Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

16.4.12

GARY FARMER & THE TROUBLEMAKERS : REZIFIED, NUIT MINNESOTANNE

"L’imagination n’est pas un état ; c’est l’existence humaine toute entière".
William Blake

À l'entrée un indien demande à Sara Remke si le Black Dog a été nommé ainsi à cause du chef dakota du même nom. Ce n'est pas vraiment le cas, même si le village de Black Dog se trouvait quelques kilomètres plus au sud sur la même rive du Mississippi avant l'édification de la capitale du Minnesota. Il a l'air un peu déçu, mais se ravive de suite : "mais vous avez l'air de faire bon cas des indiens ici" et il entre l'air heureux. Ce soir, alors que la tornade menace à l'extérieur, les indiens sont sur scène et dans la salle (certains sont venus de loin). Pas de minorité donc, mais une présence totale et visible.

Gary Farmer & the Troublemakers (Brock Stonefish : guitare et chant, John Longbow : basse, Bruce Fraser : batterie et Gary Farmer : chant et harmonica) sont sur la route pour huit semaines. La tournée s'intitule "Rezified", passe donc par bien des réserves indiennes avec d'autres haltes. On ne se demandera pas pourquoi le blues, dénominateur commun des opprimés de l'ile de la Tortue qui porte ici la parole non résignée.

Souvenir non sans rapport : Au festival les Temps Modernes d'Allonnes (Sarthe) en 1992, le poète shawnee Barney Bush et le grand batteur de free jazz afro américain Sunny Murray, par hasard à la même table et tous les deux ayant grandi dans cette terre de déportation qu'est l' Oklahoma évoquaient de façon intarissable et avec beaucoup de joie des tas de connaissances communes de leurs parents et grands parents.

La rythmique de Longbow et Fraser gronde et la guitare de Stonefish se fraie un passage sans réserve, accents fluides, souples accueillant l'inoubliable Nobody (dans Dead Man de Jim Jarmusch) et son chant granuleux fruit d'une consciencieuse exploration, d'une ténébreuse clairvoyance capable de virer jusqu'à l'arc en ciel.

"We gotta make the change, make it now"

Le chanteur cayuga dédie "Mister Coyote" au Beatle le plus cinéphile en rappelant un épisode du montage de Pow Wow Highway de Jonathan Wacks (où d'autres grands acteurs indiens allaient être révélés : Graham Greene, Wes Studi, John Trudell y faisait aussi ses débuts à l'écran), film important dans la représentation cinématographique du native american. Alors que Wacks par peur, voulait couper une scène où Farmer montrait son postérieur, l'auteur de "Something" qui était producteur du fim, trancha positivement par un grand sourire. "C'est grâce à George Harrison que vous avez vu mes fesses !".

La pianiste Alexandra Buffalo Head (du groupe Bluedog) est invitée pendant le premier set qui se conclue par un étonnant "Bang Bang (my baby shot me down)", le thème de Sonny & Cher, plein de mélancolie. Beaucoup d'invitations, d'amitiés et d'échanges dans cette soirée où conscience historique et sociale sont autant de gages. L'orchestre contribue à quelque chose d'important, quelque chose qui prolonge d'autres actions des acteurs en présence pour que la parole indienne puisse s'affirmer dans le désert d'ignorance. Jouer, simplement jouer... contre la séparation.


Photos B. Zon (sauf image du film Dead Man)

2 commentaires:

Lumix a dit…

Dead Man est le grand film de Jarmusch. Le plus grand rôle de Johnny Depp aussi.

Anonyme a dit…

bojour