Enfants d'Espagne

Enfants d'Espagne

8.8.09

APRÈS-MIDI DES FAUNES DIDIER, NATHAN ET BRIAN CHEZ FRANCOISE




Didier Petit a participé aux improvisations estivales en France de ses amis des Fantastic Merlins Nathan Hanson et Brian Roessler en les invitant, après leur passage parisien en duo au Souffle Continu puis en quartet à l'Atelier Tampon, dans sa région où les trois hommes ont vécu une autre invitation. Correspondance depuis la zone libre.

"Mon cher Jean, je t'écris de ma Bourgogne où je me pose pour un temps.

La musique est le lien et se retrouve toujours dans des endroits où on ne l’imagine pas être et pourtant, ce mercredi 29 Juillet nous arrivons en voiture Nathan, Brian et moi, chez une jeune dame de 75 ans dans un village nommé Noyers sur Serein au nord de l'Yonne, département bourguignon. Il est 11 heures du matin et Françoise Oppenot nous accueille dans sa très belle maison en haut d'une petite vallée. Sa propriété longe le Serein, une rivière comme on imagine être une rivière. Un petit coin de campagne où l'on s'installerait facilement durant quelques temps.

J'ai rencontré cette jeune dame qui fut pédo-psychiatre et passa de longs moments à s'occuper d'enfants avec Médecins sans frontière au Liban, en Chine et dans pleins d'autres endroits dont j'ai hélas oublié le nom. Bref ! Je l'ai rencontré trois semaines plus tôt lors d'une exposition dans un prieuré. Je lui parlais alors de mes amis américains qui allaient arriver bientôt et de mon désir de faire de la musique avec eux dans un endroit que je n'avais pas encore découvert. Elle me proposa alors immédiatement sa maison où se trouve un beau salon que l'on peut considérer comme un salon de musique...

Trois semaines après, donc, nous y voilà. C'est le jour de la représentation. Il est maintenant midi, nous avons sorti le jambon persillé, les cornichons, le pain, les tomates. Nous sommes à l'ombre d'un marronnier de 120 ans. Brian, Nathan et moi-même écoutons médusés cette jeune dame nous parler de ses voyages à Minneapolis pour aller voir son fils et de ce concert merveilleux de Philip Glass au Walker Art Center. Elle allait souvent dans ce musée qui lui plaisait. Elle nous parla également de ces soirées entières qu'elle passait au "Chat qui pêche" dans les année 60 à écouter ses amis Art Blakey, Jean-François Jenny-Clarke, Art Taylor, Donald Byrd, Sonny Rollins, Errol Garner et j'en oublie ; de nous expliquer qu'elle n'a jamais aimé le faux bebop, que n'étaient pas si nombreux, ceux à venir à ces concerts, peut-être une vingtaine, que ses amis n'écoutaient pas cela et le peu d’attention porté à ceux qui allaient jouer.

Arrive 18h30. C'est l'heure, une cinquantaine de personnes de tous âges dont une petite dizaine d'enfants sont là pour cette traversée de l'Atlantique. Notre duo des Fantastics Merlins ouvre le bal et joue une vingtaine de minutes puis vient celui du Fantastic Gremlins que je suis pour un petit bout de traversée. Nous avons fait alors chacun une partie du pont et nous nous rejoignons pour un moment d'échange vif et serein. C'est fini.... Après les applaudissements, les gens restent assis. Il n'est pas certain qu'ils souhaitent se lever… pour prolonger ce moment. Ils se regardent, goûtent cet instant. On ne dira jamais assez à quel point est insupportable l’usage de mettre immédiatement de la musique enregistrée une fois le dernier applaudissement éteint. Ce moment de suspension après la fin d'un concert, dans le silence est toujours un instant particulier et indispensable. Nous nous retrouvons juste après autour d'un pot dans le jardin avec quelques tartines. Et c'est fou ce que les gens se sentent bien après une expérience simple et chaleureuse où il n'y a pas de faux semblant. La musique ne va pas sans écrin. Elle est un liant et ne se préoccupe pas des frontières de tous ordres lorsqu’elle est juste là où elle doit être.

Françoise Oppenot est heureuse et fière avec un petit air malicieux. C'est une grande dame de 75 ans, ouverte sur le monde, qui comme nous est dans l'acte et qui a su nous ouvrir sa maison avec confiance pour cette expérience alors qu'elle ne me connaissait pas. Juste au feeling !!

Amitié,

Didier."



Photographies : Collection In Situ



Fantastic friday music series
Petit en Amérique (Objectif Lune)

Nathan Hanson et Brian Roessler viennent de sortir le disque NH BR : Bellfounding, premier volume d'une série de duos (Community Pool - lane 001/50)

Didier Petit sort très prochainement chez Buda la suite de son solo Déviation intitulé : Don't Explain (3 faces)

2 commentaires:

anne a dit…

Superbe histoire...conte musical...
j'avais l'impression d'être parmi les privilégiés dans ce salon à vous écouter.

Lucas a dit…

Pourquoi ne pas abandonner nos circuits habituels de plus en plus frustrant pour aller chez toutes les madame Oppenot? La vie est courte.