Salut les ours !
Salut les chats !
Salut les bisons !
Salut les oiseaux !
Salut les tortues !
Salut les baleines !
Salut les pingouins !
Doucement les castors !
Enfants d'Espagne
19.6.08
ULYSSE, SYLVIA, BERENICE, DANIEL
ET LE SOUFFLE CONTINU
Matin pluvieux dans le 19ème arrondissement parisien, une femme à la silhouette un peu sèche et intense, le regard à destination, sort du métro orné de son arcade art déco. L'allure de la dame fait penser à Sylvia Beach et, coïncidence troublante, effet fantômatique ou incidence des phosphènes persistants, elle tient sous son bras le livre de James Joyce Ulysse. L'esprit reste présent au passage de cette figure passée. Sylvia Beach (née Nancy, prénom qu'elle n'aimait pas) a passé trois années d'études à Paris au début du XXème siècle, y retourne à l'issue de la première guerre de superproduction mondiale dans une équipe de soins médicaux, mais rejoint très vite les livres. Ratte de bibliothèque point ne se dilate ; sa passion de littérature et sa connaissance de l'être la transforment en chatte de librairie. Elle guette les plumes et fait passer. Sa boutique Shakespeare and Company rue de l'Odéon, rendez-vous privilégié de Man Ray, André Gide (qui se décarcassera plus d'une fois pour venir en aide financièrement à Mademoiselle Beach), Ezra Pound, Ernest Hemingway, Jacques Lacan et autres, devient conjointement maison d'édition en publiant Ulysse de James Joyce, incapable de trouver un éditeur dans le reste du monde. En 1941, Paris est occupé par les soldats du IIIème Reich allemand, Sylvia Beach refuse de vendre Finnegans Wake de Joyce à un officier de la Wehrmacht. Cette décision simplement d'envergure la conduit à être arrêtée puis internée dans un camp pour six mois. Les livres seront cachés. En 1944, Ernest Hemingway libère symboliquement Shakespeare and Company. Les librairies-transmettrices sont des endroits importants.
C'est comme assistante de Man Ray que Berenice Abbott, cette autre expatriée américaine (à laquelle le Minneapolis Art Institute a consacré une rétrospective il y a quelques temps), est devenue photographe. L'architecture dont elle est férue et la sculpture qu'elle a étudiées à New-York avant son départ pour Paris influenceront grandement les choix impressionnants de cette grande figure du Lutèce qui pense des années 1920. Comme pour Sylvia Beach qu'elle côtoie, la transmission chez Berenice Abbott est capitale. Elle rencontre Eugène Atget grâce à Man Ray. Elle le fait poser, mais le grand photographe ne verra jamais son portrait. Il meurt après la séance. Dès lors, elle n'a de cesse de préserver, poursuivre et défendre les travaux d'Atget. L'oeuvre du photographe des "petits métiers", qui avait tant inspiré les surréalistes, doit sa survie en très grande partie aux efforts de Berenice Abbott. Lorsqu'elle rentre à New-York, elle constate avec une sorte de choc mêlé d'effroi que la ville n'est plus la même. Elle la sent disparaître et se lance dans un grand projet : Changing New-York. Pour cette copine de Marcel Duchamp : « Le rythme de la ville n'est ni celui de l'éternité ni celui du temps qui passe mais de l'instant qui disparaît".
Daniel Richard, ancien vendeur à Lido Musique qui dans les années 1970 vous offrait tout ce que vous ne pouviez trouver ailleurs (ce qui faisait que de grands amateurs de jazz comme Charlie Watts y venaient faire leurs courses) pour donner plus d'ampleur à sa vision créera dans les années 1980 Les Mondes du Jazz (un monde !).
Depuis il est devenu responsable du secteur accordé au jazz dans la grande maison (qui en avait déjà avalé plusieurs) Polygram elle-même ingurgitée par le boa Universal. Les mastodontes du disque ressemblent aujourd'hui davantage à des piscines chauffées où l'on oublie parfois de mettre de l'eau, même javelisée. Comme Daniel Richard aime (vraiment) les disques et qu'il tente encore de le montrer au milieu des cabines de bains secs, il avouait récemment qu'en cas de prix unique du disque, il réouvrirait volontiers une boutique. Cela semble une super bonne idée. Car il est bien possible que derrière la façade des funérailles organisées, puisse se révéler tout un petit monde mu par la seule idée de vivre avec plaisir et intelligence et non de survivre dans les conventions bourgeoises, fussent-elles à la pointe de la modernité (la musique au micro-onde).
Signe avant coureur (très belle foulée !), ouverture de la boutique de disques ''Souffle Continu'' à Paris en septembre 2008 par deux ex-disquaires passionnés depuis près de quinze ans, musiciens et acteurs de la scène musicale : Bernard Ducayron et Théo Jarrier rempilent ! Leur constat :
"Ayant travaillé pendant plus de dix ans en tant que responsables de magasins de disque à Paris, nous avons vu le marché du disque subir de plein fouet la 'révolution' numérique et l'avènement du haut débit. Les structures les plus lourdes opèrent aujourd'hui de nombreuses coupes franches au sein de leur personnel et la plupart ne cachent pas leur intention de cesser l'activité de disquaire d'ici à quelques années. C'est dans ce contexte que nous ouvrons notre boutique, qui saura rallier les inconditionnels du disque encore fort nombreux, les mélomanes qui privilégient le conseil et l'écoute, les acteurs indépendants de la scène musicale parisienne et nationale voire internationale et bien d'autres curieux et ouverts d'esprit. Nous proposons également un site Internet vivant et commercial, muni d'un service d'achat sécurisé en ligne. Par ailleurs, nous organisons une programmation d'évènements réguliers, au sein de la boutique, oscillant entre des cartes blanches offertes à des labels ou des éditeurs et des signatures ou dédicaces d'artistes. La boutique propose une gamme de produits variés : Cd (neufs et occasions), des disques vinyle (neufs et occasions), des livres et magazines spécialisés ayant trait à la musique, des dvd musicaux, du merchandising (t-shirts, posters, stickers.) et enfin une billetterie sur certains concerts. Les genres musicaux proposés sont :
Rock : Indépendant, psyche 60's / 70's , post rock / free folk, krautrock / progressif / rock in opposition, no wave / hardcore 80's.
Jazz : free-jazz, improvisation libre.
Musique expérimentale : classique contemporain (sérialisme, spectralisme), field recordings / électro acoustique / acousmatique / musique concrète, fluxus, répétitif /
minimaliste, électronique minimale. Musique électronique : electronica, dub, trip-hop...
Hard Rock : heavy metal, trash / black metal, gothic / dark wave, electro
indus / metal indus.
Le métier de disquaire est en passe de redevenir ce qu'il aurait toujours dû rester ; un métier de passionné, qui ne peut vivre que s'il est mené par des passionnés compétents et novateurs ".
Comme les écrivains ont eu besoin de Sylvia Beach, les musiciens ont besoin d'autre chose que des bornes d'écoute. La démarche sans bornes, mais pleine d'écoute du Souffle Continu (titre parfait) rejoint l'objectivité telle que décrite par Berenice Abbott : "Il ne peut y avoir d'objectivité sans mystère des choix personnels". Saluons l'objectivité réjouissante de Théo Jarrier et Bernard Ducayron qui souhaitons le stimulera la nôtre qui en a le plus grand besoin.
Souffle Continu 20/22 rue Gerbier, 75011 Paris - angle rue de la Roquette,
métro : Voltaire / Philippe Auguste.
Photos :
Sylvia Beach et James Joyce par X
Sylvia Beach par Berenice Abbott
Berenice Abbott par Man Ray
Libellés :
Confistoire,
Le souffle continu,
Lectures pour tous,
Musica
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2 commentaires:
Il est intéressant qu'au moment où la Fnac change de discours sur le téléchargement (peut-être est-ce lié au changement de direction), reviennent timidement les petites boutiques. Savez-vous combien il en existe en France ?
Pardon de notre réponse tardive, qui d'aileurs sera plus une question qu'une réponse. Qu'est-ce qui vous fait dire que "la Fnac change de discours sur le téléchargement" ?
Pour le nombre de disquaires/disquaires, très très peu sans doute (ce n'est guère précis) hors du circuit indépendant Harmonia Mundi, il y a des libraires qui vendent un peu de disques et des choses comme ça. Là aussi nous essaierons d'être plus précis.
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