Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

7.1.13

ENVOL ET CRÉATION
À NOTRE-DAME-DES-LANDES

ENVOL ET CRÉATION 
À NOTRE-DAME-DES-LANDES

Par 
Stéphane Cattaneo : peintre-illustrateur
Timothée Le Net : musicien
Jean Rochard : artisan producteur de musique

 
 
Si la phrase de Jean-Marc Ayrault, premier ministre nommé par le Président de la République François Hollande : «Nous avons choisi notre destin. Nous ne nous laisserons donc pas dicter une vision du monde qui n'est pas la nôtre (1) » en a ému plus d’un, l’on peut rester surpris qu’elle n’ait pas davantage constitué une véritable alerte. Le 24 novembre 2012 dans la forêt de Rohanne, sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes, face aux forces de gendarmerie déployant un arsenal répressif invraisemblable afin de démolir quelques cabanes et déloger de jeunes gens dans les arbres, un groupe de danseurs défiait splendidement les logiques tortueuses d’une vision sinistre imposée par les politiques.

Nous ne reviendrons pas ici sur l’inutilité flagrante, l’inhumanité hystérique du projet de construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes maintes fois démontrées, mais sur la chaleur offerte alors par ces danseurs, naturellement au plus fort d’une expression culturelle dotée de tout son sens, de toute sa sève. C’était là une des nombreuses manifestations de créativité intense, de pratique de l’improvisation régénérée, d’idée de la participation, de silhouettes diverses de résistance, du plaisir d’être ensemble, de faire ensemble, vivre ensemble, de recyclage, d’invention, offerte par les multiples formes d’opposition à cet aéroport.

Que craignent aujourd’hui les gens de culture, les artistes, ceux que l’on nomme intellectuels, en regardant ailleurs alors que s’affirment autant de signes émancipés, si difficiles d’habitude à faire passer dans les couloirs trop balisés de la création ?

Lorsque, entre mille exemples, Gustave Courbet rejoint la Commune de Paris, que Leoš Janáček écrit sa « Sonate 1.X.1905 » inspirée par la mort de l'ouvrier Frantisek Pavlik, que John Coltrane joue « Alabama » suite à un attentat raciste à Birmingham ou qu’un groupe de musiciens de Jazz au début des années 1970 crie « Attention l’armée », nous nous trouvons bien loin de simples commandes qui justifient intellectuellement le fait honteux d’être séparé du monde, loin des idées récupératrices permettant au mieux de faire les malins avec des icônes réduites à l’état d’ornement.

La culture ne s’administre pas comme on administre un rond-point : elle est le fait vivant des esprits et des corps, on peut l’aider ou la combattre. C’est hélas et sans autre surprise l’option choisie -la violence répressive- par un gouvernement sans imagination. Il ne veut rien savoir de la vie, méprise les pauvres, les jeunes, les sages, fier d’emprisonner un jardinier ou un tailleur de pierre ; un gouvernement qui s’entête à protéger les portefeuilles de ceux-là mêmes qui seront responsables de la mort de nos enfants.

Les artistes ne sont pas les héritiers automatiques des Courbet, Janáček, Coltrane ou d’un groupe de jazz criant « Attention l’armée » ni de tous ceux qui ont tant lutté pour faire sortir la création des cadres imposés. Ils ont en quelque sorte l’impératif de quitter les salons, d’abandonner les postures labélisées, de refuser les médailles, de bannir l’idée galopante d’une industrie culturelle et batailler contre la violence policière industrialisée, de comprendre que la culture est agriculture, et donc celui de soutenir les créateurs de Notre-Dame-des-Landes, populations indivisibles, sources d’une inspiration et d’une aspiration inespérées.

Cette ridée (2) dansée dans les bois de Notre-Dame-des-Landes et finalement réprimée, a valeur puissante : c’est la Liberté guidant  le peuple, qui n’a rien à faire dans les musées et ne saurait se laisser dicter une autre vision du monde que celle qu’elle incarne.

(1)   interview à Paris Match le 22 novembre 2012
(2)   danse traditionnelle de Bretagne

Le 24 décembre 2012
Texte initialement destiné à paraître dans un journal quotidien
Illustration : Élégie à Notre-Dame-des-Landes par Cattaneo

25.12.12

ANTONIN-TRI HOANG, BENOÎT DELBECQ CHEZ MONSIEUR CLAUDE

Les photographies, portraits peints ou dessinés, bustes, de Claude Debussy montrent un être, certes habité, mais peu souriant à l'allure un brin austère. Pourtant on sait que ce musicien révolutionnaire (fils de révolutionnaire tout court) était doté d'un sacré sens tant de l'humour que du plaisir. Son anticonformisme était sans doute moins extravagant que celui de son ami Erik Satie, mais il rivalisait d'indiscipline avec le petit maître d'Arcueil. Son idée du mouvement de la mer n'était pas si vague, mais bien la traduction d'un soulèvement musical unique.

C'est peut-être par leur idée bien vivante du sens des vagues - pas difficile d'entrevoir ci et là un peu d'écume héritée de Katsushika Hokusai, un même soin à préciser la multitude - que le duo Antonin-Tri Hoang, Benoît Delbecq rejoint le plus simplement du monde la perspective du créateur de "La mer".

Idée lumineuse, perspective juste, le musée Claude Debussy a justement eu la bonne idée, le 22 décembre, d'inviter le duo à son adresse du 38 rue au Pain à Saint-Germain-en-Laye, lieu de naissance du compositeur. La demeure de bébé Debussy (la famille déménagera deux ans après la naissance du petit) se fit alors, 150 ans plus tard, le promenoir de deux amis, parcours alimenté d'entités en consonance, de bonheur bien compris, pour une musique qui commence souvent par un baiser et s'achève, opulente, sur la grève.

À l'issue du concert alors que l'assistance rappelle de bon coeur, deux saint-germinoises au diapason de la décoration échangent leurs impressions : "Ça surprend au début et puis... ils sont doués, ah oui alors, ils sont doués". Antonin-Tri Hoang et Benoît Delbecq reviennent pour un blues d'une favorable chaleur, ravissant particulièrement les enfants. Les plus attentifs auront pu vérifier que le buste de Claude Debussy, aussi présent sur la petite scène, esquissa alors un sourire.



23.12.12

NOTRE DAME DES OISEAUX DE FER

L'imagination émue, le sens profond du printemps, l'alerte de l'imminente folie des hommes, la plus belle qualité alliant poésie, musicalité et la vie réelle non frelatée comme source d'inspiration ont permis la création de la chanson "Notre Dame des oiseaux de fer" par le Hamon Martin quintet et le parolier Sylvain Girault (aussi chanteur*) présentée comme "Une simple chanson contre le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes en Loire Atlantique." Si tout être a une chanson comme le dit un proverbe Navajo, alors "Notre Dame des oiseaux de fer"** est celle qui accompagne nombre d'entre nous chaque jour (et ce n'est pas une image), relie nos réels désirs de liberté, d'égalité et de fraternité, les sentiments qui, contre le monde hideux et la lâcheté des imbéciles, sont monnaie courante à Notre-Dame-des-Landes.

* à écouter : son Batteur de grève gorgé de textes respirés chantés en coeur avec comme orchestre l'inspiré duo Julien Padovani et Jean-Marie Nivaigne

** in Du silence et du temps (chronique dans les disques amis)   

Hamon Martin quintet : du silence et du temps, Coop Breizh (2010)
Sylvain GirO : Le batteur de grève, Coop Breizh (2011)

22.12.12

EN ÉCOUTANT LES SOEURS GOADEC

En 1972-1973, les conversations allaient bon train entre les fans de David Bowie, ceux de T Rex, de Led Zeppelin, de Kevin Ayers, ceux qui ne juraient que par les musiques noires, ceux qui ne voulaient pas se défaire d'Hendrix, ceux qui voulaient tout péter avec les Stooges, ceux qui voulaient tout arrondir avec Yes, ceux qui planaient avec le rock allemand, ceux qui étaient initiés au jazz de Michel Portal ou Don Cherry et qui narguaient les lecteurs de Rock'n'Folk avec leur numéro de Jazz Magazine, ceux qui tâtaient déjà de la free-music, mais il y avait aussi un groupe qui faisait beaucoup parler, Les Soeurs Goadec. Leur groove enraciné, swing et puissance émotionnelle défiaient largement ceux des précédents.  Réécouter aujourd'hui Maryvonne, Thasie et Eugénie Goadec est la même claque vive et salutaire, la même envie de se lever et de regarder le Monde des pieds à la tête.

Alors, comme le temps est aux cadeaux, et bien, offrez à vous et à vos proches Enregistrement Public par Les Soeurs Goadec enregistré à Bobino (Paris) ou au fameux festival de Kertalg en 1973, poussez les tables, les chaises et les emmerdements et dansez. Vous aurez des vitamines toutes belles pour affronter les salopards qui espèrent déjà ruiner tous nos espoirs pour 2013. 

Les Sœurs Goadec Enregistrement Public (Le Chant du Monde - distribution Harmonia Mundi). Alan Stivell est présent sur le dernier titre.

13.12.12

NOTRE-DAME-DES-LANDES
UNE FOIS DE PLUS
PAR CATTANEO

On participe sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes à des événements peu banals, qui ne sont pas sans rappeler ceux qui se déroulent dans la jungle de Palombie ; d’étranges nids s’accrochent dans les arbres, où la vie s’épanouit et fait éclore une forme de subversion subtile : la poésie.

Stéphane Cattaneo le 13-12-12

9.12.12

PINOCCHIOS D'OR

Dernière minute
Les Pinocchio d'or ont été décernés tous genres confondus au triumverat Hollande-Ayrault-Valls (avec une mention spéciale non seulement pour poursuivre l'oeuvre de leurs prédécesseurs, mais aller plus vite en besogne)

Leurs acolytes ministres (ou en Français traduit : objets décoratifs) se contentent de l'ordre de la boule de Noël.

5.12.12

LA LIBERTÉ GUIDANT LE PEUPLE
À NOTRE-DAME-DES-LANDES

Le Cardinal François IV ne peut guider que des ministres faits ou défaits pour vérifier que les vieux élans sont bien réduits à un seul cadre : un nouveau musée comme espace rassurant, galerie d'un temps d'arrière. Les barricades ? Histoire d'un passé à seulement contempler de loin, mais La liberté guidant le peuple s'est échappée, laissant simplement à Lens un autographe de Delacroix que des prestidigitateurs aux tours éculés de politique, ont pris pour l'original. Elle s'en est allée à Notre-Dame-des-Landes fuyant les effets de manche faciles à transporter, faciles à transpercer, fuyant la mort de tous ces beaux écrits lus dans les écoles pour ne jamais comprendre.

 La liberté guide le peuple à Notre-Dame-des-Landes avec ses rayons de pluie prodigieux, ses battements d'amour, ses éclairs infinis, ses arbres du temps qui parlent sans cesse à qui sait les entendre, qui sait vaincre la monotonie de fausses nuits trop obligatoires. Le temps est bien-là des sacoches en bandoulières, pour se défaire enfin des attaches inutiles et vivre de plein pied.

 Perdu dans un sinistre labyrinthe, le Cardinal se bute dans des murs sans printemps, comme Louis Philippe qui pensait que la liberté ne valait que 3000 francs.

Photo : B. Zon

30.11.12

COMMENTAIRE SUR UNE DÉCLARATION DE MANUEL VALLS, MINISTRE DE LA POLICE À PROPOS DE NOTRE-DAME-DES-LANDES

L'image est calée à droite sans hasard.

Petit retour et commentaires sur une déclaration du ministre de la Police
le 19 novembre à St Nazaire, soit deux jours après la manifestation géante anti-aéroport à Notre-Dame-des-Landes

Le texte :
"Il n'y a pas de place pour la violence, pour la confusion, je ne confonds pas d'ailleurs ceux qui peuvent manifester au nom euh, euh d'une certaine idée de ce qu'est pour eux l'avenir de la société : euh un monde sans aréoport, euh sans exploitation euh, sans énergie euh nucléaire euh, certains le défendent ! Ce n'est pas notre conception. Il y a là euh une mouvance euh ... anarcho-autonomiste avec d'ailleurs beaucoup d'étrangers qui viennent, qu'on retrouve sur un certain nombre d'autres manifestations, toujours les mêmes ! Et donc là aussi euh, je le dis clairement euh l'État euh sera très déterminé. Et nous ne laisserons pas impressionner par des groupes qui n'ont rien à voir avec l'idée qu'on puisse se faire euh de la liberté de manifester et d'émettre une opinion"

Cette déclaration précède celle du vendredi 23 novembre où le même "garant de la sureté de l'État" parlait à propos de la résistance à Notre-Dame-des-Landes de "kyste", vocable également utilisé dans les années 30 par les antisémites pour désigner les juifs.

Commentaires :

Il n'y a pas de place pour la violence
Il est un principe simple à Notre-Dame-des-Landes : bâtir, non des constructions inhumaines, mais des ouvrages réellement fraternels et lorsque ceux-ci sont détruits par les ordres de ceux qui au nom du progrès sont toujours prêts à confisquer la terre des autres (mais ne céderaient jamais leurs propres biens), le principe reste simple : rebâtir. C'est ce qui est défendu








Les forces de ces ordres, suréquipées, surarmées (merci au contribuable), n'ont eu de cesse de se rendre sur le site de la ZAD (Zone à défendre) pour casser ce qui avait été construit, saccager des plantations, couper les arbres, démolir les maisons, gazer les opposants souvent à tirs tendus (photo ci-dessus), leur tirer dessus à coup de flash ball, balancer copieusement des grenades assourdissantes (qui selon la législation ne devraient être utilisées qu'en cas de danger ultime) à qui mieux mieux et faire un impressionnant nombre de blessés (cf courrier d'un médecin généraliste au Préfet et nombreux témoignages). "Je ne confonds pas d'ailleurs ceux qui, pour des convictions, s'opposent à ce type de projet, y compris dans la majorité, avec des casseurs", a-déclaré le 25 novembre notre ministre de la casse. Car la casse est bien son fait, sa spécialité affichée : la casse de ceux qui esquissent quelques pas pour montrer un avenir possible hors de la destruction du clan des "nous" en classe affaire, la casse du vieux mot "socialiste", la casse à hauts risques qui consiste à stimuler régulièrement les 6 421 773 électeurs de Marine Le Pen pour assurer les transitions tranquilles : de Sarkozy à Strauss Kahn et de Strauss Kahn à Hollande. Le beau peuple de Notre-Dame-des-Landes, lui, expérimente en réalité ; c'est la vie !

la confusion
Exemple de confusion entretenue : proposition samedi soir 24 novembre de bien tardive ouverture de dialogue qui "permettrait de mettre tous les dossiers sur la table" ponctuée par la porte parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, précisant qu’il ne s’agissait «aucunement de revenir sur le projet d’aéroport». C'est le "droit de manifester à condition que ça ne se voit pas" de Sarkozy-Hollande, le trop connu "cause toujours tant que ça ne gêne pas nos plans".

un monde sans aréoport
 Un arrêt aux porcs serait effectivement, dans ce cadre bien mieux venu qu'un aéroport.

sans exploitation euh, sans énergie euh nucléaire euh, certains le défendent !
Qui pourrait trouver à redire à un monde sans "exploitation" ?  Mais il est compréhensible que ça ne fasse pas l'affaire des exploiteurs de la classe affaire méprisant les autres vivants, alertés. Mépris très comparable à celui de Michel Debré, ministre de la défense, qui en 1971 parlait des paysans du Larzac comme vivant de façon "moyenâgeuse".

Ce n'est pas notre conception
Et le "nous" devint scie. Le revoilà cet étrange "nous" et son accusatrice désignation. Le "nous" des (n)antis moyen-âge sans doute. Quant à la conception, elle avance ou elle recule... comment veux-tu... comment veux-tu qu'elle immacule.

Il y a là euh une mouvance euh ... anarcho-autonomiste
Un petit stage chez Michèle Alliot-Marie, experte en vocabulaire à des fins terrorisantes (Ultra gauche, autonomes etc.) pour parfaire les connaissances en intox serait nécessaire. À moins qu'il ne s'agisse d'une mauvaise traduction de l'anglais ou d'une confusion (Il n'y a pas de place pour la confusion) de retour de Corse, on notera un meilleur entraînement au rayon bidonnade chez le premier ministre qui s'adressait ainsi le 27 novembre : "J'ai dit aux dirigeants du parti (EELV) qu'ils devaient choisir. Il est impensable qu'ils s'associent à des anarcho-autonomes qui font de la casse à chaque sommet international". Restons entre gens du même monde, au sommet n'est-ce pas, les "nous" de la classe affaire.
Si les gendarmes responsables de blessures graves ne risquent évidemment aucune condamnation, les dernières comparutions immédiates ont vu de façon scandaleuse des peines affligées à un agriculteur, un boulanger et un jardinier, soit le nec plus ultra du terrorisme international. Dans l'éditorial du 28 novembre de Témoignage Chrétien, Jérôme Anciberro écrit : "Quand un ministre de l’Intérieur socialiste évoque le spectre de « l’ultra-gauche » devant des cabanes perchées dans les arbres et quelques potagers collectifs, il est temps, sans doute, de se poser de sérieuses questions. " Il est certes grand temps.

avec d'ailleurs beaucoup d'étrangers  
Et revoilà nos pro-européens désireux de décupler le transit international, qui fustigent les étrangers. La vieille ficelle employée aussi bien par Laval, le plombier Marcellin ou l'ex empereur Napoleon IV et son ultra Alliot-Marie, a tout de même des allures usées. Notre premier policier, si méfiant des étrangers, né à Barcelone, l'était lui-même avant d'avoir 20 ans en 1982, année de sa naturalisation. "Les étrangers sont juste les amis que vous ne connaissez pas encore" disait Margaret Lee Runbeck. L'ex-étranger ministre d'un président au nom de nation étrangère ignore tout de la fraternité et de l'affection, mots absents de son dictionnaire. Un stage à l'étranger lui ferait tous les biens.

toujours les mêmes !
Vinci, Bouygues, Eiffage, PS, UMP etc. en effet toujours les mêmes...

Et donc là aussi euh, je le dis clairement euh l'État euh sera très déterminé. Et nous ne laisserons pas impressionner par des groupes qui n'ont rien à voir avec l'idée qu'on puisse se faire euh de la liberté de manifester et d'émettre une opinion"
Et donc là aussi, disons le clairement, nous connaissons la détermination de l'État à essayer de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Nous ne nous laisserons pas impressionner par des groupes comme Vinci  qui n'ont rien à voir avec l'idée qu'on peut se faire de la liberté de créer.

Photo 2 : détail d'une image de Fabrice Elsner (20 minutes) Notre-Dame-des-Landes le 23 novembre 2012

Merci à Céline X


27.11.12

À NOTRE-DAME-DES-LANDES :
BATAILLE POUR LA VIE

La fameuse phrase d'Emma Goldman ( "Si je ne peux pas danser, je ne veux pas prendre part à votre révolution ") prend, ce samedi 24 novembre, toute sa saveur lorsqu'un fort groupe d'opposants à la construction de l'inutile et nuisible aéroport sur la commune de Notre-Dame-des-Landes et environs, improvise ce que l'un me dit être une ridée et l'autre une gavotte. En attendant d'approfondir ma connaissance des danses bretonnes (nous sommes en Bretagne malgré le décret du 30 juin 1941), ce qui emporte, c'est cet incroyable engouement, cette montée d'éveil communicatif qui arrache et constitue la faramineuse antidote au bleu vide, déprimant, hagard et brutal : "Et dans trois ans, les oiseaux n'décolleront pas ...". Les gendarmes n'y comprennent rien, les voilà bien perturbés, eux dont les pitoyables instruments sont matraques, flashball, lacrymogènes, carapaces et grenades assourdissantes utilisées à foison. Avant cette danse, une femme a chanté "Gloire au 17ème", chanson relatant la mutinerie d'un régiment ayant refusé en 1907 de réprimer la révolte des vignerons du Languedoc. Invitation claire ! Et puis avant encore et après, la batucada, à peine impressionnée par les tirs fréquents de grenades lacrymogènes ou assourdissantes par les gendarmes, marche dans la forêt tambours et percussions frappés d'amour énergique.  Le tempo est splendide, la poésie peut tout exprimer. En ce lieu dangereux, ce lieu d'espérance aussi, ces moments de musiques trouvent instantanément et en toute simplicité cette vérité tant recherchée en des temps où la musique ne sait plus toujours sa place.

À Notre-Dame-des-Landes, la musique est à sa place comme sont à leur place tous ceux qui défendent la terre par leurs gestes qui construisent, plantent, rapprochent, comprennent, rient, échangent, résistent. Comme le week-end précédent, on y ressent cette gentillesse rare et cette facilité humaine. Mais cette fois-ci, c'est à l'épreuve d'une démonstration de destruction sous couvert d'autorité publique, une opération de casse et de répression. La violence est là par les gendarmes et ces "casseurs", ces "étrangers"(1), dont les discours de la porte parole du gouvernement, du préfet ou du ministre de l'intérieur (2) nous rebattent les oreilles sont bien leurs hommes en uniformes, personne d'autre et la "dérive criminelle" avec laquelle ils espèrent influencer le badaud n'appartient qu'à eux.
 
Gens de Notre-Dame-des-Landes, habitants, nouveaux habitants, voisins ou visiteurs partagent tous quelque chose qui dépasse de très loin les visions (3) étriquées de ministres ou de promoteurs absents de la vie. Toute la journée de samedi a été, face à la violence policière, illuminée par cette puissante solidarité de personnes venues de partout pour soutenir cette résistance qui a, plus que valeur de symbole, valeur de fondation. Il faut voir comment s'opère cette aide permanente, ces infirmeries improvisées, ces cantines généreuses, alors que dans les bois les détonations couvrent les bruits de machines détruisant quelques cabanes et coupant des arbres. L'argent du contribuable a de drôles de services. Vinci, parti socialiste, gouvernement : casseurs de rêves, casseurs de vie.

Le dimanche midi, tous sont invités à un pique nique, défiant la zone militarisée, et les intimidations policières (relevés d'identité, routes barrées, présence des gendarmes dans les chemins) n'y changent rien. C'est une multitude qui se donne rendez-vous, ceux de la veille, ceux de la manif à Nantes et bien d'autres. Une fois encore, l'étonnante créativité, marque de Notre-Dame-des-Landes, est à l'oeuvre.

Plus que suspecte tout de même cette insistance du gouvernement à aller vite sur ce dossier quand tous les recours ne sont pas épuisés, lorsqu'une manifestation d'ampleur exemplaire a parlé le 17 novembre (4), lorsque le projet est dénoncé de plus en plus pour sa folie destructrice, son coût, sa nocivité, sa casse, par des spécialistes de toutes sortes, lorsque la carotte de l'emploi si souvent agitée n'aboutit de toutes façons qu'à la satisfaction de quelques bétonneurs, lorsque nous sommes à l'orée de l'hiver, lorsque tant d'autres dossiers autrement plus urgents pour la société font plus que traîner en longueur.

À l'issue de la journée de samedi marquée par la résistance in situ, par la manifestation de Nantes, mais aussi par de nombreuses mobilisations partout en France, le premier ministre sortira brièvement de sa surdité, annonçant un ajournement des travaux de six mois avec un message d'une clarté dont seuls les politiques ont le secret : finalement on va tout de même négocier, mais sans rien changer. Cette"petite brèche dans la cuirasse", pour reprendre l'expression d'un habitant de Notre-Dame-des-Landes, on la doit à cette lutte exemplaire, une lutte qui ne saura évidemment se satisfaire de paroles en poudre.










Collectage des grenades tirées 
dans la nuit du samedi au dimanche 


(1) SOYONS TOUS LES ÉTRANGERS DE NOTRE DAME DES LANDES  
(2) LE KYSTE CONTRE MANUEL VALLS 
(3) LES NOUS DU PREMIER MINISTRE CONTRE LES NOUS-AUTRES DES PREMIERS VIVANTS 
(4) LES AILES DE NOTRE-DAME-DES-LANDES


Photos : B. Zon

23.11.12

LE KYSTE CONTRE MANUEL VALLS

 "Il est hors de question de laisser un kyste s'organiser" déclare Manuel Valls ministre de la police à Lorient ce 23 novembre alors qu'à Notre-Dame-des-Landes ses policiers détruisaient l'œuvre sans pareille du week-end dernier. C'est à 6h30 qu'a commencé l'attaque de trois points de résistance y compris celui de la Châtaigneraie, un terrain privé pas encore exproprié où s'étaient élevés quelques châlets le 17 novembre. Bâtiment sublimes contre la domestication de l'esprit.

Hier, le premier ministre nous indiquait en quelque sorte (1) le choix entre deux mondes, le sien, orwellien-de Vinci, du développement et de l'emploi fictifs ou l'autre, pour lui si incompréhensible qu'il faut le châtier, celui des 40 000 reconstructeurs d'un autre type le 17 novembre, de l'indispensable poésie, qui entend bien que le système dans lequel nous ne vivons qu'à peine puisse cesser avant que n'expire l'espèce humaine.

Aujourd'hui le nouvel Ernest Picard impose sans honte dans la même déclaration un seul modèle : «Regardons le monde tel qu’il est et les difficultés qui sont celles de notre pays». Quel monde ? Celui des balles perdues, des couteaux sous la gorge, de la souffrance solitaire dont la charge première est de nier la vie de ses enfants.

C'est bien à une démonstration de cruauté à laquelle nous avons eu droit ce matin, où s'inaugure sans cesse l'égorgement de l'espérance humaine. Nous aiderons de toutes nos forces à la résurrection de ce kyste.

                                                                    Cette chronique est dédiée à Vital Michalon

(1) Notre billet d'hier



22.11.12

LES NOUS DU PREMIER MINISTRE CONTRE LES NOUS-AUTRES DES PREMIERS VIVANTS

"Nous avons choisi notre destin. Nous ne nous laisserons donc pas dicter une vision du monde qui n'est pas la nôtre" insiste le premier ministre Jean-Marc Ayrault dans une interview à l'hebdomadaire du groupe Lagardère Paris Match, parue aujourd'hui 22 novembre, à propos de la résistance à la construction de son aéroport de Notre-Dame-de-Landes où il n'habite pas.

Question pour un champignon : Qui est ce "nous" ?

Trois propositions de réponses :

1) Le triumverat HAV (Hollande-Ayrault-Valls) ? 

2) Les grands élus auxquels il est fait référence ailleurs dans l'article ("avec d'autres grands élus") ? Il y aurait donc des petits élus (qui comptent pour du beurre comme ceux qui étaient à la manif de Notre-Dame-des Landes par exemple) et des élus de grande taille qui peuvent décider ce qu'ils veulent. Note : le premier ministre n'est plus un grand élu, il n'est même pas élu du tout, seulement nommé suivant une tradition royale.

3) L'ensemble des gens qui ont voté pour le Cardinal dans un rituel salement compliqué qui n'intéresse pas les enfants, ce qui fait 18 000 668 de personnes au second tour sur une population de 65 436 552 ? L'assurance que ces 18 000 668, dans leur vote, auraient inclus l'aéroport de Notre-Dame-de-Landes ou bien la non renégociation du traité européen ou l'augmentation de la TVA ou le fait de persécuter les Roms (ou bien ! ou bien !) semble pour le moins précaire. Il semblerait qu'au moins 9 000 000 (c'est ce qu'ils disent) n'aient pas élu (naïvement) le Cardinal pour ces motifs, mais seulement pour chasser l'Empereur en oubliant qu'il y avait déjà de sérieuses boutures (ça n'aide pas à avoir une vision). Ce qui nous amène aux questions relatives au destin.

Deuxième groupe de questions pour un champignon : 

Quel est le destin dont il est question ? Le nôtre est-il vraiment assimilable à celui de la société Vinci, de la haute finance et de nos gouvernants ? Qui représente qui ?

Suggestion du jour : et si on profitait de l'occasion afin de discuter davantage de "vision du monde"?

Indice 1 :
Ievgueni Ivanovitch Zamiatine a publié, en 1920, un roman intitulé Nous autres (interdit de publication par Staline deux ans plus tard) où un être du futur nommé D-503 conçoit un vaisseau spatial,  l'Intégral, afin de convertir les civilisations extraterrestres à une vision du bonheur imposée par l'État.

Indice 2 :
Autre vision, celle de Buenaventura Durruti alors qu'il était dans le groupe Nosotros : "C'est seulement en se libérant de la peur que la société pourra s'édifier dans la liberté".

Indice 3 :
Par simple esprit ludique comparons le "Nous ne nous laisserons donc pas dicter une vision du monde qui n'est pas la nôtre" en tête d'article avec une autre citation, célèbre celle-ci : "C’est l’un des droits absolus de l’État de présider à la constitution de l’opinion publique". Son auteur Joseph Goebbels était passé maître ès manipulation.

Photo : B. Zon