Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

26.9.13

VALSE INDIENNE


Will Sampson, acteur Creek, inoubliable dans Vol au dessus d'un nid de coucou  de Milos Forman

Le cinéma est-il l'Amérique ? En Amérique on ne voit pas les Indiens (on ne sait pas les voir, on ne veut pas les voir), au cinéma non plus. Même les films sympathiques leur donnent rarement le rôle essentiel (mettons Soldat Bleu, Little Big Man, Danse avec les loups). Le « soutien » missionnaire de l'acteur blanc (de renom) reste indispensable (pour la banque aussi). Le sauveur est alors interprété par Kevin Costner ou Dustin Hoffman. Dans l'ancien temps relatif, les premiers rôles indiens étaient joués par des acteurs hollywoodiens plus ou moins grimés (teintés) tels Chuck Connors, Boris Karloff, Jeff Chandler, Burt Lancaster, Michael Ansara, Charles Bronson, Victor Jory ou même Elvis Presley ou encore, pour faire plus coloré, par des latinos comme Anthony Quinn, Ricardo Montalban, Gilbert Roland, Joaquín Martinez. Et comme le minstrel show must go on, dans la récente production Disney (compagnie réputée pour ne faire aucun cas des protestations et critiques indiennes) The Lone Ranger  - remake cinématographique de la très américaine série radio des années 30, elle même adaptée à la télévision dans les années 50 - le rôle du Comanche Tonto (qui veut dire idiot en Espagnol) est joué de façon grotesque par Johnny Depp.   

Lorsqu’un réalisateur français comme Arnaud Desplechin s’attache à l’adaptation de Psychothérapie d'un indien des plaines: réalités et rêve du psychanalyste-anthropologue Georges Devereux, on pourrait sans trop d’efforts imaginer sortir de cette macabre farce coloniale. Non, la dictature du cinéma est musclée. Dans son film intitulé Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des Plaines), l’indien des plaines en question (un Blackfoot) est joué par le Portoricain naturalisé Espagnol Benicio Del Toro. Nécessité de vedette ? Distance aveuglée ? Impératif de production (la banque aussi) ? Le film, sensible de ses qualités, ne peut tout à fait atteindre son but – même si Benicio Del Toro s’applique -  et cette impuissance se niche précisément dans ce déni d’existence. Gary Farmer* (le vrai grand rôle du Dead Man de Jim Jarmusch), réduit dans ce long métrage aux utilités, aurait pu endosser ce rôle en plénitude. Les grands acteurs indiens ne manquent pas. Hollywood les ignore entraînant le reste du monde.

Il est d’autres domaines que le cinéma où il est plus simple d’échanger les rôles,
il n’est par exemple plus besoin d’un fasciste pour dire tout haut des saletés racistes à propos des Roms, autre peuple délibérément inconnu, un ministre de l'intérieur socialiste fait parfaitement l'affaire. 

*À propos de Gary Farmer sur le Glob
Aussi sur le Glob : Jean-Luc Godard et les indiens

20.9.13

LE RETOUR DES FANTASTIC MERLINS
AU BLACK DOG PAR SARA REMKE


Les Fantastic Merlins* (après une retraite de deux années) fêtaient leur retour au Black Dog le 16 septembre où on pourra les entendre chaque troisième lundi de chaque mois. Impressions en direct par Sara Remke, la fée du lieu.

verdant green and blue
 fabrics colored the stage
conjuring circles of
irregular heartbeats
if you listen
the drum quiets and pulls you away
from the chatty game players obsessed
with pegs the brushes
searched for a beat
elongated of high pitched saxophone notes
tempted the bass but kept
the soldiers field
beat on time
vibrations whispered
were there for the asking
or listening
Sara Remke le 16 septembre 2013 

verdoyant vert et bleu
tissus colorant la scène
cercles conjurants
de battements de cœur irréguliers
si vous écoutez
la batterie les apaise et vous éloigne
des bavardages de joueurs attablés
chevillés
les balais fouillent un battement
allongeant les notes haut perchées du saxophone
qui tentent la basse
elle protège le champ des soldats
bat le temps
vibrations chuchotées
sont là pour demander
ou écouter

Traduit par : Léon Élan 
Photo : Don Twantmynem 

* Nathan Hanson : saxophones, Brian Roessler : bass, Pete Hennig : batterie

CITATION EXTRAITE DE" BERNARD VITET MÉMOIRE D'UN DILETTANTE"

"Je pense que la musique, c'est l'art du temps. Et le temps, c'est la mort..."



Bernard Vitet interviewé par Jean-Jacques Birgé in Les Allumés du Jazz 

Photo : B.Zon

16.9.13

HYMN FOR HER
AU BLACK DOG


Dimanche 15 septembre, le Black Dog (St Paul - Minnesota) était resté ouvert pour accueillir une paire de baladins musicaux venus de loin : le duo Hymn for Her. La pratique du groupe, son éclat, se fonde dans le voyage. Tous deux sillonnent en voiture automobile les États-Unis d'Amérique du Nord, d'Est en Ouest, affrontant toutes les nécessités du zig zag, en découvrant toutes les ressources, les plaisirs, en éprouvant toute l'ampleur. Leur musique a le son immédiat du voyage et par là-même n'est jamais étrangère, elle sait survivre. Lucy Tight joue du banjo, d'une petite guitare et de cette fabrication maison avec boîte à cigare, manche et cordes, sorte de guitare électrique primitive d'avant ou après la crise (peu importe l'année) ; Wayne Waxing joue de ce même instrument ou d'une guitare acoustique (électrifiée) doublée d'harmonica en s'accompagnant d'une grosse caisse et de cymbales charleyston. Tous les deux chantent. Tous les deux content des histoires de personnes, d'animaux, de situations, d'Amérique voilée ou dévoilée, d'airs courants et de courants d'air. La densité frappe, l'intensité aussi. Cette musique de voyage, où rien ne se perd, argileuse, sait que les chemins vont souvent plus vite que les voyageurs et c'est bien là l'essentiel, là que l'harmonie défie la rudesse. Diver, la petite enfant de Lucy et Wayne viendra, pleine d'appétit tropical, le temps d'un titre, pousser la chansonnette -absolument charmante- avec ses parents. En un peu moins de deux heures, le tandem Hymn for her a partagé un désir de paroles et de sons magnifiquement signé laissant entrevoir furtivement le sourire d'une ère plus libre.

Hymn for her a enregistré trois albums :
Year of the golden pig (2008)
Lucy and Wayne and the Amairican Stream (2010)
Smokin' Flames (2013)

Le site d'Hymn for Her

Photo : B. Zon

14.9.13

LA LUEUR PRÉCIEUSE
DE MERCILESS GHOST


L'étoile sévit là où les damnés s'étreignent, sans taquiner l'entier éclairage qu'un cœur seul peut offrir.

(Merciless Ghost - George Cartwright: saxes, Josh Granowski: basse, Davu Seru : batterie - au Black Dog le vendredi 13 septembre 2013)

Photo : B. Zon

11.9.13

WILLIE MURPHY AU BLACK DOG
LE 30 AOÛT

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Vendredi 30 août au Black Dog (St Paul Minnesota) 
le blues de Willie Murphy s’incarnait en une sorte de rouge, 
éclats clairvoyants de relations fondamentales, 
de visions déchirantes, 
d’équilibres naturels, 
de possibilités d’avenir.

10.9.13

LES BLUEGRASS BANDITS AU BLACK DOG

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Le jeu de musique des Bluegrass Bandits (Pete Hennig, Shane Akers et Neil Powell) est fait de tendres preuves, de la poussière des chemins, de la lucidité des blessures, elle prend soin des hommes.


Photo : B. Zon (The Blue Grass Bandits au Black Dog le 9 septembre)

8.9.13

DAVU SERU & FRIENDS

Davu Seru, le lendemain de son désormais classique (et immanquable) duo avec Dean Magraw, les premiers mardi du Black Dog (St Paul - Minnesota), avait réuni au même endroit, le 4 septembre, un orchestre aux contours prévenants réunissant sous minutieuse enseigne "and Friends" les souffleurs Nathan Hanson et Pat O'Keefe, le contrebassiste Brian Roessler et le percussionniste Marc Anderson. L'impromptu est infaillible ! En un set de trois morceaux, puis un second fait d'une suite unique, le batteur et ses amis ont en cœur, alternativement, bâti et libéré un édifice dont l'intime complexité se loge en un effet de ravissement inscrivant ses pas dans l'histoire. Ici le rythme c'est le sens même, ce qui a été confisqué trop longtemps à l'homme en une violente humiliation. L'infinie complexité du commentaire passe forcément par la danse, rapport au réel intercontinental, à la chance, au bonheur, à la fin de la guerre. Les trois pièces de la première partie donnent toutes trois à entendre le jeu perçant du rythme chez Davu Seru : régulier, tourmenté, envolé, en éclat brusque ; le temps fuse à travers la basse de Brian Roessler, relais manifeste, quête de résonance pour l'autre ; Marc Anderson complète, très près, sans grands effets, mais en une tumultueuse unité ; des saxophones et clarinettes de Nathan Hanson et Pat O'Keefe, incarnations de deux traditions distinctes aux compléments d'objet non direct (où l'union intime passe forcément par le chant) jaillit la parole poétique. Le second set de cette soirée mémorable évoque Steve Lacy en un temps d'entrelacs. Les cinq hommes dégagent une telle souplesse, une telle urgence, une telle sérénité que leur expression se fait extraordinairement salvatrice, elle se détache et nous libère.

Photos : B. Zon