• Photo Guy Le Querrec (Magnum) - Banlieues Bleues, 16 mars 1989.
Salut les ours !
Salut les chats !
Salut les bisons !
Salut les oiseaux !
Salut les tortues !
Salut les baleines !
Salut les pingouins !
Doucement les castors !
Enfants d'Espagne
26.10.23
CARLA BLEY ET LE DOCTOR WHY
• Photo Guy Le Querrec (Magnum) - Banlieues Bleues, 16 mars 1989.
17.10.23
PHILIPPE CARLES
À partir de trois photographies de Guy Le Querrec (Magnum)
Le souvenir d'une voix forte, de mots forts, soudain laisse sans voix, sans mots... Philippe Carles est parti...
Quelques photographies adressées ce matin par un des photographes de l'aventure Jazz Magazine élargissent l'espace infiniment resserré comme un cœur peut l'être. La première, en compagnie de sa compagne Michèle et du producteur Jean-Jacques Pussiau, ouvreur de voies nouvelles ; la seconde, avec André Francis, Alain Gerber, Jean-Robert Masson, Lucien Malson à Châteauvallon en 1972 - doit-on redire l'étonnante dimension de ce festival, de ce qu'il nous transmit ? "Jazz à Châteauvallon" à la télévision correspondait à nos (nous ne nous sentions pas seuls) premières lectures de la revue Jazz Magazine qui prenait le relais de Rock'n'Folk. "La poésie ne rythmera plus l'action, elle sera en avant" a écrit Arthur Rimbaud et ce devait bien être notre bouillante animation intime (oui, nous n'étions pas seuls). Jazz Magazine tombait à pic : lecture passionnée, lecture politique, lecture longitudinale qui porterait loin. Philippe Carles écrivait dans ce mensuel depuis 1964, il y défendit le free jazz. Une musique qu'avec quelques-uns, il avait vu venir. L'entorse sublime : là était la raison. Sa connaissance du jazz, tous horizons, frisait l'omniscience. En 1971, il succédait à Jean-Louis Ginibre (qui dirigeait la revue depuis 1962) comme rédacteur en chef de ce périodique créé par Jacques Souplet et le couple Barclay en 1954. Publication achetée deux ans plus tard par les futurs inventeurs de Salut les Copains, Daniel Filipacchi et Frank Ténot dont le profil traverse la troisième photographie.
"Qu'il se fasse un village ou c'est nous qui s'en allons" grondait Jacques Thollot dans sa Girafe. Oui c'était ça l'histoire... un village, une île... pour donner envie de rester.
C'est peu dire que le Jazz Magazine des années 70, nous semblant si libre, nous servit de base. Il se situait dans le fieffé parallèle de nos vies. Chaque ligne était une ligne de départ, vers Don Byas ou Milford Graves, Coleman Hawkins ou Michel Portal, Ella Fitzgerald ou Tamia, Miles Davis ou Jac Berrocal, René Thomas ou Joseph Dejean, Jef Gilson ou Peter Brötzmann, Dee Dee Bridgewater ou Don Cherry, mais plus encore vers tous les possibles des démesurées mesures humaines dont nous apprenions à rencontrer les acteurs.
Free Jazz Black Power, l'ouvrage co-écrit par Philippe Carles et Jean-Louis Comolli et publié en 1971 au Champ Libre, revient sur tout ce que l'histoire de cette musique et ses merveilleux braconnages pouvaient avoir de futur, si tant est qu'il y en ait un. Il arrivait à la musique de trembler à cette idée. Et Carles parlait à la radio, sur les ondes de France Musique. La parole soude, langue d'action, ton des chemins de traverses encore possibles alors. Ceux que l'on empruntera, en confiance, pour créer par ci un petit festival endurant, par là une primitive petite maison de disques. Les deux retiendront sa généreuse attention, c'est le moins que l'on puisse dire. Alors, quand en 1996, Philippe Carles et Jean-Louis Comolli, les auteurs de Free Jazz Black Power, écrivent pour l'album Buenaventura Durruti le morceau "Free" qu'enregistrera Carles. Tout s'énonce, tout se confie, tout se lie : "Sans l'idée de la révolte et de la liberté, la musique devient cynique, elle appelle à la victoire des maîtres, elle dit la mort. C'est au contraire la vivante blessure du monde qui bascule que nous entendons comme l'écho de ton nom, Durruti, dans cette musique qui reprend, cette musique-là, ce jazz-là."
Par tant d'articles, émissions de radio, ouvrages, dictionnaires, notes de pochettes de disques (qu'il serait intéressant de recenser), Philippe Carles a décrit, écrit, un pan d'histoire où fut rendue visible la parole du plus aigu geste musical. Aujourd'hui, comme une impression de solitude...
Crédits photographiques :
1) Michèle Carles, Jean-Jaques Pussiau et Philippe Carles, après le concert "Owl records evening" au festival de Coutances, le 27 mai 1992.
2) André Francis, Alain Gerber, Jean-Robert Masson, Lucien Malson et Philippe Carles - débat au festival de Châteauvallon, le 26 août 1972.
3) Frank Ténot et Philippe Carles, à l'occasion de la remise de la médaille de Commandeur de l'Ordre des Arts et Lettres attribuée à Ella Fitzgerald par le ministre de la Culture Jack Lang en ses locaux, le 29 mai 1990.