Salut les ours !
Salut les chats !
Salut les bisons !
Salut les oiseaux !
Salut les tortues !
Salut les baleines !
Salut les pingouins !
Doucement les castors !
Enfants d'Espagne
29.9.08
MACHEROT S'ENVOLE
Mauvais coup du Kulgude, du Khrompire, de Crunchblott, d'Anthracite, des Croquillards, du Grand Troubadoule ou de Pistolard, Raymond Macherot vient de disparaître le 26 septembre et il se pourrait bien qu'avec ce tour-là, on ne le revoit plus jamais. En 1940, ce futur franc-tireur de la BD né en 1924 fuit l'occupant allemand faisant trembler le plat pays afin d'échapper au STO. Là, planqué dans la campagne, cet écologiste avant l'heure et la mode des pistolets à Grenelles découvre la nature qui guide ses crayons. Ce ne sera pas sans incidence sur le monde animalier (le lérot Chlorophylle, la souris Sibylline et son fiancé Minimum, les chats Mirliton,
Pantoufle et Chaminou) qu'il créera une fois devenu dessinateur (après avoir été apprenti matelot - il rejoint la marine britannique pour la libération - et journaliste) ; pas sans incidence non plus sur les thèmes d'albums comme Chlorophylle contre les rats noirs. Les petits animaux de Macherot n'évoluent pas (du tout) dans un univers disneyen, mais plutôt dans une sorte d'herbier subtilement orwellien aux mailles doucement décalées au-delà de Calvo et Benjamin Rabier, une sorte de poésie empreinte d'agressivité du quotidien. Il mélange à notre insu les époques (costumes, véhicules) pour esquisser, avec une cohérence troublante, un temps tellement proche à quelque époque qu'en soit la lecture. Ses deux chefs d'oeuvres Les Croquillards et Zizanion le terrible (dont la publication en album des bandes passées dans le journal de Tintin attendra 20 ans, l'éditeur considérant Macherot comme anarchiste) dépeignent une société trop policée, trop ordonnée (où la police est d'ailleurs d'une bêtise confondante - thème retrouvé dans Chaminou) incapable de saisir les menaces pourtant pressantes et lourdes de conséquences. En 1970, Macherot sera en proie à cette maladie fréquente chez les dessinateurs de bande dessinées (Hergé, Franquin - avec qui il participe ainsi qu'Yvan Delporte aux premiers albums d'Isabelle de Will, autre poète de la bande dessinée), la dépression nerveuse, le plat Mirliton en sera la manifestation la plus directe. Macherot aurait souhaité entendre la musique de certaines de ses planches (Le violon de Zagabor par exemple). En 1989, Michel Doneda et Alexandre Balanescu interpréteront pour Bandes Originales du Journal de Spirou, un Sibylline et la betterave (composé par Doneda) à la matière de terre et d'air très complémentaire de cette drôle de campagne. Anecdote : Héron Mélomane, totem scout du Colonel Clifton, autre personnage, humain celui-là, de Macherot sera pseudonyme repris par un invité récurent des disques nato à partir du Hotel Hotel de Jac Berrocal. En 1990, le dessinateur laissera tomber ses crayons. Les dernières histoires de Sibylline, au trait encré dans les petites cruautés, rencontrent une forte incompréhension. Pourtant, la toute dernière Sibylline et le violon de Zagabor est une perle fantastique qui part avec le vent, un chef d'oeuvre masqué. L'incompréhension est la tare des vies. Elle pousse à l'abandon. Les criminels ne comprennent jamais. Pas vrai Minimum ?
Tel est pris... quand le bleu broie du noir
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28.9.08
L'ART DE L'AMOUR (À BICYCLETTE)
Dans Love Streams de John Cassavetes, Gena Rowlands demande "Est-ce que l'amour c'est de l'art ?"La question est peut-être d'importance pour peu que l'on accorde de l'ampleur à l'un ou l'autre de ces mots aux définitions extensibles, impossibles ou cruciales. Quand l'art est une façon de tuer le temps, il voue alors l'amour au doute destructeur ; s'il est un moyen de pénétrer ce temps aux limites de l'impossible conducteur d'une vie, l'amour s'entiche d'éclosion. Dans Le Verdict, film de Sidney Lumet, Paul Newman, acteur disparu avant-hier, incarne un avocat abîmé par le doute confronté à un impossible procès du fait de groupes de pression que l'on ne reconnaît que trop. À la fin du film, ayant failli à convaincre la plupart des témoins effrayés, il trouve non seulement la mince faille des puissants, mais mieux, persuade le groupe de jurés, alors symbole d'une micro société, en partageant avec eux des convictions de démocratie directe révélant la partie éclairée de leur être. Alors il dessine un art d'aimer puissamment révolutionnaire qui les sauve lui et sa cliente. Une voisine dans la force de l'âge nous confiait récemment avoir hébergé une jeune fille venue de Seattle jusqu'à St Paul à bicyclette pour protester contre la RNC (Convention Républicaine Nationale). Pour la cycliste, l'important était de partager sa haine de la guerre et de l'argent comme moteur de toute relation. Elle fut pour cela arrêtée par la police, puis, foin d'intimidation, après avoir offert à tous les pleutres sa participation forcément salvatrice, elle s'en est retournée sur la côte Pacifique à vélocipède. Ce voyage, elle le refera sans doutes autant que nécessaire apportant sans égarement encore, cet incroyable fragment de merveilleux rebelle, cet inexprimable art de l'amour, pourtant si visible.
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RNC 2008
27.9.08
ST PAUL OCCUPÉ, OUTRAGÉ, PAS VRAIMENT LIBÉRÉ
{CITY COUNCIL DE ST PAUL, 24 SEPTEMBRE, TÉMOIGNAGE DE ERIC ANGELL}
Plan de la zone occupée du 29 août au 4 septembre
Il y a foule ce mercredi 24 septembre 2008 au City Council Hall de St Paul à 17h30, alors que se tient l’attendue réunion à l’initiative du conseiller municipal Dave Thune ; sujet : invitation faite aux habitants de St Paul à venir témoigner de leur propre expérience durant la Convention Républicaine (temps de parole 3 à 5 minutes). Les ecchymoses de la ville sont gigantesques. Signalons que Dave Thune est l’un des très rares élus à s’être opposé ouvertement au Sheriff Fletcher lors du raid au Convergence Center (dans le vieux théâtre de Smith Avenue). Si cette invitation semble à tous insuffisante (le maire et les principaux responsables de la police sont absents), devant l’ampleur de ce qui s’est passé (les plus sceptiques la voyant comme une opération de diversion disons … sentimentale), elle aura tout de même permis à une salle pleine (et aux téléspectateurs de Channel 8 diffusant en direct) d’entendre des témoignages que les principaux médias s’étaient bien gardés de relater. Les avis étaient divisés sur la nécessité de cette rencontre « réconciliatrice » lorsqu’il n’y a plus guère de réconciliation à attendre devant la monstruosité des faits. La version officielle du maire Chris Coleman (démocrate-âne) continue de voir, en cette convention, un moment heureux pour la cité. Le matin, comme pour annihiler cette prise de parole légèrement redoutée, le Sheriff Bob Fletcher donnait, à deux pas de là, une conférence de presse où il justifiait les actions de la police par le fait qu’ « autrement St Paul aurait été entièrement détruit par les anarchistes ». Au City Hall, sur 27 personnes invitées à parler, 23 se sont présentées. Les témoins viennent à la barre successivement, relativement regroupés :
1) L’impact sur le business local
2) Les médias
3) Les habitants victimes de perquisitions pour avoir offert l’hospitalité aux manifestants
4) Les représentants des associations organisatrices (avocats et organisateurs)
5) Les représentants des groupes associés
6) Diverses expériences de résidents
Alors que Karolyn Kirschgesler du Rivercentre Convention & Visitors Bureau avec cet aplomb qui caractérise les imbéciles arrogants chante seule les louanges de la Convention (les participants reviendraient en vacances et dans la capitale du Minnesota devenant un exemple pour les conventions à venir) générant rires ou indignation, Kay Baker, directrice de l’Hôpital St Joseph exprime la situation périlleuse dans laquelle avait été mis son établissement coupé du monde et incapable de fonctionner (les rues bloquées, aucune intervention chirurgicale n’a été en mesure d’être assurée). Issue de ce premier groupe Sara Remke du Black Dog café 1, rare endroit d'accueil pour manifestants et médias indépendants, sera la première de la soirée à demander l’abandon des charges pour l’ensemble des inculpations. Moments forts de la soirée lorsque Jess Sundin de l’Anti War Committee fait lever une grande partie de la salle, bras tendus et points dressés où lorsque Cheri Honkala de la Poor People’s Economic Human Rights Campaign présente une vidéo explicite des violences policières. Une autre vidéo montre une jeune fille de 18 ans venue elle aussi témoigner. Pour sa première manifestation, elle a été battue à terre à coups de bicyclette. Et puis, Elliot Hughes, garçon de 19 ans à la silhouette frêle, manifestement traumatisé ne pouvant retenir ses larmes en racontant les sévices subis dans la prison du Sheriff Fletcher. Chaque témoignage accablant un peu plus les autorités (une investigation a été demandée par le maire Coleman, elle fait déjà figure de farce, la réputation de l’investigateur nommé offrant peu de doutes sur l’issue – un des témoin, avocat a d’ailleurs demandé la résiliation de l’investigateur appointé) en offrant une diversité de points de vue concordant sur le rejet de la militarisation effrayante de la police. Les représentants des médias se sont montrés scandalisés par les poursuites effectivement illégitimes contre 40 journalistes, mais ont un peu omis à leur habitude d’être solidaires des autres poursuivis, comme les RNC8 dont le cas est exemplaire et qui font face à de possibles peines très lourdes (7 ans de prison). Eric Angell, présent le 29 août au Convergence Center, les a évoqués avec éloquence. Nous publions ici son témoignage intégral :
“Le soir du 29 août, la police a fait irruption à l’ancien theater de Smith Avenue, lequel était momentanément utilisé par des gens associés à l’organisation de manifestations autour de la Convention Républicaine Nationale. À ma connaissance, tant l’immeuble que les activités des organisateurs se situaient à 100% dans le cadre de la légalité.
Les anarchistes apprécient de manger, et partager la nourriture est un de leurs actes typiques. Ce soir-là, je venais de terminer un succulent repas végétarien avec quelques amis.
Après le dîner, un film était présenté dans ce vieux théâtre. Comme je n’étais pas alors intéressé par une projection, je préférai me rendre à l’extérieur. La nuit était tombée et j’ai discuté avec des amis sur le trottoir. C’est alors qu’ILS sont venus.
Dans la pénombre, Ils ont surgi de camionnettes banalisées, les armes à la main. C’était assez stupéfiant car ils étaient tous vêtus de noir et impossibles à identifier. J’ai seulement eu le temps d’y regarder à deux fois, m’assurant que je n’avais pas de troubles de vision.
Pointant leurs armes à feu, ils nous ont ordonné de nous mettre à plat ventre sur le ciment du trottoir.
Lorsque vous êtes choqués, il est un peu bizarre d’essayer de bouger ; mais nous avons obéi et avons été immédiatement menottés. D’autres policiers continuaient d’arriver, une douzaine puis deux. À la fin de la soirée, il y avait autant de policiers que de personnes à l’intérieur du théâtre, peut-être 60. S’ils n’étaient pas tous armés, il y en avait suffisamment braquant leurs armes pour effrayer tout le monde. À l’intérieur, ils ont ordonné à tous de se mettre à plat ventre avant de menotter tout le monde. Il y avait beaucoup de femmes et au moins un enfant parmi nous.
La police a ensuite intimé aux trois d’entre nous, allongés dehors, l’ordre de nous rendre à l’intérieur. Là, nous avons dit que nous refusions la fouille en demandant avec insistance où était le mandat de perquisition. Ils avaient beau aiffirmer qu’ils en avaient un, ils ne l’ont pas alors présenté. Ils ont enfoncé les portes en pénétrant violemment dans toutes les autres pièces occasionnant des dommages matériels. Ils fouillaient sans avoir l’air de chercher quelque chose en particulier. Ils ont cherché dans les moindres recoins et fouillé toutes les personnes. Comme j’avais les mains dans le dos, ils m’ont fouillé, pris mon portefeuille dans la poche arrière de mon pantalon en vérifiant mon identité.
J’ai alors demandé si j’étais en état d’arrestation sans avoir aucune réponse. J’ai répété que je ne consentais pas à la fouille. La seule réponse directe que j’ai eue a été celle d’un officier qui m’a brusquement dit « Je m’en fous de ce à quoi tu consens ».
C’était une démonstration totale de force et d’intimidation. Je ne suis pas juriste et je ne sais pas si cette action était illégale, mais je peux témoigner que cette perquisition ne répondait à aucune nécessité et était contraire à toute éthique.
Comme beaucoup, je n’entretiens aucune illusion sur la vie privée dans la société telle qu’elle est. Je suis aussi familier des méthodes modernes du gouvernement de surveillance et d’écoutes. Rappelons-nous les trop célèbres Palmer Raids (1) du début des années 1920… à ce moment-là aussi, le gouvernement diabolisait les anarchistes.
Ceci posé, je considère le raid que nous avons subi des plus choquants, violent et agressif.
Après que la police s’est félicitée de ces détentions multiples, fouilles et confiscations d’objets inoffensifs, elle a procédé à l’identification de chacun, nous photographiant tous puis finalement nous a laissés partir. Certains n’ont pas été libérés avant plusieurs heures. Lorsqu’ils l’ont finalement été, ils ont été accueillis par des acclamations et embrassades de leurs nombreux camarades les attendant dehors.
Ce raid et la conduite inqualifiable de la police tout au long de la semaine a été soutenu et encouragé par des officiels élus incluant les deux maires et nombreux conseillers municipaux des deux côtés du fleuve. Le Sheriff du Ramsey County Bob Fletcher est reconnu comme principal responsable de cette descente de police ainsi que de celles qui ont suivi le matin suivant dans des habitations à Minneapolis et St. Paul.
Très malheureusement pour la liberté de parole, les libertés civiles, la démocratie et pour la population en général, les maires de St Paul et Minneapolis ont généreusement loué l’action et la conduite de la police, cette même conduite qui a laissé de nombreux activistes et je dirais la démocratie elle-même, contusionnés, abîmés, violés faisant face à des accusations criminelles.
Dans le climat actuel, tout ce que la police avait besoin de faire était simplement d’évoquer le mot « terrorisme », ce qui lui autorise tous les sauf-conduits pour perquisitionner, frapper, gazer, bombarder, arrêter et torturer…. Et ceci avec l’approbation de presque tous les élus. Même s’ils ont passé l’intégralité de la Convention Républicaine en prison, les RNC8 sont les 8 personnes accusés de « complicité d’émeutes à fin de terrorisme »… des accusations sérieuses contre des gens qui n’ont clairement pris aucune part dans aucune action pendant la Convention Républicaine.
Ces 8-là, et tous ceux qui ont organisé les manifestations contre la Convention Républicaine sont les meilleurs éléments de notre société. Ce sont ceux qui investissent du temps, de l’énergie et prennent des risques pour confronter directement la tyrannie de notre système affairiste-étatique ou comme d’autres le nommeraient : la machine de guerre. De tous leur être, ils tentent en organisant, de contenir ce monstre qui est dans notre jardin et, pour être clair, ceci ne vise pas seulement les républicains. Ces gens sont ceux qui s’opposent à ce système qui ne sait fabriquer que la guerre en tentant de créer des alternatives réellement démocratiques … une communauté autonome, et indépendante.. pas des esclaves facilement manipulables.
Maintenant, le système s’adresse ainsi aux RNC8 ainsi qu’à nous tous :
Toute organisation visant à produire un changement véritable, en manifestant directement contre les monstres ayant pénétré nos jardins est illégale.
En multipliant des accusations énormes, comprenant le passe-partout « terrorisme », le gouvernement essaie de criminaliser l’opposition réelle en produisant les RNC 8 à titre d’exemple dans le but de décourager d’autres velléités de s’opposer aux politiques gouvernementales.
L’avocat Larry Leventhal a déclaré le cas des RNC8 « accusation politique », fait caractérisé par une accusation des personnes visées « pour leurs idées, leur pensée qui diffèrent des pouvoirs politiques en place, plutôt que pour leurs actions ». Mordecai Specktor, éditeur du journal American Jewish World cite les charges contre les RNC8 comme étant « alambiquées, démesurées et scandaleuses ». Il ajoute « J’encourage tout le monde a regarder tous les détails pour vraiment voir de quoi il s’agit, et où est la vérité ».
Nous devons être solidaires des RNC8 et faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que le gouvernement abandonne toutes ces charges injustes. Nous pouvons commencer en accompagnant ces jeunes prévenus et nous tenir avec eux lors de leur procès. De plus, nous pouvons contribuer à ce qui sera sans aucun doute une défense onéreuse. De quelque façon que ce soit, nous devons visiblement soutenir les RNC8.
Dans leurs comptes rendus, les journaux quotidiens des Twin Cities ne se sont pas distingués. Pour faire court, ils ne se sont que trop fiés, et de façon prévisible, aux sources d’informations officielles en échouant à vérifier les allégations officialisées sans donner la parole aux manifestants.
Généralement, la grande presse s’est efforcée de répéter des déclarations infondées propagées par divers officiers de police « se battant contre un groupe néo anarchiste caché dans l’ombre et complotant afin de perturber la convention en kidnappant des délégués, lançant des cocktails molotov et installant une guerilla urbaine ». De ce fait elle a simplement trompé le grand public. Ces anarchistes « de l’ombre> » avaient en fait décrit très précisément et très ouvertement la nature de leurs actions sur leur site web (www.nornc.org) pour que le monde puisse voir. Leurs plans n’incluaient pas le recours à la violence ou la destruction de propriétés. L’essoreuse des médias alignés a tourné à plein rendement afin de protéger une fois encore l’institution au détriment de la vérité.
Cette période de la Convention républicaine a vu nos libertés civiles, de parole et la liberté de la presse mises à mal. Les événements des Twin Cities fournissent une sombre indication des choses à venir en Amérique. Au regard de ce qui s’est passé et à sa compréhension profonde, pourrons-nous envisager un changement véritable de notre société. »
_______
1) Palmer Raids : raids menés à l’initiative de l’Attorney General Alexander Mitchell Palmer de 1919 à 1921 sous la présidence de Woodrow Wilson afin de démanteler le mouvement anarchiste américain, faisant croire au public qu’une révolution soviétique était imminente aux USA. Plus de 10 000 personnes furent arrêtées et 550 furent déportées. Les raids furent ensuite dénoncés comme illégaux par le juge George Anderson.
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RNC 2008
23.9.08
ÂNE TATOUÉ
Après lecture du Glob précédent, Andy Singer nous signale que Thomas Nast, s'il est bien le créateur de l'Éléphant républicain, n'a pas crée, mais repris l'âne comme symbole pour le Parti Démocrate Américain à partir d'un fait. C'est le président Andrew Jackson (qui orne les billets de 20 dollars et qui apparaît sous la forme d'un tatouage lorsque la fameuse Lydia des Marx Brothers au Cirque relaxe ses muscles) qui après s'être fait traiter d'"âne" et de "jackass" par ses opposants a décidé de garder l'âne comme mascotte de son parti.
Rappelons qu'au chapitre "criminel colonial", le militaire Andrew Jackson figure en bonne place lors de ses campagnes violentes et cruelles contres les indiens Creek et Séminoles. Il fut également un épouvantable briseur de grèves.
Les ânes devraient pouvoir faire appel !
Photo : B. Zon
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RNC 2008
12.9.08
L’ÉLÉPHANT CONTRE LES CHIENS NOIRS
{LA CONVENTION RÉPUBLICAINE (RNC) À ST PAUL MINNESOTA}
VOIR L’ÉLÉPHANT
En politique française, l’éléphant représente le général (aussi appelé cadre) type du parti socialiste. Aux Etats-Unis d’Amérique, cette grosse bête qui n’a rien demandé même pas à ne pas disparaître représente le parti Républicain, parti au pouvoir depuis les huit dernières années causant moultes dommages pour la faune, la flore et l’humanité. C’est Thomas Nast, caricaturiste républicain pour la revue Harper’s qui imagina les deux animaux symboles des deux partis se partageant le gâteau politique américain. L’âne pour les démocrates (facile) en 1870 et l’éléphant en 1874 (l’idée lui vint alors que des animaux s’étaient échappés d’un cirque). Les deux partis garderont ces animaux fétiches. Ni les ânes, ni les éléphants n’ont de services juridiques suffisamment instruits pour contrer ces abus d’utilisation d’image et comme l’a dit un écolier voyant cette grande bannière de l’éléphant républicain à la veille du siège de St Paul : « Ils verraient ce que c’est vraiment qu’un éléphant si Hannibal venait les attaquer ». St Paul, ville administrée par des ânes, a voulu voir l’éléphant de près et St Paul a vu l’éléphant.
ST PAUL SYMBOLE
St Paul fut fondé en 1858 empruntant le nom d’une église batie par un certain Galtier, missionnaire catholique. Capitale d’état, St Paul est jumelle de la plus turbulente Minneapolis (explication de cette proximité : la difficulté de circulation sur le Mississippi à l’origine des deux ports et donc des deux cités qui ne tarderont pas à se toucher, voir se confondre). En 1931, la ville fut le théâtre d’émeutes dues à la famine et lors de la décennie précédente, période dite de « la prohibition » (qui s’achève en 1935). Autre capitale du crime aux USA, St Paul devient le refuge de tous les gangsters de haut vol (John Dillinger, Ma Barker, Baby Face Nelson, Alvin Creepy Karpis, Pretty Boy Floyd) dont certains sont alors protégés par le FBI. Le chef de la police locale John O'Connor a mis au point un système « d’accueil » qui est, lors de recherches infructueuses de caïds en cavale, à l’origine du dicton « S’il n’est pas mort, il est à St Paul ». Alors qu’en 1892, la ville accueille la première Convention Républicaine (RNC), en 2008, elle renouvelle l’invitation (après avoir été sélectionnée entre quatre villes choisies par l’éléphant) prenant le relais de Denver hébergeant la Convention Démocrate la semaine précédente. L’éléphant n’est pas avare en efforts, et ce depuis longtemps, pour s’installer, voir humilier ce bastion Minnesotan qui semble lui résister. Lors du raz-de-marée électoral qui vit l’élection présidentielle de l’ex-acteur Ronald Reagan, le Minnesota fut le seul à ne pas voter dans le sens national. Le populaire sénateur Paul Wellstone qui s’était fermement opposé à la première guerre en Irak (on se souviendra de son discours enflammé au Congrès en 1991) disparaît à quelques jours des élections sénatoriales en 2002 lors d’un accident d’avion qui reste inexpliqué. Le Minnesota élira également Jesse Ventura, un catcheur farceur sans appartenance partisane comme gouverneur de l’Etat. Mais le développement des banlieues et plus encore des grandes banlieues voit l’implantation d’une clientèle typiquement républicaine, c’est sur elle que s’appuie l’éléphant de la Maison Blanche pour mettre à bas le Minnesota. St Paul recèle également de ces petites trahisons qui font le sel empoisonné de la vie politique. Ainsi le maire démocrate de la ville Norm Coleman (ancien étudiant contestataire de la guerre au Vietnam) changera de camp en devenant l’une des marionnettes favorites de l’administration Bush (il prendra en 2002 le poste de sénateur précédemment occupé par Wellstone). Le maire Randy Kelly, démocrate, prendra fait et cause pour la seconde guerre en Irak (Democrats for Bush) et facilitera ainsi l’élection du nouveau maire démocrate Chris Coleman qui n’aura guère d’effort à faire pour prendre le fauteuil en 2005 de la paisible (en apparence) cité. Naïvité politique ou fatalité historique, Chris Coleman assumera donc l’invitation de l’éléphant y voyant une opportunité pour la ville d’exposition médiatique et de bon business. Une sous-estimation dramatiquement totale de la situation d’un empire en guerre, une façon d’y voir un State Fair bis, un parc d’attractions, une surprise-partie d’une semaine bon pour les affaires. À l’heure où la pauvreté ravage aussi l’Amérique, la politique est un jeu, un divertissement somme toute. Et le bien nommé Coleman tentera avec une prétention boursoufflée de réconforter ses administrés inquiets en leur assurant qu’il aura le contrôle de la situation sans être dépassé par les services fédéraux. Si en 1874, Thomas Nast représente l’éléphant tombant dans un piège mis au point par l’âne, cette fois-ci c’est l’âne qui succombe bêtement au piège de l’éléphant vengeur. Et Chris Coleman, maire (de mes deux mairies) méritera pire que porter un bonnet d’âne pour payer sa candeur collaborationniste avec les forces d’occupations.
JEUDI 28 AOÛT 2008 : THE PINES
La ville est déjà profondément changée, nouvelles infrastructures d’accueil pour les services secrets ou les journalistes du monde entier (que l’on dit aussi nombreux qu’aux derniers Jeux Olympiques) pour ne nommer que deux types de nouveaux « touristes », surveillance policière accentuée et mise en place d’un réseau de caméras à chaque carrefour, chaque recoin et chaque tournant. St Paul vit déjà à l’heure de 1984. Le Black Dog, café qui se trouve à la périphérie de la zone bientôt interdite, comme quelques autres résidents des Twin Cities, se sentant violé par cette intrusion, a choisi de mettre en place un ensemble d’événements signifiants dès le 15 août avec un « fundraiser » pour le très actif Anti War Commitee et l’installation de deux expositions : l’une du collectif Poster Offensive et l’autre du cartoonist Andy Singer. Le 27 août le duo folk The Pines, merveilleusement, subtilement, complètement accompagné du batteur JT Bates et du banjoïste Michael Rossetto, offre, comme une ouverture organique à cette offensive contre la fermeture, un concert au Black Dog qui semble être un récapitulatif de l’histoire sociale américaine avec une indication des marques à prendre. Si l’on est agité par les fantômes de Leabelly, Joe Hill, Woody Guthrie, on est aussi éclairé par le niveau de conscience qui peut exister aujourd’hui dans la tête d’artistes créateurs aussi humainement raffinés et l’incandescence douce forgeant le nécessaire questionnement.
CALL AND ANSWER
En 2003, alors que les meutrières troupes militaires américaines avec le renfort de leurs homologues britanniques (et quelques insignifiants faire-valoir) envahissent l’Irak, le Black Dog organise une soirée avec le groupe Poets against the war, association de poètes du Minnesota hostile à la politique étrangère (et intérieure) de l’administration Bush. C’est le poète-écrivain-journaliste Rich Broderick qui les rassemble ce jour-là. Parmi eux, Robert Bly, père du « mouvement des hommes expressifs », fondateur en 1966 des « Ecrivains américains contre la guerre au Vietnam », lit un des premiers poèmes contre la guerre en Irak intitulé « Call and Answer » (publié dans l’ouvrage The Insanity of Empire). L’action des poètes est significative. Quelques temps auparavant, l’invitation de Laura Bush, conviant à la Maison Blanche les grands poètes pour honorer la littérature américaine, avait été couronnée d’un retentissant flop, les poètes invités déclinant unanimement l’invitation en signe de désaccord total avec la politique étrangère de l’administration W. L’artiste n’est pas forcé d’être soldat, ni amuseur des troupes ou conscience facile, il peut exister pleinement. C’est ce poème « Call and Answer » qui sera choisi comme titre pour les événements réagissant à la présence occupante de la Convention Républicaine (RNC) organisés par le Black Dog Café. La nécessité de réponse est urgente, toujours urgente.
VENDREDI 29 AOÛT 2008 : POINTS DE CONVERGENCE
Petit à petit, les accès de la zone entourant le Xcel center se ferment avec l’apparition de barrages qui deviennent autant de check points, derniers moments de libre circulation relative avant la fermeture définitive à 18 heures. En attendant, un homme seul se tient là avec un panneau aussi grand que lui : « 9/11 was an inside job », attendant d’être délogé. Les claxons le saluant sont généreux. Courte visite au « Convergence Center » lieu géré par le RNC Welcoming Commitee, petit groupe qui accueille les manifestants anarchistes ou anti-autoritaires de différentes associations du pays et leur fournit gratuitement outre un lieu d’accueil, des bicyclettes pour se déplacer. Le Black Dog, comme d’autres, leur apporte quelques effets souhaités (papier toilette, serviettes, café, pain etc.). Un petit garçon du voisinage est venu jouer là, il prend un livre Histoire du radicalisme au Minnesota en disant « Ma maman aime bien lire un peu avant de s’endormir ». L’atmosphère est à la fois chaleureuse et tendue, l’endroit se sait surveillé. À 18 heures donc, la ville est coupée en deux ; toute la nuit : installation de murs de bétons, grillages, barbelés, sacs de sable pour « sécuriser » la zone où le candidat républicain John McCain va annoncer dans quelques jours sans surprise sa candidature à la présidence des Etats-Unis d’Amérique afin de prolonger la politique du mal-aimé King George. Cela fait belle lurette que ces conventions sont un simulacre de démocratie. Tout le monde connaît l’issue avant même qu’elle commence. Les artistes du groupe Poster Offensive (dont l’un sera menotté dès le matin par des policiers alertés pour avoir écrit à la craie sur le garage inoccupé en face) organisent une réception au Black Dog. Ils présentent et vendent leurs affiches au graphisme élégant et au message souvent (trop) simple (l’élection de Barack Obama pourrait contenter leurs attentes). L’autre partie du café plein comme un oeuf présente la plus affutée exposition d’Andy Singer qui distribue pour l’occasion un petit livre intitulé « The adventures of Orwell Man … a little book of Bush cartoons for the 2008 Republican National Convention in St Paul Minnesota ». Le trait d’Andy Singer est autrement puissant que celui des distingués et esthètes graphistes. Son œil est permanent, une pupille perspicace qui saisit à la volée l’idée lucide de l’horizon. La soirée se termine par une prestation à l’extérieur des Fantastic Merlins, quartet qui n’a pas oublié de quoi le jazz est fait, réunissant Nathan Hanson, Jacqueline Ultan, Brian Roessler et Pete Hennig. Il n’a pas de fantastique que le nom. Le blocage du centre ville oblige à de nombreux détours pour qui veut rentrer chez lui, aussi nous trouvons-nous à proximité du Convergence Center visité le matin avec l’idée de faire un petit bonjour avant de rentrer. Surprise sinistre ! Nous sommes tenus à distance, alosr qu’un groupe de jeunes gens est gardé à l’extérieur par un important déploiement d’officiers armés. Les hommes de Bob Fletcher, Sheriff du Ramsey County agissant en accord avec les services secrets et le FBI encerclent le lieu. Lors d’un raid surprise deux heures plus tôt, armes à la main, alors que les occupants regardaient un film et que les autre dînaient, ils ont fait irruption et hurlé à tout le monde de se coucher ventre à terre, menottant une cinquantaine de personnes. Une fouille de l’immeuble verra la confiscation des ordinateurs portables, cartes géographiques, appareils photos. Il faudra l’intervention du conseiller municipal Dave Thune et d’avocats de la National Lawyers Guild pour que les occupants soient relâchés. Cela ne se fera qu’à la condition d’être individuellement photographié et donner ses empreintes. Les policiers sont sûrs d’eux, sûrs d’être couverts pour tout débordement. Le « Ce n’est pas comme ça qu’on agit à St Paul" du conseiller Dave Thune n’aura comme réponse qu’un ricanement sinistre qu’on entendra pendant six jours. Ce sera la première démonstration abusive des forces de police, pas la dernière. En rentrant chez elle, la présidente de l’association contre les brutalités policières trouve la porte de son garage fracturée et ses boîtes de documents fouillées. L’éléphant a ses grosses pattes presque libres. Le Convergence Center se voit fermé.
SAMEDI 30 AOÛT 2008
À 7h30 du matin, un pantin de la chaîne Fox News (« Fox News sucks » sera un des slogans de la manifestation du lundi) débite ses informations propagandistes devant le Convergence Center toujours fermé. Grande victoire pour l’Etat et la sécurité des citoyens, un foyer anarchiste-terroriste maîtrisé par les forces de l’ordre. Il faudra toute la science d’un groupe d’avocat hyper actif (pendant toute la durée de la Convention, les avocats de la National Lawyers Guild et ceux de Coldsnap travailleront sans relâche en donnant leur temps, constituant le seul rempart à l’infernale déferlante policière, ils appelleront plusieurs fois des renforts) pour que le centre (qui sera fermé une autre fois et réouvert de la même façon) réouvre ses portes. Pendant ce temps, sur St Paul et Minneapolis, plusieurs raids et arrestations ont lieu dans des maisons hébergeant ou habitées (c’est le terme employé par les autorités) par de « dangereux anarchistes et activistes ». L’une de ces habitations est la résidence des responsables de « Food not war ». Des maisons accueillant les journalistes des médias indépendants Eye Witness Video ou Democracy Now font également l'objet de raids, confiscations et arrestations, la plupart du temps, les mandats ne sont pas prêts au moment de l'entrée en force. La terminologie évoluera vite vers un pratique « anarchistes-terroristes » propre à conforter le brave contribuable. Les campeurs de Bushville, campement de pauvres sur l’Ile Harriett au milieu du Mississippi indiquant la « bonne santé économique du pays » fera aussi l’objet d’une évacuation violente. Les forces de police, avec ou sans uniformes, sont (au minimum) décuplées. Il y a des flics d’Arizona, du Connecticut, du Wisconsin, d’Illinois, d’Iowa etc. et toutes les unités possibles et inimaginables : FBI, Homeland Security, services secrets, sécurité du territoire etc. La garde nationale (ce qu’il en reste, l’autre partie est stationnée en Irak ou en Afghanistan) est aussi entrée en ville. Comme si ça ne suffisait pas, il y a aussi des unités de polices privées, des flics en auto, à vélo, en hélico, en bateau, à chevaux (pour quoi au fait ?). C’est le moment tranquille que devraient choisir les Daltons pour attaquer une banque dans le reste du pays. Les accès à la ville sont sévèrement contrôlés. Le bus du Rude Mechanical Orchestra, ensemble devant se produire le lendemain au Black Dog et participer à des actions toute la semaine, est empêché de circuler et cinq de ses voyageurs sont arrêtés. Le moindre excès de vitesse, la présence d’un appareil photo sur une banquette arrière, suffisent à une fouille complète des véhicules et dans certains cas à leur confiscation. Au Black Dog le matin, la police cherche quelqu’un, elle interroge un habitué qui a eu la mauvaise idée de s’habiller en noir. Les journalistes d’Indy Média de plusieurs localités ainsi que d’autres groupes comme les Veterans for Peace ou les omniprésentes Code Pink installeront leurs quartiers au Black Dog. D’autres groupes plus marginaux ou visiteurs un peu perdus trouvent accueil. Amy Goodman de Democracy Now et son équipe y viennent aussi tous les jours. Mary Turck, autre journaliste digne de ce nom y adresse ses articles publiés instantanément sur le site Daily Planet. Cette assemblée mouvante constituera un ensemble partageur, solidaire et amical toute la semaine. L’équipe de MySpace qui cherche un point d’ancrage arrive avec l’idée de s’installer au Black Dog. Avant même qu’ils ne demandent, les dessins d’Andy Singer et l’ambiance générale les font fuir : « Désolé de vous déranger, mais il y a trop de choses politiques ici ». Amusant de voir un média couvrir la Convention Républicaine et se plaindre du « trop de politique ». MySpace appartient à Ruppert Murdoch, fabricant de cauchemars apolitiques.
LES ANARCHISTES
« Il n’y en a pas un sur cent et pourtant ils existent » nous avait informés Léo Ferré. Estimés à un millier, à une centaine selon les différentes déclarations des autorités, ils sont par elles désignés comme source de tous les maux ; les boucs émissaires impeccables. Le Sherif Bob Fletcher déclare lors d’une conférence de presse que s’ourdit un complot conduit par 35 anarchistes de St Paul et Minneapolis. 35 personnes mettent en péril la sécurité nationale. Tous les débordements à venir auront l’excuse de la présence des anarchistes, ils aboutiront à l’arrestation de 8 membres du RNC Welcoming Commitee pour « complot terroriste ». Il faut dire que les idées reçues sont gluantes, l’anarchiste reste au XXIème siècle, y compris pour l’éduqué commentateur et le penseur de gauche, un misérable poseur de bombes. Il n’a pas suffi que soient condamnés puis executés pour des crimes qu’ils n’avaient pas commis Sacco et Vanzetti, Joe Hill, August Spies, Albert Parsons, George Engel, Adolph Fischer, Louis Lingg. Les mythes ont la peau dure et la culture politique ne s’améliore pas. L’anarchiste représente sans doute un personnage au fond jalousé pour ses considérations jugées excessives de l’utopie, il doit donc disparaître. Et pour le faire disparaître, on pratiquera un grossier alliage d’intoxication intellectuelle alliée à la force hautement répressive. Les vieilles recettes marchent toujours et, comme en Irak où on invente d’abord une justification d’invasion avec les armes de destruction massive, à St Paul la fabrication de bombes chez les particuliers est la justification de raids, perquisitions et arrestations incessantes. Lors de leur entraînement, les policiers ont appris de leurs instructeurs que certains de leurs camarades avaient été tués par des anarchistes lors de la convention de New York en 2004 (le policier obéissant ne vérifie pas ses sources). « Répétez un mensonge avec insistance » avait dit Goebbels « et il devient la vérité. » La grande presse se fera largement la complice de cette tactique en mettant en avant les dangers dûs à la présence de ces anarchistes et relatant même leur entrainement dans des camps spécialisés « en écoutant les chansons du groupe The Coup ». La discrimination est totale, un jeune homme de 17 ans et sa soeur sont embarqués pour être habillé en noir, le mot "anarchiste" remplace celui de "communiste" des années 50, il est prononcé avec le même accent que "négro". La première question adressée à un journaliste independant interpellé : "Etes vous anarchiste ?", sa réponse au policier "Quel sens donnez vous a ce terme ?". À ce jour, pas d’évidence de ce supposé méga complot libertaire, mais les anarchistes restent la cible y compris après la Convention (plus pratiques que les Islamistes pour ce coup-ci). L’un deux plaisantera « j’aimerais bien qu’on soit aussi puissant qu’ils le prétendent » et un habitant de St Paul commentera l’absurdité par l’absurde : « Si on a dépensé 50 000 000 de dollars pour 1000 gamins, n’aurait-il pas été plus simple de s’arranger avec eux en leur donnant chacun 50 000 dollars ». Un étudiant matraqué confiera « Ils m’ont traité d’anarchiste, je n’ai pas la moindre idée de ce que c’est, mais je vais m’intéresser à la question ». La police peut aussi contribuer à faire naître des vocations.
DES CHIFFRES ET PEU DE LETTRES
50 000 000 de dolars pour la sécurité de la Convention, 10 000 000 de dollars pour l’assurance couvrant les brutalités policières anticipées, 3 000 000 de dollars pour sécuriser (vitres anti-projectiles etc.) l’hotel Hyatt où le vice président Dick Cheney devait passer une nuit (il ne viendra pas, Gustav oblige). Ces chiffres (liste non close) sont assez éloquents pour ne pas être commentés dans un monde ravagé par la pauvreté. Les contribuables apprécieront, ils pourront utiliser le Hyatt hotel comme stand de tir pour justifier leurs impôts. Les commerçants de St Paul, situés à proximité du Xcel Center qui pensaient, comme l’avait assuré la mairie, faire leur bon beurre en seront pour leurs frais. Même un républicain patriote n’a pas envie de manger sa pizza derrière des fils de fer barbelés. Peu à peu le commerçant sans courage mais élécteur se lassera de la présence de l’éléphant qui fait salement tourner le beurre et la manne annoncée se transformera en envie d’en finir au plus vite.
DIMANCHE 31 AOÛT 2008 : BLOWIN IN THE WIND
Les hélicoptères badinant lourdement dans les cieux de St Paul garantissent l’absence de grasse matinée, ils ne quitteront plus l’espace pendant cinq jours. La convention n’a pas encore commencé qu’elle est possiblement en cours d’annulation. Motif : l’ouragan Gustav supposé frapper la Nouvelle Orléans le 1er septembre. L’affaire s’arrangera au mieux pour les Républicains. Bush et Cheney, en poste, ne viendront pas, ce qui sera parfait pour McCain ne tenant pas à être en aussi impopulaire compagnie. Si Katrina a été largement sous-estimée à la Nouvelle Orléans, Gustav a eu tous les égards. Une bonne affaire ! Il fait chaud, une petite brise se lève doucement pour s’amplifier graduellement tout au long de la journée. Les Veterans for Peace, anciens combattants devenus antimilitaristes défilent avec les costumes des torturés d’Abu Graïb et de Guantanamo. Certains d’entre eux sont aussi arrêtés pour avoir dépassé les marques autorisées et s’approcher trop près du nid de l’éléphant.
POUR AVOIR LA PAIX
Peace ! peace ! peace ! Tous les fatigués de la guerre brandissent ces signes, mais combien sont réellement prêts à se risquer pour l’obtenir. La revendication pacifiste devient souvent une façon pratique de se mettre sur la touche tout en désapprouvant sans rien faire (si ce n’est voter). On est trop souvent pour la paix comme on était contre le fascisme en France en 2002, en oblitérant l’engagement nécessaire, en évitant les conséquences réelles. Les pacifistes bon ton invoquent souvent leurs exemplaires héros, champions de la non-violence Ghandi ou Martin Luther King, ils omettent juste les actions importantes de ces hommes, leur courage et les risques encourus. Infatigables, les groupes pacifistes commes Wamm (Women against military madness) aux actions innombrables (dans les usines d’armement ou pour la fermeture de la School of the Americas, renommée “Western Hemisphere Institute for Security Cooperation,” en 2001, formant les musclés officiers d’Amérique Latine) se confrontent réellement aux forces de police. Ainsi ce dimanche Betty McKenzie, 78 ans, membre de WAMM est arrêtée vers midi.
BLACK DOG BLOCK PARTY 1
En 2007, le Black Dog inaugurait sa Block Party annuelle. Sans innocence, il la fait coïncider cette année avec la Convention Républicaine (RNC). Initialement prévue les 31 août et 1er septembre, (jour férié) elle se tiendra les 31 août et 2 septembre. Le permis accordé pour le Labor Day est retiré, les services de renseignements l’estimant dangereuse ce jour-là et finalement réaccordé pour le jour suivant (non férié). C’est aussi le jour où W devait venir en ville. Le permis pour cette Block Party, soutenue par Joe Spencer, responsable des services culturels de la ville, se tenant à l’extérieur et bloquant la rue n’a pas été trop difficile à obtenir au regard de la situation, même s’il y eut des pressions de diverses parties (celles des démocrates essayant de récupérer la fête n’étant pas des moindres). La ville de St Paul a tenté de jouer tous ses pions sur tous les tableaux. Alors qu’à Minneapolis se déroule une Liberty Parade organisée par quelques tenants de la culture officielle, le groupe Pocket of Resistance en un court et furieux set lance la Block Party, cadeau offert aux voisins et amis. Lui succéde Soul Tree, jeune power trio à la nostalgie fertile. Le Rude Mechanical Orchestra, fanfare de Brooklyn en tournée contre les guerres d’Irak et d’Afghanistan déboule au coin de la rue au son d’une vaillante « Bella Ciao ». Les propos anti-fascistes et anti-militaristes du groupe sont sans équivoque. Telle une arrivée du Tour de France, un peloton d’une vingtaine de policiers à bicyclette s’arrête derrière les barrières. Ils resteront postés pendant toute la durée des expressives pirouettes frontales de la prestation. Le message du Rude Mechanical Orchestra est clair : « Nous n’avons pas peur ». Le set est à la fois joyeux et questionnant. La veille, ils avaient apporté leur soutien aux employés de Starbucks licenciés en se joignant aux anarcho-syndicalistes de l’IWW. Leur bus sera saisi une seconde fois. Les Hmongs-Américains de Posnosys, membre d’une communauté qui fait rarement la une, mais n’en subit pas moins la haine exhibent leur musique à l’âme de boxeur forçant le jaillissement des êtres. Nécessaire ! C’est le moment que choisit Chris Coleman, maire de St Paul pour faire une brève apparition. Avec le style inimitable des politiciens qui s’arrangent pour être là sans répondre aux questions, il dit quelques mots à l’assistance qui s’en fout un peu. Andy Singer s’adresse à lui avec l’apparente naïveté de ses personnages : « Vous marcherez avec nous demain Monsieur le Maire ? ». Rich Broderick interpelle l’élu en lui demandant de désavouer les agissements de la police, ce qui à ce moment-là aurait pu n’être pas difficile puisque la police de St Paul est en retrait (un préavis de grève avait été lancé avant la Convention par le syndicat de la police locale estimant que les politiciens étaient trop payés par rapport à ceux qui les « protègent »), ça ne durera pas. Le maire se défile, il manque sa chance. Les jours suivants, il va s’enfoncer petit à petit jusqu’à cautionner le pire. Le trio Aviette monte sur scène pour un set traversé par une sorte de feu couvant très alimenté. La chanteuse et guitariste Holly Muñoz dévoile une nature fortement imprégnée des éléments. L’oiseau chante pour voler et il vole pour chanter. Tous les concerts sont enchaînés grâce à Carnage (MC beat box humaine) et son alter Ego d’Ill Chemistry Desdamona. L’énergie déployée semble frappée de la présence de la foudre. Carnage et Desdamona, multiplicateurs, courent précisément sur tous les fronts, disponibles pour faire surgir la lumière à tout instant. La hâte de transmettre de Big Quarters duo de hip-hop hispanique précède le doux flux d’inventivité, sorte de vision d’azur du Spagnetti Western String Company. Les Brass Messengers autre fanfare, parfait écho du Rude Mechanical Orchestra, mettent le feu-folie avec une autre Bella Ciao puis invitent à la danse. Les Fantastic Merlins délivrent un concert exceptionnel, oui délivre, car il y a un sens de la délivrance dans cette musique donnant congé aux servitudes. Rich Borderick lit le poème "Call and Answer" de Robert Bly accompagné par Carnage, il demande la participation (Answer) du public. Il l’obtient facilement. Carol Bjorlie et Anya Achtenberg (particulièrement émouvante) autres poètes contre la guerre sont intervenus dans l’après-midi se glissant entre les concerts par la grâce de Carnage et Desdamona. Les poètes rencontrent les rappeurs, ça leur plaît, une porte s’ouvre. Concert impromptu, Anthony Cox réunit un quintet de dernière minute, minute ultime, avec Bill Mike, Peter Schimke, Carnage et Stokley Williams, concert que l’on emporte dans son cœur comme provision nécessaire pour les temps à venir. De quoi se souvenir instantanément pourquoi on peut encore croire à la musique. La beauté jouxtant l’enfer. Une façon bien différente de regarder les hélicoptères les jours suivants. Toute l’énergie de la rue du lendemain est là, jouée. Il n’est pas question sournoisement de liquider le monde. La soirée s’achève avec Down Lo, jam band pétillant. Le public danse. Les acteurs importent plus que les producteurs.
LUNDI 1ER SEPTEMBRE : MARCH ON THE RNC
Saletés d’hélicoptères ! Le roi George ne venant pas, la menace des conducteurs de poids lourds de bloquer la ville pour protester contre le prix de l’essence ne passe pas à exécution. Les cars des délégués et participants à la Convention Républicaine (RNC) arrivent, largement escortés par autos et motos. Le dispositif policier et militaire ne s’abaisse pas d’un iota, preuve, si elle est nécessaire, que la démonstration de force et d’intimidation à laquelle nous avons à faire ne concerne pas seulement la sécurité du tandem gouvernemental. Quelque chose d’autre se joue-là, quelque chose qui paradoxalement rapproche l’Américain moyen des citoyens des pays que son armée a l’habitude d’envahir. La manifestation contre la guerre en Irak, qui sera la plus importante de la semaine, se prépare. On se retrouve au Capitol d’où est donné le départ. Des groupes d’étudiants dont certains portent des déguisements se massent devant les imposantes forces de police à divers coins de rue. Ils sont repoussés, mais tiennent bon. Un flic à cheval coupe leur banderole en deux en galopant sur le groupe. Sur le côté les passants observent. Petite discussion entre deux d’entre eux :
« Mais qu’est-ce qu’ils fichent ces mômes ? »
« Ils s’expriment, madame. »
« C’est pathétique ! »
« Avez-vous une meilleure idée ? »
« Ils feraient mieux de commencer par voter »
« Ca ne leur suffit peut-être plus Madame ! »
« Ces gamins sont vraiment mal guidés »
« Souhaitez-vous les guider Madame, comme on a guidé ceux qui ont fabriqué votre casquette ? »(Elle porte une casquette Nike)
La manifestation est imposante (il y aura plus tard les traditionnels – més-estimations du nombre de manifestants qui vont de 2000 à 85000 – chiffres étonnamment émis par un membre du personnel municipal- en passant par 12000 et 50000, ce qui n’importe guère au fond, il y avait beaucoup de monde et il fallait quatre heure à une personne fixée sur le trottoir pour voir l’ensemble du cortège). Mais la manifestation est sous haute surveillance, les policiers en tenues anti-émeutes (ils ne les quitteront plus) occupent tous les trottoirs et carrefours du début à la fin. Le passage de la manifestation qui va au plus près du lieu de la Convention Républicaine (en un lieu officiellement et sans humour aucun nommé Free Speech Zone) est une sorte de cage entièrement grillagées, un traquenard. Un jeune homme enrage « Putain, nos parents qui ont fait 67, 68, 69 auraient pu nous mettre en garde contre ce piège à rats ». Dans le cortège, on trouve tout ce sur quoi l’Amérique peut compter pour que l’Empire n’empire pas davantage. Les différentes communautés y sont représentées, les Indiens de l’AIM rappellent que les 38 pendus de Mankato restent dans les mémoires, les Éthiopiens ne sont pas en reste suivis par un important groupe affichant « Direct action against capitalism » avec banderole rouge et noir et slogans scandés très fort. Les noms de tous les morts d’Irak et d’Afghanistan font l’objet d’une très longue banderole relais. Il est plaisant de retrouver ses amis. Andy Singer est là avec un large chapeau de paille, la chaleur est étouffante. Échauffourrés ci-et-là, deux vitres de voiture de police cassées ainsi que les vitrines du grand magasin Macy’s et de la First bank. Pas de quoi fouetter un âne, mais ces incidents seront utilisés à satiété pour justifier du redoublement d’abus de pouvoir. Un béat (qui reflète parfaitement ce que la position officielle cherche à faire) s’indigne « Il y a 1 % qui fout la merde alors que le reste des manifestants se tient bien ». Un vieil homme en pétard lui répond « Mais qu’est-ce que vous en avez à fouttre de ces putains de vitres de ces entreprises assurées jusqu’au sommet de la tête, qu’est-ce qu’elles représentent au vu du nombre de destructions, des morts dont nous sommes reponsables bien loin d’ici – puis il ajoute - et ici aussi d’ailleurs ». « Pourquoi casser ?" reprend le béat. Le sang du vieil homme ne fait qu’un tour : « Manifester, ce n’est pas une promenade organisée par les flics, c’est aussi une confrontation. Regardez où est la violence, qui casse vraiment. Toutes ces vies fouttues en l’air à cause des ces salauds qui boursicottent sur notre dos. » Ce qui est sûr c’est que le niveau de provocation policière des jours précédents aurait pu – logiquement - engendrer une violence d’un autre type. Pour beaucoup de très jeunes, c’est la première manif. Alors qu’une unité policière prend la pose dans une rue adjacente avec sandwich et boisson, un groupe de filles du Texas, grimées et arborant des pénis ceinturés en forme de roquettes se glissent en dansant parmi eux sans qu’ils ne voient rien venir à la façon des Picaros de Tintin. Elles chantent « This land is my land » de Woody Guthrie. Une autre équipe vient les déloger. Nous rentrons au Black Dog où les manifestants reviennent nombreux. Chacun a son histoire. On comprend que le niveau de répression en certains endroits est important. On apprend l’arrestation d’Amy Goodman, probablement la plus respectée et respectable journaliste américaine et d’autres membres de son équipe de Democracy Now. Alors qu’elle justifie sa présence en disant « J’ai un badge », le flic lui arrache du cou « Maintetant vous n’en avez plus ». Elle sera relâchée à huit heures du soir et ses compagnons plus tard dans la soirée, mais cette arrestation alertera les plus timides, Goodman a beaucoup de sympathie, 60 000 lettres seront déposées plus tard dans la semaine à la mairie contre les arrestations abusives. Saluons au passage les habitants de St Paul et Minneapolis qui ont hébergé tous ces gens (les hotels ayant été intégralement réservés par la Convention), les raids et fouilles de leurs domiciles ne les ont pas fait renoncer. Avec Léo qui a sept ans, nous décidons d’aller à Harriett Island où se tient le grand concert du Labor Day, organisé par le puissant syndicat SEIU, intitulé « Take Back Labor day ». L’affiche est alléchante : Atmosphère, Billy Bragg, Tom Morello (set acoustique), Steve Earle, Mos Def. Nous sommes les derniers à passer le pont Wabasha ensuite fermé. On nous prie sans gentillesse de passer vite. Tous les ponts de ce côté du Mississippi seront ensuite fermés ne permettant la circulation que sur un seul. Mais la musique fait peine à entendre lorsque les services de sécurité du syndicat s’assurent que les spectateurs ne portent aucune pancarte, aucune banderole. Le changement dans la continuité. Nous arrivons pour le concert de Mos Def et distribuons quelques tracts pour le lendemain. On croise quelques amis amers de ce qui se passe là, de cette récupération. Le set de Mos Def est très court, il fait la gueule. Un bon nombre de spectateurs est attiré par ce qui se passe sur l’autre rive à savoir une répression violente à coup de matraques, grenades fumigènes explosives, pepperspay (déjà largement utilisé le matin y compris contre une manifestante présentant une fleur) et fusil à balles en caoutchouc contre les manifestants coincés en bas du Musée des Sciences sur l’avenue Sheppard.
ET VOGUE LE NAVIRE
Soudain un bateau fait irruption orné d’une banderole couvrant ses côtés « STOP TORTURE ». Il est aussitôt pris en chasse par les vedettes de la police et des gardes côtes qui finissent par l’arraisoner. Léo commente la scène : « c’est comme un truc de pirates ». Le bateau appartient à Kenneth Tilsen, 80 ans, avocat connu pour avoir soutenu toute sa vie « les mouvements politiques et sociaux pour le changement ». Il refusa de répondre au comité des affaires anti-américaines pour ses activiés précédant 1950 et tint bon. Marié à Rachel Le Sueur, fille de Meridel célèbre activiste et féministe du Minnesota, rencontrée lors d’une action anti raciste, Kenneth Tilsen a été l’avocat des Minnesota Eight en 1970 ainsi que celui de l’American Indian Movement à Wounded Knee et des activistes indiens Russell Means et Dennis Banks. Alors que les policiers mettent en doute son autorisation de naviguer, Tilsen fait venir une personne des autorités portuaires pour authentifier son permis. Une quinzaine de vedettes finit par lui faire quitter la zone. Le bateau claxonne, salué par les manifestants. Nous retournons au Black Dog en faisant un détour phénoménal. Un groupe de marxistes a issé un drapeau rouge à l’effigie de la faucille et du marteau sur la terrasse juste à côté du chat noir de l’IWW (le même que celui de la CNT en France) d’un groupe anti-autoritaire. Les divisions s’effacent pour les plus déterminés devant ce qui constitue réellement l’ennemi. 8 femmes et 2 hommes de Code Pink racontent comment, alors qu’ils revenaient de la manifestation, ils ont été coincés et harassés par une centaine de policiers. Les visages pleurent encore à cause des lacrymogènes. Cette journée du lundi voit 284 arrestations dont 130 avec suites. Plusieurs journalistes sont également arrêtés, un riverain à vélo même, pas assez prompt à présenter son identité. Au Black Dog se retrouve une communauté de gens d’obédiences diverses, mais content d’être ensemble, loin du centre ville (pourtant à côté) où marche la Garde Nationale. Nous accompagnons Sara du Black Dog, que nous avions perdue le matin dans la manif, au Convergence Center réouvert pour y apporter d’autres provisions nécessaires. L’ambiance au centre est épatante, chacun s’organise, personne ne dirige et tout semble fonctionner. Les événements n’ont pas eu raison de cette volonté-là. Impossible de revenir par une route normale car le pont permettant l’accès au Convergence Center est aussi fermé à la circulation.
MARDI 2 SEPTEMBRE 2008
Toujours ces foutus hélicos à la place du chant du coq. À Minneapolis, les Indiens Dakotas réclament (ainsi que les traités le permettent – en théorie -) le site abandonné de Coldwater. Après quelques échanges avec la police, ils finissent par obtenir un permis de quatre jours. Les arrestations et bavures de la veille ont beaucoup secoué, mais ne découragent pas. Les avocats de Coldsnap vont et viennent à la prison du Ramsey County assurant les détenus de leur aide. Les ponts sont réouverts un à un. Plusieurs événements musicaux sont prévus comme le Ripple Effect au Capitol avec I Self Divine, Dead Prez, Michael Franti, Indigo et Anti Flag, prévu jusqu’à 19 heures et Call and Answer au Black Dog prévu pour aller jusqu’à 22heures (les deux événements sont gratuits). Au Fitzgerald Theater est organisé un autre concert (payant) intitulé Provention recherchant davantage une clientèle plus polie d’indie-rockers blancs. L’événement central de la journée, c’est la marche des pauvres plus tard dans l’après-midi. Nous allons chercher Boots Riley et son groupe, prévu pour Call and Answer, à l’aéoport. Heureux de le revoir, nous nous serions passés d’être filmé. Tout dans l’aéroport est filmé et écouté. Michael Franti est aussi là qui attend ses bagages. Comme les organisateurs de la marche des pauvres ont des problèmes d’alimentation électrique pour leur meeting avant la marche, le Black Dog leur propose de les héberger sur sa scène extérieure. Un représentant de la ville accourt avec ce faux sourire des lâches gavés de bonnes excuses « Si vous faites ça, tout le monde sera arrêté ». La police montée précédée d’un groupe de cyclistes (ne riez pas des policiers à vélo, la façon dont ils peuvent frapper la foule avec leurs cycles est terrifiante) fait quelques tours à l’extérieur du café et se retourne immobile indiquant clairement qu’il est hors de question de passer. Les concerts commencent donc avec bien peu de monde. Ill Chemistry se dévoue pour lancer l’après-midi. Le duo-unité formé de Carnage et Desdamona intervient comme dimanche comme présentateurs atout-faire. Arrivent ensuite les cinq membres de Junkyard Empire. Le groupe effectue une sorte de tournée de cinq concerts pendant la Convention Républicaine (RNC). La détermination du groupe qui se refuse à se considérer seulement comme ensemble d’artistes, mais se cherche acteurs d’une commune à venir, est sidérante. Leur jazzrap n’a rien de ces mélanges chics altérants, pas de récupération si ce n’est celle de sa propre parole, de sa propre force. Être musicien est un engagement, il n’y a pas d’échappatoire si nous voulons vivre autre chose qu’un échec. La musique, c’est d’abord reconnaître la violence du monde élémentaire. Une affaire de matière liant ce qui habite le plus profond de notre être à ce qui nous entoure, ce qui nous détoure. Junkyard Empire est une grande découverte, un grand espoir. À la fin de leur concert, ils offrent leur disque Rise of the Wretched qui vient de sortir aux spectateurs. Ainsi les gens osent s’approcher de la scène. Dean Magraw avec JT Bates et Anthony Cox puis Carnage, soulignent cet engagement physique et savoureux qui ouvre grand les portes du langage. Le jazz peut aussi être une musique du peuple, elle lui appartient. Un hélicoptère survole le site par deux fois, la seconde fois, il reste un très long moment. Il irrite Dean, mais son boucan n’a pas raison du feu qui couve. Boots est parti rejoindre Tom Morello. Le groupe Rage Against the Machine a prévu un concert impromptu au Capitol à 18h30. L’idée de Boots est d’en profiter pour ramener les spectateurs au Black Dog. Ill Chemistry reprend la scène, l’expérience continue, un jardin se construit, les spectateurs arrivent doucement. Comme le dira l’un d’eux « La difficulté aujourd’hui est de savoir où être ». Le rappeur ghanéen M.Anifest domicilié à Minneapolis saura créer cette chaleur qui attire et assemble. Il n’a de cesse de venir chercher chaque spectateur, ça marche. Chacun comprend que le partage est renversant. Kill the Vulture avec le MC Crescent Moon qui officie aussi comme folk singer avec Roma Di Luna, conciliant ainsi deux formes essentielles et écartées de la contre culture américaine, surgit avec frappe. La vérité est affaire d’évidence dont les signes sont immédiats.
VIVA OBAMA ? VIVA ZAPATA !
Une petite équipe relie le Black Dog à ce qui se passe au Capitol et fait le va-et-vient. Rage Against the Machine est empêché de jouer par la police qui les intercepte dès leur sortie de voiture. « Êtes-vous Rage Against the Machine » demande l’officier en charge « Je ne sais pas » répond Tom Morello. C’est Anti Flag écourtant son concert qui a proposé à Rage Against the Machine de jouer avec leur matériel. Même si le couvre feu n’est pas déclaré, la police s’oppose à 6h35 à ce que le groupe monte sur scène. Rage Against the Machine tente un accapela avec porte-voix. La tension monte. Le plan de Boots tombe à l’eau, il rentre dare-dare au Black Dog pour ne pas être pris dans la tourmente qui s’annonce. Les spectateurs affluent de ce côté. Los Nativos s’apprête à monter sur scène, mais leur DJ n’étant pas là, ils pensent le remplacer avec un programme enregistré sur Ipod. Fi ! les batteries sont à plat. Une seule solution. Elle est magnifique et dit tout de cette veine qui coule en cet instant où la nuit tombe. Carnage sera l’orchestre à lui seul. Il met au défi. Les bannières à l’effigie de Zapata se dressent dans le vent établissant un droit de passage perpétuel pour les frères humains. Les conquêtes sont éphémères, pas l’espace qui s’ouvre aux cris de « Révolution ». C’est aussi le moment des « indigènes » très présents. Rich Broderick lit le poème Call and Answer une nouvelle fois en l’agrémentant de "No Pasaran" facilement repris par la foule, puis un poignant texte intitulé "Hardly Paradise" dédié au poète palestinien Mahmoud Darwish, récemment disparu. Pas de spectateurs ni d’acteurs qui ne soient sur la même longueur d’onde. Tous prennent part. Puis vient le temps attendu, espéré de The Coup de Boots Riley, classé ennemi de l’Amérique. Une heure trente de grâce, de danse, d’intelligence, d’étreinte libératrice. L’orchestre éclaire, Silk.E évolue de tout son corps en harmonie complète de ce feu. Classiques comme ces cinquante millions de façons de tuer un patron de multinationale et titres plus récents proliférent sans détour. « Nous avons plus besoin d’un changement de système que d’un changement de président ». Boots fait monter sur scène un vétéran d’Irak qui demande réparation pour tous ceux qui se sont engagés dans l’armée après le 11 septembre 2001 et qui demande aussi réparation pour le peuple irakien. Le concert s’achève, il résonnera longtemps. Dans le même temps, les spectateurs revenant du Ripple Effect ont croisé et rejoint la marche des pauvres ultra encadrée. Pas de quartier sur la pauvreté, la police ordonne la dispersion et comme ça ne va pas assez vite charg sans attendre à grands renforts de grenades, pepperspay, gaz lacrymogènes, balles en caoutchouc et les affrontements durent jusque tard dans la nuit. Auparavant un des organisateurs avaient demandé un mandat d’arrêt pour que chaque citoyen puisse arrêter George Bush pour crimes contre l’humanité. Les arrestations sont nombreuses comme celle de ce jeune homme de 17 ans arrêté puis relâché au petit matin dans la ville loin de chez lui. Les policers après avoir arraché son tee-shirt lui en ont enfilé un autre de force « Remember 9/11 » avant de le libérer. La mère de ce mineur morte d’inquiétude et non avertie porte plainte sans espérance.
MERCREDI 3 SEPTEMBRE 2008
Huit membres du RNC Welcoming Commitee sont poursuivis pour « Conspiration, instigation d’émeutes et terrorisme ». La ville de St Paul s’associe à une courte mais honteuse majorité à cette scandaleuse démarche des « forces d’occupation ». Les ânes sont des ânes. Un conseiller municipal, père d’un des officiers de police principaux de St Paul refuse de s’associer à cette décision qui fait du RNC Welcoming Commitee la justification de tous les excès des diverses polices. Une des membres de ce que l’on ne va pas tarder à nommer les RNC8, comme il y a eu les Chicago 8 lors de la Convention Démocrate de Chicago en 1968, est relâchée pour être reprise lorsqu’elle rejoint d’autres camarades, arrêtés avec elle. Le Sheriff s’octroie le droit de garder les effets personnels de ceux, arrêtés la veille, qui sont relâchés. La bataille juridique est incessante depuis le vendredi précédent. Amnesty International a installé à St Paul une réplique des cellules de Guantanamo que l’on peut visiter. L’après-midi, les Code Pink préparent au Black dog leur intervention de l’après-midi qui sera une action pacifique et colorée à l’hotel (grand luxe) où reste Sarah Palin (vice présidente potentielle nommée par John McCain). Quatre d’entre elles sont arrêtées. Le soir à Minneapolis, il y aura quelques affrontements à l’issue du concert de Rage Against the Machine avec 31 arrestations. Les Code Pink iront tirer le Maire de son sommeil dans la nuit avant d’être éconduites.
JEUDI 4 SEPTEMBRE : NOUS SOMMES DES CHIENS
(AUX COEURS DE CHATS)
Le pont qui conduit au Convergence Center est fermé et pour cause, le RNC Welcoming Commitee donne en association avec les représentants du Poor People's Economic Human Rights Campaign une conférence de presse commune. Pour nous y rendre, nous devons prendre un chemin assez compliqué. Bonne surprise, il y a beaucoup de monde et les médias commencent à comprendre pour certains que ce qu’ils regardaient avec distance (l’arrestation d’« anarchistes ») leur arrive aussi à eux. Le nombre d’arrestations de journalistes atteint ici des records dans l’histoire américaine. Contrairement à ce qui a été relaté dans Newsweek, aucun mystère n’est fait sur les identités des personnes dont les noms sont affichés dans la salle. La conférence de presse est passionnante. Parmi les membres du RNCWC, Betsy Raasch-Gilman, activiste non-violente depuis 1978, résidente de St Paul ultra-respectée pour son courage. « Les raids que nous avons vus cette semaine sont très similaires aux raids des Marines en Irak ou Afghanistan. Le gouvernement ne peut plus conduire indéfiniment sa politique ultra-répressive sans l’amener à domicile (…) Aussi lorsque les responsables de ces abus de pouvoir arrivent dans ma ville, je me dois de me lever, de prendre la parole contre eux. Je le dois à mes amis d’autres pays, je le dois aux habitants de la Nouvelle-Orléans, je le dois aux Indiens d’Amérique. Je le dois à tous». « Ne croyez pas que ce qui se passe aujourd’hui est séparé de l’histoire complète de ce pays. La réalité de la situation réside dans une simple question. Demandez-vous qui a le pouvoir et le droit de mettre 50 millions de dollars sur la table pour installer des grillages tout atour des rues d’une ville, 50 millions de dollars qui viennent des poches des habitants empêchés de circuler ? » poursuit Shamako Noble. Elliot Hughes, un jeune homme de 19 ans est venu témoigner des sévices qu’il a subis les jours précédents dans la prison du Ramsey County. Il a été frappé à plusieurs reprises, y compris à terre. On lui a fait porter un sac sur le visage en le frappant encore. Il en porte les marques et boîte. Certains des journalistes présents sont obscènes et continuent à poser des questions sur la vitrine cassée de Macy’s : On leur répond : « La définition de la violence est assez glissante. L’atteinte à la propriété privée est considérée violence par les mêmes qui la pratiquent allègrement ailleurs (…) Certains autres considèrent le capitalisme comme une violence. C’est mon cas ». L’équipe d’Al Jazeera s’est installée au Black Dog à 6h du matin, c’est le lieu qu’elle a choisi pour émettre. L’équipe du café fait attention que cette présence ne domine pas trop, souhaitant préserver le travail des médias indépendants présents. L’après-midi est prévue une manifestation de Youth Against War and Racism. Les étudiants ont débrayé et se rendent en nombre au Capitol. La police ferme les ponts, séparants les manifestants. L’autorisation de manifester n’a été accordée que pour une heure. Il est physiquement impossible de déplacer autant de gens du Capitol. Junkyard Empire joue. N’étant pas connu comme Rage Against the Machine par exemple, ils ont l’accès facile. Ce concert sera, confieront-ils, la chose la plus vibrante de leur existence. Entendu de la bouche d’un officier qui parle à ses hommes « Aujourd’hui, on va leur botter le cul, on va vraiment les casser ! ». Un étrange homme coiffé punk pénètre la foule en hurlant « Fuck you ! Fuck you ! », provocant les manifestants un par un, tentant de créer le trouble justifiant l’assaut prochain, il est curieusement suivi d’un caméraman. Le duo sera aussi filmé jusqu’au moment où il revient dans ses rangs (mission mal accomplie). Deux autres flics habillés en « anarchistes » sont aussi vus montant ensuite dans une voiture des services secrets. Provocation ?
Nous ne restons pas sur le site, Léo est avec nous, il a peur. A ce moment-là les manifestants sont totalement encerclés. « Ca va être un massacre ! » lâche un passant. Les gens travaillant dans le secteur ont été prévenus par e-mail le matin de quitter leur travail à 13heures. L'opération est totalement préméditée. Nous revenons au Black Dog où Al Jazeera mène ses interviews sur fond de dessins d’Andy Singer. Un membre de Code Pink nous informe que le pic nic pacifiste qui a eu lieu à Harriette Island a fait l’objet d’arrestations et a été interdit (la plupart des participants sont des familles avec enfants). Les incroyables opérateurs d'Indy Média qui réalisent un film collectif sur la semaine se relaient, ils ont des images accablantes. Leurs lieux d'habitation ont tous fait l'objet de raids. Les jeunes manifestants du Capitol devaient les rejoindre. Une policière effectue une vérification au Black Dog pour savoir si Al Jazeera a bien tous les permis pour stationner ici. A l’extérieur une voiture de police surveille le café, elle sera là toute la journée. Un groupe d’étudiants du SDS, les yeux troublés par les lacrymogènes, suivi d’autres « rescapés » de ce qui est alors un rafle massive, viennent au Black Dog, seul lieu d’accueil. Ils ne sont pas les seuls, car la voiture de surveillance de faction est rejointe par une, deux, trois, quatre autres et un peloton de sinistres flics à vélo. Appel préventif immédiat adressé aux avocats de veille débordés par ce qui se passe au Capitol. Mais les flics ne tenteront rien, Al Jazeera, puissante chaîne étrangère et arabe de surcroît, est une sorte de protection à ce moment-là. Ce sera, de fait, l’une des rares chaînes étrangère à prêter attention à cet aspect de la Convention. Avec plus de 400 arrestations ce soir-là, le nombre de personnes arrêtées cette semaine monte à 818 (chiffre officiel). Un caméraman de la chaîne WCCO est arrêté, d’autres journalistes des grands médias le sont. « La police a tiré sur une foule pacifique, c’est une évidence. Les jeunes marchaient et les flics on tiré » raconte un témoin. A l’intérieur du Xcel Center, John Mc Cain termine son discours « Je me battrais avec vous ». Contre qui ?
RNC Welcoming Commitee Press Conference Part 1 - 4 septembre 2008
RNC Welcoming Commitee Press Conference Part 2 - 4 septembre 2008
RNC Welcoming Commitee Press Conference Part 3 - 4 septembre 2008
Vidéo Indy Média Arrestations premier jour
Call and Answer by Robert Bly
Vidéo Amy Goodman - Democracy Now : La marche des pauvres
Vidéo The Uptake - Arrestations
Vidéo 4 septembre
Vidéo AP - 1er septembre
Vidéo 30 aout barrages routiers
Vidéo Manifestations
Vidéo Police pendant le RNC
Vidéo Arrestation d'Amy Goodman le 1er septembre
Dessin : Andy Singer, images : B. Zon
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