Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

29.12.20

MICHEL POTAGE


En 2009, Michel Potage donnait une clé pour entrer dans l'exposition que lui consacrait à l'automne la galerie Lélia Mordoch : « J’ai voulu montrer le pays de la peinture, la chose en train de naître ». Michel Potage est peintre, un peintre qui chante, crie, écrit, trace partout où la trace fait sens. L'homme de Sens déjoue les sens interdits par instincts décisifs. Le défi est subtil, sans moule. Dans l'exposition précitée, il a accroché ces mots de Samuel Beckett : « Il n’y a rien à exprimer, rien avec quoi exprimer, rien à partir de quoi exprimer, aucun pouvoir d’exprimer, aucun désir d’exprimer en même temps que l’obligation d’exprimer ». Michel Potage ou le savoir de toutes les extrémités. Dans les années 70, avec son très proche compagnon - de Sens - Jac Berrocal, dans le Musiq Ensemble, il musiquait en taquinant le frisson des ombres. Ensemble, ils faisaient valser les entre-deux dans ce qu'on n'appellera pas "performance" (Potage n'aimait pas ce mot répertoire pas plus que celui d' "installation") dans les surgissements où la scène valait la toile. 


Escale au Sable à l’ancienne et à la nouvelle, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris 1978, un an après Laissés de chantier, le sable l'ensevelit avec Jac Berrocal, Bernard Vitet, Françoise Achard, Claude Parle. La même année,  il participe au Parallèles  [1] de Berrocal, il y dit et y réalise visuellement "Post Card". Un peu plus tard, il devient avec le même Berrocal, Jean-François Pauvros et Jean-Pierre Arnoux, le premier chanteur free-punk de langue française dans le disque Catalogue [2] (et un album live à Anvers [3]). Dans l'intervalle - mot de plein sens pour celui qui joue de tous les interstices pour mieux montrer le plein vivant au sommeil sursautant - en 1977, Michel Potage a enregistré Occupé [4], album inexplicablement (pour l'auditeur extérieur) resté non publié jusqu'en 2011. Disque manifestement manifeste de ce romantisme déluré, cette occupation follement partagée en si bonne et si folle compagnie : Jac Berrocal, Bernard Vitet, Daniel Deshays, Claude Parle, Françoise Achard, Roger Ferlet, Pierre Bastien, Nicole Bernard, Jean-Marie Gibbal. Ça marque ! En 1974, ce grand ami de Jacques Thollot [5] avait publié un petit livre très remarquable, Inexclamir-Inextirpé [6], qui pouvait aussi bien constituer un guide pour refaire la route de Jack Kerouac dans l'autre sens que se plonger dans les quatre cents coups permanents. Il saura, par la peinture même, si justement saluer Van Gogh. Au moment où le monde en a tant besoin, il multiplie les peintures représentant, invitant plutôt, des arbres. Instinct de vie. 

 

La route de Michel Potage ne ressemble à aucune autre, elle pense tout ensemble, illimitée, dans la profondeur de la peinture, la relance des mots, le fracas du monde, son silence aussi. Elle s'est interrompue à Sens ce dimanche 27 décembre. 

 

[1] d'Avantage, dav 01

[2] d'Avantage, dav 03

[3] Catalogue Antwerpen Live 11 Aug. 1979 1.30h België (Spalax pour la réédition 1996)

[4] d'Avantage, dav 07 (Alga Marghen pour l’édition 2011)

[5] Dans l’album Thollot in Extenso (nato, 2017), on perçoit son enthousiasme - en public - dans les réactions suivant « Quand le son devient aigu, jeter la girafe à la mer» (18 juin 2011)

[6] Éditions du Marais


Photographie JR - Michel Potage (trombone) et Jac Berrocal (ophicléïde) Transmusiques, Paris le 7 octobre 1978

 


 

 

 

 

25.12.20

IVRY GITLIS

 

"Whole lotta Yoko" où il est invité, en 1968, du groupe The dirty mac (John Lennon, Eric Clapton, Keith Richards, Mitch Mitchell) et de la dédicataire du titre miss Ono, ne sera sans doute pas la contribution la plus remarquable d'Ivry Gitlis. Encore qu'elle mérite d'être signalée comme d'autres sorties (entrées) hors cadre établi de cet étincelant violoniste qui donna le la en signant en 1950 - telle une déclaration - un époustouflant concerto de Paganini précédant d'autres interprétations apothéotiques des concertos pour violon de Berg, Bartók ou Stravinsky. Les compositeurs contemporains les plus aventureux comme Iannis Xenakis ont pu compter sur lui. Il aimait faire l'acteur parfois (avec Truffaut ou Siegfried) et jouer avec son ami Léo Ferré ("Les étrangers"). Ivry Gitlis, dont deux des fils sont des rockers, fit son très créatif possible pour que la musique classique ne soit pas question ou réponse de classe. Il est parti en 2020, un 24 décembre à 98 ans. Bien entendu.

20.12.20

2020, À TORT ET AU TRAVERS

 


Et 2020 vint ! Le disque À tort et à travers de Jean-François Pauvros avec Antonin Rayon, Mark Kerr a réussi une sortie le 17 juillet et musiciens, spectatrices et spectateurs (que nous dirons ici camarades) une autre sortie au théâtre Dunois le 3 octobre. Étaient de sortie aussi l'amitié fondatrice de 40 ans qui lie les disques nato au théâtre Dunois en y invitant bien logiquement, et sur scène, le Souffle Continu (disquaire vivant). Un moment aimé sur lequel reviennent Stéphane Fougère (texte) et Sylvie Hamon (photographie) dans l'édition du 18 décembre de Rythmes Croisés... et si bien résumé par Eric Beynel présent ce soir là : "Et quel concert !"
 
Photographies : Sylvie Hamon © Rythmes Croisés

19.12.20

CAROLINE CELLIER

 

Lorsque Jean Poiret nous a quitté, personne n'a fait comme gros titre "Le mari de Caroline Cellier est mort". Caroline Cellier était une actrice de grand talent qui s'est eclipsée le 15 décembre. Elle avait joué au cinéma avec Claude Chabrol, Édouard Molinaro, Jacques Davila, Henri Verneuil, Roger Vadim, Christopher Frank, Catherine Corsini, Jean Marbœuf, Gilles Béhat, Bernard Stora, Isabel Sebastian, Jean Poiret, Gérard Corbiau, Francis Girod, Alain Chabat entre autres. Au théâtre on l'a appréciée dans des œuvres de George Bernard Shaw, Marivaux, Molière, Colette, Pierre Etaix, Oscar Wilde, William Shakespeare, Jean-Claude Carrière... Elle chantait bien aussi (nous en avions parlé). Caroline Cellier fait partie de ces actrices qui font respirer les films ou les pièces par leur excellence gracieuse en trouvant sans bousculade une présence parfaitement juste. Alors lorsque l'on voit se multiplier les titres "Caroline Cellier, la femme de Jean Poiret est morte" (comme Juliette Gréco réduite au statut de "muse de St Germain des Prés"), on se dit que le chemin est encore long pour qu' "Être femme" se lise autrement qu' "Être femme de". Vraiment !

17.12.20

HIS POSITIVE MAJESTY

 Le roi a tout de même des côtés positifs

 

 

 

 

 

 

 

 

Peinture : François Clouet

14.12.20

LES PRODIGES DE LA RÉPUBLIQUE

 

Pour son petit Noël, la "start up France" se dote d'une panoplie de déguisements patriotiques qui fleurent bon les senteurs d'époques - essence de bois sapin tendance oies gavées - présidées par Jean Casimir-Perier ou Sadi Carnot. Avec la corbeille de nouvelles lois scélérates qui se dilatent, on y trouve notamment cette nouvelle invention de la Ministre Schiappa toujours en surchauffe pour faire plaisir à ses maîtres : les "Prodiges de la République".

 

 


11.12.20

BONNE FIN DAMNÉE

 

"100 000 flics pour le jour de l'an" trop sympa de donner un petit coup de stabilo pour celles et ceux qui n'auraient pas compris (ne voudraient pas ?). Pas de doute 2021, ça va être super, les fabricants de stylos feutres vont se régaler.

10.12.20

SOUS MI FA SOL SOUS MISSION

 

La place Beauvau est devenu "Ministère de l'intérieur" en 1861. Napoléon III était empereur. Quelques régents plus tard, c'est maintenant l'heure du "Beauvau de la sécurité"... Le préfet file une aiguillette aux cogneurs de producteurs de musique... une grosse manif et puis plus rien... le ministre reste en forme... Pendant ce temps le peuple écoute les paroles du Matignon de la l'escobarderie : "À la niche avant 20h" sauf pour les chiens (les chiens votent comme on leur dit). Le mot musique est effacé même du trio encore visiblement interdit "Cinéma-Musée-Théâtre" jusqu'à ce que ces lettres-là s'effacent aussi, même les curés (je m'étouffe) peuvent dire la messe, mais peut-être les curés (je ne respire plus) sont au fond moins dociles que tant de gens de musique qui se précipitent comme d'obéissants canidés faire leur numéro derrière un écran (comme celui-ci) comme on leur dit de faire. Wouf ! Wouf !

Photo recadrée à partir d'un cliché AFP




4.12.20

CHANGEMENT DE PARTI

Les animateurs culturels du Parti Socialiste ont eu une nouvelle idée pour affronter les bandelettes : "trouver un nouveau nom". Et l' "incompris" comique François Hollande, sculpté façon bouffonne "incomprise" en 2020 à la demande d'un marchand de crêpes dans un jardin privé de Treignac, de proposer "Socialistes". Quitte à ne garder qu'un mot, "Parti" serait plus juste, puisque dès le 4 août 1914, les socialistes de la SFIO votaient les crédits de guerre, et entraient dans le gouvernement de l'union sacrée. Le "À bas la guerre ! Vive la république sociale ! Vive le socialisme international !" du 28 juillet de la même année, est bien "parti" ce jour là avec toutes les conséquences que l'on sait, toujours depuis lors, et plus que jamais aujourd'hui, en marche.
 

1.12.20

ZUSAAN FASTEAU

 

Le jazz, la musique, sont traversés par des baladins dont on n'oublie souvent les noms, trop attachés que nous sommes à des listes réduites de victorieux du jazz ou de quelques splendides losers soigneusement sélectionnés. Susan Fasteau (ou Zusaan Fasteau, ou Zusaan Fasteau-Garett ou Kali Fasteau) était de ces troubadours semant leurs graines chantées ou jouées (saxophones, flûtes) en toutes étapes. Comme dans le disque Bijou d'Archie Shepp en 1976 par exemple (paru chez Musica - la réédition de cette collection serait de première importance), ou Message To South Africa de Noah Howard, au festival féminin-féministe International Kvindemusikfestival en 1978, avec Shepp encore et Donald Rafael Garrett (mari de Susan et baladin aussi dans d'autres ailleurs chez Coltrane par exemple) en concert en 1973. Avec Donald Rafael, elle avait créé le Sea Ensemble, une mer à deux ou ils cherchaient à perpétuité la mémoire d'un rêve. Elle vient de s'en aller, le 20 novembre.

Photo © Fasteau