Dans le champ de l'invention, il existe bien des angles. La bande dessinée en est un bien vivant exemple. À partir de quelle situation œuvre-t-on ? Pour arriver à la poésie, à l'humour, à la réflexion, au désir ? Ou bien part-on de l'arrivée supposée pour une déambulation de plus ample liberté, plus ample, mais moins voyante - moins appuyée, moins volontaire. Doucement libre. Comme les histoires dessinées par Christian Godard.
René Goscinny incarnait une autre tendance et pourtant il a scénarisé (entre autres premières séries dessinées par Godard) Tromblon et Bottaclou dont se souviennent les lecteurs du premier Pilote et vivement encouragé ce Godard-là à suivre sa voie en solo. Ce sera fait avec Norbert et Kari (toujours dans Pilote). Après la création sans succès de Toupet dans le Journal de Spirou, il file chez Tintin où il réalise Martin Milan, pilote d'un avion-taxi, dont le seul but semble d'être intensément (c'est-à-dire très simplement) humain. Martin Milan, fumant la pipe, au travers de ses petits envols philosophiques, ne cherche aucune bonne affaire, seulement l'entraide.
Après cette série unique dans le monde de la bande dessinée, il scénarisera de nombreuses histoires (La jungle en folie avec Mic Delinx...). Au milieu des langages affirmés de ses confrères et souvent amis, Goscinny, Will, Mittéï, Franquin, Uderzo ou Greg, Godard évolue comme Martin Milan dans une généreuse solitude. Il vient de nous quitter le 6 novembre.
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