QUI A OSÉ SIFFLER MICHELINE DAX ?

Qui a vu Rue Saint-Denis de Jean-Daniel Pollet (partie du film à Sketch : Paris vu par - 1964) ou mieux encore cette autre petite perle rare de cinéma qu'est L'acrobate (1976) du même Pollet, ne pourra jamais oublier ni Claude Melki bien sûr, ni Micheline Dax alias Madame Lamour dans le second. La comédienne vient de disparaître à 90 ans et quelques jours. Disparaître Micheline Dax ? Mais c'est une plaisanterie ! Encore une promesse non tenue. C'est comme si on nous disait que Guy Piérauld ou Roger Carel allaient disparaître. Et puis quoi encore. Les acteurs sont de chair, ils ne sont pas éternels nous assure-t-on, oui oui d'accord on est au courant, mais ceux-ci sont bien autre chose, ils sont des voix. Que dis-je, ils sont les voix d'une infinie présence qui met à plat tous les prétendant aux trônes de quelque divinité que ce soit.  Micheline Dax a certes été une comédienne soufflante chez Sacha Guitry, Robert Dhéry, Jacques Becker, Henri Decoin, Tonie Marshall, une branquignole débordant le boulevard, mais elle a aussi su faire résonner la voix de Cléopâtre (Astérix et Cléopâtre), de la Castafiore (Tintin et le Lac aux requins), de Calamity Jane (Lucky Luke), celle de la Peggy du Muppet Show et autres caractères de papier bien encré et à l'animation désirée. C'est fabuleux ! Plus encore : celle qui fut l'épouse de Jacques Bodoin et donc adepte de la table de multiplication fantaisiste, sifflait aussi avec vaillance et brio (quelques disques pour preuve à l'appui). Le monde a bougrement besoin de grands siffleurs et de Madame Lamour célébrant les alliances inattendues, esquivant les apitoiements déplacés et portant comme dans Rue Saint-Denis une caressante tendresse. Alors ce coup de sifflet final mal imité venu d'on ne sait où, on pouvait s'en passer.