Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

12.2.14

TONY HYMAS JOUE "LA PLUS QUE LENTE" À HYÈRES EN AVANT

1910, année où l'Empire Français asseyait son arrogante puissance coloniale en Afrique, mais où de l'autre côté de l'Atlantique, Emiliano Zapata, au Mexique, prenait la tête de la révolte indienne et paysanne contre les dépossédantes puissances bourgeoises et militaires ; en Espagne, ouvriers et paysans entamaient de grandes grèves, la CNT espagnole était créée ; l'Amérique inventait Hollywood alors que Tolstoï et Mark Twain passaient l'arme à gauche et que naissait Jean Reinhardt (qui fera carrière sous le nom de Django). C'est l'année aussi où Claude Debussy composa cette courte valse au titre infini, "La plus que lente".

Tony Hymas aime jouer "La plus que lente". Il l'enregistra dans les Correspondances Erik Satie Claude Debussy (1). Dans ses notes du programme du récital De Delphes à Hyères, il écrit : "Que signifie le titre : « Attendez – et attendez encore » ? L’instruction « molto rubato conmorbidezza » (à part le fait de permettre au pianiste de se laisser aller) en signifie-t-elle la philosophie ? Une méthode pour vivre ? Certainement, cette pièce, composée en 1910, entre les deux livres des Préludes, est une valse lente (genre populaire à l’époque). Debussy écrivit à Legrand, son éditeur avec un brin d’ironie : « Ne nous limitons pas aux tavernes. Pensons à ces innombrables salons où, pour le thé, s'assemblent les auditoires dont j'ai rêvé »".

À Hyères, le 31 janvier, invité par le cinéaste Frank Cassenti et l'association Jazz à Porquerolles, Tony Hymas a donc joué au théâtre Denis "La plus que lente". Sans doute mieux que jamais. Sous ses doigts, cette drôle de valse ne prit pas le train, elle esquissa la métaphore fertile ; aspirait-elle au rêve ou aspirait-elle le rêve, un soupçon de lutte des classes peut-être même, lieu imaginaire d'une métamorphose à venir ? Ce soir-là, concentrée, d'une vigueur fondamentale "La plus que lente" fut activement pertinente.

Si chacun de ces concerts d'Hymas seul commence par la plus antique trace d'écriture avec le "Premier hymne delphique" du grec Athaneus, leur terminus est toujours lié aux personnes et à l'endroit du jeu (à Avignon, "Les gitans d'Avignon" d'Ursus Minor, à Poullan-sur-mer "As crechas" de Jacky Molard, à Eymoutiers "La complainte du partisan"), à Hyères tinta le thème de l'Affiche Rouge composé par le Cuarteto Cedron pour le film de Frank Cassenti. Et comme son bon compère François Corneloup , ce jour-là visiteur de prison, se trouvait là, ensemble en rappel, ils jouèrent l'évocateur chant "Notre-Dame des oiseaux de fer " (2), rendez-vous d'affinités, de mœurs du monde réel, de camouflages et d'affirmations bienheureuses, de cohésion et de variations, là, plus qu'allantes. 


(1) In Erik Satie et autres messieurs : Airs de jeux (nato 59-410-4009 - coffret 3 CD)
(2) À propos de "Notre-Dame des oiseaux de fer"


Photos : B. Zon

1 commentaire:

Anne a dit…

"Correspondance"
entre ce beau billet et la musique, les doigts courent sur le clavier,j'entends Tony Hymas interpréter "la plus que lente"