Enfants d'Espagne

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1.5.20

FAITS DU TRAVAIL (VIRAL)


Scandaleuse,  la radio scandaleuse ment scandaleusement. Qu’elle s’appelle Info ou Inter, elle répète déjà depuis la veille  que le 1er mai célèbre « la fête du travail ». Le petit régent lui-même a repris cette terminologie. C'est bien pratique et insultant.

Doit-on une fois encore faire le rappel historique de l’origine du 1er mai, fête des travailleurs ? Rappeler qu’à l’issue de la grande grève de Chicago à l'usine McCormick le 1er mai 1886, suivie nationalement par 340 000 ouvriers, alors qu’August Spies, militant anarchiste, termine son discours avant la dispersion, la police charge et tue au moins deux ouvriers de McCormick [1] en en blessant plus d'une dizaine d'autres ; évoquer le meeting de Haymarket Square organisé trois jours plus tard par Spies et deux autres anarchistes, Albert Parsons et Samuel Fielden, toujours à Chicago, lorsqu’au moment de la dispersion, la police charge et qu’explose une mystérieuse bombe tuant un policier puis sept autres dans le chaos suivant [2] ; retracer l’arrestation de huit anarchistes tenus responsables sans la moindre preuve : Spies, Parsons, Fielden ainsi que George Engel, Adolph Fischer, Louis Lingg, Michael Schwab, Oscar Neebe, suivie de leur procès parce qu'ils luttaient pour la journée de huit heures, puis leur condamnation à mort [3] au motif énoncé – ordonné - par le procureur Julius Grinnel « Messieurs du jury : condamnez ces hommes, faites d'eux un exemple, faites-les pendre et vous sauverez nos institutions et notre société » ; et souligner enfin qu’en 1889, à Paris, la IIe internationale choisit le 1er mai comme fête des travailleurs pour obtenir la réduction horaire de la journée de travail, en hommage aux huit de Haymarket.

Non le 1er mai, n’en déplaise aux nostalgiques maréchalistes [4], aux sanglants productivistes et aux apprentis esclavagistes, n’est pas la fête du travail, mais son contraire, la fête des travailleurs pour la diminution du temps de travail et le retour à la vie. Et c’est bien du retour à la vie [5] qu’il s’agit aujourd’hui plutôt que du retour au travail comme seule aptitude humaine.

Là encore, l’impressionnante confiscation du langage redétermine par à-coups successifs et incessants les contours de nos vies, pour enlever nos vies elles-mêmes… comme un virus. 


[1] Selon les sources, les chiffres varient - on trouve les chiffres des ouvriers de MacCormick tués de 1 à 3 - d'autres morts sont parfois évoqués.

[2] Selon les sources : côté manifestants entre 4 et 7 morts et jusqu'à une centaine de blessés.
 
[3] Oscar Neebe sera condamné à 15 ans de prison, les peines de mort de Michael Schwab, Oscar Neebe et Samuel Fielden seront commuées en prison à perpétuité suite à un vaste mouvement international mais August Spies, George Engel, Adolph Fischer et Albert Parsons seront pendus le 11 novembre 1887 devant les réjouis capitaines d’industries réunis et leurs familles au grand complet sur invitation. Louis Lingg se sera suicidé dans sa cellule. 

[4] Le 24 avril 1941, le maréchal Philippe Pétain par la loi Belin renomme le 1er mai « fête du Travail et de la Concorde sociale » mettant en place la devise « Travail, Famille, Patrie » interdisant le vocable « la fête des travailleurs » au motif qu’il fut porteur de lutte des classes. 

[5] Différente de la télévie

3 commentaires:

nato (en minuscules) a dit…

Un camarade nous écrit avec cette juste recommandation

"Tu peux ajouter... lire Frank Harris, La Bombe..."

Anonyme a dit…

Les chiffres sont largement exagérés. Dans la manifestation du 1 et mai "seulement" 3 personnes ont été tués (non pas 12!) et une dizaine ont été blessés (et non une centaine)...

nato (en minuscules) a dit…

Merci de votre commentaire. Les chiffres varient effectivement selon les différents témoignages et journaux d'époques. Nous les avons "relativisés". Mais les faits sont bien là. Le nombre de participants à la grève que nous avons cité varie également, dans certains ouvrages, il est de plus de 500 000 grévistes.