Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

21.7.08

QUELLE DRÔLE DE PETITE BÊTE !




L'escargot non satisfait du voisinage du cimetière municipal (simple hypothèse) envisage sérieusement de traverser une de ces routes départementales : pour l'insensible homme, tranquille, pour le vibrant gastéropode, gigantesque. Quelle motivation pour cette incroyable odyssée? Le voisinage des tombes, le manque de verdure, les intrusions affolantes des gallinacés ou les pas lourds de l'employé à l'entretien de l'ossuaire qui, sadique et criminel, n'hésite pas à écraser les confrères mollusques ? L'animal est décidé, il entreprend la traversée. Après d'éternelles minutes, une voiture automobile passe, lourde et rapide, l'escargot se rétracte, il échappe de justesse aux roues de droite. La vision effrayante d'une coquille écrasée et du corps d'un pair séché n'entame en rien sa détermination et le voyage reprend de plus bel. Pour qui ? Pour quoi ? Surgit un second bolide puis un troisième, la bête avance, se hâte, échappe encore par deux fois à la mort qu'elle ne peut voir en peinture. Quelques timides touffes d'herbes émergeant du gravillon indiquent que l'autre bord est proche. La lavandière, le linge à portée de main, passe de ce côté-ci de la route et de son pied faillit l'aplatir. L'a-t-elle vu, épargné ? Le rampant est-il chanceux ? L'horizon espéré est enfin là, plus de verdure, un beau muret, des salades mêmes. Le voyage rarement osé par ses congénères valait bien de porter sa maison par ce val aussi goudronné que peu gallois pour l'habiter tellement mieux. Goût du risque, persifleront les tristes se contentant des abords du cimetière, envie de voir, envie de vivre pense l'escargot au terme de l'insensé voyage.

Photo : B. Zon

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Petit escargot porte sur son dos sa maisonnette...

je lis ce billet comme un beau conte, comptine, philosophique...

Anonyme a dit…

Tout est une question de rythme. À bien observer votre escargot, on a l'impression d'un acte naturel plus que d'une tentation démente. Le seul problème de la lenteur est sa confrontation au temps qui passe et donc à la mort. mais ça fait peut-être partie du périple goudronné (sans les plumes).

jjbirge a dit…

Ce matin, en compliment, un gars nous dit : "C'est bien, ici le temps passe plus vite !".

C'est étrange, j'aurais imaginé que lorsqu'on aime vivre, on devrait plutôt dire : "C'est chouette, ici le temps passe plus lentement !".

La vitesse est la maladie de notre civilisation.