Violeta Ferrer est - on devrait le savoir - une voix stupéfiante portant loin les mots du poète andalou Federico Garcia Lorca qu'elle affectionne depuis l'enfance. Elle est aussi depuis longtemps fan de cinéma. Lorsque les choses tournaient si mal dans l'Espagne de 1937, elle avait, jeune adolescente, écrit à Joan Crawford en lui demandant de l'aide. Le cinéma lui a mal rendu cet intérêt si ce n'est des réalisateurs comme Jean-Luc Godard (une belle séquence d'Eloge de l'amour) ou Yves Caumon qui lui ont offert des rôles qu'elle aimait. On l'a vue aussi souvent chez Jean-Pierre Mocky (ce qui l'amuse toujours) et chez Jean Marboeuf et puis de façon discrète ci et là chez Philippe Garrel, Albert Dupontel, Philippe Ramos, Orso Miret, Sébastien Lifshitz. Pourtant cette présence étonnante, cette façon de nous "cueillir" pour reprendre les mots d'une cinéaste à la mode au sortir de la projection de La beauté du monde d'Yves Caumon, n'a pas trouvé cette place méritée (évidente) dans ce tortueux septième art. Récemment, Diane Kurys a fait appel a elle pour le film sur Françoise Sagan. Làs ! Violeta est rentré chez elle faire des mots croisés. Elle a tenu à écrire, un peu plus tard, à la réalisatrice ce courrier explicatif : Bonjour,
Nous nous sommes vues, le premier jour du tournage, au 244 de la rue de Rivoli. Nous avons été déçues, toutes deux.
C'est vrai qu'il m'est arrivé deux ou trois fois de refuser d'être la bonne espagnole avec accent. Il me semble que vous avez même douté que je sois vraiment espagnole parce que je n'avais pas cet accent que vous espériez. Je vous ai même dit "je suis en France de puis plus longtemps que vous". C'était une boutade, bien sûr. Mais vraie. Je suis ici depuis la guerre d'Espagne, vous n'étiez pas née, j'avais 14 ans. A 15 ans, j'étais dans un camp (pas les plus durs, c'était un camp de femmes et enfants) avec ma mère et ma soeur, de 4 ans ma cadette. Ma mère a demandé si nous pouvions aller à l'école ma soeur et moi, ça nous a été accordé mais nous y allions et revenions accompagnées d'un gendarme.
Le temps a passé et à la Libération, je suis "montée" à Paris et suis allée pendant trois ans à l'école de Charles Dullin (de son vivant), mais je m'étais mariée, à un Espagnol qui ne voulait pas que je sois comédienne. Je vous passe tout ça qui n'a d'intérêt que pour moi parce que c'est mon vécu. J'ai même été, pendant 20 ans, correctrice typographique!
Pour moi, les bonnes espagnoles, c'était l'époque du franquisme et de la misère. Franco est mort en 1975. Il y a eu depuis les bonnes portugaises, les africaines, etc...
J'espère que le tournage se passe bien et j'irai voir le film.
Amicalement,
Violeta Ferrer, Paris, le 20 juin 2007
photo : Violeta Ferrer en 1943

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