Salut les ours !
Salut les chats !
Salut les bisons !
Salut les oiseaux !
Salut les tortues !
Salut les baleines !
Salut les pingouins !
Doucement les castors !
Enfants d'Espagne
20.10.13
CITOYENS ISSUS DE L'INDIGNATION
Dans le Satyricon de Federico Fellini, lors d'une orgie de bourgeois et dignitaires romains, l'un des convives commence une blague "un riche et un pauvre se disputaient ...", un autre l'interrompt : "qu'est-ce que c'est un pauvre ?" et tous éclatent de rire.
Les patriciens modernes ont-ils rigolé lorsque hier leur roi François a parlé à la télévision : " La force de la loi c’est la condition pour que il y ait à la fois une politique d’immigration et une politique euh de sécurité ... que chacun peut comprendre. "
La phrase la moins commentée, mais la plus signifiante de cette triste allocution : immigration et sécurité vont donc de paire et ce de façon affirmée pour nos dirigeants socialistes.
Rappel rapide de quelques épisodes précédents :
• Le 31 octobre 2005, le ministre de l'intérieur Sarkozy rédige une circulaire parfaitement hypocrite destinée à ne pas ménager les immigrés sans papiers tout en ménageant les âmes sensibles : " S’il est souhaitable que les mineurs accompagnant leurs parents faisant l’objet d’une reconduite à la frontière les rejoignent effectivement, il convient pour des raisons évidentes d’éviter que cela conduise à des démarches dans l’enceinte scolaire ou dans ses abords. "
• En novembre 2012, le nouveau chef de la sûreté Valls (dont le goût pour Johnny Hallyday est loin d'être le seul point commun avec le précédent) abroge cette circulaire.
• Le 19 septembre 2013, le jour de ses 19 ans, Khatchik Kachatryan, un élève du lycée professionnel Camille-Jenatzy à Paris, est arrêté avec un groupe de copains pour un obscure motif de vol qui se révélera faux - vieille technique policière. Comme il est sans papiers, il est conduit en camp de rétention puis expulsé en Arménie le 10 octobre, mais à cause d'une certaine mobilisation à l'aéroport, l'expulsion est finalement opérée le 12. À son arrivée en Arménie, il est immédiatement arrêté à nouveau et mis en prison pour ne pas avoir fait son service militaire. Il risque de 2 à 5 ans de prison. Sa famille, parents, sœur, cousins, oncles et tantes sont en France... Les médias n'ont rien remarqué...
• Le 24 septembre, le fier Ministre Valls, particulièrement à l'aise dès le début de son mandat dans l'ouverture de la chasse aux Roms, déclare que "Ces populations ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres et qui sont évidemment en confrontation avec les populations locales (...) Il n'y a pas d'autre solution que de démanteler ces campements progressivement et de reconduire (ces populations) à la frontière". Pour ce grand pandore, européen convaincu, "les Roms ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie, et pour cela il faut que l'Union européenne, avec les autorités bulgares et roumaines, puissent faire en sorte que ces populations soient d'abord insérées dans leur pays". Il avait déjà affirmé lors d'un entretien, moins remarqué, le 15 mars au bien choisi Figaro que les Roms "ne souhaitent pas s'intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ou parce qu'ils sont entre les mains de réseaux versés dans la mendicité ou la prostitution".
• Le 3 octobre, au large de l'île de Lampedusa (Italie) en Méditerrannée, une embarcation de fortune remplie d'un demi-millier de clandestins fait naufrage. Les responsables politiques européens sortent leurs larmes de crocodiles (pas pour longtemps). La "mer au milieu des terres" est devenu le cimetière des pauvres, peuplée de milliers de cadavres. Qui peut encore faire semblant de croire qu'on quitte facilement son pays, sa maison, ses proches, qu'on laisse tout pour tenter désespérément sa chance de l'autre côté de l'infâme mur mental et policier ? Qui peut encore faire comme si l'Europe, l'Occident n'avaient pas manifestement déclaré la guerre aux pauvres ? Qui peut encore feindre d'ignorer les origines et les responsables de cette pauvreté ? Qui peut encore croire aux chimères de croissance égoïste ?
• Le 9 octobre à Levier (Doubs), où elle vivait depuis presque cinq ans avec sa famille, Leonarda Dibrani, 15 ans, est arrêtée lors d'une sortie scolaire (sur un parking de bus d'un lycée nommé Lucie Aubrac). Elle est expulsée illico avec les siens au Kosovo... Les lycéens réagissent et ceux qui étaient déjà mobilisés sur le cas Khatchik Kachatryan associent les deux affaires, ils ne permettent aucune récupération par une classe politique gênée qui joue les affligés. Manifs et occupations de lycée s'ensuivent... Les médias s'en mêlent. Une enquête est diligentée par le pouvoir pour examen de bonne conscience. Les responsables socialistes et voisins se déchirent, ils invoquent sans jamais remettre en cause les finalités, qui, la méthode non conforme aux valeurs républicaines, qui, la fameuse intégration, qui, pour certains en retard d'une élection, la faute à la droite. L'inénarrable Ministre de paille Cécile Duflot (dont l'estomac doit ressembler à un vivarium) souligne même le léger accent Franc-Comtois de Leonarda. La droite glousse (ou même s'indigne - sic - en allant comme Rachida Dati jusqu'à invoquer le respect de la personne humaine -re sic) et le Front National se frotte les mains. Les soutiens au premier flic de France ne tardent pas - presque moins écœurants que les gesticulations des champions du capital de gauche, et invoquent la paresse du père de Leonarda qui n'aurait pas cherché de travail (comme si les sans papiers avaient le droit de trouver du travail officiellement) ou qui aurait menti dans les formulaires (les hommes politiques qui fustigent le mensonge sont assez hilarants). Le pratique puzzle "bouc émissaire" se met en place. On met en avant les saintes exigences de la République et de la France, orgueilleux pays (et bien oublieux) qui doit se mériter. "Travail, famille, patrie", voilà des valeurs solides et moins chancelantes que "Liberté, égalité, fraternité"
• Le 17 octobre (oui le 17 octobre !), de 13 à 20 heures, quartier Barbès à Paris, descente de police et arrestation de dizaines de personnes dont la plupart échoueront au centre de rétention de Vincennes. Ce fait divers et désormais banal n'émeut personne. Ni micros, ni caméras.
• Sans surprise le 19 octobre alors que l'histoire de la petite kosovare (et elle seule) domine momentanément l'actualité, le Chef de la sûreté plante dare dare les Antillais (qu'il avait pourtant promis de choyer) pour voler rapidos vers la Métropole découvrir un réconfortant et à point sondage BVA-Le Parisien Libéré où les interrogés (donc les Français selon le raccourci "démocratique" en cours) approuvent largement son action ferme en matière d'immigration. L'enquête est terminée et le roi affirme en un confus discours que la loi, dans le cas de Léonarda Dibrani, a été correctement appliquée tout en s'offusquant légèrement de la manière, histoire de conforter les âmes sensibles. Il rétablit donc de fait la circulaire Sarkozy et fait médiocrement le généreux en proposant à l'enfant de revenir sans ses parents en France. Le père François donne carrément dans le détournement de mineur.
Ça se passe dans un pays dont le sport favori est encore de faire le paon des droits de l'homme de ses plumes flétries (avec un paquet d'électeurs de gauche, gaillards à l'économie tranquille qui font encore mine de croire à la défense héroïque de la démocratie une fois tous les cinq ans, en moins de cinq minutes montre en main dans un isoloir aux allures de confessionnal).
Les lycéens qui s'étaient rassemblés samedi 19 - premier jour de vacances -, une fois encore après plusieurs jours d'actions, place de la Bastille à Paris et qui courageusement n'ont pas cédé à l'intimidation policière en imposant au bout de 2h30 (même si l'on devine que les consignes en un tel jour étaient certainement l'absence de toute "bavure") de partir en manif en criant "Paris debout, réveille-toi !" jusqu'à la place de la Nation (et même d'y faire un sit-in après une courte charge et quelques lacrymos des gendarmes), méritent un sacré coup de chapeau. Ils n'ont guère été soutenus - peu d'adultes à leurs côtés (les récupérateurs opportunistes avaient dû être vexés la veille) -, mais ont bel et bien sauvé quelque chose d'essentiel : la part nécessaire de lumière en ces temps salement brunissants.
À suivre bien sûr.
Photo : B. Zon
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