Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

17.12.08

ET LE CUL DE CHARLIE PARKER
N'ÉTAIT PAS DU POULET
LES TRAVAILLEURS DE LA FNAC HEUREUSEMENT DISCULPÉS




Sur la couverture de Les 1000 CD des disquaires de la Fnac, un superhéros au teint livide-verdâtre et au sourire crispé impose son agitation culturelle dans les rues d'une très grande ville, dispensant, du creux de la main, sa lumière blafarde et ses disques sans noms. Le petit peuple, enfin aiguillé est heureux, il ne demande que ça, il n'a pas le temps de choisir par lui même. Ca sert à ça les superhéros, même d'allures crevardes. Il faut bien que les grands magasins, plus trop fréquentés par les Marx Brothers, guident leurs clients comme la République guide ses ouailles avec des livres d'histoire sur mesure (La commune pas le temps, la révolution espagnole aux oubliettes, le 17 octobre 1961 à la Seine...).

Bien souvent ces listes les 100 CD du siècle, les 100 plus grands chanteurs, les 100 indispensables du Jazz ou ces 1000 CD des disquaires de la Fnac et les cohortes de primes à l'assurance sous forme de petits stickers-récompense, légions d'honneur en chocolat ("bon chien, tu as bien travaillé !") : 4 fortés, un Choc, 4 sapins, tendent à déresponsabiliser l'auditeur en lui confisquant ses choix propres. On aimerait bien un tel ouvrage s'il ouvrait sur d'infinies possibilités, offrait d'autres alternatives que celles que l'on voit dans toutes les listes en offrant des encouragements - franchement Kind of Blue de Miles Davis (premier disque de Jazz et 33ème position du classement général de la Fnac) est une réussite, mais sa surexploitation, surexposition file parfois la nausée - indiquait les liens, accompagnait le sens critique, ce que savent souvent TRÈS BIEN faire les disquaires. Le texte de présentation annonce : " Sélectionner les 1000 meilleurs albums - classés par ordre - de tous les temps (rires non fournis) et constituer ainsi une discothèque quasi-idéale, telle est la mission que ce sont fixés les disquaires de la Fnac ! Parmi les grands gagnants de ce grand plébiscite : Nirvana, Serge Gainsbourg, Radiohead, Portishead et bien d'autres encore." Mais les disquaires ne sont pour pas grand chose dans cet ouvrage et certainement pour rien dans cette "mission" (qui ne compte ni musique classique, ni musique contemporaine de tous les temps) si ce n'est qu'ils ont eu - au mieux - à cocher des noms déjà choisis par un comité directeur. La Fnac méprise son personnel et l'utilise comme bouclier humain.

Aucun disquaire n'aurait pu écrire les affligeants textes accompagnant ce guide nocif. Au mieux, ces petits poulets sont tissus de banalités horriblement réductrices (dangereusement réductrices). Au pire un enfilage d'âneries. Un exemple parmi d'autres : Charlie Parker figure deux fois dans la sélection (une fois de façon bien inélégante par une compilation-recyclage de domaine public à la pochette hideuse, même pas par une production Norman Granz ou Jazz at Massey Hall). On apprend qu'il était surnommé le Bird car "il mangeait du poulet en quantités astronomiques". Ou comment un accident de la route survenu à un gentil volatile est transformé en délire gargantuesque. Bon dieu mais c'est bien sûr, c'est l'abus de galliforme qui a eu raison de Charlie Parker (on espère que le message passera au Ministère de l'Intérieur) à tel point qu'il en devient ici, "trompettiste". "Chéri rejoue-moi z'en !" Parker, tellement accroc du poulet qu'il se mit à la trompette, instrument que lui dispute John Coltrane pour Love Supreme dans le même livre (vendu 19€ et aussi nuisible que Bruits" de Jacques Attali). Une trouvaille non ?

L'ancienne Fédération nationale d'achats des cadres (créée en 1954 et forte de 78 magasins), finira bien par perdre des plumes à force de voler dans les nôtres. Amateurs de musique, unissez-vous et chassez avec du gros sel tout ceux qui voudraient la transformer en un sinistre poulailler clos d'où elle ne verrait plus le jour. Nous n'aimons le poulet, ni en trompette, ni en batterie.

9 commentaires:

jjbirge a dit…

Il y a quelques années, je fus extrêmement flatté lorsque je reçus le coup de fil de la Fnac m'annonçant que le CD-Rom "Machiavel", produit sur mon label GRRR, venait d'être sélectionné pour les suggestions de Noël sur un fascicule tiré à je ne sais plus combien de dizaines de milliers d'exemplaires.
Hélas, je déchantai lorsque mon interlocuteur m'annonça que ce choix mérité me coûterait la maudite somme de 10 000 Francs.
Eh oui, les conseils avisés de la Fnac ont un Prix, mais pas celui que j'avais espéré.
Dommages !

Anonyme a dit…

Comment voulez-vous que l'on choisisse des disques ?

jjbirge a dit…

Il existe de vrais disquaires, même à la Fnac (nous pensons tous au rayon Jazz de la Fnac Montparnasse), la nouvelle boutique "Le Souffle Continu" dans le 11e à Paris, le site des Allumés du Jazz qui offre pour les fêtes des CD à 11 euros, etc.

Anonyme a dit…

Fatiguant de lire ces réflexions...
Le droit de vote est-il toujours universel ? Il devait pas être lié à l'obligation de réfléchir par soi-même ?
Vivement qu'on en retourne à un bon vieux droit de vote censitaire.
Avec ce simulacre démocratique, n'importe quel pingouin se voit conférer un pouvoir qu'il abdique trop simplement. Et ça finit par déteindre sur tout le reste. Triste. Mais surtout dangereux.

Tu as l'habitude qu'on te dise pour qui tu dois voter et tu attends donc qu'on te signale quel disque tu dois écouter ?
Qu'est ce que tu veux qu'on réponde à une question aussi débile, Marc ?

Anonyme a dit…

N'oubliez pas le guide de noël qui lui aussi tient son rôle de prescripteur et n'oubliez pas que seul les éditeurs les plus fortunés peuvent y souscrire. Elle est belle la démocratie et la liberté de choix....
Fini les simulacres...que l'ont brûlent les étendards et que le souffle viennent à nouveau de l'Art !!

nicO a dit…

Je me souviens d'un coup de gueule des Allumés du Jazz en 2000, sur une sélection éclair des 100 disques du siècle par le sois-disant très respectable journal Le Monde. Il s'agissait en fait d'un partenariat avec la Fnac où on nous apprenait que Stravinsky était recalé derrière Francis Cabrel ...
JDA n°2 / page 9 : http://www.allumesdujazz.com/db/_pdf/JDA2.pdf?ADJ=897e6651ca8ea361b207f65b2460de8a

Anonyme a dit…

Je vous rappelle que la FNAC tue la musique. Démonstration ici : http://www.djouls.com/index.php/la-fnac-tue-la-musique

Anonyme a dit…

Merci NicO de rappeler ce billet de la commission solidarité des Allumés du Jazz au sujet de cette ridiculissime liste des 100 disques du siècle (le XXème)du journal Le Monde. Allez on s'écoute Pablo Casals et les Sex Pistols avant de faire ses courses. Nom d'une dinde !

jjbirge a dit…

Hier j'ai téléchargé le nouveau numéro du Journal des Allumés du Jazz qui propose une sélection de 123 disques de leur immense catalogue. Pas de classement, juste un coup de projecteur. Si le précédent m'avait fortement déplu, ce n°23 est très réussi, bravo ! Belle brochette d'écrivains, d'illustrateurs, de musiciens... La sélection ne prétend pas réfléchir le siècle. C'est juste une fenêtre ouverte vers un autre monde...