Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

24.10.08

LES EAUX FORTES
DE FONTAINE ET CORNELOUP




Certes, 80 000 manifestants pour défendre l'école et les élèves, dimanche dernier dans les rues de Paris, ce n'était pas mal, encourageant certainement. Mais pourquoi quasiment seuls des enseignants et des parents d'élèves ; et puis des passants regardant ce cortège comme si ça ne les concernait pas. Au mieux : "tiens, ils manifestent encore !". Comme s'ils n'avaient pas été élèves, qu'ils n'en avaient pas dans leur famille, qu'ils ne voyaient pas de relation, que le savoir leur échappait. Mais surtout comme si réinvestir la rue en compagnie ne les intéressait pas. Le soudain surgissement de milliers de milliards d'eurodollars au secours des plus riches (qui ne sont pas nombreux - nous le sommes) devrait nous mettre une puce grosse comme une baleine chantante à l'oreille. D'où vient que l'on soit devenu à ce point étrangers à notre propre existence en l'imaginant seulement comme possible dans une sorte de solitude que l'on se refuse à admettre en la remplaçant par toutes sortes de faux-semblants. Où seront les acteurs lorsque nous ne serons plus que spectateurs, des spectateurs qui ne voient plus très bien, qui ne braillent plus. L'autre est si loin. Notre absence programmée justifie LEUR (suivez mon regard, pas ses larmes) ignoble présence. Privée de coeur et d'esprit, instruments de liens à la portée de TOUS, la comédie de la vie tourne au sinistre, au tragique.

Un mouvement, c'est un groupe qui a conscience de l'être. D'une simple rencontre animée naîtra un lendemain différent. Impossible de se rencontrer en retournant comme une garantie à l'étape précédente, impossible de se rencontrer en étant indisponible, impossible de se rencontrer sans chercher à comprendre, impossible de se rencontrer sans comprendre qu'il faut chercher, impossible de se rencontrer sans se rencontrer.

Un mouvement, c'est le dessin des êtres vivants se transformant peu à peu en êtres plus vivants encore et plus encore à en mourir (car nous mourons tous, alors que ce soit en étant vivant). Le dessin des êtres vivants, comme ces silhouettes s'échappant des pinceaux de Sylvie Fontaine dans le paysage irrigué se levant du saxophone de François Corneloup, hier soir sur les bords d'un canal parisien où les passants sont nombreux et les flots réfléchissant.

Nous étions quelques-uns dans la salle, proches sans doute car ayant pour partie répondu à un appel. Et les silhouettes animées de Fontaine et Corneloup allaient jusqu'à nous pour nous porter, soudain nombreux, dans tous les dehors, sûrs de nos intimités. Cette multitude rêvée, offerte pour que demain (c'est aujourd'hui) nous puissions nous aussi la créer à notre tour, lançant d'autres appels, répondant à d'autres appels.



Jeudi 23 octobre 2008 : Librairie MK2 Quai de Loire (merci Sophie, Judith, Florian) : Sylvie Fontaine - François Corneloup duo avec de la suite dans les idées

Images : B. Zon

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Au Musée d'Art Moderne, quand Daniel Humair (peintre et batteur) organisait des concerts, il y a eu des trucs comme ça, vachement rafraîchissants. Dommage que je n'ai pas su ça en temps. Est-ce que c'est prévu dans le futur encore?