L'entracte - on devrait le savoir depuis Relâche (Satie-Picabia) - n'est pas un entre-deux, mais le moment de faire le plein au centre, de (dé)mesurer les effets de l'inattendu. À l'issue du premier set de Willie Murphy au Black Dog le 9 novembre se concluant sur un poignant "Spanish Harlem", un homme sort de la salle pour fumer et dit à la première venue : "J'avoue être nostalgique du moment que j'ai envie de vivre". La drôle de phrase prolonge ce qui vient d'être entendu, elle dessine aussi le moment de nos interrogations faites de cet inextricable nœud d'espoirs, de regrets, de lutte contre la mort, d'abandon impossible, de messages liés et séparés. Le temps n'est plus aux stratégies, mais à l'abondance de nos champs repérés.
Set numéro 2: Willie Murphy, vieux briscard splendidement imbibé de blues depuis l'origine de nos temps communs, joue "Stop Breaking down" de Robert Johnson, sculpté, en profondeur écorchée. Une femme danse, puis une autre, une autre, puis un ou deux types moins timides, heureusement moins mâles de leurs corps, ouvrent la voie, puis tout le monde. Seules les chaises ne dansent pas. Les larmes de crocodiles citoyens qui se gargarisent d'anniversaires pernicieux seront pour d'autres. On n'est pas à la parade. Ici on danse, le réel, le monde y est ! Nous y sommes !
Photo : B. Zon
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