Comment saisir l'indicible émotion, transcrire la description du partage existant, imager la relation réciproque, la respiration émerillonnée qui transpirent lors d'un moment enregistré ? C'est sans doute la question que tout producteur (définition incertaine) d'albums phonographiques se pose (devrait se poser).
L'album
All star road band (volume 1) de Duke Ellington * enregistré en juin 1957 par Jack Towers et produit par Bob Thiele est une irrésistible réponse, un éclat ! L'orchestre joue lors d'une soirée dansante à Carrolltown (Pennsylvanie). Entièrement à l'aise, il s'exprime pleinement sans besoin surjoué d'affirmation, mais avec un sens phénoménal de l'existence poétique, de ce qu'elle permet de libération et de fondamental imprévisible. Avec l'orchestre : les danseurs. L'œuvre est collective, parlante, et chacun s'y exprime, encouragé en permanence. Tout est rêvé, vécu, solidaire, entraînant, expérimental, plein, plein, plein et partout les étincelles naissent. La tradition ne s'oppose à aucune audace, le quotidien est sublime. Un petit monde de vaillance, de rire, de confidence et d'amour.
Mieux qu'un témoignage, le disque transfère tout cela jusqu'à une autre expression. Jack Towers su exactement où placer ses microphones ou peut-être se laissa-t-il simplement guider. Dansait-il lui-même ? Dans quel coin de la salle ou de l'univers Bob Thiele fumait-il la pipe pour piger cette intense bonne pioche ? Tout apprenti producteur (définition incertaine) de musique enregistrée concentrée en album (y compris après 37 ans d'exercice physique) se doit de connaître cette empreinte, y réfléchir.
*Avec Paul Gonsalves, Johnny Hodges, Russell Procope, Harry Carney, Jimmy Hamilton, Ray Nance, Britt Woodman, John Sanders, Quentin Jackson, Clark Terry, Harold "Shorty" Baker, Willie Cook, Duke Ellington, Joe Benjamin, Sam Woodyard