Suzanne Valadon, après avoir été acrobate, devint modèle pour les peintres Renoir, Degas ou Toulouse Lautrec. Forte de l'observation de ceux qui la dessinait, elle en acquit certaines qualités et, encouragée par Degas, changea de côté et devint peintre elle-même, une des figures majeures de cette époque. Elle fut la première femme "admise" à la Société nationale des beaux-arts. Erik Satie en était fou d'amour. Parmi ses amis, elle comptait quelques adeptes de la vie de bohème de la Butte Montmartre à Paris, le militant anarchiste Miguel Almeyreda (père de Jean Vigo), les peintres Pablo Picasso, André Derain et Georges Braque et bien sûr André Utter (son deuxième mari). Elle mis au monde un autre peintre de renom : Maurice Utrillo. Suzanne Valadon, native de Haute-Vienne, a donné son nom à un Lycée public de Limoges.
Thérèse Menot, jeune comptable, rejoignit la Résistance en 1943 à 20 ans au sein du réseau
Combat (dont était membre son père cheminot) après avoir dès 1940 activement montré son opposition au régime de Vichy. Arrêtée en janvier 1944 par la Gestapo, suite à une dénonciation, elle fut déportée au camp de
Ravensbrück puis dans celui d'Holleischen en Tchécoslovaquie et libérée le 5 mai 1945 par les résistants tchèques et polonais. Thérèse Menot, native de Corrèze, a donné son nom à une salle du Lycée Suzanne Valadon.
C'est sous cette sorte de tutelle d'une splendide et féminine regimbance, que Desdamona entre dans la salle Thérèse Menot du Lycée Suzanne Valadon le 6 novembre à 10 heures du matin pour rencontrer deux classes d'anglais de terminale (L). La rappeuse minnesotanne, à Limoges pour le projet Chroniques de résistance de Tony Hymas, joué le lendemain à la Salle Jean Gagnant, interprète seule son "Siren Song", frappant sa poitrine pour cadence. Ce chant des sirènes a le côté tragique des véhicules hurleurs, saletés de boîtes de pandores. Elle entonne ensuite sa "Letter to the women" extraite des Chroniques de résistance, où, comme David Miller ou John Holloway dans le même album, elle s'adresse aux résistantes des années 40 à partir d'un point de vue actuel, une interrogation sur le sens du mot aujourd'hui.
Après un petit échange où les timidités initiales se dissolvent cordialement, Desdamona propose de créer quatre groupes avec l'idée que chacun d'eux écrive (en anglais) une lettre dans l'esprit de celles de Chroniques de résistance. Elle inscrit les quelques questions qu'elle s'est posé en écrivant sa "Letter to the women" : "Vous sentez-vous reliés au passé ?", "Que serait la vie si d'autres n'avaient pas autant risqué la leur ?", "Qu'aimeriez-vous leur dire ?", "Vous sentez-vous une responsabilité pour votre communauté ?", "Iriez-vous jusqu'à risquer votre vie pour vos convictions ?". Les groupes se forment et les conversations vont bon train. Ce qui frappe de suite, c'est la sagacité des élèves, la profondeur de leur relation au monde, la finesse de leurs interrogations. Les préjugés sur une jeunesse absente, démobilisée se font remonter les bretelles in situ. Les jeunes gens présents témoignent de ces sauts difficiles entre destin et liberté, désarroi et exigence, en une conscience de l'absurde, un désir d'ailleurs, de vivre autrement et une inestimable sincérité face aux brutalités de l'époque. D'une lettre de Sophie Scholl à ses parents ("Even if my actions are not really big. I hope they will stay in mind for a longtime") à une déclaration à Jean Moulin ("Thanks for your secret"), d'une missive à Rosa Parks parce que le racisme reste une préoccupation majeure ("The struggle continues today") à une autre, avec rythme rappé sur les corps, directement adressée aux pouvoirs suffisants et imbéciles avec leurs bras armés ("Fuck the governement.") et dédiée aux indiens Guaranis, lorsqu'en fin de poème, la forêt change de continent, le sang aussi, et apparaît Rémi Fraisse ; histoires funestes de luttes pour les arbres contre les barrages, ("People are standing up in the street", "But you king of the world decided to kill them all", "Who is protecting us from the police ?"). Une mort que ces lycéens identifient cette semaine-là comme celle d'un très proche, la leur peut-être, une invitation aussi à se lever, à vivre entièrement.
Alors que Desdamona estime avoir beaucoup appris ce jour, salle Thérèse Menot du Lycée Suzanne Valadon, c'est bien un îlot d'expression libre que les jeunes Limougeauds ont mis en jeu, leur propre vie qu'ils ont peintes plutôt que d'en être les modèles, l'indication de forces vives et résistantes.
Merci à Malachi, aux professeurs qui avaient préparé la rencontre, à l'accueil du Lycée, au Musée de la Résistance de Limoges et à Catherine Meyraud du centre Jean Gagnant.
Photos : B. Zon
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