Jim Denomie expose actuellement au Black Dog, ce mois de juillet, quelques uns de ses portraits d'indiens réfléchissant le monde moderne qui les ignore. Denomie est Ojibway de la tribu Lac Courte Oreilles (ces amusantes dénominations léguées par des "voyageurs" français selon leurs observations, le non accord de "Courte" et "Oreilles", pourrait bien être plus qu'une faute d'orthographe, un mélange singulier des temps). Il a connu enfant les déplacements forcés par le gouvernement ("Comment rendre l'indien invisible ?") durant le programme initié par Dillon S. Myer (qui fut aussi responsable des camps d'internements sur les sol des USA pour les citoyens d'origine japonaise de 1942 à 1945) et continué par l'administration Eisenhower visant à la terminaison de toute spécificité indienne (soustraction de l'aide sociale, stérilisation des femmes ...). La vie loin de la réserve tourna au cauchemar pour nombres d'indiens. C'est grâce à ses grands-parents que la transmission se fit.
La peinture de Jim Denomie est celle d'une salle pleine de miroirs, où l'infinie est à côté, où le présent refuse de s'ignorer, où l'on regarde l'autre qui n'est autre que soi. Les casser revient à les multiplier. Il décrit sa méthode de peinture comme celle d'un jeu d'échecs, mais une partie qui ne finit que "lorsque l'artiste meurt". Les révoltes indiennes du Minnesota de 1862 qui connurent une fin tragique (l'"humaniste" président Lincoln fit pendre 38 Dakotas le 26 décembre de la même année, joyeux Noël, les autres survivants furent déportés) côtoient dans les images de Denomie la vie moderne avec souvent beaucoup d'humour (Attack on Fort Snelling Bar and Grill réalisé en suite à la marche de 2006 parce que le souvenir est une plaie ouverte sur l'avenir).Depuis 2005, à chaque jour, un portrait et c'est une partie de ces portraits qui est exposée au Black Dog, une partie qui saisit, qui chante l'irréparable avec un sourire pincé, qui dit aussi que nous sommes à nous-mêmes, que nous sommes nos nous-autres, qu'il ne dépend que de nous.
Dans le film Meeks Cutoff (traduit un peu platement par La dernière piste), la cinéaste Kelly Reichardt montre de loin (mais c'est très près) des sortes de figurines perdues dans l'ouest américain à la recherche déboussolée de l'illusion qu'elles vont elles-mêmes bâtir. Survient l'indien, (Rod Rondeaux, interprétation - on devrait dire traduction - essentielle), si près, seul, centre incompréhensible de ce monde au futur factice échoué d'avance, le nécessaire est d'yeux et de gestes que les colons ne savent pas voir. La violence, l'exploitation, la condescendance, la charité intéressée sont les seules réponses de ces âmes en peine qui ne peuvent se regarder avant que l'indien ne disparaisse, se fondant dans le paysage, cet autre lui.
Black Dog
Meeks Cutoff : le site
1 commentaire:
Ces peintres indiens sont très peu connus en France, mais espérons que comme les auteurs indiens qui ont fini par percer de ce côté-ci grâce en grande partie à Albin Michel et les Editions du Rocher, on les connaîtra bientôt pour ce qu'ils sont.
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