Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

26.4.13

MISE AU POINT

 Les amateurs de cinéma n'aiment pas quand on confond, pour un film, réalisateur et nom de l'acteur principal.
Par exemple : À bout de souffle ou Le guignolo ne sont pas des films de Jean-Paul Belmondo, mais de Jean-Luc Godard et Georges Lautner dans lesquels joue avec plus ou moins de liberté Jean-Paul Belmondo.
On s'étonnera alors que les amateurs de politique ne soient pas plus scrupuleux.
Au lieu de Un discours de Nicolas Sarkozy ou Un discours de François Hollande, on devrait dire Un discours d'Henri Guaino lu par Nicolas Sarkozy ou bien Un discours d'Aquilino Morelle interprété par François Hollande ou encore Une campagne de RSCG jouée par le Parti Socialiste.
Ce qui n'empêcherait pas que de temps à autre, de la même façon qu'il y a des acteurs qui passent derrière la caméra, des hommes politiques pourraient passer derrière... euh...

24.4.13

TONY HYMAS, HÉLÈNE LABARRIÈRE, JACKY MOLARD À DOUARNENEZ
PRÉLUDE AU LIVIOÙ FESTIVAL

Photographies par Eric Legret

En 2012, à St Paul (Minnesota) se tient une exposition sur le Whydah, Sam Bellamy, John Julian, John King ... envie de prendre la mer, quitter les tempêtes désillusives bien trop fixes de temps impitoyables pour rejoindre le large à tout va ...
En 2012, le mois suivant à Douarnenez (Bretagne), rencontre avec deux hommes étonnants, Gérald Martin, entrevu parfois ci et là dans les lueurs discrètes de l'intelligence à la Grande Boutique ou ailleurs et Serge Hilbert, perspicace homme de mer, d'horizons inattendus. Leur idée : la création d'une zone de libres échanges musicaux, qu'on appellera festival par commodité, un endroit de quête de connaissance par la musique hors de l'embarcadère des valeurs établies, échelle humaine.  Le choix se porte sur trois musicien(ne)s : Tony Hymas, Hélène Labarrière et Jacky Molard. Ces trois noms entraîneront le vivifiant projet de Livioù (couleurs en breton) qui prendra place les 9, 10 et 11 août 2013 à Poullan-sur-Mer. On pourra y entendre Hymas & the Bates Brothers, Hélène Labarrière Quartet, Jacky Molard Quartet, Hamon Martin Quintet, Ill Chemistry, Evan Parker, Hélène Jacquelot & Marcel Jouannaud, Annie Ebrel & Lors Jouin, Patrick Vaillant & Daniel Malavergne, Erwan Lhermenier, Fanfare Tout-Ut, Patrick Molard, Dour Kamm, Tony Hymas solo ("De Delphes à Poullan-sur-Mer") et d'autres formations, brèves, issues des unes et des autres, un grand orchestre de danse, voir et toucher de la peinture, de la photographie, des jeux d'enfants, des réalisations humaines de 5000 ans... De cet endroit d'adoption de l'autre on reparlera plus tard.

Prélude
Tony Hymas, Hélène Labarrière et Jacky Molard, trois musiciens aux parcours certainement différents, mais dont l'élément commun et sensible est bien celui d'un choix musical et humain de ne pas perdre l'instant essentiel. Trois personnalités cherchant avec hâte ou douceur, en expression, le prodige de la vie humaine. La musique peut dire ça. Le choix de la couleur : c'est l'éclat de la parole poétique, la plus encline à révéler nos réalités, en restituer l'espérance. Dans la grande salle de l'Hôtel de France à Douarnenez le 18 avril, Livioù embrassait sa propre définition avec un concert inédit, preuve par trois musiciens rassemblés. L'histoire est la somme des rivières, des mers et des océans, la question de la vie même : Hélène officie dans le quartet de Jacky, Hélène a joué dans le trio de Tony, Jacky a jammé avec Hélène et Tony lors d'une rencontre mémorable à St Paul (Minnesota), Jacky et Hélène sont ensemble dans Dour Kamm comme ils l'étaient dans le Bal Tribal, Tony et Hélène participaient au collectif Los Incontrolados ou bien en duo ou avec Violeta Ferrer au disque "Buenaventura Durruti"... Quelle musique offrir pour ce trio ? La réponse vint simplement de l'admiration de Tony pour l'album Acoustic Quartet de Jacky et la suggestion d'en interpréter de larges extraits. En complément : un solo de violon, "Eclogue" de Mel Bonis pour piano seul ainsi que  "Notre-Dame des Oiseaux de Fer" de leurs compères d'Hamon Martin Quintet et le "Le retour du Pic Vert" de Timothée le Net et Mael Lhopiteau. Pour ces deux titres, Stéphane Cattaneo fut invité à peindre in situ, exercice que chérit ce passionné de musiques. Touches de couleurs de printemps sacrée, panorama intime. Musique de commencement resplendissant, de confluence imminente.  Le concert se terminera par "Un jour perdu" dédié à Ross Daly (présent dans la salle, venu en voisin puisqu'animant un atelier à Langonnet cette même semaine).

Tony Hymas, Hélène Labarrière et Jacky Molard ont fait circuler dans une salle comble et comblée, en une première saison avant coureuse d'un événement très attendu, Livioù, imagination, chaleur, reflets variés, espoir de vagues vivifiantes. Belles sensations de la vie et du temps à l'image de la feuillantine explosive, met inventé par Gaël Ruscart, qui conjugue le meilleur des souvenirs et le doux vertige de la découverte. En route pour Poullan-sur-Mer !

Remerciements à Gaëlle Ferradini, Sonia Lassaigne, Gaëlle Fouquet, Justine Bonneau, Loïc Hennaf, Elodie Buhot, Morgane Lebriquir, Gael Ruscart, Malou, Michel, l'équipe de l'Hotel de France...


Site du Livioù festival

23.4.13

URSUS MINOR AND MORE À DIJON
PAR JULIA ROBIN

Photographies de Julia Robin 

Julia Robin nous avait confié ses impressions du concert d'Ursus Minor le 27 mars au Rocher de Palmer ( Glob du 2 avril). De retour d'un voyage au pays des dodos, elle partage aujourd'hui ses sensations photographiques de celui du 2 avril à l'épatante Vapeur à Dijon (ville qui vaut bien mieux que les idées reçues de Flaubert le branleur).


À lire et voir également : Photographies de Jacques Revon et compte rendu du concert

22.4.13

PRINTEMPS VUE D'HIRONDELLES

Je t'ai vu l'autre matin, Gare du Nord
Sélectionner les peaux mats et jeunes pour mieux les contrôler
Je t'ai revu une après-midi, Gare Montparnasse
Méchamment fouiller une Africaine
Et peu importe que ce jour-là, tu sois devenu fille
Ignorant tout de Lysistrata
Actes ordinaires 
Les conséquences, aujourd'hui, ne sont heureusement plus les mêmes
Le geste reste identique
Entretenant la haine
J'ai su ce qu'avaient fait tes ancêtres
En pourchassant juifs et résistants
Une époque
(La torture puis les médailles)
Bons chiens de gardes délateurs, raflant, déportant
Avec de faux airs d'hirondelle,
(Les vraies hirondelles s'inquiètent qu'on dérobe le printemps)
Direction Auschwitz
Prêtant serment à l'infâme Pétain
Pour devenir, lorsque le vent tourna, résistants d'un jour
En se planquant dans les manches du nouveau Général
Aux ordres de préfets réversibles
Pour frapper encore, plus tard
Jusqu'à froidement noyer dans la Seine de nouveaux ennemis sur mesure
Autre temps
Chasse aux Arabes
Combien de fois nous as-tu fait le coup du pratique "c'est mon boulot" ?
Ne pas généraliser ? Bien sûr ! Bien sûr ! 
Maintenant virer les Roms
Répandre le tourment chez les pauvres, les ouvriers, les paysans
Ceux qui se mettent en travers du chemin de tes maîtres
Où sont tes frères ? 
Histoire au présent
Si souvent
Exemples connus :
Vital Michalon abattu d'un tir tendu de lacrymo
Ça ne t'a pas suffi pour cesser ton travail
Le prendre en horreur
Malik Oussekine, tombé pour toujours sous tes coups
N'arrêteras-tu jamais ?
Samedi tu as quitté Notre-Dame-des-Landes
Après 6 mois enfin !
Y as-tu appris les conjugaisons : semence, résistance et danse ?
Il n'est pas trop tard pour penser
C'est un de tes chefs qui l'a dit : " L'histoire n'est pas du côté de la police"
Alors, lâche ton uniforme et ses convenances
Choisis la délivrance

Photo : B. Zon

21.4.13

TIMOTHÉE LE NET, MAEL LHOPITEAU ET STÉPHANE CATTANEO AU ROCHOIS


Le Rochois à La Roche Bernard (Bretagne - Pays Gallo) est un café. Mais pas un café "untel", un endroit distinct marqué sur la carte géographutopique de l'aventure fraternelle comme une localité inespérée pour tous les Raphaël Hythlodée du monde. Lorsque l'on est rochois ou rochoise, on ne cite pas toujours l'enseigne, on dit facilement "on va chez Hélène" !", "on se retrouve chez Hélène !" du nom de la tenancière, personne de miraculeuse munificence. Le Rochois ("Chez Hélène") figure aussi sur la carte de la musique et de la création, Tony Hymas et les Bates Brothers y avaient fait une halte remarquée le 2 février dernier. Timothée le Net, Mael Lhopiteau et Stéphane Cattaneo font partie de cette tribu du Rochois qui n'a pas peur d'imaginer sans honte un autre futur. Timothée joue de l'accordéon et Mael, de la harpe celtique, tous deux forment un duo qui se produit aussi sous le nom de "Bénéfice du doute" depuis 2011, Stéphane, bien connu de nos lecteurs sous le nom de Cattaneo - créateur entre autres des cartoons du fameux Slim - s'adonne dans la joie au plaisir des pinceaux, de la caresse et de la couleur et s'associe régulièrement à Tim et Mael depuis 2012. Pour être précis, la naissance de leur rencontre picturo-musicale eut lieu le dimanche 6 mai 2012 au Rochois, un soir d'élection présidentielle où l'on avait mieux à faire que de regarder des bêtises.

Le 14 avril, les visages amicaux comme celui de Bénou (1) fêtent le printemps au Rochois, c'est aussi le moment d'entendre et voir, Tim, Mael et Stéphane ces trois familiers du lieu, en cette lumineuse après-midi. La musique de Timothée le Net et Mael Lhopiteau, avec l'unité des plus beaux duos de musique, célèbre en constance paisible un pays fait des sons des bourgeons, de la sève et des gemmes, un pays d'ombre chavirée, de pluie tranquille, de lumière déliée et de questions lucides, de doutes bienveillants. Stéphane y apporte son trait sans frontière, plein de terre, d'air et de printemps frondeur. Le pays dont chacun peut rêver. Mael annonce de façon très godardienne un morceau composé par Jean-Marc Ayrault, tout le monde comprend même si le titre n'est pas énoncé ; voisin, "Le retour du pic vert" est la musique d'une réalisation de Stéphane, Tim et Mael sur leurs émois d'octobre 2012 à Notre-Dame-des Landes (2), "Rue de la Saulnerie" raconte la vie de la rue artisane située derrière le Rochois, et une dizaine d'autres titres excursionnistes tels une ingénieuse "Mazurka" pour la danse ou l'énigmatique "Compobrisque"...  Le duo joue aussi des reprises de proximités : "So English" de Tony Hymas, "Chypre" de Jacky Molard. Cattaneo en accentue les nuages, les étoiles et les fleurs de l'aurore. 

Voilà une après-midi au Rochois, où s'inscrit en filigrane la règle pratique des Utopiens (3) qui consiste à fuir ce qui empêche de jouir d'une volupté toujours plus grande.

Prochain concert au Rochois : Sylvain GirO le 4 mai en duo avec Erwan Martinerie.

(1) Les bijoux de Bénou
(2) "Beau comme un car de police en feu"
(3) Thomas More   

Photo : B. Zon

15.4.13

LA PROFONDEUR DE CHAMP
DE NOTRE-DAME-DES-LANDES


Le 9 avril, la Commission Dialogue relative au projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes -temporairement en pause grâce à une opposition déterminée- rendait son rapport (farce qui n'a de dialogue que le nom puisqu'il ne s'agissait aucunement de remettre en question ce satané projet). La veille, 8 avril, on apprenait la mort de Mikhaïl Beketov des suites de l'agression extrêmement violente dont il a été victime. Ce journaliste russe avait enquêté sur le chantier de construction de l'autoroute Moscou-Saint-Pétersbourg, entraînant la destruction de la forêt de Khimki et dénoncé les corruptions multiples - impliquant entre autres le maire de Khimki - d'un chantier confié à l'entrepreneur français Vinci également en charge du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Le 13 avril, c'est l'anniversaire de Guy Fawkes (et celui de Jacques Lacan) dont l'imagerie populaire a récemment repris anonymously le masque... mais là n'est (peut-être) pas le sujet.

Le 13 avril, c'est aussi le jour choisi par les habitants de la Zad de Notre-Dame-des-Landes pour l'opération "Sème ta Zad", journée célébrant l'acte de planter, la possibilité de vivre localement, autrement. La pluie battante ne permettait sans doute pas des conditions idéales pour l'exercice, mais elle renforçait l'affirmation d'idées qui germent dans ce petit monde ample de désirs, se créant dans le bocage nantais, un monde réel, vert et humide, tissé de métamorphoses complexes, un monde au champ critique ouvert, libre d'une vie à hauteur d'homme. Apiculture, boulangerie, élevage, drainage, jardinage, constructions de poulailler et de serres, préparation du sol, traction animale, débroussaillage, phytoépuration, maraîchage, fendage des bûches de chauffage, réparation de clôtures, affûtage des outils furent quelques-unes des tâches abordées. Musique et poésie ininterrompues. Les tracteurs magnifiques rappellent le lien de la vie de cette terre et sa défense. Belle occasion aussi en suivant les cortèges où ce peuple debout en bottes chante quelques chansons épanouies dans les pas d'un vécu ("Notre Dame des Oiseaux de Fer" d'Hamon Martin quintet et Sylvain Girault par exemple entonnée par une chorale hardie aux cirés dépareillés), où l'on rit beaucoup, où l'on s'entraide facilement, de découvrir l'incroyable vie de la Zad, de se régaler le palais à l'occasion en dégustant crêpes, galettes, soupes, gâteaux, sandwiches, pizzas... Et comme toujours ici, on croise de vrais regards, on échange facilement, parle librement, et l'on contemple comme autant de repères, les barricades dressées, allumeuses de perspectives.



Photo : B. Zon