En 2009, Michel Potage donnait une clé pour entrer dans l'exposition que lui consacrait à l'automne la galerie Lélia Mordoch :
« J’ai voulu montrer le pays de la
peinture, la chose en train de naître ». Michel Potage est peintre, un peintre qui chante, crie, écrit, trace partout où la trace fait sens. L'homme de Sens déjoue les sens interdits par instincts décisifs. Le défi est subtil, sans moule. Dans l'exposition précitée, il a accroché ces mots de Samuel Beckett : « Il n’y a rien à exprimer, rien avec quoi exprimer, rien à partir de quoi exprimer, aucun pouvoir d’exprimer, aucun désir d’exprimer en même temps que l’obligation d’exprimer ». Michel Potage ou le savoir de toutes les extrémités. Dans les années 70, avec son très proche compagnon - de Sens - Jac Berrocal, dans le Musiq Ensemble, il musiquait en taquinant le frisson des ombres. Ensemble, ils faisaient valser les entre-deux dans ce qu'on n'appellera pas "performance" (Potage n'aimait pas ce mot répertoire pas plus que celui d' "installation") dans les surgissements où la scène valait la toile.
Escale au Sable à l’ancienne et à la nouvelle, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris 1978, un an après Laissés de chantier, le sable l'ensevelit avec Jac Berrocal, Bernard Vitet, Françoise Achard, Claude Parle. La même année, il participe au Parallèles
[1]
de Berrocal, il y dit et y réalise visuellement "Post Card". Un peu plus tard, il devient avec le même Berrocal, Jean-François Pauvros et Jean-Pierre Arnoux, le premier chanteur free-punk de langue française dans le disque Catalogue [2] (et un album live à Anvers [3]). Dans l'intervalle - mot de plein sens pour celui qui joue de tous les interstices pour mieux montrer le plein vivant au sommeil sursautant - en 1977, Michel Potage a enregistré Occupé [4], album inexplicablement (pour l'auditeur extérieur) resté non publié jusqu'en 2011. Disque manifestement manifeste de ce romantisme déluré, cette occupation follement partagée en si bonne et si folle compagnie : Jac Berrocal, Bernard Vitet, Daniel Deshays, Claude Parle, Françoise Achard, Roger Ferlet, Pierre Bastien, Nicole Bernard, Jean-Marie Gibbal. Ça marque ! En 1974, ce grand ami de Jacques Thollot [5] avait publié un petit livre très remarquable, Inexclamir-Inextirpé [6], qui pouvait aussi bien constituer un guide pour refaire la route de Jack Kerouac dans l'autre sens que se plonger dans les quatre cents coups permanents. Il saura, par la peinture même, si justement saluer Van Gogh. Au moment où le monde en a tant besoin, il multiplie les peintures représentant, invitant plutôt, des arbres. Instinct de vie.
La route de Michel Potage ne ressemble à aucune autre, elle pense tout ensemble, illimitée, dans la profondeur de la peinture, la relance des mots, le fracas du monde, son silence aussi. Elle s'est interrompue à Sens ce dimanche 27 décembre.
[1] d'Avantage, dav 01
[2] d'Avantage, dav 03
[3] Catalogue Antwerpen Live 11 Aug. 1979 1.30h België (Spalax pour la réédition 1996)
[4] d'Avantage, dav 07 (Alga Marghen pour l’édition 2011)
[5] Dans l’album Thollot in Extenso (nato, 2017), on perçoit son enthousiasme - en public - dans les réactions suivant « Quand le son devient aigu, jeter la girafe à la mer» (18 juin 2011)
[6] Éditions du Marais
Photographie JR - Michel Potage (trombone) et Jac Berrocal (ophicléïde) Transmusiques, Paris le 7 octobre 1978
4 commentaires:
Comme trop souvent, Jean Rochard, tu touches juste.
Ce n'est pas le mot, d'ailleurs.
Michel Potage, magnifique compagnon de déroute…
francis marmande
"Je vous dit encoure boujour boujour boujour, j'espère vous êtes tout bien et on plein santé" c'est ainsi que commençait "Postcard" dans l'album Parallèles de Jacques Berrocal (dav01). Michel y lisait une carte postale trouvée dans une poubelle. Ta santé t'a lâché cher Michel ... alors tu diras bien le "Boujour" à tes amis Babar Vitet, Vince Taylor, Mathé, Jean-Marie Gibal, les Gillet, Jean Pierre Arnoux, Jacques Thollot etc... Tu savais que la vie en EPAD avec la covid ça n'était pas drôle ... alors t'as bien fait de te tirer pour les retrouver, d'ailleurs on respire mieux ailleurs !
Daniel Deshays
Salut Jean & belle année à toi ! ...
Juste une remarque: Escale au sable & à l'ancienne, c'était à l'ARC 2 avec Françoise Achard, Michel bien sur Bernard Vitet & moi (Claude Parle) j'avais d'ailleurs confectionné la cascade à sable sous laquelle je jouais, l'accordéon enveloppé ds du polyane ! ! ... J'aurais voulu aussi lâcher ds lézards verts sr scène mais la direction y fut résolument hostile ! ! ... C'était en Février 77 ...
Cher Claude, effectivement, pardonne moi de ne pas avoir mis ton nom (c'est rectifié). Pour la date, les catalogues disent 78, mais c'était peut-être 77, j'ai encore le tract/programme quelque part. Il s'est passé tant de choses dans ces années 76/77/78...
Amitiés,
Jean
Enregistrer un commentaire