Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

31.8.08

ETAT DE SIÈGE




Il y a quelques temps, le projet de l'indésirée Convention Républicaine était décrit métaphoriquement comme la future mise en état de siège de la ville de St Paul. Aujourd'hui, plus de métaphore, la cité est réellement en état de siège, littéralement, occupée par toutes les forces gouvernementales (reste-t-il un flic disponible dans le reste du pays ?). On ne passe plus : barbelés, grillages, murs en bétons, sacs de sable, patrouilles incessantes en l'air (hélicoptères) sur terre (sirènes hurlantes) et sur rivière (à faire saigner le Mississippi), forces de police surexcitées, raids constants, arrestations... Tout ça pour que le show Xcel-McCain (et l'arrivée demain de King George chahutée par Gustave, héritier de Katrina) soit en bonne place après le show Pepsi-Obama. Mais il y a un peu de beauté, un peu d'espoir dans ce déluge d'imbécilité criminelle : la ténacité, l'intelligence de jeunes gens actifs et résistants à la terreur imposée, non soutenus par les grandes organisations syndicales ou politiques (c'est le moins que l'on puisse dire). Quelqu'un a dit No Pasaran ?

Pour suivre l'information autrement que par les médias salement dépendants :


Indy Média Twin Cities

Twin Cities Daily Planet (articles de Mary Turck)

Blog de Rich Broderick sur Daily Planet

Democracy Now

`
Groupes actifs :

RNC welcoming comitee Fédération de groupes anti-autoritaires

Women against military madness Féministes antimilitaristes

Veterans for peace Anciens combattants ayant compris leur douleur


Lieu d'échange et musique :

Call and answer at the Black Dog

Librairie :

Arise


Divers :

Unconvention


Photo : B. Zon

26.8.08

RENDEZ-VOUS AVEC MALAS LE 27 AOÛT


Edgware Road est une rue de Londres chargée d'histoire parfois tragique (des romains à nos jours) traversée par mille effluves voyageuses. Le trio Malas, d'un nom de son leader, lui a dédié une très belle chanson que l'on peut entendre parmi les cinq titres enregistrés par le groupe et non encore commercialisés. Un groupe de variétés (le mot est superbe lorsqu'il est juste) pas comme les autres puisqu'il s'agit de la formule dite "power trio" (guitare, basse, batterie) qui est à la pop music ce que le quatuor à cordes est à la musique classique. Malas fait honneur à la chanson française (ben oui !) avec ses chansons pour tous les garçons et les filles devenus grands, mais qui ne le savent heureusement pas trop. La guitare de Nicolas Massouh souligne des mots sensibles portée par une rythmique chaleureuse au groove redoutable (Vincent Lefrançois, basse et Olivier Gasnier batterie). On s'impatiente d'entendre leur premier disque, mais en attendant on se délectera de leurs prestations en concert, comme celle du 27 août prochain à l'Abracadabar, 123, avenue Jean Jaurès, Paris 19 à 21h. (Métro Laumière)

www.myspace.com/malashome

25.8.08

MINUTE PAVILLON !



Napoléon IV, à peine "élu" en l'an 2007 souhaitait une "France des propriétaires". Une des qualités indéniables du pouvoir est qu'il a de la suite dans les idées. Le 13 juillet 1928, le ministre du travail et de la prévoyance (IIIème République), Louis Loucheur, voyait adopter sa loi favorisant l'habitation populaire grâce à l'intervention financière de l'État. Loucheur, ministre de l'armement pendant la première Guerre Mondiale puis de la reconstruction industrielle à l'Armistice, avait bien compris qu'"un propriétaire, même petit, ne se révolte pas*. La France allait battre pavillon pavillons.

Le cinéaste Frédéric Ramade, réalisateur de Raconte-moi (série de 12 épisodes sur les mythes des légendes et contes) et d'une partie importante du magazine géopolitique Le Dessous des cartes d'Arte est né et a grandi dans la zone pavillonnaire de Fondettes (village de la périphérie de Tours cité dans la définition de Cellettes dans le diconato). Fondettes, petit village typique d'une certaine douceur tourangelle, a vu sa population plus que tripler depuis 1968. Mais les nouveaux habitants des années post-révolutionnaires (navigation pompidolienne puis giscardienne) de cette localité d'Indre-et-Loire, où l'église est encore pleine le dimanche, ne sont guère Fondettois et Fondettoises ; plutôt une population anonymisée de la grande banlieue de Tours. Se livrer à une démonstration implacable parce que distante et arrogante parce que lointaine (par le haut) serait chose somme toute facile vue d'un confortable nid parisien. Frédéric Ramade s'en garde bien. Il ne joue pas les citadins anthropologues aux constats sétriles. Il est simplement revenu avec sa caméra vivre entre ses parents le temps d'un tournage. Il appréhende la réalité de ce drôle d'habitat et pour ce faire, met à bas le style en excellent (dé)constructeur. Il veut savoir parce qu'il connaît. Le film tend vers une substance inédite, un imaginaire pavillonnaire, une sorte de préhistoire qui se dessine sous nos yeux. Ode pavillonnaire en tout cas ne fait pas d'orphelins, il a cette amitié. Les questions apportées par le moyen métrage (donc par sa réussite) tendraient à prouver qu'une approche tendre (et un brin amusante) donne les meilleurs résultats. Le bon voisinage peut voir bien plus loin que son nez, grattant même à l'occasion les nasaux de Marcel Duchamp et Jules Bonnot.

Si vous avez raté la diffusion de "Ode pavillonaire" dans les salles de cinéma au printemps dernier, ruez-vous sur le Livre DVD, le livre est aussi intéressant que le film. Le film est produit par Atopic, déjà responsable des films de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet Une visite au Louvre, de Guy Girard sur le trompettiste Jac Berrocal Les Chants de Bataille et de Judith Abitbol sur Denis Colin Something in Common dont on attend impatiemment les sorties DVD.

Ode Pavillonnaire, un livre DVD Filigranes-Atopic (Contre allée distribution)

* citation page 32 du fascicule

20.8.08

PASSER PAR LES LARMES



Les semaines s'écoulent à la vitesse du sang des sacrifiés et ça finit par faire cent ans. "Le XXIème siècle sera religieux" aurait dit un célèbre contorsionniste du XXème siècle... Dans les guerres inutiles, tirs "amis" et embuscades ont la même vocation confuse et lointaine de dévots services écoeurants. Le discours pauvre en mots, en grammaire et misérable en humanité, de Napoléon IV veut justifier la mort de ceux qu'on délèguent au casse-pipe d'une poignée de fourbes bons du trésor, impossibles fiertés écrasées par la brutale et imposée surcharge des solitudes, fardeaux des pupilles enrôlées. Tendons l'oreille aux hurlements des enfants couverts par les paroles imbuvables des fossoyeurs ricanants.

L'ARROSOIR (2)



Lucas se débattait ! Il évoluait dans un ensemble mieux préparé que lui-même. Du moins c'était ce que les constituants de cet ensemble projetaient sans cesse. Comme ils mangeaient mieux en croyant bien disserter, ils lui reprochaient en avant de s'y prendre toujours "à la dernière minute". Ce qu'ils ignoraient, c'est que précisément, il n'en avait pas d'autre. C'était bien la toute dernière sans sens figuré, son seul espace d'action. Et Lucas y tenait à cette dernière minute, comme à la prunelle de ses yeux, qu'il n'avait plus dans sa poche.


Photo : B. Zon

19.8.08

ET PUITS


L'excès de zèle, masque de l'ignorance, nuit souvent, tel celui qui voudrait supprimer le "s" terminal au mot "puits" sous prétexte qu'il serait au singulier. L'orthographe n'obéit pas qu'à des règles et c'est tant mieux. Et si les augustes moines copistes sont à l'origine d'un certain nombre de choix arbitraires ayant conduit aux aléatoires redoublements de consonnes et consort, là n'est pas le pire des hommes en bures. "Puits", donc, est attaché à son "s" si singulier comme la marge à la page. On pourrait croire qu'il indique les richesses possibles de ce trou en terre ("s" pour "Puits de science"), ou bien, trop prude ou trop machiste, qu'il refuse la féminité des profondeurs (la femelle du puits n'est pas la puite). Mais les excroissances du mot nous mettent le "puz" à l'oreille et l'eau à la bouche. Il n'est pas de fille de puitasier, mais de fille du puisatier. On ne puite pas, on puise. Et pour évacuer les eaux sales ou inutiles, point de puitard, mais un puisard. S'il est une lettre un tantinet en trop, ce ne serait donc pas le "s" final, mais le "t" intérieur. Les clowns blancs grammairiens de la Renaissance, mettant un peu d'ordre dans le foutoir linguistique des origines diverses, écritures multiples et prononciations arbitraires, n'ont pas voulu trancher entre le "s" et le "t" de ce qui fut au Moyen-âge un "puiz", un "puz", un "puito" (latin "puteus"). Le "s", beau virage, est bien à sa place. Et pour reprendre les mots d'un autre moine, parfaitement athée et un brin détective : "On ne saurait tancer les extrémités aux crêtes trop faciles lorsque se cache à peine en touffe, la tête haute, l'objet triomphant de tous nos maux.". J'y pense et puits oublie profondément.


Photo : B. Zon

9.8.08

GERRY MULLIGAN
PAR
FRANCOIS CORNELOUP


Récemment, quelqu’un m’a demandé à juste titre pourquoi je parlais si peu de Gerry Mulligan qui pourtant est une figure emblématique, probablement la plus populaire du saxophone baryton, cet instrument qui accapare la majeure partie de mes préoccupations d’instrumentiste et plus largement de musicien. Non seulement je ne conteste certainement pas que ce statut lui ait été donné mais je suis probablement l’un des plus fervents admirateurs du maître de l’instrument et de l’arrangement. Voilà qui est fait. J’ai proclamé cet amour indéfectible. J’en conviens, cela eut pu être officialisé plus tôt, beaucoup plus tôt lorsque j’entendis pour la première fois, il y a maintenant longtemps, si longtemps que je ne me souviens plus quand, quel disque... Birth of the Cool peut-être... ou bien avec Paul Desmond... Rien de surprenant dans cette déclaration. Il n’y a aucun mérite à crier son admiration pour un génie reconnu de la musique improvisée. Mais, et c’est probablement pour cette raison que je tarde à le faire, cela m’est en revanche beaucoup plus difficile de trouver comment dire pourquoi j’aime Gerry Mulligan. Comment décrire la perfection d’équilibre de son phrasé, la rigueur et l’habileté de sa mélodicité sans piétiner grossièrement dans une surenchère de termes techniques ou d’adjectifs maladroits, les années de travail qui l’ont conduit à ne laisser justement dans son jeu comme dans ses écrits que ce qui est au service de la musicalité, écartant savamment tout pathos, toute démonstration de force, bannissant le moindre signe d’impudeur narcissique ? On notera d’ailleurs l’aisance avec laquelle il a su tout au long de sa carrière partager dans l’instantané l’espace d’expression avec de nombreux partenaires, la capacité à se fondre dans l’ensemble non dans un dévouement aveugle, mais seulement avec le souci du fonctionnement. Pas de surexpressivité sentimentale chez Mulligan. Comme le joueur d’échecs, il ne livre sa dimension humaine qu’à travers les filtres intransigeants de la construction formelle. Et c’est en définitive l’extrême élaboration de son travail qui exprimera, comme on le dirait de la subtile distillation qui fera de la fleur un parfum, l’humanité de cet incomparable artiste. Gerry Mulligan n’exhibe pas le moindre signe d’égocentrisme qui puisse attester quelconque ragot psychanalytique. Tenter de parler de Gerry Mulligan, ne ramène inexorablement qu’à parler de soi. Ecouter Gerry Mulligan, comme du reste, beaucoup de ceux avec qui il inventa le Cool, nous conduit imperceptiblement d’ailleurs sur le chemin d’une introspection dont on ne réalise la profondeur qu’après coup. On ne croit que l’entendre distraitement alors qu’on l’écoute avec une concentration telle que lorsqu’il vient, le silence nous fait l’effet d’un vertige presque hypnotique, de la douceur de la chute, lorsqu’on la rêve. Mais il y a pourtant une expressivité chez Gerry Mulligan. Elle se forme paradoxalement dans la discrétion, plus radicalement encore : dans la disparition. Comme Alberto Giacometti décharne le corps de ses sculptures préférant à la masse l’espace qui l’entoure, comme pour offrir la possibilité d’un mouvement, Gerry Mulligan laisse subtilement l’inertie de l’instrument creuser des aspérités dans le son, des mystères dans les phrases. Il nous offre ainsi un vide où la conscience puisse se caser pour le suivre. Ses arrangements produisent, dans une économie de moyens, l’équilibre nécessaire pour la confiance mais la tension suffisante pour garder l’esprit en alerte. Il y a dans son écriture, toujours parfaitement dosée, ce qu’il faut de ce décalage qui fait que fort heureusement l’Homme ne sera jamais un être ni totalement rationnel ni totalement conscient ni totalement moral. La musique de Gerry Mulligan est comme une urgence inconsciente.

F. Corneloup - 9/08/2008.

Photos : Z. Ulma (Corneloup), DR (Mulligan)

L'ARROSOIR (1) - (EXTRAIT DES DIALOGUES)


- Lucas : "J'aurais dû enlever mes chaussures dans l'arrosoir !"
- Myriam : "Moi ma mère ne m'a jamais permis d'enlever mes chaussures dans l'arrosoir."
- Lucas : "Quand je ne le fais pas, tout est sec et je ne puis t'aider."
- Myriam : "Ce n'est pas d'aide dont j'ai besoin."
- Lucas : "Tu as besoin des deux tiers, je ne les ai pas."
- Myriam : "À moins que tu ne fermes le robinet."

7.8.08

D'UNE PIERRE DEUX COUPS



C'est fou ce qu'il y a comme "tombeurs du système communiste et du Mur de Berlin", qualificatifs attribués également à l'acteur-président Ronald Reagan et à l'écrivain russo-vendéen Alexander Soljénitsyne lors de leurs morts respectives. Ces personnes auraient été plus avisées de "tomber"par la même occasion le système capitaliste dans son entier entraînant du coup la chute de sa version expérimentale : le capitalisme d'état (où communisme selon les moniteurs de l'URSS ou de la Chine - très en forme ces jours-ci). Bande d'écervelés !

dessin : George Grosz

2.8.08

CEUX QUI PRENNENT LE TRAIN...



... auront remarqué que les sièges des TGV nouveaux modèles (Trains à Grande Vitesse) sont séparés au niveau des têtes par des sortes d'avancées en dur qui empêchent tout contact intime avec votre voisine ou voisin. Pas de baisers trop vifs en glissant sur l'appui-tête, pas de regard proche fort spontané, pas de sieste sur l'épaule de l'autre sinon bing ! c'est la bosse assurée sur le front. Il ne vous reste donc qu'à vous occuper afin d'avoir l'air d'une personne à contenu, un ordinateur portatif est parfait pour ça. Vous pourrez aussi choisir d'écouter (entendre) de la musique dispensée à vos seules oreilles par un Ipod aussi efficace pour la sélection musicale que Raymond Domenech pour celle de l'équipe de France de Foot Ball, lire peut-être si vous résistez encore un peu (mais à quoi ?), somnoler côté fenêtre ou côté couloir en attendant que le contrôleur ne vous réveille, manger ou boire la sous cuisine dispensée dans les trains modernes qui vont si vite que l'on n'y vit plus. Ce que l'on demande au passager moderne, c'est de gérer (car la gestion est la force suprême de l'univers du libre échange - des otages) sa solitude sans bruit et en gardant ses ravages pour lui-même avec la dignité d'une quille. Cette excroissance entre les sièges en est l'un des signaux qui annoncent le prochain arrêt... où tout le monde descendra.



Photo : B. Zon