Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

21.9.21

À TROIS-PALIS, UNE FEMME S’EST LEVÉE


 

C’était presque une habitude d’une époque où l’expression, le chahut, le mot complémentaire ou contradictoire et l’abolition de la séparation de la scène marquaient les accents vers le relief, fut-il outré. Et puis tout le monde est revenu dans son rôle assigné : concerts sous contrôle, musiciens sous contrôle, public sous contrôle - sous autocontrôle même. L’idée du rêve dans les nuits de l’amour et les jours fraternels s’était faite beaucoup plus discrète, démissionnaire peut-être. Ne jamais dire jamais!

Le 19 septembre 2021, à Trois Palis (Charente), à l’issue de trois journées d’un festival de village exactement organisé (le village est une forme) par le musicien Bruno Tocanne et ses camarades, une femme s’est levée pour dire le bien que lui faisait la musique, que nous faisait la musique, pour dire notre besoin d’ouverture au rêve, celui d’une autre vie que celle des figures imposées où le besoin matériel monnayé serait la seule règle. Cette femme, debout, s’adressant à ce qu’il est convenu d’appeler «public» parce que les statisticiens du goût l'ont catégorisé comme tel (en réalité un groupe de personnes librement assemblés par un désir voisin), déclara qu’elle n’avait pas l’habitude de parler en public, mais on sentit de suite comme elle était pressée par la beauté reçue et partagée pendant ces trois jours, comme elle souhaitait les vivre au-delà, comme elle souhaitait vivre.

Les trois jours de Trois-Palis furent d’une pénétrante lucidité, d’une beauté de lumière sèche traversée par l’ondée, lumière de vérité, clair obscur où se découvrent les visages intactes de leur humaine révolte. Solos diurnes de Robin Fincker, Vincent Courtois et nocturne de Denis Badault taquinant l’histoire du jazz en acrostiche, duo de Marc Ducret et Samuel Blaser à cheval sur l’horizon, trio de Robin Ficker, Bernard Santacruz et Samuel Silvant porteurs toniques d’une forme très au jazz [1] chantant si fort les capacités d’anticipation de son habitat fondamental, et quartet nommé à point Entre les terres avec François Corneloup, Jacky Molard, Catherine Delaunay et Vincent Courtois, s’adossant sur le panorama pour en livrer tous les secrets. Musiques de grandes énergies, d’étreintes douces, de villages assumés et de violences fraternelles. Musiques si belles qu’une femme s’est levée. Quelle belle nouvelle. Ne restons plus couchés !

 Photo : Bernard Santacruz par B. Zon


[1] Depuis 1957, d’abord Sonny Rollins avec Ray Brown et Shelly Manne, Wilbur Ware et Elvin Jones, Henry Grimes et Specs Wright , Oscar Petitford et Max Roach, Henry Grimes et Kenny Clarke, Henry Grimes et Pete La Roca, Jymie Merritt et Max Roach,, Niels Henning Orsted Pedersen et Alan Dawson, Gilbert Rovère et Art Taylor, Jimmy Garrison et Elvin Jones... Puis parmi tant d’autres: • Albert Ayler - Gary Peacock - Sunny Murray • Ornette Coleman - David Izenson - Charles Moffett • Lee Konitz - Sonny Dallas - Elvin Jones • Sam Rivers - David Holland - Barry Altschul • John Surman - Barre Phillips - Stu Martin • Evan Parker - Barry Guy - Paul Lytton • François Jeanneau - Jean-François Jenny-Clark - Jacques Thollot • Paul Motian - Jean-François Jenny-Clark - Charles Brackeen • Marion Brown - Beb Guérin - Eddie Gaumont • Dewey Redman - Malachi Favors - Ed Blackwell • Steve Lacy - Jean-Jacques Avenel - John Betsch • Bernard Santacruz - Frank Lowe - Denis Charles • Daunik Lazro - Jean Bolcato - Christian Rollet • François Corneloup - Claude Tchamitchian - Eric Echampard • Fat Kid Wednesdays • Catherine Delaunay - Guillaume Séguron - Davu Seru …

20.9.21

BARNEY BUSH

 


Barney Bush 

27 août 1945 - 18 septembre 2021

 

A sense of journey

You're just in my heart

a lot    crossing these

many worlds     looking

from behind many eyes

Sometimes it is like

humidity of Ohio River

summers     that clings

to limestone bluffs

my skin

Sometimes i wish i had

never quit drinking

to use that excuse to 

steal you

away

A cloudless mind revives

exquisite futility

but too untempered to 

fulfill illusory dreams

palpating at the tips of

fingers

Blood imbrues bodies

dream their presence

outside the world

Endless days    i walk

the distances     sensing

your footsteps    your

eyes taking in the

journey     but old worlds

are hard to live in    and

even dreaming them is

too much     and

too often we lose lives

never knowing that we

had them

 

Une sensation de voyage

Tu es juste dans mon coeur 

profondément    traversant ces 

mondes multiples    observant

à travers de nombreux regards

Quelquefois on dirait

la fraîcheur humide de l'Ohio

l'été    qui s'accroche

au calcaire escarpé

ma peau

D'autres fois je souhaite n'avoir

jamais cessé de boire

pour me servir de cette excuse et

t'emporter

loin

Un esprit désembrumé renaît

aux délices de la futilité

mais il est encore trop diminué pour

pouvoir réaliser des rêves illusoires

d'un seul frôlement du bout des

doigts

Des corps ensanglantés

rêvent de se retrouver

hors du monde

Jours interminables     j'arpente

ces distances    éprouvant

les empreintes de tes pas    ton

regard invitant au

voyage     mais il est difficile de vivre dans

les mondes du passé    et 

même y rêver est 

trop    et

trop souvent nous gâchons des vies

sans avoir jamais su que nous 

en disposions

Extrait de Tony Hymas-Barney Bush, Left for Dead (1994)



12.9.21

STREAMING,
LE GRAND CHAMBARDEMENT

 

Samedi 11 septembre 2021, présenté conjointement par Les Allumés du Jazz et Anis Gras, à Arcueil, le débat proposé par Yoram Rosilio Streaming, le grand chambardement, fut - on ne peut plus - riche d'enseignements parfaitement renseignés grâce aux interventions de Marianne Lumeau (économiste) et Romuald Jamet (sociologue). Réalité implacable contre laquelle la politique de l'autruche (même virtuelle) ne pourra rien : l'industrie musicale devient industrie des données où la musique n'est plus qu' "accessoire d'incidence". Après ce consistant débat que l'on espère constitutif, Nicolas Souchal, Karsten Hochapfel, Yoram Rosilio et Geoffroy Gesser, jouèrent une impression d'un demain apodictique demeurant nôtre. Hors des manipulations algorithmiques, la force de jouer est bien celle de la vie. Que les Allumés s'allument !

8.9.21

À DOUBLE TOUR

 

Passer de Pierrot le Fou au Guignolo, c'est tout de même assez vertigineux. 
Ça demande probablement une atypique forme de talent.

7.9.21

CONTRE LA VIE

Des rappeurs et rappeuses poursuivis par le ministre de la sûreté pour leurs mots dans un disque, des gens, qui veulent danser librement, assaillis par le GIGN et maintenant des jardins défoncés, rasés par la police (Aubervilliers le 2 septembre). Le message des destructeurs : "la vie n'a qu'à bien se tenir".