Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

30.3.12

LES BELLES EMPREINTES DE BELLO DUO

Le registre du Bello Duo, formé par le banjoïste Michael Rossetto et le violoncelliste Ethan Sutton énonce dans une infinie douceur une sorte de sentiment libéré qui verrait couleurs et senteurs à l'origine même de l'impression sonore. Couleurs de terre, couleurs de ce ciel que les Dakotas savaient teinté d'eau, couleurs de rocs et de plantes, couleurs de chair, humidités, effluves de petits drames, de sanglots longs, de sourires fins, de quelques inquiétudes, de questionnements paisibles, de séparations, de retrouvailles, de souffles et d'épreuves tactiles, la musique du Bello Duo est affaire de nuance ; la nuance comme témoignage terriblement humain, comme dernière ressource. Elle sait entrer dans l'ombre sans se défaire de la lumière.

Le second set de ce concert au Black Dog, ce jeudi 29 mars commence, par une évocation d'Earl Scruggs qui a passé le banjo à gauche la veille. Michael Rosseto prend soin de présenter ce géant de l'instrument (souvent qualifié de Paganini ou de Coltrane du banjo) et joue son "Home Sweet Home" avec un recueillement d'une secrète délicatesse. Puis viennent deux longues suites, aux bouleversements progressifs, où l'on passe d'une berge à l'autre, de la trace vers les choses, puis leurs disparitions lentes. Là, Bello Duo capte un sentiment infime, imperceptible aux ignorants de leur propre surface, mais primordial pour tous les vivants.


Site du Bello Duo

Photo : B. Zon

22.3.12

ÉLECTION : PIÈGE À IMPROVISATION

Le monde de l'élection présidentielle au suffrage universel, nous disent les médias, a deux types de candidats : les grands et les petits. Attention par petits, on n'entend pas des enfants en bas âge ou des nains, mais des figurants qui donnent au décor son côté super production démocratique. Les grands candidats sont au nombre de deux et ils entendent bien (ainsi que leurs metteurs en scène) que ça reste ainsi. Ils adorent le dépouillement. Leur insulte favorite est de dire que l'autre camp est dans "l'improvisation".

L'Empereur Napoléon IV et ses hommes ne manquent pas une occasion de traiter le prétendant au trône F. de Hollande d"improvisateur" et le futur roi convaincu du parti Sauce à l'eau et sa troupe font de même en accusant l'Empereur d'"improvisation".

Nous serions donc en présence de deux grands improvisateurs, ce qui devrait réjouir les amateurs de jazz (toutes tendances confondues) pour qui l'improvisation (valeur minoritaire) est un capital sacré. Mais seulement voilà, le terme ne semble pas ravir nos deux coqs prétendants à l'élection (adeptes des valeurs majoritaires... valables pour un nombre restreint au capital bien plus sacré) qui y voient plutôt un symptôme de maladie.

La vie de l'amateur de jazz est bien compliquée !!!

20.3.12

DÉBAT SUR LE CNM À MUSIC INFO

Fabien Barontini, Patrice Caratini, tous deux signataire de l'appel des 333 ont débattu avec Daniel Colling (un des quatre experts de la mission d'étude pour la Création d'un Centre National de la Musique). L'entretien a eu lieu dans les locaux de l'Irma pour le magazine Music Info (numéro 537 - mars 2012) et a été conduit par Romain Berrod.

Les buts (non avoués) du CNM, projet sarkozien qu'Hollande aurait plaisir à "reprendre", sont finalement assez transparents dans les paroles de Daniel Colling, moins adroit sans doute que les hommes politiques en charge du dossier, habitués à retourner les gens comme des crêpes (et en la matière, c'est chandeleur tous les jours).
La pétition "Appel des 333 est toujours en ligne et plus que jamais d'actualité.

19.3.12

EMILIE LESBROS ET SES AMIS DU MINNESOTA : ILL CHEMISTRY, NATHAN HANSON ET AUTRES BLACK DOGS



















Le vol New-York Paris d'Emilie Lesbros fit escale dans les Twin Cities (Minneapolis - St Paul). Elle y resta donc quatre jours, le temps d'y déposer sa musique, de s'imprégner de celle de ces peuples lacustres, semer et glaner doucement tout en même temps de splendides lueurs d'unique détermination, d'unique déterminé.

Le Black Dog sera le centre de ces aventures faites d'évocation des sources, de langues inséparables, de poésie sans embuscade, de naissances sans otages.

Jeudi, Emilie joua seule en préambule à la soirée balkanique de Orkestra Bez-Ime et du Yale Slavic Women's Choir, et toucha direct car la danse est pur mouvement, Emilie sait le chanter.

Vendredi après que Todd Harper (piano) avec son nouveau trio The Topical Birds (Corey Grossman au violoncelle et Ricardo Bennett aux percussions) nous rappelèrent par la discrète citation de A Love Supreme qu'il était bien question de cri de ralliement et non de quête spirituelle dépassée, après que Craig Johnson nous fit découvrir, seul au piano, les compositeurs finnois du siècle dernier, après qu'il eut joué Hanns Eisler avec toute la témérité nécessaire à ses pages viennoises, Emilie répondit à l'invitation de Nathan Hanson (saxophones ténor et soprano) pour un duo où d'emblée surgit la note exacte d'un même continent nécessaire. Étreinte ! Art de la courbe comme geste d'amour, dénonciation des ténèbres. Version poignante de "Gloomy Sunday", chanson originellement nommée "La fin du monde" par son compositeur Rezső Seress. Paul Robeson, puis Billie Holliday en donnèrent de poignantes versions, Emilie Lesbros et Nathan Hanson aussi ce 16 mars. Quelque chose de très puissant, débarrassé de tous contours - l'humanité en question - passa dans la salle à ce moment-là. Unique et déterminé ! Le duo invita Desdamona présente au Chien Noir à se joindre à eux. Elle delivra un de ses poèmes : "A small liberation". On ne saurait mieux qualifier l'état de conscience à la fin de ce set, empreint peut être aussi des peintures de l'Ojibway Frank Big Bear vues l'après-midi à la Bockley Gallery de Minneapolis.

Dimanche, retrouvailles avec Ill Chemistry et félicité à tous les étages, le genre de moment où tout flotte pour le mieux. La musique, elle, flotta de son plus beau visage de vivant. Le solo d'Emilie incarna une belle apparence d'un infini tactile : une perle. Desdamona distribua ensuite des affiches du festival Sons d'Hiver, disant toute l'importance de ce festival. L'histoire sans cesse. Ill Chemistry déploya ses pulsations, rejoignant en tous points, avec son énergie propre, le chant d'Emilie autant que les aspirations de la salle. Desdamona sait toujours rappeler ce que l'on doit aux femmes. Les Veterans for Peace prenaient pendant ce temps là, à l'autre bout de la salle leur premier dîner après un jeûne de protestation (et cette association d'anciens combattants résolument opposée à la guerre sait de quoi il s'agit). Quelqu'un a dit "Communion complète" ? Nathan Hanson, présent dans la salle fut tout naturellement appelé avec son soprano (il faudra bien dire à un moment quel soprano est Nathan Hanson), ainsi qu'Emilie pour un quartet final (personne ne voulait que ça s'arrête) d'une densité jouissive. Les toiles de Luke Hillestad s'animaient déjà depuis un bout de temps aux fameux rythmes de Carnage the Executioner. La bonne musique peut faire croire à tous les changements. Il ne tient qu'à nous pour la suite. Plus tard, alors que les conversations allaient bon train, sur le trottoir, Willie Murphy - spectateur régulier de ces soirées - entama (sous les yeux émerveillés d'Emel Sherzad) un duo a capela avec Emilie : un extrait commenté de "Sophisticated Lady". Les rêveurs peuvent prendre la vie en charge.









































































































































Photos : B. Zon


Les terrains d'entente d'Ill Chemistry et Emilie Lesbros

10.3.12

AVEC LE TEMPS... MOEBIUS

Tony Hymas avec Hélène Labarrière et Mark Sanders s'étaient produits lors de la rétrospective -rencontre "Moebius et le Cinéma" organisée au Cinéma des Cinéastes à l'initiative de Franck Bruneau le 20 octobre 2000. "Un très bon souvenir" comme l'écrivait, en multipliant la formule à l'infini, la contrebassiste du trio quelques temps plus tard. Le concert s'était terminé par une interprétation très intérieure de "Avec le temps" de Léo Ferré, thème cher au pianiste et au créateur de Blueberry.

Un peu plus de deux années plus tard, le mardi 28 janvier 2003 à l' Espace Jean Vilar d'Arcueil pour le festival Sons d'Hiver, "Avec le temps" devint le thème de référence d'un quartet unique : Moebius-Tony Hymas-Hélène Labarrière-Paul Clarvis... l'image ci-dessus est extraite de la répétition de l'après-midi.

Le 2 mars, Charles de Saint-André écrivait sur Citizen Jazz à propos de ce concert :

"Le dessinateur Moebius a fait quelques couvertures des disques du pianiste, il a émis son envie de dessiner comme le trio improvise, conclusion triviale : l’organisation d’un concert s’impose ! Ce fut chose faite et ce pendant une petite heure. Une musique ouverte, aux teintes modernes de l’improvisation libre, parfois impressionniste et une seule mélodie « Avec le temps » vite énoncée. C’est extrêmement bien vu de la part du trio de Tony Hymas de ne pas avoir produit une musique qui se prêterait à l’illustration, à un sujet, et de laisser Moebius interpréter librement les atmosphères proposées. Par moment il a suivi la musique (par point rythmique, par courbe mélodique), mais l’essentiel n’était pas là.

Le trait est devenu au même titre de la musique improvisée, une trace éphémère de l’instant et l’ensemble (Moebius a proposé en tout 4 dessins, dont un très fugitif dont il ne semblait pas satisfait) un résultat saisissant, figé, du temps des différents morceaux.
On voit pendant tout le concert la mutation de la représentation de Moebius. Abstraite dans l’ensemble, il retravaille par couches successives et se fixant sur des détails.
Ce qu’on croit voir un instant se transforme sans cesse : une sorte de citron, puis une amande bleue qui devient un système planétaire, puis un être couché vite rattaché à un autre être ! Autre exemple, le dessin final présenta deux zones sur lesquelles Moebius est revenu plusieurs fois, une faite de forme en volume rouge, verte et bleue proche des délires du monde d’Edena et une autre dans laquelle je vis tour à tour un masque africain, une tête d’indigène effrayante, une trace laissée sur un linceul et pour finir un visage recueilli..."

Deux courts moments intenses et partagées dans l'œuvre immense de ce géant de la bande-dessinée, ce grand inspirateur pour nombre d'entre nous, qui avait tant de façons de jouer avec le temps... Avec le temps, Moebius est pourtant parti... ce matin. La nouvelle est abrupte.


Citizen Jazz du 2 mars

7.3.12

J'ARRÊTE LES AFFRANCHIS

Extrait de l'émission Les Affranchis sur France Inter le 6 mars 2012 :
Isabelle Giordano : "Il y a Richard Lornac qui vous accompagne, ne vous inquiétez pas"
Jean Reno : "Il y a un côté euh... comment il s'appelle ce pianiste de Cologne, j'ai oublié le nom... Keith quelque chose..."
Isabelle Giordano : "Keith Richard !"
Une autre voix plus bas souffle : "Keith Jarrett"
Isabelle Giordano : "Keith Jarrett ! Keith Jarrett !"
Jean Reno : "Merci beaucoup, le concert de 1972, il y a un morceau..."

Amie lectrice, ami lecteur quelle est l'erreur la plus grande :
- Celle de la journaliste qui confond le guitariste des Rolling Stones avec le pianiste du quartet de Charles Lloyd ?
- ou celle de l'acteur à qui Richard Lornac rappelle Keith Jarrett ?

À moins que tous aient été perturbés par les lointaines effluves de l'eau de Cologne Kiss for Men. En tous les cas, nous n'avons pas trace d'un concert de Kiss à Cologne, ou du moins pas de photo de Robert Doisneau pour le prouver.

Image : Le baiser par Man Ray