Mon concert d'Ursus Minor à Bordeaux
par Julia Robin
Ursus Minor, est une grande réunion . Humaine : des hommes, des femmes, des blancs, des noirs, les musiciens, et les gens qui gravitent autour d'eux...
Géographique aussi : Oakland, Minneapolis, New York, Londres, Bordeaux et Port au Prince, réuni dans une unité de lieu (la scène), et de temps (le concert).
Et surtout musicale : le hip hop de Desdamona, la soul de Ada, le rock du jeune Grego, le jazz, avec Tony et François, et même le classique.
Mais dire qu' Ursus Minor serait un simple patchwork, dans lequel chacun amène sa touche serait réducteur. Ursus Minor est plus que ça. C'est une synthèse où chaque particularité a la place de s'exprimer pleinement, et jamais au dépend des autres. Où la tradition et la modernité se rencontrent sans heurt pour nous offrir un genre d'objet musical non identifié. Et ça fait du bien de temps en temps, de ne pas pouvoir mettre d'étiquette !
Cette synthèse s'exprime sur scène bien sûr, mais à côté aussi. C'est peut être même dans ces « à côtés » que le groupe trouve sa cohérence, car ils sont faits de beaucoup de respect et d'attention des uns envers les autres, de franches rigolades, et de réflexions historiques, linguistiques, politiques, artistiques, évidemment, qui viennent nourrir les discussions sur la route. La relation humaine, est, me semble-t-il constamment au centre du jeu, et Jean, 5ème Beatle d'Ursus Minor, n'y est pas pour rien.
En attendant que le concert démarre, je suis supendue à l’espoir que le public saura se faire un chemin au travers de ces multiples téléscopages musicaux.
De jeunes demoiselles du quartier sont venues saluer leur amie américaine Desdamona, rencontrée lors d'une tournée il y a quelques mois avec Ill Chemistry au même Rocher de Palmer... Elles ont 13 ans, applaudissent et parlent parce qu'elles en ont envie, quand elles en ont envie, loin, si loin des sacrosaints codes des applaudissements du concert de jazz consacré. Elle sont tellement déçues de repartir avant la fin du show, car « c'est l'heure de rentrer »... Le lien est établi, elles reviendront !
L'image que je garderai de ce concert sera celle de Grego... Ce jeune gars ne parle pas trop dans les loges. Timide ? Je ne crois pas... Réservé ? Je ne sais pas... certainement la barrière de la langue, et probablement aussi celle de l'âge, et de la culture... Mais sur scène ! il vient se planter devant, avec son baggy, ses grosses baskets, et un chapelet en sautoir. Sans posture, simplement, il lève ses yeux mordorés de sa guitare s'adresse à quelqu'un dans les airs. Je crois que son père est pasteur... Peut être est-ce sa prière ? Un prière païenne alors !... Ce qu'il décide de lui dire à cet instant vient de loin, de très loin. Ca parle du blues, ça part de 3 notes, ça passe chez Hendrix, ça fait un détour chez Tom Morello, et ça vous ramène ici et maintenant, à votre furieuse envie d'aller plus souvent écouter des concerts avec de la guitare électrique.
Pour le reste, la magie Ursus Minor opère : Corneloup emmène les oiseaux de fer de Notre Dame des Landes à son point ultime d'incandescence, Desdamona nous asseoit en nous racontant l'histoire de sa Miss America, nous prenons une leçon sur l'anarchisme avec Ada qui nous chante les mots de Lucy Parsons. Même Tony chante (je noterai au passage que ce programme avec les 2 chanteuses fait la part belle au clavier de Tony, qui est toujours un liant magnifique dans ce groupe sans basse, mais qui a là, plus de place pour s'exprimer pianistiquement parlant!) et Patrick DOrcean, nouvel arrivant dans la famille, a une présence sereine et généreuse qui pose tout l'orchestre.
Le public, comme je l'espérais, est reparti conquis.
Dans les loges, l'ambiance est joyeuse : nous nous trouvons réuni pour un ultime "We Shall Not Be Moved", morceau mascotte de cette tournée des 10 ans, et nous quittons un peu plus riches d'un moment partagé.
Ada Dyer in the Ursus Minor Green Room "We Shall Not be Moved"
Photo : François Corneloup et son instamatic
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