We shall not be moved
par Stéphane Cattaneo
Hier, en plein après-midi et soudainement, je me suis rendu compte que j’allais mourir, ce qui m’a rendu très triste.
Bien
sûr, j’avais déjà en tête depuis un bout de temps que mon existence
n’allait pas durer éternellement, mais ce moment était différent, et
intense : j’ai
véritablement ressenti par anticipation ma disparition définitive,
aussi lointainement que cet évènement puisse survenir, et cela m’a
plongé dans un état de détresse peu commun. C’était au lendemain du
concert d’Ursus Minor auquel j’avais assisté mercredi à Nantes,
accompagné d’une fine équipe de La Roche Bernard, une délégation
devrais-je dire, dont tous les membres ont la particularité de
participer à leur manière et quotidiennement à l’embellissement du
monde. Tout allait bien, tout allait même très bien, d’ailleurs je peux
dire que tout allait pour le mieux en fin de compte : je me repassais,
peinard, le film de la veille, cet ensemble d’images et de sons
constituant les beaux souvenirs de la soirée passée en compagnie de ces
musiciens et amis qui, non contents d’apporter du plaisir n’hésitent pas
à véhiculer des messages qui font sens et éveillent la conscience. Par
exemple, une séquence
particulière passait en boucle plus que les autres dans mon cerveau
envahi par la mélancolie : à la fin du concert, Ada Dyer a entonné la
fameuse chanson « We Shall Not Be Moved », reprise par tous ses
camarades de scène, puis par la salle. Cette chanson emblématique de la
lutte pour les droits civiques des années ’60 aux USA, après avoir été
utilisée par le mouvement ouvrier des années ’30 et vraisemblablement
écrite au temps maudit de l’esclavage, se compose d’une structure
répétitive, qui par sa simplicité même favorise l’unisson de la foule
qui en interprète les paroles et le refrain, et constitue son unité ; la
version qui nous fut chantée comprenait un dernier couplet ajouté pour
la circonstance, dans lequel on pouvait entendre :
"Notre-Dame-des-Landes, we shall not be moved" (1), si bien que le moment
m'avait paru idéal pour déployer une banderole que j’avais peinte dans
la journée et sur laquelle
on pouvait lire « La ZAD est partout ! ». Ce fut fait promptement,
malgré la vigilance d’un type au talkie-walkie qui demanda à mon
accompagnatrice dans cette action limpide (Christelle Raffaëlli herself)
ce que pouvait bien signifier le terme « ZAD ». « Zone à Danser (2) » lui
fut-il répondu, ce qui parut le rassurer. Quant à moi, ça ne me paraît
pas dénué de cohérence.
Je
dirais même mieux : à bien y repenser, je ne vois pas pourquoi je
resterais plongé dans un état mélancolique, alors qu’il y a tant
d’expérience à vivre, tant d’émotions à éprouver, tant de beauté à
partager. Vous savez quoi ? Je vais écouter illico leur disque intitulé
Nucular : ça va me relancer !
(1) Le groupe joua également "Zad Song" de Tony Hymas et Desdamona et "Notre Dame des Oiseaux de Fer" du Hamon Martin Quintet et Sylvain Girault. Sylvain, Erwan, Mathieu et Erwan étaient dans la salle, jouer le morceau en leur présence constitua une belle émotion. Nous espérons les revoir bientôt, un peu frustrés de ne pas prolonger la fête plus tard avec eux (la musique existe après la musique et il est dommage que la structure des lieux modernes ne le conçoive pas)
(2) François Corneloup au début du concert avait choisi cet intitulé pour décrire le programme
Photo scène : X
Photo banderole : François Corneloup
Merci à Wilfried, Guillaume, Eddie, Anne et Julie pour leur belle aide tout au long de la journée.
Merci à Wilfried, Guillaume, Eddie, Anne et Julie pour leur belle aide tout au long de la journée.
1 commentaire:
Merci à Ursus Minor et à Desdamona
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