Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

27.9.11

JERZY SKOLIMOWSKI :
"ÇA VA LA VITESSE ?"

La ressortie de l'exceptionnel Deep end de Jerzy Skolimowski ainsi que de son superbe Travail au noir faisant suite à son nouveau film Essential Killing rendent cette année lumière à un cinéaste capital trop souvent ignoré. Ce mois-ci retour de l'inestimable long métrage Le Départ, réalisé en 1967, un an après Masculin Féminin de Jean-Luc Godard avec comme trait d'union (ce n'est pas le seul), les acteurs magnifiques Jean-Pierre Léaud et Catherine-Isabelle Duport (mais qu'est-elle devenue ?) présents dans les deux films (aussi dotés du même chef opérateur Willy Kurant). "Ça va la vitesse ?" Au moment des découvertes nouvelles sur la vitesse de la lumière, Le départ rappelle que le temps fait mieux que passer et que ses plus grandes fulgurances sont ses ralentis des découvertes de l'amour. Le départ et Deep end pourraient être les deux extrémités d'un même épisode, une chronologie chahutée, une vertigineuse accélération du temps, un espace où se logent tous les espoirs de tendresses explosant. Le départ est en noir et blanc (superbe) car toute la couleur est à venir, comme un de ces précieux "films originels" qui nous font tant défaut. Deep end est en couleur (impérieuse) - somme de toutes les lumières des trois années précédentes - car en 1970 nous en sommes déjà alors au crépuscule qui n'en finira plus de finir. Les paires Catherine Duport - Jean-Pierre Léaud et Jane Asher - John Moulder Brown (les femmes ont dans les deux cas de l'avance d'expérience et de tendresse sur ces compagnons de hasard sensible) peuvent facilement devenir nos repères, nos endroits à chérir ou à appréhender, nos désirs et nos fins : notre vitesse. Et puis il y a la musique, le plus grand instrument de défiance du temps. Si dans Deep End, Cat Stevens chante : "But I might die tonight" et que Can dispense sa lente désillusion, Le départ est doté d'une musique originale, euphorisante, porteuse de toutes les fêtes, de toutes les danses (même dans la mélancolie des paroles de la chanson). Krzysztof Komeda, pionnier du Jazz polonais et compositeur pour films (Le couteau dans l'eau de Polanski) l'a mis en oeuvre, mis en scène, démise en plis avec Gato Barbieri, Don Cherry, Jean-François Jenny-Clark, Jacques Thollot, Jacques Pelzer, Philip Catherine, Christiane Legrand. La musique de Komeda pour Le départ et l'enthousiasme exalté de ses interprètes résonnent comme un sensationnel manifeste, sonne comme une fondation de vent de tous les possibles. On s'ébroue ! En 2004 le groupe Fat Kid Wednesdays reprenait le thème du film comme générique de leur album The art of Cherry, aujourd'hui le pianiste Bertrand Ravalard explore le thème parmi son remarquable travail sur Komeda. Le départ est un film de source, une musique de source, le revoir, l'écouter, libère nos profondeurs retrouvées.

Fat Kid Wednesdays : The Art of Cherry

2 commentaires:

Bern a dit…

Le rapport avec Masculin et Féminin de Godard est intéressant et mériterait d'être développé. On peut voir dans Le départ, un développement de la relation entre Léaud et Duport qui ne l'est pas dans Masculin Féminin contairement aux autres

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