Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

5.12.21

MEMORIAL BARNEY BUSH 20 NOVEMBRE

Memorial Barney Bush, November 20, 2021
 
From Jean Rochard
 
Dear Barney,
 
We met in Paris (France, not Texas) in 1990. On the stage of the Maison de la Culture de Bobigny, your words from the poem “Left for Dead” dedicated to Leonard Peltier took that evening an extraordinary resonance that embraced so many people and for so long. Set to music by Tony Hymas, these words marked the beginning of a formidable adventure.
 
With Tony you were going to be, so naturally, part of an exceptional music-word duet with multiform inspirations crossed by lightning. 
 
A great evocative force. Together, with other companions, we travelled through the cities of France, Basque Country, Germany, Italy, the Netherlands and even, last time, on Turtle Island in Minneapolis. Concerts, records, talks, work with illustrators, workshop with kids, interviews (one was one hour conversation between you and a French philosopher on the main tv channel)…
 
Your words as well as the music, the playing, became an active challenge in so many different situations. So much to reflect on the past in the emergence of the present to imagine another future than the one imposed on us.
 
Something about truth.
Together we discovered, exchanged, shared, learned and laughed a lot, we lived, strongly lived.
 
The word "resistance" is not an empty word and you still used it so firmly during our last telephone conversation last early September.
 
You have left us, we miss you, but in the face of this complicated and often terrifying world, your words are here, like so many dynamic strokes, revealed flashes, lucid proofs of love.
 
Megwich
 
***
 
From Tony Hymas
 
"Misho send me your song on the night winds that I might catch its motion ...
ride its blessed melody into the glaze of winter stars ...
the softest doeskins smoked for our feet ...
the journey over the Milky Way where grandmothers sound the conches ...
the calls to come home"
 
Such beautiful words to set to music - thanks Barney - thanks ...
and for some fun memories too
 
Photo : Jean Rochard

25.11.21

JOANNE SHENANDOAH


En février 1990, Banlieues Bleues accueillait sur scène la première d'Oyaté avant la sortie du disque, après son enregistrement au Nouveau Mexique et à Standing Rock. Un matin, John Trudell, DJ Nez, Edmond Tate Nevaquaya et Joanne Shenandoah avaient souhaité se rendre sur la tombe de Jim Morrison avec le photographe Guy Le Querrec. Joanne Shenandoah, chanteuse Oneida qui figure dans le "Path to Zero" du chanteur des Doors, rejoignait à Paris le petit groupe et enregistrait avec Tony Hymas et Hanay Geiogamah une chanson pour la mère de Quanah Parker. Elle aimait montrer son passeport Iroquois (seule nation indienne a avoir un passeport indépendant). Descendante directe de Shenandoah (1706-1816), Joanne est devenue une des chanteuses insignes du monde amérindien. Elle nous a quittés le 22 novembre 2021. 
 
Photo : Guy Le Querrec - Magnum

15.11.21

JEF SICARD

 

Le Dharma Quintet fit partie de ces quelques groupes qui, à partir de ce qu'avait bâti, débattu et débâti la génération précédente, tracèrent l'instant d'alors d'un coup de devenir. Le lundi 27 juillet 1970, le Dharma quintet enregistre son premier album Mr Robinson. Jef Sicard, l'un des deux saxophonistes, signe les deux titres de la face 1. Plutôt que les flashes des grandes ruptures (et il y en avait de fameuses à ce moment-là), le Dharma allume une petite lumière durable qui va avoir une portée de grande
influence, n'en déplaise aux actuelles classifications du souvenir. La petite lumière de Jef Sicard s'est promenée si librement longtemps. Elle s'est éteinte le 12 novembre.

11.10.21

MÉTÉO

Ce matin, la classe des brouillards matinaux était fort dissipée.

 

 

 

21.9.21

À TROIS-PALIS, UNE FEMME S’EST LEVÉE


 

C’était presque une habitude d’une époque où l’expression, le chahut, le mot complémentaire ou contradictoire et l’abolition de la séparation de la scène marquaient les accents vers le relief, fut-il outré. Et puis tout le monde est revenu dans son rôle assigné : concerts sous contrôle, musiciens sous contrôle, public sous contrôle - sous autocontrôle même. L’idée du rêve dans les nuits de l’amour et les jours fraternels s’était faite beaucoup plus discrète, démissionnaire peut-être. Ne jamais dire jamais!

Le 19 septembre 2021, à Trois Palis (Charente), à l’issue de trois journées d’un festival de village exactement organisé (le village est une forme) par le musicien Bruno Tocanne et ses camarades, une femme s’est levée pour dire le bien que lui faisait la musique, que nous faisait la musique, pour dire notre besoin d’ouverture au rêve, celui d’une autre vie que celle des figures imposées où le besoin matériel monnayé serait la seule règle. Cette femme, debout, s’adressant à ce qu’il est convenu d’appeler «public» parce que les statisticiens du goût l'ont catégorisé comme tel (en réalité un groupe de personnes librement assemblés par un désir voisin), déclara qu’elle n’avait pas l’habitude de parler en public, mais on sentit de suite comme elle était pressée par la beauté reçue et partagée pendant ces trois jours, comme elle souhaitait les vivre au-delà, comme elle souhaitait vivre.

Les trois jours de Trois-Palis furent d’une pénétrante lucidité, d’une beauté de lumière sèche traversée par l’ondée, lumière de vérité, clair obscur où se découvrent les visages intactes de leur humaine révolte. Solos diurnes de Robin Fincker, Vincent Courtois et nocturne de Denis Badault taquinant l’histoire du jazz en acrostiche, duo de Marc Ducret et Samuel Blaser à cheval sur l’horizon, trio de Robin Ficker, Bernard Santacruz et Samuel Silvant porteurs toniques d’une forme très au jazz [1] chantant si fort les capacités d’anticipation de son habitat fondamental, et quartet nommé à point Entre les terres avec François Corneloup, Jacky Molard, Catherine Delaunay et Vincent Courtois, s’adossant sur le panorama pour en livrer tous les secrets. Musiques de grandes énergies, d’étreintes douces, de villages assumés et de violences fraternelles. Musiques si belles qu’une femme s’est levée. Quelle belle nouvelle. Ne restons plus couchés !

 Photo : Bernard Santacruz par B. Zon


[1] Depuis 1957, d’abord Sonny Rollins avec Ray Brown et Shelly Manne, Wilbur Ware et Elvin Jones, Henry Grimes et Specs Wright , Oscar Petitford et Max Roach, Henry Grimes et Kenny Clarke, Henry Grimes et Pete La Roca, Jymie Merritt et Max Roach,, Niels Henning Orsted Pedersen et Alan Dawson, Gilbert Rovère et Art Taylor, Jimmy Garrison et Elvin Jones... Puis parmi tant d’autres: • Albert Ayler - Gary Peacock - Sunny Murray • Ornette Coleman - David Izenson - Charles Moffett • Lee Konitz - Sonny Dallas - Elvin Jones • Sam Rivers - David Holland - Barry Altschul • John Surman - Barre Phillips - Stu Martin • Evan Parker - Barry Guy - Paul Lytton • François Jeanneau - Jean-François Jenny-Clark - Jacques Thollot • Paul Motian - Jean-François Jenny-Clark - Charles Brackeen • Marion Brown - Beb Guérin - Eddie Gaumont • Dewey Redman - Malachi Favors - Ed Blackwell • Steve Lacy - Jean-Jacques Avenel - John Betsch • Bernard Santacruz - Frank Lowe - Denis Charles • Daunik Lazro - Jean Bolcato - Christian Rollet • François Corneloup - Claude Tchamitchian - Eric Echampard • Fat Kid Wednesdays • Catherine Delaunay - Guillaume Séguron - Davu Seru …

20.9.21

BARNEY BUSH

 


Barney Bush 

27 août 1945 - 18 septembre 2021

 

A sense of journey

You're just in my heart

a lot    crossing these

many worlds     looking

from behind many eyes

Sometimes it is like

humidity of Ohio River

summers     that clings

to limestone bluffs

my skin

Sometimes i wish i had

never quit drinking

to use that excuse to 

steal you

away

A cloudless mind revives

exquisite futility

but too untempered to 

fulfill illusory dreams

palpating at the tips of

fingers

Blood imbrues bodies

dream their presence

outside the world

Endless days    i walk

the distances     sensing

your footsteps    your

eyes taking in the

journey     but old worlds

are hard to live in    and

even dreaming them is

too much     and

too often we lose lives

never knowing that we

had them

 

Une sensation de voyage

Tu es juste dans mon coeur 

profondément    traversant ces 

mondes multiples    observant

à travers de nombreux regards

Quelquefois on dirait

la fraîcheur humide de l'Ohio

l'été    qui s'accroche

au calcaire escarpé

ma peau

D'autres fois je souhaite n'avoir

jamais cessé de boire

pour me servir de cette excuse et

t'emporter

loin

Un esprit désembrumé renaît

aux délices de la futilité

mais il est encore trop diminué pour

pouvoir réaliser des rêves illusoires

d'un seul frôlement du bout des

doigts

Des corps ensanglantés

rêvent de se retrouver

hors du monde

Jours interminables     j'arpente

ces distances    éprouvant

les empreintes de tes pas    ton

regard invitant au

voyage     mais il est difficile de vivre dans

les mondes du passé    et 

même y rêver est 

trop    et

trop souvent nous gâchons des vies

sans avoir jamais su que nous 

en disposions

Extrait de Tony Hymas-Barney Bush, Left for Dead (1994)



12.9.21

STREAMING,
LE GRAND CHAMBARDEMENT

 

Samedi 11 septembre 2021, présenté conjointement par Les Allumés du Jazz et Anis Gras, à Arcueil, le débat proposé par Yoram Rosilio Streaming, le grand chambardement, fut - on ne peut plus - riche d'enseignements parfaitement renseignés grâce aux interventions de Marianne Lumeau (économiste) et Romuald Jamet (sociologue). Réalité implacable contre laquelle la politique de l'autruche (même virtuelle) ne pourra rien : l'industrie musicale devient industrie des données où la musique n'est plus qu' "accessoire d'incidence". Après ce consistant débat que l'on espère constitutif, Nicolas Souchal, Karsten Hochapfel, Yoram Rosilio et Geoffroy Gesser, jouèrent une impression d'un demain apodictique demeurant nôtre. Hors des manipulations algorithmiques, la force de jouer est bien celle de la vie. Que les Allumés s'allument !

8.9.21

À DOUBLE TOUR

 

Passer de Pierrot le Fou au Guignolo, c'est tout de même assez vertigineux. 
Ça demande probablement une atypique forme de talent.

7.9.21

CONTRE LA VIE

Des rappeurs et rappeuses poursuivis par le ministre de la sûreté pour leurs mots dans un disque, des gens, qui veulent danser librement, assaillis par le GIGN et maintenant des jardins défoncés, rasés par la police (Aubervilliers le 2 septembre). Le message des destructeurs : "la vie n'a qu'à bien se tenir".

30.8.21

AU SUD DU NORD À CERNY

 

Dimanche matin à Cerny en Essonne Isabelle Atapie chante en solo (mais pas seule) dans la chapelle d'Orgemont. Timbre, architecture et questions d'instance. Un petit chien s'invite, c'est du regard qu'il interpelle l'auditoire et c'est du regard qu'il joue en duo avec la chanteuse. Elle invite les gens à la suivre et rejoindre l'orchestre qui l'attend (Damien Argentieri, Philippe Laccarrière, Benoît Raffin) pour sa définition de standards à venir. Un autre chien s'invite (celui-là chante - belle voix, il a l'air au courant, la chanteuse lui répond), une enfant danse, l'électricité fait des siennes, la musique reste là avec ses tournoiements, ses interrogations et ses forces de tous les possibles. La situation prévaut, moment réellement constituant. Philippe Laccarrière et ses amis d'Au Sud du Nord (dénomination impeccable en ces temps où les boussoles font défaut) ont offert (pour la 25e fois ce week-end des 27, 28 et 29 août) un festival aux ouvertures douces, une certaine idée de la conciliation prompte aux surgissements inattendus (Entre les terres, Valentine trio, Temps Réel, Phat Organ trio, Kevin Reveyrand Quartet, Evry Bamako Project, Gingko Biloka, Abula invite Didier Malherbe, Le bruit des glaces). Les dispositions amicales permettent l’alternance des questions et des réponses. Ce fut également le cas dans l'après midi du samedi avec le débat des Allumés du Jazz (à ce moment-là préférables sans aucun doute aux exhibitionnistes chevaliers du ciel, héritiers de Tanguy et Laverdure dans un barouf d'enfer) où, "à deux pas du soleil", l'on discutait, démêlait, chicanait, éclairait, fouillait la question des formes "naturelles" de la musique (avec Pierre Tenne, Bernard Lortat-Jacob‌, Jean Rochard, Michele Gurrieri, Nicolas Souchal, Ben Lagren). Un moment de nouvelles solidarités possibles aussi.

 

Photo : B. Zon

25.8.21

CHARLIE WATTS













 1992. La séance avait été organisée de façon très simple. Dès l'idée, grâce à la photographe Caroline Forbes, un coup de fil à Sherry Daly pour proposer à Charlie Watts de participer à Vol pour Sidney (aller) en indiquant notre souhait qu'Evan Parker soit de la séance. Deux heures plus tard, retour enthousiaste. Le batteur souhaitait que Lol Coxhill soit aussi de la partie. Joliment évident, chantante conjugaison, une histoire anglaise et notre histoire : quintet avec Dave Green et Brian Lemon une semaine plus tard aux studios Lansdowne. Cette simplicité spontanée fut de de toute cette séance où, d'un morceau, nous passions à deux à la demande de Charlie Watts, heureux, en une sorte de mini aventure improvisée. De la musique camarade et de l'attention joyeuse, de l'affection musicienne et beaucoup de rire. Le batteur fut si touché d'un compliment d'Evan Parker sur son jeu de cymbale dans "Laughin' in Rhythm". Il appréciait aussi visiblement l'idée d'être sur un disque où figurait également Elvin Jones pour lequel il eut des mots très beaux. De son départ inattendu hier 25 août, et de sa vie étonnamment discrète de pierre qui roule, tout sera dit auquel il n'y aura rien à ajouter. Sauf peut-être qu'en des moments plus ombrés, se jouait toujours une bien heureuse passion, libre.

Photographie : Guy Le Querrec (Magnum) - Charlie Watts et Evan Parker au festival de Bracknell en juillet 1986 (in Le Chronatoscaphe)

24.8.21

IVAN DENYS

 

Les histoires de résistance sont aussi des histoires d'amitiés et d'expériences de ce talent qu'aucune technologie ne pourra jamais contrefaire : l'humanité. C'est bien cette naturelle ingéniosité généreuse qui est à l'origine, en 2013, du livre d'Ivan Denys : Lycéen résistant, premier ouvrage publié par Signes et Balises, la maison d'édition d'Anne-Laure Brisac. Le respect, l'admiration et l'amitié de l'éditrice pour Ivan Denys, qui fut son professeur de latin, seront en grande partie le moteur de création de Signes et Balises qui publiera ensuite Rosine Crémieux et Pierre Sullivan, Pierre Brunet, Artur Klinau, Christos Chryssopoulos, Victor Serge, Nikos Kavvadias, Véronique Willmann Rulleau...

 Lycéen résistant est un pli*, une façon d'articuler l'histoire avec nos vies, de comprendre pour toute jeune personne comment entrer dans le monde et pour toute autre de saisir qu'il n'est jamais trop tard. Ivan Denys n'avait pas 14 ans lorsque, élève de 3e au au lycée Janson-de-Sailly, il distribue, avec un groupe de camarades, les tracts rédigés avec l'aide de leur professeur appelant à une manifestation le 11 novembre 1940 en pleine occupation allemande. Ils se retrouvent alors 2000 sur les Champs-Elysées. Cet événement décidera de son entrée en résistance,  de son engagement un temps communiste et de toutes les formes de luttes nécessaires jusqu'à la libération de Paris. 

Les différentes rencontres avec Ivan Denys étaient aussi amènes qu'intéressantes, une façon douce de mettre en lumière toutes sortes de relations, sans la ramener, sans crier gare, mais en offrant tant à penser. L'histoire se vit sans compression, sans échasses non plus. Lors d'une de ces rencontres dans une librairie parisienne où Ivan Denys présenta Lycéen résistant, le contrebassiste et chanteur Fantazio se trouvait jouer à l'extérieur. Cela étonna plaisamment et au fond, avait l'air logique. D'autant plus logique que l'auteur nous dit ce jour-là que Fantazio est son fils. Le hasard objectif est souvent merveilleux. Notre dernière rencontre avec Ivan Denys fut à Tarnac (merveilleuse objectivité du hasard), un soir d'août 2019, ce soir là, il parla beaucoup de son amitié avec Anne-Laure Brisac. La vie navigue, faite de signes et balises. Ivan Denys nous a quittés le 14 août 2021.

* petit livre important

 

 

23.8.21

EVERLY BROTHERS

 

Pas d'Everly Brothers, pas de Beatles. Ainsi vague la vie ...

(et pas de Chet Atkins, pas d'Everly Brothers etc. etc. etc. etc. etc.)

RAOUL CAUVIN ET MAZEL

Câline et Calebasse par Mazel et Cauvin (1969)


2.8.21

PASSE MONTAGE :
JEAN-FRANÇOIS STÉVENIN
MILFORD GRAVES - CHICK COREA

 La mort est fatigante, pour les vivants surtout. La vie aussi des fois. Vivre en vrai, mourir en vrai ? La chose n'est plus si simple dans l'infernale multiplication de bouts-rimés, épistolaires automatiques, enregistrés par les maîtres du monde virtuel collectionneurs de RIP algorithmiques d'une envahissante chrétienté qui s'ignore elle-même. Les équilibres s'effritent sur les versants des gouffres du temps, vies inconnues de pierres tombales retournées en poussières entre deux selfies. L'art du montage méticuleux se perd dans un flot d'images asséchées des cœurs et des corps. 

Les 9 et 12 février 2021, mourraient (disparaissaient, s'éteignaient, nous quittaient) Chick Corea et Milford Graves. La mécanique de RIP immédiatement en train, les commentaires jouaient au mieux les comparaisons jalouses de l'éclipse. L'un, pianiste, avait été l'incroyable ludion des états de passages d'un jazz posté au grand carrefour de directions, alors, sans évidence, d'abord plus en échafaudage que successivement avec moult luminescences, chez Herbie Mann, Blue Mitchell, Stan Getz (magique), Pete La Roca (incandescent), Bobby Hutcherson, Armando Peraza, Wayne Shorter, un idéal trio avec Miroslav Vitous et Roy Haynes, Circle avec Anthony Braxton, Dave Holland et Barry Altschul, ou le plus déluré des orchestres de Miles Davis, une idée très libre au fond avant que la dianétique ne prenne le dessus alarmant en cascades lustrées. L'autre, batteur, figurait une distincte idée de liberté en une direction précise sans détournement forever, une forme de tambour intérieur battant son plein et ses déliés avec Albert Ayler, Paul Bley, John Tchicai, Sonny Sharrock, Myriam Makeba, Andrew Cyrille, Don Pullen, Bill Laswell. Mais en ces quatre jours mortels, le plus important était peut-être, à ces moments-là, de se souvenir tout simplement, comme l'ont très bien fait, sans hasard, Daniel Richard (producteur, disquaire) et David Toop (musicien, écrivain), que tous les deux appartenaient un temps, ensemble, à l'orchestre de Joe Montego (¡Arriba! Con Montego Joe, Corea fit même partie du premier orchestre de Milford Graves, le Milford Graves Latino Quintet). À certains moments, on ne peut pas tout garder au montage au risque de ne rien indiquer du tout, ne rien voir, ne rien entendre dans une sorte de profusion de l'identique. 

Instant, discordance sans peur et devenir tiennent le haut du pavé dans l'œuvre si humaine de Jean-François Stévenin (qui est mort, disparu, éteint, nous a quittés le 21 juillet 2021), dans son fougueux montage débrouillard d'un cinéma tellement perceptible sans esquive de retour à l'infini. Liberté et battement intérieur de l'acteur (pour François Truffaut, Paul Vecchiali, Juliet Berto, Jean-Luc Godard, John Huston, Raoul Ruiz, Jean-Pierre Mocky, Jean-François Richet, Jean-Pierre Sinapi, Philippe Ramos, Jim Jarmusch...) et du réalisateur d'une impeccable trilogie : Passe montagne, Double messieurs et Mischka. Là, ce sont les mots de Yann Dedet (monteur des deux premiers) à propos de Jean-François Stévenin, que l'on retiendra, pour l'instant et pour demain : "Il y avait une envie commune de traverser ensemble tous les déserts, d'escalader tous les cols, de faire front dans la tempête."*

* Yann Dedet - Julien Suaudeau Le spectateur zéro (P.O.L. 2021)

Photographies : JR (Corea), Andy Newcombe (Graves), DR (Joe Montego), extrait du film Deux de Werner Schroeter - Gemini films

26.7.21

FRANÇOISE ARNOUL

C'était une époque où, dans les campings, les gens qui avaient des tentes regardaient ceux qui avaient des caravanes comme des bourgeois imposant leur confort dans l'inconnu sauvage, une période où les premiers ne supportaient pas les télévisions portatives des seconds qui ne pouvaient faire l'admiration que des benêts, une période où flic ne rimait pas encore automatiquement avec Netflix. Un entre-temps où le cinéma signifiait beaucoup dans les salles pas si obscures dont on rêvait sous la toile de tente. On parlait d'ailleurs de se faire une toile (à ce moment-là, on ne confondait pas encore toile - éclairer, réfléchir - et filet [net] - attraper, contenir -). Le cinéma, c'était aussi le monde qui avait trouvé une certaine façon de parler, une façon de camper. Ça peut encore l'être. À un moment où se multipliaient les signes de changement, où la lenteur s'emballait à toute vitesse, des acteurs incarnaient ça, des actrices plus encore. Une forme de minutie ponctuelle, de délice du contraste, du grain lové dans une effrontée souplesse, du renversement des apparences surtout, Françoise Arnoul par honorable exemple. Rapidement : dans les films de Henri Verneuil, Jean Renoir, Roger Vadim, Henri Decoin, Sacha Guitry, Pierre Chenal, Pierre Kast, Michel Deville, Jean Herman pour, disons, la première partie (très bien vue), puis Raoul Ruiz, Jacques Rouffio, Jean Marbœuf, Claude Faraldo, Paul Vecchiali pour, schématisons, la seconde (très bien sentie). La Nouvelle Vague, à qui elle avait tout pour plaire, distraite, l'a manquée. Françoise Arnoul ne figure peut-être pas toujours dans autant de films majeurs qu'une telle personnalité promettait. Peut-être parce que la vie lui semblait plus importante que le cinéma, a-t-elle aussi su amener cette insolente vie dans des films sans importance (traduire : sottement mésestimés) qui ne seront, grâce à elle aussi, inoubliable, jamais oubliés et certainement jamais mineurs. On reverra La Chatte, La bête à l'affût, Lucky Jo, Dimanche de la vie, Voir l'Éléphant comme autant de films principaux.  Françoise Arnoul est partie le 20 juillet à 90 ans.


15.7.21

MARCHE À LA GLUE

 

Entendu ce matin à 7h50 à la radio nationale France Inter, la parole de la (attention !) Ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, chargée de la citoyenneté (waouh !) : "c'est normal dans un débat intellectuel d'avoir des débats" (re waouh !). Au cas où il subsistait des doutes sur le fait que l'intelligence était en marche... Aussi vides, aussi grossiers, mais multiples, les gluants chausse-trappes du roi dans lesquels nous serions bien avisés de ne pas tomber. Aux promoteurs de lois tartuffières "contre le séparatisme", faut-il laisser tant de champ pour nous séparer ?

12.7.21

RICK LAIRD ET JUINI BOOTH

 

Les bassistes ? Ils aident à établir de géniales cartographies, à s'y retrouver dans n'importe quel dédale, à voix basse élever le chant et sommes toutes de faire renaître la parole. Avec une entêtante discrétion, la basse est corps. Rick Laird et Juini Booth (parfois orthographié Jooney Booth) sont deux grands bassistes à la classe étourdissante peu soucieux du devant de la scène, l'un s'est illustré avec Ronnie Scott, Sonny Rollins, Zoot Sims, Roland Kirk, Mahavishnu Orchestra, Stan Getz, Joe Henderson, l'autre avec Art Blakey, Marzette Watts, Tony Williams, McCoy Tyner, Elvin Jones, Sun Ra, Steve Grossman... Ils nous ont quitté les 4 et 11 juillet. Les lignes de basse restent, inépuisables trajets et mémoires obsédantes.

9.7.21

JAZZ COMME UNE IMAGE

 

En 1993 paraissait Jazz comme une image (Scandéditions), livre de photographies de Guy Le Querrec dont le point commun était d'avoir toutes été prises lors du festival Banlieues Bleues les années antérieures. Le titre est évidemment un de ces jeux de mots dont raffole le photographe, mais il indique aussi la sage marque de ce qui se voit dans le jazz et que sait si bien saisir le photographe, ici de toutes les recherches, toutes les gammes de blue, des quartiers populaires, des plus ou moins grands hôtels, des trop grands aussi, des rires dansés, des loges agitées, des méditations sûres ou effarouchées, des intimités en pleine face, des grands gestes (hey!), des courbes de la contradiction parfois splendides, parfois si accidentelles, du tout et des relations dans leurs fragments. Jazz comme une image est autant une somme de précédents qu'un moment annonciateur, pertinemment préfacé par Francis Marmande et le jeune Stéphane Ollivier alors inspiré. Nous n'avons pas fini d'en voir.

 

 

6.7.21

SAINT PINARD BLUES

 

Un article, consacré au festival Jazz à l'Hospitalet et aux Musicales d'Aix-en Provence, paru dans le quotidien Le Monde daté du 27 juin 2021 et signé Ophélie Neiman (auteure de Le vin pour ceux qui n'y connaissent rien - l'Étudiant 2012 - on attend son ouvrage sur le jazz) est plein d'enseignements. On y apprend, après le retour "des notes jazzy" (le « i grec » est un tournant), que "dans les vignobles le jazz s'impose" (il a même été inventé pour ça), que "Michel Jonasz est un monstre sacré du jazz" (on a tellement lâché qu'on est plus à ça près), avec pour certification "Le vin c'est pour le jazz parce que le rock c'est plutôt la bière" (distinction bourgeoise comme à la Samaritaine version Arnault).

On n'insistera pas ici si souvent sur la lecture de Marx et Engels, mais après un bon coup de picrate (grand cru bien sûr), amis du jazz, méditez tout de même ce passage du Manifeste du Parti Communiste (1847) : "Tous les liens variés qui unissent l’homme féodal à ses supérieurs naturels, la bourgeoisie les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d’autre lien entre l’homme et l’homme que le froid intérêt et les dures exigences du « paiement au comptant ». Elle a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque et de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a supprimé la dignité de l’individu devenu simple valeur d’échange […] et dépouillé de leur auréole toutes les activités considérées jusqu’alors avec un saint respect comme vénérables."
 
Les frissons du jazz périssant dans le calcul millésimé du pinard égoïste. La classe (voir lutte de). À la vôtre !

5.7.21

STUART BROOKS

Il est des musiciens qui font beaucoup et dont on parle peu, d'anonymes "premières lignes". Stuart Brooks était de ceux-là. Trompettiste exceptionnel dans un pays de forte tradition de cuivres (Kenny Baker ou Henry Lowther pour citer deux admirables exemples), on l'a entendu aussi bien chez George Russell, Mike Westbrook, Charlie Watts, Gil Evans, que chez Shirley Bassey, Björk, Diana Ross, Elton John, Elvis Costello, Grace Jones, Madonna, Sting, Lena Horne, Paul McCartney, Plant and Page ou encore dans plusieurs James Bond pour en indiquer peu. Nous avions eu le plaisir de travailler avec lui pour "Les Voix d'Itxassou" de Tony Coe, "Oyaté" de Tony Hymas ou Pentimento de Steve Beresford. Qualités ouvrières de gentillesse, d'écoute et de talent, c'est beaucoup. Stuart Brooks nous a quittés le 1er juillet.
 
Photo : Consort Productions

 

4.7.21

VIVE LA CHARENTE LIBRE
(DÉBUT DE SAISON)

 


Châteauneuf-sur-Charente a de l'histoire : traces préhistoriques en la magnétique Font qui pisse, voie romaine (Chemin Boisné), réminiscences mérovingiennes,  divers Taillefer, chevauchée de Derby et English en Angoumois, lune de miel de François 1er, infernale torture seigneuriale, futur Charles X bousculé par la Révolution, six aviateurs anglais sautant en parachute « Chez Guignard » quand leur Halifax fut touché par la DCA de la Wehrmacht, quelques résistants encore... Châteauneuf-sur-Charente a aussi de la géographie : situation (entre Cognac et Jarnac), vignobles, escarpements médiateurs, craies, méandre d'un fleuve de 382 km vers un baiser prudent face à Oléron... Manquaient quelques archipels, absence comblée les 18 et 19 juin derniers. 

Archipels, compagnie de Dominique Pifarély avec Virginie Crouail, y a déménagé son annuel festival, dans l'accueillante commune d'un peu plus de 3 500 habitants. Le jardin public et les abords de l'église Saint-Pierre (XIIe siècle) furent les lieux offrant les clés des deux journées de ce petit paradis, aussi musical qu'amical. Parmi les spectateurs, on put croiser des musiciens comme Kent Carter 1, Julien Padovani, Bruno Tocanne, Julia Robin ou François Corneloup, certains venus donner un sérieux coup de main sans instruments. Au stand de l'accueil qui fit bonne place aux disques des artistes présents et aux journaux des Allumés du Jazz, les conversations allèrent bon train, de musique ou de politique et autres manifestations humaines. Moments bien vivants.

Tout, lors de ces deux jours à Châteauneuf-sur-Charente, fut d'une astronomique justesse : six concerts reflétant les vœux de nos aspirations les plus intimes, les plus humaines, les plus secourables. La pluie s'en rendit compte puisqu'elle choisit, tout en ménageant un suspens qui ne fit que souligner le dynamisme musical, de ne tomber qu'entre les concerts, en parfaite harmonie entre le besoin des arbres et celui de la musique. Pluie qui avait dû lire le prospectus de description du concert de LBK-Labulkrack : "Orchestre d’extérieur comme d’intérieur, inclassable, distribuant joie et énergie comme s’il en pleuvait", offrant un début d'averse malicieuse lors de la fin de leur concert, ce qui donna l'occasion d'un final ébaubissant où, en parfait accord, une tente s'est levée par la magie de machinistes improvisés au-dessus de l'orchestre en tension grandissante. Sérieuse incitation à la danse, les popotins s'agitaient de plus en plus sur les chaises du jardin public sans toujours oser se lever par nature. Les enfants le firent, les mêmes enfants qui embrassaient les arbres. Beaucoup d'enfants lors de ces deux journées, ouvrant les portes de la clairvoyance. 

Établir un programme (on ne dira pas "programmer" préférant l'informant à l'informatique), c'est avoir de la suite dans les idées, de la clairvoyance et c'est bien ce que démontrait, démasquait même pourrait-on dire aujourd'hui, ces six moments de grâce villageoise (le grand village des nous autres). Insigne concert d'ouverture excitant la curiosité fort attentive des Castelnoviennes et Castelnoviens en nombre éloquent, le trio Louis Sclavis-Vincent Courtois-Dominique Pifarély (clarinettes, violoncelle, violon) donna comme indication superlative, comme direction, une musique à plusieurs étages où l'assemblage aiguisé, dédié, offre de minutieuses interrogations aux réponses tantôt de flèches, tantôt de méditation, toujours de liberté du geste. Suivit le duo Rhizottome - avec Armelle Dousset (accordéon), Matthieu Metzger (saxophone sopranino), chatoyante fulguration passionnelle, étymologie des bulbes, racines et sèmes. La musique de Rhizottome souffle les infinitifs pour parvenir aux conjugaisons des statuts du monde avec toutes leurs obliques, leurs mémoires fascinantes, leurs tendresses de paroles, ailleurs et encore. L'extraordinaire permanence si merveilleusement incarnée par la paire. 

Le lendemain après LBK-Labulkrack donc, deux solos, Christiane Bopp (trombone, trompette basse, dérivés, percussions, voix), Michele Rabbia (percussions, électroniques, voix). Triomphe de la clairvoyance enfantine pour Christiane Bopp qui joua jusqu'aux fond des bois, secourant la biche aux abois, lançant mille mélodies d'appels, mille fragments d'accidents magnifiques, mille solutions réparées. Là encore, une cohésion fabuleuse (et ce n'est pas si simple d'être cohérent quand on est seule). La solitude chantée de Christiane Bopp apostrophe la grande compagnie. C'est si beau. Michele Rabbia poursuivit et complèta de part en part, témoin de toute une histoire qui se joue en frottements pastels, en bribes véhémentes, en témoignages d'audace où tout devient parole jusqu'aux souvenirs caustiques (même un soupçon de krautrock pour qui voudra). Les enfants sourirent, les arbres frémirent et les oiseaux chantèrent, tout le monde s'écouta. Quel attrait ! Christiane Bopp et Michele Rabbia se rejoignirent pour un duo (en réalité un big band) final (en réalité de commencement). 

Au Jacky Molard Quartet - Jacky Molard (violon), Hélène Labarrière (contrebasse), Yannick Jory (saxophone), Janick Martin (accordéon diatonique) et Dominique Pifarély pour le rappel - revint la marque finale de ce festival (et "final" est le plus inadapté des termes tant jamais ces deux jours ne jouèrent de fin, mais au contraire du commencement, du dénichement, du décollierisme si l'on veut). On (identification en cours) écrivait il y a quelques années "La musique du quartet de Jacky Molard est celle de la dignité de l'être" 2. C'est plus vrai que jamais. Le geste d'ensemble a la souplesse de l'arc et la vision du chat sauvage, tout ce qu'il vise est touché, au cœur, pour toujours plus de vie, jamais de fin du jour et tant de pensées (jusqu'aux geôles syriennes). À cet instant, le jardin public de Châteauneuf-sur-Charente fut le passage du désir perpétué ou, pour citer un titre René Char, de La parole en archipel. Dansons !

Post blogum : À quelques kilomètres, deuxième épisode de la liberté charentaise à Trois Palis, les 17, 18 et 19 septembre 2021, organisé cette fois par Bruno Tocanne avec Robin Fincker, Bernard Santacruz, Samuel Silvant, Marc Ducret, Samuel Blaser, Denis Badault, François Corneloup, Jacky Molard, Vincent Courtois, Catherine Delaunay

 1 Lire in Steve Lacy (Unfinished) de Guillaume Tarche (Lenka Lente, 2021) très récemment publié, la passionnante interview de Kent Carter par P.-L. Renou. 

 2 In Jacky Molard Acoustic Quartet (Innacor Records, 2006)

Photo : B. Zon
 



29.6.21

PETER ZINOVIEFF, JON HASSELL,
BURTON GREENE

 

Les départs soulignent les liens, est-ce là trop tard ou enfin ? C'est selon. Les liens, le concepteur du synthétiseur AMS, le découvreur des possibles musiques du Quart Monde et le fondateur du Free Form Improvisation Ensemble n'en manquent pas. Un terrain se découvre lorsque les eaux fertiles se retirent. Peter Zinovieff, Jon Hassell et Burton Greene nous ont quitté les 23, 26 et 27 juin de cet an 2021.

27.6.21

FREDERIC RZEWSKI

 

On aura besoin encore longtemps de ses 36 variations à partir de "The People United Will Never Be Defeated!" ("El pueblo unido jamás será vencido"). Il avait aussi composé d'autres œuvres ouvertement politiques comme "Coming Together", "Attica", "Les Moutons De Panurge", été le pianiste interprète de Cornelius Cardew (logique) ou Henry Pousseur, créé Musica Elettronica Viva avec Alvin Curran et Richard Teitelbaum - trio marqueur de la musique électronique1, expérimenté avec Steve Lacy, Evan Parker... le compositeur et pianiste Frederic Rzewski, captivé par l'improvisation, nous a
quittés hier 26 juin 2021.
Tony Hymas a interprété son "Winnsboro Cotton Mill Blues", épique vision sociale de blues, dans son album De Delphes...

1 Au vaste sujet de la musique électronique lire ici ce commentaire récent

24.6.21

QUEL RETOUR POUR LES JOURS ÉLECTRONIQUES ?

 


Sur le site du Palais, l'infernale méthode soustrayante bat son plein : Le "Retour des jours heureux" (du 15 mars 1944) y devient l'affirmation d'une sorte de ringardisme confiscateur et affreusement arrogant. Simple abrutissement ou ignorance volontaire, on repeint l'histoire, couleurs start up dégoûtamment ripolinée. Voilà que Jean-Michel Jarre et Cerrone (ressortir ce type à rendre cohérent l'exhibition de Mireille Mathieu par Sarkozy, difficile de faire plus attardé comme geste artistique) sont devenus "deux légendes vivantes qui ont inventé la musique électronique". On a bien lu ! Exit - entre mille - Johanna Magdalena Beyer, Pauline Oliveros, Eliane Radigue, Pierre Schaeffer, Pierre Henry, Lev Theremin, Louis et Bebe Barron, Luciano Berio, Delia Derbyshire, Daphne Oram, Otto Luening, Karlheinz Stockhausen, Morton Subotnick, Max Mathews, Gil Mellé, Bernard Parmegiani, Musica Elettronica Viva, les groupes Krautrock, les Silver Apples et même George Harrison avec son "Electronic Sound" (1969). La musique électronique (premières traces en 1876) est aussi ancienne que l'électricité. Honorer ces deux faiseurs d'exsudat sonore qui ont profité d'un moment de faiblesse de la fin du XXe siècle (1976, un siècle après) pour livrer leurs sucres artificiels, au moment où, ailleurs mais sous les mêmes ordres, on matraque, mutile, détruit le matériel de  ceux qui dansent au son d'une véritable musique électronique qui cherche infiniment la vie dans les restes. Bourres et bourre-mou, deux mamelles pour redéfinir l’histoire. Vous allez voir qu’ils vont bientôt nous dire que c’est l’élection qui fait la démocratie.

22.6.21

LE JOURNAL LES ALLUMÉS DU JAZZ 41

 

 À l'heure où l'on entend des "spécialistes" nous dire le plus sérieusement du monde que "le peuple français n'est plus adapté à la politique" (non ce n'est ni dans le catalogue La Redoute, ni dans le Chasseur Français, ni dans le Bon Coin à la rubrique "peuple accessoire en bon État"), il est bon de savoir que les tigres n'en ont rien à foutre de se faire enfourcher et qu'ils savent manifester clairvoyance et solidarité, jamais de substitution. Comme bien des animaux sensibles, ils apprécient la musique lorsqu'elle s'allume comme langage de peuples. Les producteurs indépendants (actuellement sur la liste des "à néantiser" de chasseurs de primes capables de tuer à coups de streams, de soporifiques et d'encagement) peuvent en être le porte-voix aussi résonnant que la parenthèse qui précède. Le numéro 41 du journal Les Allumés du Jazz est sorti, vous avez tout compris.

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21.6.21

CORRESPONDANCES P

La directrice d'école maternelle et primaire de Gentioux (Creuse), interpellée et placée en garde à vue le 15 juin par la sous-direction antiterroriste de Paris, un jeune homme de 22 ans à la main arraché après intervention des gendarmes à Redon (Ille-et-Vilaine) pour saborder violemment une fête le 18 juin... un peu plus loin à Minneapolis (Minnesota) le 13 juin, un automobiliste fonce avec son 4x4 dans un barrage des manifestants réunis après le meurtre de Winston Smith par la police, et tue une jeune fille... 

Trois exemples d'enseignement, de danse, de pensée actives, de liberté, d'égalité, de fraternité, férocement réprimés ; trois indications.

17.6.21

FUGITIF CONCOMBRE MASQUÉ

Octave Mirbeau écrit Le Concombre fugitif en 1894 : " Ah ! Gredin ! Ah ! Misérable ! Et je vis sa main noueuse cherchant à étreindre quelque chose qui fuyait devant elle,quelque chose de long, de rond et de vert qui ressemblait, en effet, à un concombre, et qui,sautant à petits bonds, insaisissable et diabolique, disparut, soudain, derrière une touffe...". 

En 1965, Nikita Mandryka invente l'essentiel (vous avez dit essentiel ?) philosophe Le Concombre masqué : " Voyons voyons que sais-je au sujet de ce que je ne sais pas ? ". 

Et puis les masques tombent et les urnes apparaissent. Octave Mirbeau a aussi écrit l'indémodable (mais toujours pas assez lue ?) La grève des électeurs en 1888 et Nikita Mandryka nous a quitté le 13 juin après plus d'un demi siècle de pertinence qui n'aura pas réussi à changer le monde. "Ah bon ?... C'est ça, la vie ??..."
 

11.6.21

MARC TOMSIN

Durruti avait ouvert les portes... il le fallait. Année 90, fin de siècle, sans papiers, chômeurs... Une bande de musiciens, de musiciennes et bien sûr Violeta, Diego[1] et François, sens de toutes les sentes ... le studio et la rue font bon ménage. Spectateurs actifs, expectatifs acteurs : "Étrangers, ne nous laissez pas seuls avec les Français" dit un tract de Frédéric Goldbronn et Jean-Louis Comolli. Beaucoup de rencontres... Parmi elles, Marc Tomsin, silhouette marquante, présence inaccoutumée, intrigante, tellement vive. Vive les correcteurs, vive le Chiapas ! Marc Tomsin, alors, c'est déjà toute une histoire. Comité Vietnam en 1967, Comités d’action lycéens et JAC (Jeunesse anarchiste communiste) en 1968 etc. La lecture de Raoul Vaneigem l'inspire. Amitié durable. Mille autres activités, incessantes, d'intelligence active. Barcelone, 1977, il rencontre Abel Paz, naissance d'une autre amitié. En 1985, avec Agnès Soyaux, il fonde les éditions Ludd : Les Vagabonds n’ont pas perdu le goût de la chose chantée de Carlos Semprun Maura, Journal d'un chien de Oskar Panizza, Thomas Munzer ou la Guerre des paysans de Maurice Pianzola, l’indispensable Grève des électeurs d’Octave Mirbeau ou encore, entre autres, Banalités de base de Raoul Vaneigem. La suite dans les idées. Ne jamais oublier les luddites combattant le travail mécanique il y a deux siècles (ou devrions-nous dire : depuis deux siècles ?). Marc Tomsin participe à la fondation du Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte (CSPCL) en janvier 1995. Poésie constante, arme véritable, imbattable. Se défendre et savoir lire. Partager. Marc Tomsin, regard d'oiseau, scrute tous les recoins du lointain en appréhendant l'immédiat, dégaine panachée, élégance avivée. On se rencontre de loin en loin, de loin en près, telle manifestation, tel salon du Livre Libertaire. Qui a rendu visite aux Mayas, Tseltal ouTzotzil de nos jours, nos beaux jours, l'aura aussi vu là-bas. Le 28 mai 2009, salut à Abel Paz qui vient de disparaître ; Violeta Ferrer dit "Le Pirate", Frédéric Goldbronn projette son film Diego et Marc Tomsin lit l'adieu de Valeria Giacomoni[2]. Ombre habile et généreuse. En 2007, il fonde une nouvelle maison d'Édition : Rue des Cascades. Aussi humaine que le film du même titre de Maurice Delbez. Guiomar Rovira, Métie Navajo, Sous Commandant Marcos, Georges Bataille, Georges Lapierre, Alèssi Dell'Umbria, et Abel Paz bien sûr. Des Livres de la jungle à La voix du Jaguar, incessants compléments. Ces derniers temps il résidait à Exarchia. Logique ! En Crête, le 8 juin dernier, Marc Tomsin soudain disparaît. Depuis Thésée, on ne croyait pas ça possible. Une vie de cascades pour nous autres.


Photographie 2010 : Libraire Espagnole