Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

28.5.22

TROIS ALBUMS D'À LA ZIM

 

Disques, livres et films agissent en crieur de beautés quand ils ne sont pas soumis aux étouffoirs des régiments des puissants. On dit l'époque morose... on ne va pas discuter car c'est vrai qu'on ne nage pas tous les jours dans le folichon. Mais il est de beaux signes, de sacrés signes (comme dirait Ginsberg) comme ces trois disques publiés par À la Zim, association de bienfaiteurs musiciens. Trios de disques avec splendide arrivée dans le désordre (l'ordre de la vie) le plus salvateur. "L'ombre de la bête" de François Robin & Mathias Delplanque, "Tamas lier" d' Erwan Hamon & Yousef Zayed et Sylvain GirO et le chant de la griffe. Trois albums infiniment divers dans leurs recherches tellement accomplies au plus près des besoins de nos plaies, trois albums plein champs enchantés.

27.5.22

AVOIR AFFICHE

 Préambule : il ne s'agit pas par la présente de discuter tel ou tel aspect de tel ou tel programme électoral (il y a bien assez de spécialistes pour ça), les lieux et temps de la politique seront ailleurs et pour plus tard. Cette affiche vient d'être collée à proximité, ça aurait pu en être une autre avec une autre tête. Il ne s'agit même pas d'ouvrir un débat, mais seulement de regarder, et peut-être par le simple regard, avoir un peu de réflexion sur les équivalences graphiques et celles de la vie.

26.5.22

JEAN-LOUIS CHAUTEMPS

 

7 octobre 1978, Trans-Musiques à Paris Porte de Pantin, deux jours sous chapiteau très manifestes (Thollot, Portal, Lubat, Berrocal, Pauvros, Levaillant, Jaume, Boni, Maté, Regef, Malherbe, Oriental Wind, Zazou Racaille etc.). Avec la Compagnie Lubat, Jean-Louis Chautemps y troqua son saxophone contre un cigare. On adorait ! Chautemps pensait que la musique était une science et s'émerveillait devant l'instinct, valorisait le travail mais fustigeait les "bons élèves" (ou la musique de "bons élèves"), il estimait que les disques étaient une trahison et a mis beaucoup de soin à réaliser le sien (unique), valorisait la profession de musicien de studio et ses exigences et trouvait crétinisante la musique qui en sortait, mettait en garde contre la perte de proximité mais prenait ses distances, préférait Rollins à Coltrane, avait eu Lester Young et Bobby Jaspar pour modèles, s'intéressait à Dallas et à Deleuze, critiquait le free jazz qu'il jouait admirablement, comme le reste d'ailleurs, un ailleurs de recherche philosophique (des eaux agitées du be bop aux rives du dodécaphonisme) qui amena Rhizome (avec les Chautanettes) et en inspira plus d'un. Lors d'une dernière rencontre Boulevard Montparnasse à Paris, il nous parla en latin, avec une maligne conviction. Les disques de Chautemps nous ont manqué de son vivant turbulent, c'est lui maintenant qui va nous manquer.

Photo JR

19.5.22

JEAN-LOUIS COMOLLI

 "Alors que la musique renvoie le drame à l'intérieur des corps et des âmes, entre des forces invisibles, la mise en scène balance tout à l'extérieur, dans le trop-plein du visible."*

Jean-Louis Comolli, on l'aura rencontré par le cinéma, par la musique (le jazz) ou par l'engagement, scrutant, la tête la première, ce qui se loge dans les parois du réel. Avec Jean Narboni aux Cahiers du Cinéma, il porte loin la critique cinématographique fraîchement héritière d'une nouvelle vague encore naissante. Il apparait dans Les Carabiniers ou Alphaville de Jean-Luc Godard. Par mouvements multiples d'une conscience engagée sans doute, la musique le saisit, par écoute aiguisée, par regard. La musique le persuade. Avec Philippe Carles, il co-écrit Free Jazz Black Power, ouvrage ressenti nécessaire par tant d'entre nous en quête de questions lucides sur une musique explorant immédiatement le sentiment du monde. Cinéaste à la recherche d'une pertinence aguerrie consciente de ses entourages, il signe la très documentaire fiction La Cecilia comme le si naturellement fictionnel documentaire Marseille contre Marseille. Une sorte d'axiome manifeste de la chose juste au moment juste. Avec Carles, il a aussi co-écrit un texte dit par ce dernier pour le disque Buenaventura Durruti, ce qui l'a conduit à réaliser avec la très fidèle Ginette Lavigne Durruti, portrait d'un anarchiste. Abel Paz est le lien. Frédéric Goldbronn aussi, qui a réalisé Diego à propos d'Abel Paz, conseiller du film. Goldbronn écrit des tracts avec Comolli pour soutenir les sans-papiers. Les musiques des films de Comolli sont de Michel Portal (souvent), mais aussi d'André Jaume, de Jimmy Giuffre, de Louis Sclavis, de Chicho Sánchez Ferlosio. Les livres, Cinéma contre spectacle, Daech, le cinéma et la mort, Cinéma, numérique, survie, sont autant d'avertissements tellement clairvoyants... Halte à l'abrutissement. Les bribes précitées ne sont que les extraits furtifs d'un tout, tendu vers les brèches d'une luminosité nouvelle, par le cinéma, par la musique, par l'engagement. Jean-Louis Comolli plaidait "pour une transformation de ce spectateur en spectateur actif et non passif". * Après la mort d'Eric Dolphy, il avait titré à son propos "Le passeur"** un article de Jazz Magazine ; aujourd'hui, alors qu'il vient de nous quitter, on réalise à quel point, aussi, ce titre va bien à Jean-Louis Comolli. 


* Jean-Louis Comolli, Une certaine tendance du cinéma documentaire (Verdier - 2021)

** Jazz Magazine, juin 1965

 

 

 


HEUREUX DRAME INFERNAL D'UNE MARMITE MUSICALE INSTANTANÉE

 


Réveils, résurrections, il existe bien souvent des espérances secrètes quant à la reformation ou la continuation de marqueurs historiques. Ça peut se jouer dans la diagonale du fou, les angles chevalins ou dans une propulsion des tours et détours dans le futur comme c'est le cas pour ces deux surprenantes et emballantes sorties d'albums de deux cas historiques : La Marmite Infernale avec soudain, un personnel quasi entièrement renouvelé (plus aucun membre d'origine lors de la création en 1977) pour une musique qui fait feu de tous bois d'imaginations folkloriques et, plus inattendu encore, Un drame musical Instantané (créé un an auparavant), qui voit le retour du duo Jean-Jacques Birgé Francis Gorgé avec l'écrivain Dominique Meens ; le présent gravé façon Gustave Doré. Par hier, demain est vivant.
 
• Un Drame Musical Instantané :  Plumes et Poils  (Grrr)
• La Marmite Infernale :  Humeurs et vacillements  (Arfi)

17.5.22

TERESA BERGANZA

 

Le chant porté au delà des nostalgies irrévélées

8.5.22

L'OCCASION D'UNE SENSATION
DE VOYAGE
(LYON 30 AVRIL 2022,
MUSÉE DES CONFLUENCES)

 À Tony Hymas, Barney Bush, Lance Henson, Mitch Walking Elk, Catherine Delaunay, Anne Alvaro, Sylvie Laurent, Audrey de Stefano, Guy Le Querrec  

Les étoiles ne connaissent pas d'ordre (et probablement pas de désordre non plus). Dans l'obscurité, les mots jaillissent, les notes saillissent. Figures des êtres, influence des équivalences, cheminement d'amitiés, d'accords par petites touches car nous sommes autant d'atolls, de familiers des lagons. Ampleur pudique et mouvement rescapé instruisent ouverture, de ce qu'on imagine après la mort, non pour les morts qui ont bien assez à faire, mais pour les vivants bien sûr. Des siècles de vivants bruissants, quand les mots s'emballent sans attendre, heurtés par les ricochets de l'histoire sanctifiant la disparition. Précipité soudain ! L'histoire des histoires pour dévier les affronts et définir les vies dans l'escalier des cendres refoulé. De quel savoir ? De tous les savoirs. Imaginer l'extérieur face éclairée : une gageure, une étape, un relais. Les édifices harmonieux en mal d'immédiateté se découvrent de sous-jacentes et infinies possibilités. Ce qui peut être de suite, ce qui se manque, ce qui sème, ce qui sera ensuite. Le poète accompagne son temps. Vous étiez là et c'était très beau d'être là. Question de confluences ! 

- Merci à Philippe Krümm, Naïma Bounaga-Kaddour, Raphaël James, Sylvain Béguin, Olivier Girard, Christelle Raffaëlli, l'équipe du Musée des Confluences

Photographie : Guy Le Querrec - Magnum (extraite de Sur la Piste de Big Foot - éditions Textuel, 2000)

3.5.22

ALLEN BLAIRMAN

Dans le groupe du pianiste Charles Bell, le batteur Allen Blairman fit équipe avec le contrebassiste Ron Carter ; dans les quintets et trios du pianiste Mal Waldron, il fit corps avec les bassistes Isla Eckinger ou l'ellingtonien Jimmy Woode. Ce Pittsburgher, vétéran discret du nouveau jazz des sixties, s'était installé en Allemagne. Là, on pu l'entendre spécialement dans les disques Enja du vibraphoniste Karl Berger, ou du tromboniste Albert Mangelsdorff. Où plus tard, autre champ, avec le guitariste Biréli Lagrène. 

Mais c'est parce qu'il fut le batteur des fameuses nuits de la Fondation Maeght du saxophoniste Albert Ayler à Saint-Paul de Vence, les 25 et 27 juillet 1970 (dont on parle tant en ce moment avec la superbe édition intégrale en 4 CD chez Elemental Music), pharamineuses envolées testamentaires, que l'on a - parfois - retenu son nom. C'est justice tant ces nuits représentent un des moments les plus rares, les plus espéristes, les plus engageants, les plus dégagés, les plus généreux, les plus anagogiques, les plus terrestres, les plus réconciliateurs, les plus imbattables, de l'histoire du jazz. C'est injuste car on ne saurait réduire la vie d'un être à un seul moment, fut-il le plus beau. À 82 ans, habitant d'un village limitrophe des bop, free, funk, Allen Blairman nous a quittés. Il n'avait cessé de jouer hors des frontières de l'oubli (avec Olaf Schönborn par exemple).

2.5.22

SOUL CALL

Il arrive parfois qu'en écoutant un disque de Duke Ellington, on souhaite que ça ne s'arrête jamais ...