Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

31.12.11

LES VISAGES DE LUCY PARSONS ET CATHERINE-ISABELLE DUPORT

Comment les visages de Lucy Parsons et de Catherine-Isabelle Duport se sont soudain retrouvés côte à côte ? Comment se sont-ils soudain croisés (vers nous) ? Par le plus grand des hasards, lors d'un tri d'images ?

Lucy Parsons, née esclave en 1853 au Texas, était noire, indienne, mexicaine et anarchiste, après avoir défié le Ku Klux Klan localement, elle rejoignit le mouvement ouvrier à Chicago et se maria avec Albert Parsons (rencontré au Texas), animateur de The Alarm publication libertaire d'influence, l'un des anarchistes exécutés dans l'affaire Haymarket à Chicago. Albert s'écria au moment où on lui passait la corde au cou : "Laissez entendre la voix du peuple !". Lucy porta ensuite loin leur révolte. Elle participa plus tard à la cration de IWW. Pour Lucy Parsons, la défense des pauvres, des ouvriers, des minorités raciales, de l'égalité des sexes ne faisaient qu'une seule et même lutte contre le capitalisme. Celle qui affirmait en 1884 : "Ne voyez vous pas que c'est le système industriel et pas simplement votre patron qu'il faut changer ?", qui était crainte plus que "mille émeutiers" (selon les services de police de Chicago), qui demandait que l'on fasse "la grève pour le devenir de tout son être et non pour une misérable augmentation", est aujourd'hui largement ignorée de l'histoire américaine, même si (et sans doute parce que) elle en fut une infatigable, inusable et essentielle actrice. Demain est l'autre, si près que l'on serre tendrement pour toujours. Le bel appel.

Catherine Isabelle Duport, elle, fut une actrice (de cinéma) remarquable et parfaitement cohérente qui ne joua que dans deux films à peu de temps d'intervalle : Masculin Féminin de Jean-Luc Godard (1966) et Le départ de Jerzy Skolimowski (1967). À quoi bon être dans davantage (de films) lorsque, judicieusement, le point de départ est un point d'arrivée et celui d'arrivée un point de départ, à quoi bon bavarder lorsqu'on a su aussi être à ce point simplement essentielle dans l'œuvre d'un autre, l'instinctive lucidité plutôt que l'usure. La présence simple pour longtemps, la découverte sans fatalité.

Le sort est la magie des circonstances, on voudra ou non la saisir. Le regard révèle les paradoxes, non des yeux en question, mais des êtres qui sont interrogés par ce regard, farouchement interrogés. S'y révèle tout simplement le sens de la beauté sans besoin du plus grand des hasards.

Le 1er mai, origine
Le départ

27.12.11

SAM RIVERS

Gérard Terronès m'avait donné son contact une après-midi où je pensais à lui. J'ai appelé Sam Rivers de suite. Noël Akchoté, avec qui nous parlions beaucoup de tous ces fabricants-fondateurs de l'histoire de nos musiques, Tony Hymas, Paul Rogers et Jacques Thollot complétaient cette première Configuration quelques temps plus tard à La Buissonne près d'Avignon. Quintet, duo, trio et reprise de "Beatrice", standard inventé par Sam, cette fois en compagnie de Noël et Tony, pour sa compagne de toujours. Le présent se configurait aussi avec des souvenirs forts pêle-mêle : le passage éclair solo à Châteauvallon en 1976 (et quel éclair !), l'église des Blancs Manteaux avec Dave Holland et Barry Altschul, l'écoute à tue-tête de Streams (avec Cecil McBee et Norman Connors - Impulse) dans un club vidé de tous les poseurs à l'Alpe d'Huez en 1974, la rencontre avec Shepp dans les arènes de Nîmes en 1979, le passage surprise avec Dizzy Gillespie, les nouvelles des lofts colportées par Bernard Loupias et tout le grand œuvre de Gérard Terronès...

Sam Rivers naquit en 1923 Oklahoma, terre de déportation de noirs et d'indiens. En 1947 il vint à Boston au conservatoire. Très vite de belles rencontres, avec Quincy Jones, Billie Holliday et en 1959 se lia d'amitié avec un môme possédé des tambours, Tony Williams. Tous les deux participeront à l'aventure Blue Note. Alfred Lion, qui souhaitait alors que sa maison de disque soit synonyme de jeunesse raccourcit l'âge de Sam de plusieurs années, ce qui restera longtemps dans bien des dictionnaires. Sam jouera brièvement avec Miles Davis (à la demande de Tony Williams) avec Cecil Taylor... Il signera quelques marqueurs comme Fuschia Swing Song, des emplacements bien nommés sur la carte musicale tels Contours, Crystals, A New Conception avant de devenir, au Rivbea, le phare de toute une génération, celle des fameux lofts où la liberté avait retrouvé ses vertus libératrices.

Sam Rivers jouait avec un son sans pareil la musique de la vie humaine, une musique qui avait vu couler bien des rivières.

Après Configuration, ses improvisations d'un seul mot et quelques concerts avec cette formation (dont certains inoubliables le caveau des Trinitaires en deux soirs uniques), Tony Hymas écrivit la suite Eight Day Journal, objet de confluences, écrin de vents, de peaux et de cordes pour une semaine de huit jours avec Sam en soliste. Londres, Sons d'Hiver à Villejuif, Maubeuge... avec Sam et Tony, Carol Robinson, Sylvain Kassap, François Corneloup, Henry Lowther, Rita Manning, Sonia Slany, Philip Dukes, Sophie Harris, Noël Akchoté, Paul Clarvis et Chris Laurence ... la belle équipe... beaucoup de rires et au moment de se séparer les compliments chaleureux. "Beautiful playing Sam" lança Chris Laurence alors que Sam s'en allait. Sam se retourna d'un beau sourire. À Uzeste Sam et Tony jouèrent en duo. Le duo se perpétua à Orlando, sa ville et fit l'objet d'un film Quatre jours à Occoe de Pascale Ferran qui sut voir là encore un autre âge des possibles.

Chercheur rigoureux, visionnaire inspiré, homme d'action du jazz sensible à ce devenir secret projeté par chaque note, jamais en retard sur la vie, connaisseur sans pareil du chemin des sources qui chantait les lendemains de chaque instant, Sam Rivers, nous a quitté hier, lendemain de Noël. Il avait 88 ans.

Merci Sam

Jean

Biographie de Sam Rivers sur le site nato

Photo extraite du film de Pascale Ferran (Agat Films)

24.12.11

SOLSTICE - OUVERTURE

"L'espérance est la dernière chose qui meurt dans l'homme".
(Diogène de Sinope)

"Si tous les nécessiteux, au lieu d'attendre, prenaient où il y a et par n'importe quel moyen, les satisfaits comprendraient peut-être plus vite qu'il y a danger à vouloir consacrer l'état social actuel, où l'inquiétude est permanente et la vie menacée à chaque instant". (Ravachol)





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Peintures de Jean-Léon Gérôme (1824 - 1924) et John William Waterhouse (1849 - 1917)

22.12.11

MESSAGE URGENT DE NOS AMIS D'INNACOR ET AFRICOLOR
POUR MADY TRAORÉ

Nos amis d'Innacor et Africolor nous adressent ce message qui a besoin d'une réponse urgente * :

Bonjour

Notre ami Mady avec qui nous travaillons à Bamako sur le projet N'DIALE et avec qui le Festival AFRICOLOR travaille depuis plus de dix ans a eu un accident de moto il y a plusieurs mois avec fracture de la hanche. Il vient de passer des radios en profitant de son séjour à Paris et le médecin lui annonce qu’il a été mal soigné et qu’il faut l’opérer. Comme il est de passage, il n’a évidemment pas de sécu et comme il n’a pas eu l’accident ici, nos assurances ne peuvent pas le couvrir.

Nous lançons donc un appel pour savoir si vous connaissez un chirurgien ou un organisme qui serait susceptible de faire quelque chose pour lui car il ne trouvera pas le moyen de se faire soigner à Bamako.

Je l'ai eu au téléphone aujourd'hui, et l'infection se propage, il souffre énormément.

C’est urgent évidemment.

Merci de votre aide si vous avez des pistes à nous suggérer.

Bien à vous

Bertrand Dupont et Philippe Conrath, Hélène Labarrière, Jacky Molard, Janick Martin, Yannick Jory, Michel Caous, Yanna Plougloum, Sylvain Hervé, Sylvain Bouttet et l'équipe d'Africolor, innacor et de la grande boutique.

*INNACOR records
3, Rue des Milad
56630 Langonnet (F)
tél 02 97 23 82 82
contact@innacor.com


Photo : B. Zon

17.12.11

LA BELLE MANIÈRE DE MONSIEUR JORDAN

"La nuit dernière lorsque nous étions jeunes" ne concerne pas Jacques Chirac et autres objets salissants à force, du type prétendants à l'élection précirquentielle, mais seulement ceux et celles dont le souvenir aide à retrouver soupirs et baisers.
"Last night when we were young" est une chanson du fim Metropolitan (1935) signée Harold Arlen et Yip Harburg magnifiquement jouée par le saxophoniste ténor Clifford Jordan dans le disque Spellbound enregistré en 1960 sous la direction artistique de Cannonball Adderley. Spellbound est aussi le titre d'un film d'Alfred Hitchcock de 1945 (avec Gregory Beck et Ingrid Bergman), un des premiers films (sinon le premier) directement en prise avec la psychanalyse. Soit l'exploration du souvenir et ses plaies . Mais Clifford Jordan dans sa version de Spellbound ne souligne pas les blessures de l'enfance, il ne semble s'intéresser qu'aux soupirs et aux baisers évoqués par les mots de Yip Harburg. Le compagnon de Charles Mingus et Max Roach a au moins commis trois disques splendides : celui-ci, Blowing in from Chicago (1957) co-signé avec un autre géant de taille inconnue, John Gilmore, et These Are My Roots: Clifford Jordan plays Leadbelly (1965). Ce dernier fait état, comme l'indique sans ambage le titre, du lien fort - le blues sans soupirs et aux baisers âpres - de Jordan avec le chahuteur de Louisiane, né dans une plantation et qui a passé une partie copieuse de sa vie en tôle. Jacques Chirac, lui, vient de prendre deux ans avec sursis. Ça donne une idée aux prétendants au trône - dont aucun n'est né dans une plantation - du maximum qu'ils encourent. Ça doit les rassurer. C'est compter sans nous et notre goût du printemps. Clifford Jordan savait jouer le printemps. Saison qui ne connaît pas la prison, ni le vieux monde. La nuit dernière peut donc être la prochaine et c'est une bonne nouvelle.

15.12.11

12.12.11

JOYEUX NÖEL


Il est de retour !

Avec deux couvertures, de nouveaux textes, de nouveaux dessins (mais aussi les anciens) de Pierre Cornuel, Pic, Julien Mariolle, Andy Singer
et une apparition du chien Papyrus.
Allez hop ! Voilà qui trouvera sa place dans les chaussons, chaussettes et autres objets à semelles trouvables sous les sapins domestiques le 25 décembre

Joyeux Noël en détails

8.12.11

ILL CHEMISTRY AUX ALLUMÉS DU JAZZ


Après une première lors de l'inauguration qui vit Barre Phillips, Hélène Labarrière, Didier Petit et François Corneloup en mai dernier, et récemment les deux "Apéros Jazz" avec Jean-Luc Capozzo avec Edward Perraud et Dominique Pifarély avec Pierre Beaux, c'était au tour d'Ill Chemistry d'exercer in situ dans la boutique des Allumés du Jazz au Mans. Plus tea time qu'apéro (encore que ...) puisque le rendez-vous fut reporté, pour cause de complexité des moyens de transports modernes, du vendredi 2 décembre à 19h au dimanche 4 à 17h.

C'est d'abord un groupe d'enfants qui se presse et se tasse au plus près des artistes dans le petit et charmant magasin, les adules s'installent dans ce qui reste de places dans la boutique, dans le bureau, et même sur le trottoir malgré la pluie. Desdamona et Carnage the Executioner offrent un set aussi généreux que l'accueil des deux Allumettes, Valérie et Cécile. Des enfants au premier rang, mais oui bien sûr, des enfants en premier chef ! Trait d'union parfait, ressources infinies et pas question d'obstruer l'horizon. Alors "on y va" et très vite on danse, bien évidemment, même quand les mots traduisent tant de blessures et de souffrances, mais aussi d'avertissements simples, de bon vouloir si humain car c'est la tendresse in fine qui reprend ses droits. Révolte et délices nourrissent toutes les imaginations. Chacun fait son miel de tout ce que l'écoute et le regard surprennent et découvrent. On a pas envie de partir et certains spectateurs restent dîner avec le duo des Twin Cities pendant que Carnage dispense ci-et-là quelques rapides leçons de beatbox. Lundi matin, visite du vieux mans et rencontre d'un chat qui semble tout savoir (bien sûr) de cette belle soirée.

Photos : Z. Ulma (sauf Chat dans le Vieux Mans B. Zon)

Le disque d'Ill Chemistry sortira le 30 janvier 2012 et sera distribué par L'Autre Distribution

Ill Chemistry se produira à Sons d'Hiver le 10 février à Villejuif

La boutique des Allumés du Jazz est située au 2 rue de la Galère 72000 Le Mans - Tél 02 43 28 31 30. C'est un endroit formidable. Prochain concert en janvier : Emilie Lesbros.

Ill Chemistry est représenté pour la scène par Neonovo
Photos : B. Zon

6.12.11

LES TERRAINS D'ENTENTE
D'ILL CHEMISTRY ET EMILIE LESBROS

Samedi 3 décembre 2012, Terrain d'Entente !
Terrain d'Entente c'est le nom d'un lieu à Paris près de la Bastille, groupe de studios de répétition essentielles à la vie musicale actuelle, modèle d'intelligence et de créativité contagieuse. On y est loin de la dévitalisation progressive qui s'opère dans un champ que les esprits bureaucratisés (ils se ramassent à la pelle en cette saison) nomment "musiques vivantes" ou encore "musiques actuelles" (par opposition sans doute aux musiques mortes, futures ou bien passées, l'on se demande bien, à moins de maîtriser la faille temporelle, par quel tour de passe-passe digne de la série Au coeur du temps, on arrive à les jouer).
Terrain d'Entente, ce jour-là c'est aussi la complicité d'un soir de deux maisons de disques, Full Rhizome et nato (toutes deux membres des Allumés du Jazz), qui ont choisi simplement de présenter ensemble des voix qui importent : Emilie Lesbros qui a sorti son disque solo Attraction Terrestre (appelle plus à la compagnie qu'à la solitude) et Ill Chemistry, duo des Twin Cities composé de Desdamona et Carnage the Executioner, qui sortira son album le 30 janvier prochain.
Entente encore, affection aussi avec le public composé de jeunes gens d'Aubervilliers doués d'une perspicacité étonnante, de curieux splendides (la curiosité est aujourd'hui forcément splendide) de gens de la profession, ou plutôt du métier - à tisser - (les plus amateurs sans doute, ceux qui dansent dans leur corps et dans leur tête en même temps), de quelques plumes, d'enfants de tous âges et d'autres compagnes et compagnons de route.
Entente en tout, et tout en Entente, en voix, en différences, en perspectives, en couleurs, Emilie Lesbros termine son set par "Ça branle dans le manche" - "quand tous les pauvres s'y mettront"- tout en évoquant le frémissement mondial de ceux et celles qui ci-et-là, actuels et vivants, tentent les graines d'un autre futur. Elle passe le relais à Ill Chemistry pour qui c'est une première sur le vieux continent. Un souffle clair et dense pour le monde souhaité : se hisser au-delà de la douleur par secousses, sourires ou complicité stimulée. Cœurs de vies ! Les nôtres qui ne tiennent qu'à un fil : celui de l'Entente. Ce fut dit et bien dit ce samedi 3 décembre 2012 à Paris, France, près de la Bastille.

Un grand merci à Thierry, Jean-François, Martin, Claire et toute l'équipe de Terrain d'Entente- Campus

Ill Chemistry se produira à Sons d'Hiver le 10 février à Villejuif
Photos : B. Zon

4.12.11

ILL CHEMISTRY CET APRÈS-MIDI À LA BOUTIQUE DES ALLUMÉS DU JAZZ AU MANS

17h : boutique des Allumés du Jazz. 2 rue de la Galère. 72000 Le Mans

Ça ne se manque pas !

Site des Allumés du Jazz

Photo B. Zon (Ill Chemistry hier soir à Terrain d'Entente)

2.12.11

EMILIE LESBROS, ILL CHEMISTRY (CARNAGE ET DESDAMONA)
SAMEDI 3 DÉCEMBRE
TERRAIN D'ENTENTE CAMPUS

Le fond de l'air est aux parolesDesdamona et Emilie Lesbros se sont rencontrées à l'issue du concert parisien d'Ursus Minor le 24 novembre dernier. Elles se retrouveront demain soir à Terrain d'Entente Campus... nom de salle parfait pour cette soirée présentée par Full Rhizome et nato, deux maisons de disques (membres des Allumés du Jazz) avec leurs artistes en voix et des voix qui signifient autre chose que celles qu'on glisse dans l'urne de l'oubli. Il est temps de reprendre et de se reprendre, ne croyez-vous pas ?

Emilie Lesbros se produira en solo (son disque Attraction terrestre est un des bijoux de l'année) et Desdamona sera avec Ill Chemistry pour la première fois sur le vieux continent. Le duo complété par le beatboxer Carnage the Executioner est un des fleurons du hip hop de Minneapolis. Leur disque Ill Chemistry sortira le 30 janvier un peu avant leur concert de Sons d'Hiver le 10 février.

Quelque chose se meut... on entend des voix... on y va !

(et en plus c'est gratos)

Ill Chemistry (Ill Chemistry) et Emilie Lesbros (Attraction terrestre) sont et seront distribués par l'Autre Distribution


Terrain d'Entente Campus 12bis rue Froment. 75011 Paris - 21h Entrée LIBRE. Métro Bréguet Sabin

contact : christelle.raffaelli@natomusic.fr

Photos : B. Zon (Desdamona et Emilie Lesbros) - Julian Murray (Carnage)

LE CYGNE ET L'ARAIGNÉE
FABLE EXPRESS


Photos : B. Zon

30.11.11

URSUS MINOR
AVEC BOOTS RILEY ET DESDAMONA
LIMOGES : 29 NOVEMBRE 2011
PARTIES COMMUNES

Il y a peu, Carole Bouquet lisait les lettres d'Antonin Artaud à l'adresse de l'actrice roumaine Génica Athanasiou (qui partagea sa vie de 1922 à 1927) au Centre Culturel Jean Gagnant à Limoges. "Nous avons moins besoin d'adeptes actifs que d'adeptes bouleversés" disait l'urgent poète. De la passion d'Artaud aux singularités d'Ursus Minor avec Boots Riley et Desdamona : un pas limousin. La musique a ses pénétrations annonciatrices des bouleversements du monde. Elle a ses conséquences d'allégresse, de lumière, de soulagement, de soutien comme armes pour faire face au réel dévorant.

En ces temps de tentations impériales, il est bon de rappeler que Limoges, un temps surnommée la Ville rouge, s'opposa au coup d'état Louis-Napoléon Bonaparte. En 1871, Limoges connaît aussi sa Commune. Alors qu'un détachement militaire se rend à la Gare pour prêter main forte à l'armée versaillaise contre la Commune de Paris, une foule se presse pour empêcher le train de partir au cri de "Vive la Commune". Les soldats fraternisent avec la foule "Les soldats offraient leurs chassepots et leurs cartouches à qui les voulait : 80 fusils tombèrent de cette façon entre les mains de la population de Limoges". Puis la foule avec les déserteurs envahissent la préfecture. Le préfet déguisé en domestique s'enfuit. Mais le maire demande l'intervention d'un détachement du 81e régiment d'infanterie et du 4e régiment de cuirassiers, commandé par le colonel Billet (quel nom ?) qui sera tué dans la bataille. La répression est sanglante. Thiers dira : "À Limoges, s'est produite une émotion peu dangereuse ; mais les communards de cette ville, jaloux de se montrer à la hauteur de ceux de Paris, ont assassiné le colonel du régiment de cuirassiers qui était cantonné dans le département. La répression va suivre de près ce lâche attentat".

Limoges est une ville d'étincelles, et les étincelles ne sont rien d'autres que la voûte étoilée qui porte nos espoirs. À Limoges, après les mots d'Artaud, Ursus Minor avec Boots Riley et Desdamona pour leur dernier concert de cette tournée automnale, jouèrent en douceur, pleine de mots, pleine de rythmes, pleine de sens, la matière forte pour exprimer ce qu'il y a de plus vif, l'expérience dansée, inséparable de la manière d'exister. Merci à Jean-Pierre Brandy et toute l'équipe du Centre Culturel Jean Gagnant

Photos : B. Zon

28.11.11

URSUS MINOR AVEC BOOTS RILEY ET DESDAMONA
GENNEVILLIERS 26/11/11
OLIVIER GASNIER : HISTOIRE(S) ET ACTUALITÉ(S) DU MONDE : LE NÔTRE

Ursus Minor : histoire(s) et actualité(s) du monde. Le nôtre !
Par Olivier Gasnier

Le Tamanoir, Gennevilliers le 26/11/2011.

« Pour moi il y a des disques documentaires et des disques de fictions. Disons que j’essaie de faire des disques de fictions avec un point de vue documentaire. Ursus Minor c’est ça, on raconte une histoire, mais ce n’est pas un conte de fées non plus ». (…) « Il faut parvenir à retrouver le chemin qui relie les musiciens au public. Alors ça pose les questions de savoir ce qu’on fait, pourquoi et comment on le fait. Ursus Minor c’est une modeste interrogation autour de ça. Et ça veut dire aussi que l’on n’est pas tout seul, isolés »*. Y aurait-il meilleure manière de décrire un concert d’Ursus Minor ? Ou, plus précisément les concerts d’Ursus Minor. Car cette semaine l’opportunité était donnée aux franciliens de rencontrer par deux fois le groupe à quelques encablures de distance.
Et de Paris à Gennevilliers, mais comme de Villejuif à Minneapolis par le passé, les musiciens – six depuis le dernier album en date, et même sept l’espace d’un morceau (où le jeune rappeur Moon rejoint le groupe pour sa première "scène") car ceux-là savent recevoir – nous ont raconté un peu de nos vies, un peu des leurs, et beaucoup du vivant. Et avec un naturel et une simplicité tels que, d’évidence, toute éventuelle résistance de qui ne les connaît pas se retrouve bien vite désarmée, offrant alors pleine et libre participation à la rencontre. Car l’échange et l’écoute, au cœur du dispositif et de la démarche du groupe depuis ses débuts, se retrouvent là, dans la proximité immédiate avec le public et font que, plus encore qu’assister à un concert d’Ursus Minor, on y participe. Assis ou debout, intérieurement ou physiquement. C’est pour ça que la fête est de mise, l’espoir aussi donc, pour mieux transcender certaine gravité de la condition humaine. Transcendance et dépassement ne signifiant pas oubli, l’histoire est convoquée, par touches subtiles, pour alimenter le sens de la danse, le « groove », qui transpire du répertoire ursussien, fruit de la combinaison fertile des qualités rythmiques de chacun des membres du collectif. Le foisonnement syncopé et mélodique des tambours de Stokley Williams, porté par des dispositions vocales rares, les décalages inattendus de la main gauche de Tony Hymas sur ses claviers, l’assise tellurique du baryton de François Corneloup, l’implacable fouetté de Mike Scott sur ses cordes associés aux flots souples et gracieux des rappeurs-chanteurs- conteurs Desdamona et Boots Riley génèrent immanquablement un irrépressible battement de pied, battement de cœur, qui nous (re)met en mouvement. Ce n’est pas la moindre des choses dans le monde tel qu’il va.
Cette qualité n’est certes pas l’apanage de ce groupe, nous en connaissons sans doute quelques autres, mais ces joyeux énergumènes, par leur capacité d’improvisation et leur créativité, portent un peu plus haut, un peu plus profondément le niveau d’échange et de dialogue possibles. Du coup, l’expérience fait partie de celles qu’on n’oublie pas mais qu’il est toujours bon de renouveler - ses vertus régénératrices sont indéniables, et essentielles - pour mieux se souvenir de la transmettre à son tour.


* Jean Rochard, en 2005, à l’occasion de la parution du premier opus d’Ursus Minor.



Photos : Z. Ulma

Merci à Johann Mandroux, Fabrice Amghar, Benjamin Bertout, Nathalie Neels, Eléonore Okpisz, Justine Agulhon et à toute l'équipe du Tamanoir

25.11.11

URSUS MINOR
BOOTS RILEY ET DESDAMONA
PARIS : 23/11/2011
FABIEN BARONTINI : L'ÉLÉGANCE MERVEILLEUSE DES ÉTOILES

L’élégance merveilleuse des étoiles
par Fabien Barontini

Le New-Morning accueillait ce 23 novembre le quartet Ursus Minor et ses deux invités Desdamona et Boots Riley. Ce groupe nous a donné ce que la musique offre et distribue à tout vent dans un total désintéressement : la beauté d’une humanité généreuse. On ne se lasse pas de les réécouter, pour moi ce sera certainement la douzième fois… ou seizième, je ne sais plus. Et les retrouvailles sont toujours aussi heureuses. C’est à cela que l’on reconnaît une musique indispensable. Seuls les blasés et les revenus de tout, et aussi d’eux-mêmes, croient pouvoir s’en passer. Ces plaisirs musicaux qui s’installent dans le temps les dérangent. Ils existent parce que, hors courtes vues des plans promos et des idéologies utilitaristes actuelles, ils sont portés uniquement par le désir artistique.

Six musiciens rassemblés et toutes les musiques modernes convoquées. Ils vivent en des points du globe très éloignés les uns des autres (Minneapolis, Oakland, New-York, Londres, Bordeaux, Paris…). Et si l’on sait qu’Ursus Minor entame sa neuvième année d’existence, on comprend mieux alors que ce « miracle » porte le nom de grand art. Même si le don de cet art se fait dans la simplicité de l’échange.

D’emblée le quartet place la barre haut, très haut et ne quittera plus ce niveau d’intensité expressive. On a beau connaître les morceaux, on les redécouvre dans une totale fraîcheur de l’instant vivant. Les rythmes sont essentiels et profonds, sources abondantes de puissance inaltérable et les improvisations de chacun bousculent et éveillent d’un jeu salutaire notre écoute. Tony Hymas dérégule son clavier de traits volontairement chaotiques et emportés. François Corneloup attrape la queue d’une comète indomptable. Mike Scott apporte ses impros énergiques funky teintés de raffinements baroques. Et Stokley Williams qui nous avait gratifiés de si belles interventions vocales, commence dans un silence total, après le déluge des sons, un solo de batterie – anthologique – qui rejoint les grands solos de l’histoire des tambours.

On ne sait plus si la musique entendue s’appelle jazz, funk, soul, hip-hop, rock. Et peu importe. C’est une musique qui rassemble toutes ses musiques en même temps et fait cohabiter spontanément et naturellement Sidney Bechet et Stevie Wonder. Cette musique nous fait ressentir l’essence même de la liberté. C’est pour cela que les interventions à la fois souples, sensuelles chaleureuses, obstinées et revendicatives du rap de Desdamona et Boots Riley deviennent d’une indispensable actualité. Musique du présent et de la présence de soi au monde. Boots donne, entre deux morceaux, des informations sur le mouvement « Occupy Wall Street » de sa ville d’Oakland.

À une heure du matin passé, en sortant du New-Morning, la rue était encore éclairée des néons des restaurants indiens, turcs et chinois. Aux terrasses réchauffées des cafés, des gens palabraient. La vie, en harmonie avec la musique d’Ursus Minor, ne renonçait pas dans la nuit.

Et si le ciel de novembre était sombre et obscur, on savait comment apercevoir les étoiles.

Photo de Desdamona avec Emilie Lesbros venue écouter ses camarades de lutte (on aperçoit aussi Boots et François : B. Zon

Ursus Minor avec Boots Riley et Desdamona ainsi que Mahmoud El Kati et Charmaine Neville, seront à Sons d'Hiver le 11 février 2012 pour un salut à Howard Zinn. L'aventure Ursus Minor a commencé à ce même festival en janvier 2003. On pourra également y entendre Ill Chemistry (Desdamona et Carnage) le 10 février.

Sons d'Hiver


Remerciements : Dunose organisateur de la soirée du New Morning

URSUS MINOR
AVEC BOOTS RILEY ET DESDAMONA
ST BRIEUC : 22 NOVEMBRE 2011

Venir à la Passerelle de St Brieuc, c'est démesurer le temps de la plénitude. Chaque concert y est un événement vécu, un échange lucide, un partage naturel, une tentation assumée. Marie Lostys, Alex Broutard et leur équipe accueillaient cette fois Ursus Minor avec Boots Riley et Desdamona. Le désir était fort. Et dans ce magnifique petit théâtre, ce fut une grande fête, gorgée d'histoire passée présente et à venir. Desdamona s'adressa aux femmes grandeur nature avec l'apophtegme "Come Back", Tony Hymas, Mike Scott, François Corneloup et Stokley Williams portèrent l'exaltation du blues en TOUS ses versants. Tambours ! Le groupe fit danser le public et le public fit danser le groupe. Comme en réponse à Boots Riley demandant de soutenir le mouvement "Occupy", la salle, à l'incitation du batteur, se trouva seule à chanter et danser alors que les musiciens s'éclipsaient. Le rappel ne fut donc pas question de formalité satisfaite, mais bien de nécessité joyeuse car le public rappela les cinq larrons pour s'associer à lui plus que l'inverse. Quelque chose de très heureux en vérité, on pourrait dire magique ! Oui c'est cela ! Ce pour quoi on vit. Oui ! Oui ! L'après concert prolongea cette impression inestimable. Les échanges allaient bon train de paroles libres. On signalera aussi la présence du duo de la boutique "Le Disquaire", Gilles Ollivier et Alban Fonteney dont on ne dira jamais assez le travail exceptionnel (entre eux et la Passerelle : un modèle de lien amoureux entre musique sur scène et musique enregistrée). ... Et la présence d'enfants heureux comme tout, les yeux pleins de pétillements de rester debout aussi tard.

Le Disquaire 22 rue du Général Leclerc, 22000 Saint-Brieuc tél : 02 96 68 67 26


Photos : Julia Robin (orchestre), B. Zon (Boots et Desdamona)

REGARDS DE GÉRARD ROUY
POUR PAUL MOTIAN ET HANS REICHEL

Paul Motian, Nice 1988

Hans Reichel au daxophone, Anvers (Belgique) 1995

Paul Motian avec Charlie Haden et Harry "Sweets" Edison, Nice 1988

Hans Reichel avec Maarten Altena et Michel Waisvicz, Moers (Allemagne) 1975

Paul Motian Willisau (Suisse) 1982

Hans Reichel avec Sven-Åke Johannson et Buschi Niebergall, Bruges (Belgique) 1977


Paul Motian : 25 mars 1931 Philadelphie, 22 novembre 2011 New York
Hans Reichel : 10 mai 1949 Hagen, 22 novembre 2011 Wuppertal

Photographies : Gérard Rouy

22.11.11

URSUS MINOR
AVEC BOOTS RILEY ET DESDAMONA
ST NAZAIRE : 21 NOVEMBRE 2011

"Où allons nous capitaine ? À St Nazaire, au VIP, moussaillon !".

MONEY, MURDER AND MATHEMATICS... Écho d'une clameur mondiale contre ces trois M funestes (inverses transparents de "Liberté Égalité Fraternité"), Ursus Minor avec Boots Riley et Desdamona signalent éperdument, du fond d'un endroit qui a connu la guerre, en leurs sentiers de lumière, le souffle du Monde. Nous avons les moyens de ne plus nous laisser empoisonner, la musique peut le dire, aider à quitter les maillots de peur qui privent de la liberté réelle.

En rappel, car peu importe que ce soit lundi et qu'il soit tard - ce soir là il fait tôt à St Nazaire -, Blitz the Ambassador et le saxophoniste Ezra Brown se joignent à l'ensemble. ENSEMBLE, c'est le mot.

"Les pluies sauvages favorisent les passants profonds". René Char

Merci à Camille, Stéphan et toute l'équipe du VIP

Photos : Julia Robin (sauf Tintin avec Haddock à St Nazaire et Ursus Minor avec Blitz et Ezra Brown : B. Zon)

21.11.11

URSUS MINOR
AVEC BOOTS RILEY ET DESDAMONA
REIMS : 19 NOVEMBRE 2011, CHAMPAGNE !


George Sand disait que le Champagne aidait à l'émerveillement... en tous cas, Ursus Minor avec Boots Riley et Desdamona ouvraient, ce 19 novembre, avec flamme, pétillance et accueil généreux du public et des organisateurs, la dernière soirée rémoise de Djaz 51 (Patricia Barber en seconde partie). Et si les révolutionnaires des années 20 et 30 se réfugiaient parfois dans le luxe (car là, on ne pensait pas à les traquer), on sait aussi que les fées font leur cuisine dans les bulles en allumant des feux follets.

Merci à Francis Lebras et toute l'équipe de Djaz 51.

La tournée continue, prochaines dates

Photo : Z. Ulma

20.11.11

VUES PERCANTES
(FROM AVIGNON WITH LOVE)

Ce qui frappe lorsque l'on se trouve à la Manutention à Avignon habitée par Utopia, l'Ajmi, Inouï, Fraction, en bon voisinage du théâtre des Doms, c'est la vie qui y règne et le mouvement que ce club des cinq, clubs des expressions fortes, entre ses murs, dessine vers l'extérieur.

À l'issue de la projection du film Les Chats Persans de Bahman Ghobadi, film iranien et indication précieuse qui nous invite à revoir nos réalités à partir d'une réalité terriblement plus cruelle, s'est tenue une petite discussion en ouverture du 4ème Contre Forum de la Culture (organisé par les acteurs ci-dessus mentionnés). Rappel de la nécessité totale d'un mouvement, d'un réveil - magnifiquement incarné par les suggestions du film (qui vont du plus profond au plus haut de la ville), de pas de chats où le silence se mêle au cri, d'une poésie de la lucidité, d'une humanité infinie, d'une agilité libératrice, d'une lutte qui ne saurait se défiler ; la suite nous appartient. Nous en sommes responsables.

Tout cela pendant que Napoléon 4 et sa garde prétorienne occupait la ville pour un autre Forum, celui de la culture officielle, c'est-à-dire de la fin de l'histoire.


Image : Napoleon III le vautour par Paul Hadol