Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

11.9.10

RETOUR À LA CASE DUNOIS 4




La mémoire du Théâtre Dunois a la longueur d’un chant lancé dans la montagne qui retentit longtemps en imprimant les reliefs.

Le « collectif du 28 rue Dunois », situé dans un 13ème arrondissement qui ne manque pas d’histoire(s) se place sur la carte de Paris en même temps que d’autres utopies de cette partie de la ville : la librairie « La Commune de la Butte aux Cailles », le restaurant « Le Temps des Cerises », le garage de mécanique populaire « Clé de 13 » en début de seconde partie des années 70.

Parrainés par François Tusques qui leur prête son piano, deux membres rescapés de ce collectif Sylvain Torikian et Nelly Le Grévellec prennent, en 1979, le relais et transforment l’endroit en lieu de musique et de théâtre pour enfants.

Très vite, le Théâtre Dunois devient ce « grenier de la musique », pour citer le reporter du journal Le Monde, Francis Marmande, où va se jouer l’avenir de la nouvelle musique à Paris, celui de l’ancienne aussi. Public et musiciens s’y pressent pendant dix années qui soir après soir s’inscrivent dans la légende. On y rencontre Steve Lacy, Jo Maka, Derek Bailey, Evan Parker, Tim Berne, Paul Motian, Henri Texier, Louis Sclavis, Annick Nozati, Joëlle Léandre, Sonny Sharrock, Mal Waldron, Irène Schweizer, Michel Portal, Monik Toebosch, André Jaume, Ernst Reyseger, Bill Laswell, Emmanuel Bex, Han Bennink, Elsa Woliaston, Jacques Coursil, Alan Hacker, Christine Jeffrey, Jac Berrocal, Bernard Lubat, Daunik Lazro, George Lewis, Barre Phillips, Toshinori Kondo, Claude Barthélémy, Fred Frith, Peter Brötzmann, Günter Sommer, l’Arfi, l’IACP pour n’en citer que quelques-uns et puis aussi les « réguliers » d’un autre lieu excentré, le festival de Chantenay-Villedieu, berceau des disques nato, comme Tony Coe, Lol Coxhill ou Steve Beresford. Chantenay va à Dunois et Dunois va à Chantenay comme on se rend dans sa famille en intrigant généreusement, la question ne se pose pas, c’est un fait initial.

Lorsque les disques nato se créent en 1980, c’est cette ligne Chantenay-Dunois qui définit le plus naturellement du monde leur piste d’envol. Nombreux albums seront conçus et enregistrés au Théâtre Dunois. Les musiciens s’y plaisent, on y rit beaucoup. Un disque portera le nom de l’endroit, The Dunois solos, un disque signé Lol Coxhill justement. La couverture du premier opus de Tony Coe pour nato Tournée du chat (enregistré là pour sa majeure partie) est la représentation par le dessinateur Pierre Cornuel de l’assistance dunoisienne animalisée (la fable fait partie du langage courant à Dunois) vue de la place du musicien. On y reconnaît bien des visages aimables. Steve Beresford y fera ses premiers pas parisiens, que ce soit en solo de piano-football ou bien avec les « Beatles de l’improvisation » (pour citer Fred Frith) : le groupe Alterations. La trace est puissante.

La vie moderne d’une grande capitale et ses exigences d’espace remodelés aura raison du lieu qui disparaîtra à la fin des années 80 ; en apparence seulement car le théâtre a son double et le Théâtre Dunois resurgira à deux pas de là en un emplacement neuf, il se consacre alors davantage aux enfants (mais n’était-ce pas aussi le cas avec les enfants du soir ?).

Les disques nato sont aussi les invités de Nelly le Grévellec et Sylvain Torikian en cette nouvelle enceinte dans les années 90 avec le projet Left for Dead de Tony Hymas et Barney Bush ou encore le plus naturellement du monde, Lol Coxhill avec Pat Thomas. On ne se refait pas.

2010, nato a trente ans, occasion de hasard d’un nouveau chapitre en ces temps difficiles (Bertolt Brecht ou Léo Ferré). Aller de l’avant signifie aussi parfois regagner son habitat naturel où s’accomplit l’œuvre de maturation, le temps est si peu de choses et par-là même il est tout. En invitant deux des hérauts des origines du Théâtre Dunois et des disques nato, Lol Coxhill et Steve Beresford, mais en des combinaisons d’aujourd’hui - d’un aujourd’hui comme celui d’hier avide de découvertes et de relations fortes - c’est cette empreinte d’une géographie simple, cette requête du pays actif, ce cœur toujours ouvert qui prendra tout son sens d’invention d’un monde toujours rêvé et tout de même si réel.


2 octobre à 15h : "Avancer de 3 cases", table ronde avec Yannick Séité, Alexandre Pierrepont, François Tusques, Noël Akchoté, Jean Rochard, Fabien Barontini, Sylvain Torikian, Nelly Lohier, Corinne Léonet

2 octobre à 20h : Lol Coxhill - Barre Phillips - JT Bates
3 octobre à 17h : Steve Beresford - Matt Wilson

Photo de Sylvain Torikian, co-animateur du 28 rue Dunois, extraite du site d'archives : 28 rue Dunois à Paris

Retour à la case Dunois 1 : Lol Coxhill - Barre Phillips - JT Bates
Retour à la case Dunois 2 : Steve Beresford - Matt Wilson
Retour à la case Dunois 3


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