Samedi 17 novembre, Paris, de la place de la République à celle de la Nation, manifestation lycéenne contre "la chasse aux immigrés" par "l'état, les flics et les fachos", "les députés qui se branlent toute la journée" selon les slogans. Ici antifascisme et antiracisme n'étaient pas des simagrées salonardes de bourgeois offensés par ce que leur confort et leur paresse engendrent eux-mêmes, mais bien la manifestation fraternelle de jeunes gens (invitant leurs aînés) à la compréhension des vices profonds et des sales tours de passe-passe de cette société. Leur sens de la résistance, de la générosité et leur l'intelligence non récupérée permettent tous les espoirs.
Sur le Glob :
Citoyens issus de l'indignation
Photo : B. Zon
Salut les ours !
Salut les chats !
Salut les bisons !
Salut les oiseaux !
Salut les tortues !
Salut les baleines !
Salut les pingouins !
Doucement les castors !
Enfants d'Espagne
17.11.13
14.11.13
(APRÈS GODARD)
STEPHAN OLIVA JOUE DEAD MAN
Grâce à l'exemplaire persistance rétinienne et la qualité d'écoute du producteur et complice Philippe Ghielmetti (disques Illusions), Stéphan Oliva poursuit le partage de son amour pour le cinématographe. Hier soir il jouait au club parisien le Sunside de libres variations sur les musiques empruntées aux dénouements filmés de Jean-Luc Godard, échos de son très bel album tout neuf Vaguement Godard. Chaque vague apporte son lot de plaisirs, de douleurs, de couleurs et de questions liées et la mer en relie les crêtes en fondements. Stéphan Oliva a saisi cette sorte de romantisme suspendu, composante parfois un peu secrète de l'univers complexe du cinéaste. Il y promène librement sa lanterne, trace d'une fort personnelle gamme de couleurs l'engouement et les humeurs.
Premier rappel : quelque chose de plus puissant encore - courageux - se produit, Oliva livre sa vision de la musique composée par Neil Young pour le film de Jim Jarmusch Dead Man (avec Gary Farmer), il pénètre par une insolite faille de la raison, l'étrange espace d'arbres et de peuples que l'on ne sait plus voir. À cet instant le pianiste nous entraîne en cette dérive fascinante de chants multiples, de lendemains insaisissables. Il convie le plus fort de notre préhension de corps et d'âme, de souhaits, de conscience, d'images rêvées. Il joue alors une musique de grande humanité.
• Le disque Vaguement Godard de Stéphan Oliva se procure ici
Photo B. Zon
Premier rappel : quelque chose de plus puissant encore - courageux - se produit, Oliva livre sa vision de la musique composée par Neil Young pour le film de Jim Jarmusch Dead Man (avec Gary Farmer), il pénètre par une insolite faille de la raison, l'étrange espace d'arbres et de peuples que l'on ne sait plus voir. À cet instant le pianiste nous entraîne en cette dérive fascinante de chants multiples, de lendemains insaisissables. Il convie le plus fort de notre préhension de corps et d'âme, de souhaits, de conscience, d'images rêvées. Il joue alors une musique de grande humanité.
• Le disque Vaguement Godard de Stéphan Oliva se procure ici
Photo B. Zon
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2.11.13
MON CLASSEMENT CHEZ LES MARIONNETTISTES
L’obsession médiatique des classements, des podiums, des médailles et des modèles infaillibles en guise de libre pensée entraîne une dégringolade de la réflexion autonome et sensible de plus en plus affligeante. On a remplacé les hit parades et autres top 50 bidonnés de la domination industrielle et culturelle par une version encore plus vile puisqu'elle se fonde (comme l’élection présidentielle) sur une complète illusion de démocratie et qu’elle concourt elle-même à sa propre geôle intellectuelle (doublée d'une cynique régulation du marché : l'offre en apparence grande conduit à toujours acheter la même chose). Exemple du jour, sur le site Allociné, sans blaguer, les trois meilleurs films de tous les temps selon les spectateurs sont 1) « Django Unchained », 2) « Intouchables » et 3) « Forrest Gump » et selon les critiques, qui se la jouent cultivés et hautains, pompeusement parés de leur airbag anti-risques : 1) « Le dictateur », 2) « Le Mécano de la Général » et 3) « Les moissons du ciel ». Le choix, au hasard, de « Mon curé chez les nudistes » aurait eu l'avantage de nous étonner davantage (et nous aider à penser plus sainement).
1.11.13
LE CURÉ DE CAMARET ET LES REVENANTS DE LA TOUSSAINT
Plaintes longues et obstinées revêtent leurs costumes de métaphore. La parole n'est plus guère et la guerre est sans parole. Aujourd'hui, c'est la Toussaint, moment d'indiscrétion pour quelques revenants de la libre parole, celle dont le cours est largement à la baisse.
Cet été, pendant le festival de Livioù où parole et musique allaient bon train, en regardant de l'autre côté de la mer, nous étions quelques-uns à chercher l'origine de la chanson "Le curé de Camaret" revenant immanquablement à l'esprit, à la lecture d'une carte de géographie. Après quelques recherches, il apparaît (grâce aux archives du tribunal de Quimper) qu'elle pourrait être l'œuvre du poète libertaire Laurent Tailhade, copain de Verlaine, Bruant, Mirbeau et Vallotton. Tailhade, à l'époque champion du parler cru, s'était fait remarquer lors de sa défense d'Auguste Vaillant, futur guillotiné, condamné pour avoir lancé une bombe au Palais Bourbon le 9 décembre 1893 faisant une cinquantaine de blessés légers (parmi lesquels l'Abbé Lémire, père couillu d'une des stupéfiantes bizarreries du XXème siècle : la démocratie chrétienne). Il avait eu ces paroles : « Qu'importe de vagues humanités pourvu que le geste soit beau ! ».
Zola, à l'instar d'une bonne partie de la gent intellectuelle française, se montra un brin lâche lors de la Commune de Paris. Il tira un peu inélégamment la couverture à lui dans l'affaire Dreyfus en pompant largement L'Affaire Dreyfus – Une erreur judiciaire, écrit par le premier dreyfusard, l'anarchiste Barnard Lazare, ouvrage se terminant par un "J'accuse" devenu, deux ans après, par la plume de Zola, instantanément aussi célèbre qu'"I have a dream" du pasteur King. Mais il faut reconnaître à l'auteur talentueux de La Curée (qui ne fut pas écrite à Camaret) le courage de sa défense de Tailhade lors du procès de ce dernier pour avoir signé dans Le Libertaire un virulent article contre le Tsar Nicolas II en visite officielle en France. Tailhade, également fervent dreyfusard, lut en retour l’éloge panégyrique lors des funérailles de l'écrivain naturaliste.
Laurent Tailhade, aimait la mer, mais pas les bondieuseries courantes en Bretagne. Il passait chaque année ses vacances avec sa femme et ses amis à Camaret-sur-mer et le 15 août 1903, au passage de la procession de la fête de la vierge Marie sous les fenêtres de l'Hôtel de France où il résidait, plaça son pot de chambre sur le rebord de la fenêtre. Quelques jours plus tard, le 28 août, près de 2000 bons chrétiens firent le siège de l'Hôtel de France aux cris de « À mort Tailhade ! À l'eau l'anarchiste ! ». Cela dura jusqu'à l'intervention de la maréchaussée à 3 heures du matin pour empêcher le lynchage de Tailhade, de sa femme et de son ami peintre qui se verront expulsés de Camaret sous les huées. Ils trouvèrent refuge à Morgat, port sardinier au fond de la Baie de Douarnenez, dans le Finistère. En septembre, quelques fidèles reconnaissant le poète tentèrent de le mettre à l'eau. Le rancunier recteur Le Bras, curé de Camaret, déposera plainte à la suite de la publication d'un article dénonçant l'emprise des prêtres sur le peuple. Tailhade aussi (une chanson contre son épouse circulait à Camaret). L'audience houleuse eut lieu à Quimper. Le poète fut acquitté et le curé se vit adresser une remontrance du tribunal. La chanson "Le curé de Camaret", à la mélodie indéniablement envoûtante (il existe aussi des variantes apocryphes peu heureuses des paroles initiales), serait une vengeance vite torchée, ayant largement assis sa popularité (et ironiquement celle de la ville de Camaret) depuis lors dans nombres de noces et banquets suivant la messe.
«Les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d’eux» avait écrit René Char. Les ânes républicains (dans la chanson le curé aux couilles pendantes en possédait un) et les obscurantistes de tous poils avec leurs déguisements divers - du très branché high-tech à celui de l'imbécilité d'une ancestrale inquisition raciste dont on n'aurait jamais pu imaginer un si grotesque retour) perfectionnent sans cesse leurs façons de tenter de faire taire les mots. En vain peut-être ! Les mots sauront encore et encore échapper - parfois de justesse - au feu et aux asiles... à condition de continuer à les aimer pour ce qu'ils sculptent de la vérité et du témoignage de la profondeur des rêves.
Cet été, pendant le festival de Livioù où parole et musique allaient bon train, en regardant de l'autre côté de la mer, nous étions quelques-uns à chercher l'origine de la chanson "Le curé de Camaret" revenant immanquablement à l'esprit, à la lecture d'une carte de géographie. Après quelques recherches, il apparaît (grâce aux archives du tribunal de Quimper) qu'elle pourrait être l'œuvre du poète libertaire Laurent Tailhade, copain de Verlaine, Bruant, Mirbeau et Vallotton. Tailhade, à l'époque champion du parler cru, s'était fait remarquer lors de sa défense d'Auguste Vaillant, futur guillotiné, condamné pour avoir lancé une bombe au Palais Bourbon le 9 décembre 1893 faisant une cinquantaine de blessés légers (parmi lesquels l'Abbé Lémire, père couillu d'une des stupéfiantes bizarreries du XXème siècle : la démocratie chrétienne). Il avait eu ces paroles : « Qu'importe de vagues humanités pourvu que le geste soit beau ! ».
Zola, à l'instar d'une bonne partie de la gent intellectuelle française, se montra un brin lâche lors de la Commune de Paris. Il tira un peu inélégamment la couverture à lui dans l'affaire Dreyfus en pompant largement L'Affaire Dreyfus – Une erreur judiciaire, écrit par le premier dreyfusard, l'anarchiste Barnard Lazare, ouvrage se terminant par un "J'accuse" devenu, deux ans après, par la plume de Zola, instantanément aussi célèbre qu'"I have a dream" du pasteur King. Mais il faut reconnaître à l'auteur talentueux de La Curée (qui ne fut pas écrite à Camaret) le courage de sa défense de Tailhade lors du procès de ce dernier pour avoir signé dans Le Libertaire un virulent article contre le Tsar Nicolas II en visite officielle en France. Tailhade, également fervent dreyfusard, lut en retour l’éloge panégyrique lors des funérailles de l'écrivain naturaliste.
Laurent Tailhade, aimait la mer, mais pas les bondieuseries courantes en Bretagne. Il passait chaque année ses vacances avec sa femme et ses amis à Camaret-sur-mer et le 15 août 1903, au passage de la procession de la fête de la vierge Marie sous les fenêtres de l'Hôtel de France où il résidait, plaça son pot de chambre sur le rebord de la fenêtre. Quelques jours plus tard, le 28 août, près de 2000 bons chrétiens firent le siège de l'Hôtel de France aux cris de « À mort Tailhade ! À l'eau l'anarchiste ! ». Cela dura jusqu'à l'intervention de la maréchaussée à 3 heures du matin pour empêcher le lynchage de Tailhade, de sa femme et de son ami peintre qui se verront expulsés de Camaret sous les huées. Ils trouvèrent refuge à Morgat, port sardinier au fond de la Baie de Douarnenez, dans le Finistère. En septembre, quelques fidèles reconnaissant le poète tentèrent de le mettre à l'eau. Le rancunier recteur Le Bras, curé de Camaret, déposera plainte à la suite de la publication d'un article dénonçant l'emprise des prêtres sur le peuple. Tailhade aussi (une chanson contre son épouse circulait à Camaret). L'audience houleuse eut lieu à Quimper. Le poète fut acquitté et le curé se vit adresser une remontrance du tribunal. La chanson "Le curé de Camaret", à la mélodie indéniablement envoûtante (il existe aussi des variantes apocryphes peu heureuses des paroles initiales), serait une vengeance vite torchée, ayant largement assis sa popularité (et ironiquement celle de la ville de Camaret) depuis lors dans nombres de noces et banquets suivant la messe.
«Les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d’eux» avait écrit René Char. Les ânes républicains (dans la chanson le curé aux couilles pendantes en possédait un) et les obscurantistes de tous poils avec leurs déguisements divers - du très branché high-tech à celui de l'imbécilité d'une ancestrale inquisition raciste dont on n'aurait jamais pu imaginer un si grotesque retour) perfectionnent sans cesse leurs façons de tenter de faire taire les mots. En vain peut-être ! Les mots sauront encore et encore échapper - parfois de justesse - au feu et aux asiles... à condition de continuer à les aimer pour ce qu'ils sculptent de la vérité et du témoignage de la profondeur des rêves.
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