE GOUVERNEMENT DES USA AUX SOVIÉTIQUES À HIROSHIMA ET NAGASAKI LES 6 ET 9 AOÛT 1945 : + DE 210 000 MORTS

* Incluant les morts suite de blessures ou d'infections


Sources :
Unknownnews.org, British Medical Journal, Wikipédia

2.5.11

LE TIERCÉ DES DUPES


Mauvaise synchronisation ? Le mariage royal du Prince William de Cambridge et de Catherine Middleton, production très Disneyland (coût faramineux) avec toutes sortes de costumes froufroutans antéguillotins (la reine mère déguisée en citron givré et autres curiosités de siècles qui n'auraient jamais dû être) a été programmé le 29 avril 2011. Il aurait été plus avisé de le faire le 1er mai de la même année, participant ainsi d'un remarquable tiercé : le tiercé des dupes. Jean-Paul II, inventeur des Journées mondiales de la jeunesse (bénies par le gouvernement français de l'époque "socialiste"), ennemi du plaisir, fervent opposant des pratiques sexuelles non reproductives, visiteur d'Augusto Pinochet, allié de l'Opus Dei, a été canonisé (ce qui ne veut pas dire mis dans un canon, mais béatifié, déclaré "Saint") le 1er mai 2011. Le même jour, le président des États Unis d'Amérique Barack Obama, annonçait (style George Bush jr en moins comique), la mort de l'ennemi public n°1 Oussama Ben Laden (ex allié des USA contre les soviétiques, leader d'Al Qaeda sous dialise, concepteur présumé des terribles attentats du 11 septembre 2001 qui "justifieront" la guerre en Afghanisan puis celle d'Irak - qui n'avait rien à voir là-dedans but the show must go on - et entraîneront d'autres morts à la puissance 100, déjà déclaré mort en 2002, 2006, 2007 et 2008 - mais ce coup-ci c'est pour de bon, ça fait presque dix ans pile) déclenchant une sorte d'étrange liesse à New-York et Washington (le reste du pays a d'autres chats à fouetter) digne d'un grand succès sportif ; mais au fond, rien de choquant, c'est exactement l'endroit où l'on vit, les romains ne sont jamais loin et Walt Disney non plus. Pourquoi se demander pourquoi ?
Dommage que la couronne britannique ait encore eu un temps de retard, ça aurait eu de la gueule la fête du travail en ce premier mai 2011 : la gueule de l'emploi !

Photo : B. Zon (participants à la Mayday parade de Minneapolis) le 1er mai 2011

THE SHAPE OF THINGS TO COME

MINNEAPOLIS








PARIS


















Photo Minneapolis 1er mai 2011 : B. Zon
Photo Paris
1er mai 2011 : Z. Ulma

1.5.11

LE PREMIER QUI DIT "MAI"


1891 : À Fourmies, lors de la première célébration française et internationale* de la journée d'action du 1er mai, l'armée (300 soldats) ouvre le feu sans sommation sur les grévistes pacifiques (un groupe d'environ 150 personnes) en tuant 9 (dont 8 adolescents) et en blessant 35 autres.

En 2011, 120 ans plus tard, alors que le processus de liquidation de la classe ouvrière va bon train, plus besoin de militaires, les travailleurs se suicident directement.

* En 1884 à Chicago, les travailleurs américains avaient fait du 1er mai un jour de revendication pour la journée de huit heures.

Mai sur le Glob

Photo : Z.Ulma (murs de Paris le 1er mai 2011)