Enfants d'Espagne

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10.3.12

AVEC LE TEMPS... MOEBIUS

Tony Hymas avec Hélène Labarrière et Mark Sanders s'étaient produits lors de la rétrospective -rencontre "Moebius et le Cinéma" organisée au Cinéma des Cinéastes à l'initiative de Franck Bruneau le 20 octobre 2000. "Un très bon souvenir" comme l'écrivait, en multipliant la formule à l'infini, la contrebassiste du trio quelques temps plus tard. Le concert s'était terminé par une interprétation très intérieure de "Avec le temps" de Léo Ferré, thème cher au pianiste et au créateur de Blueberry.

Un peu plus de deux années plus tard, le mardi 28 janvier 2003 à l' Espace Jean Vilar d'Arcueil pour le festival Sons d'Hiver, "Avec le temps" devint le thème de référence d'un quartet unique : Moebius-Tony Hymas-Hélène Labarrière-Paul Clarvis... l'image ci-dessus est extraite de la répétition de l'après-midi.

Le 2 mars, Charles de Saint-André écrivait sur Citizen Jazz à propos de ce concert :

"Le dessinateur Moebius a fait quelques couvertures des disques du pianiste, il a émis son envie de dessiner comme le trio improvise, conclusion triviale : l’organisation d’un concert s’impose ! Ce fut chose faite et ce pendant une petite heure. Une musique ouverte, aux teintes modernes de l’improvisation libre, parfois impressionniste et une seule mélodie « Avec le temps » vite énoncée. C’est extrêmement bien vu de la part du trio de Tony Hymas de ne pas avoir produit une musique qui se prêterait à l’illustration, à un sujet, et de laisser Moebius interpréter librement les atmosphères proposées. Par moment il a suivi la musique (par point rythmique, par courbe mélodique), mais l’essentiel n’était pas là.

Le trait est devenu au même titre de la musique improvisée, une trace éphémère de l’instant et l’ensemble (Moebius a proposé en tout 4 dessins, dont un très fugitif dont il ne semblait pas satisfait) un résultat saisissant, figé, du temps des différents morceaux.
On voit pendant tout le concert la mutation de la représentation de Moebius. Abstraite dans l’ensemble, il retravaille par couches successives et se fixant sur des détails.
Ce qu’on croit voir un instant se transforme sans cesse : une sorte de citron, puis une amande bleue qui devient un système planétaire, puis un être couché vite rattaché à un autre être ! Autre exemple, le dessin final présenta deux zones sur lesquelles Moebius est revenu plusieurs fois, une faite de forme en volume rouge, verte et bleue proche des délires du monde d’Edena et une autre dans laquelle je vis tour à tour un masque africain, une tête d’indigène effrayante, une trace laissée sur un linceul et pour finir un visage recueilli..."

Deux courts moments intenses et partagées dans l'œuvre immense de ce géant de la bande-dessinée, ce grand inspirateur pour nombre d'entre nous, qui avait tant de façons de jouer avec le temps... Avec le temps, Moebius est pourtant parti... ce matin. La nouvelle est abrupte.


Citizen Jazz du 2 mars

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