Il ne fallait pas être grand clerc en entendant Catherine Ruggieri, directrice adjointe de la direction de l'administration générale du ministère de la Culture et de la Communication et vice présidente de l'Association de préfiguration du centre national de la musique constituée le 4 avril 2012, à la tribune du débat public organisé le 9 juillet en Avignon par Futurs Composés (1), en association avec l’Afijma, la Famdt, France Festivals, Grands formats et Zone franche, pour comprendre les incohérences, inconsistances et iniquités du CNM et deviner les coups bas en perspective. Le thème de cette table pas si ronde était "une nouvelle politique publique pour la création musicale ?" Figuraient aussi à cette tribune animée par David Jisse et Benoît Thiebergien, Jean-Paul Bazin, président de la Spedidam, Marie-Christine Blandin, sénatrice du Nord et présidente de la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, Laurent Petitgirard, président de la Sacem (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de musique). On connaît le train de sénateur, question de vitesse, la sénatrice verte alerta sur le fait qu'il ne restait que cinq majors (il en reste en réalité trois). Comme dit l'humoriste Pascal Nègre (2) "La concentration est inévitable en période de crise" (3) , écho à son fameux "Virer
quelqu'un, c'est pas la mort du mec"(4) . On peut faire confiance aux hommes d'affaires pour aller plus vite que les sénateurs. Ce débat avait le mérite de faire entendre les opposants au CNM qui ont depuis longtemps exposé leurs arguments dans des articles, communiqués, pétitions (5) , mais ont un accès réduit - pour dire le moins - aux médias. Le syndicat Sud Culture et les Allumés du Jazz y étaient présents par une distribution de tracts (voir notes de bas de page).
La parole de Laurent Petitgirard représentant la Sacem - et aussi musicien - fut pleine de bon sens (l'interprète avant la machine, la précipitation suspecte du projet, la part réelle et réduite du budget CNM allouée aux auteurs-compositeurs, l'absence de créateurs au sein de l'entité CNM...). Nombreux furent ceux dans l'assistance qui manifestèrent inquiétude et hostilité. Le discours autoritaire de Catherine Ruggieri (soulignant sans rigoler dès sa première intervention que "l'emploi dans la musique était majoritairement garanti par les majors"), héroïne du jour de cette damnée "filière" - les feux s'éteignent et subsistent les artifices - vivant la confrontation comme une corrida (selon sa réaction à la première question posée - se pensait-elle taureau, torera ou torero ?), se fragilisait au fil du temps jusqu'à son étrange conclusion : interrogée sur cette façon insistante de présenter le projet sarkoziste comme entériné depuis belle lurette, elle répondit : "Si j'emploie le présent, c'est parce que c'est plus pratique que le conditionnel". Dans la confusion entretenue des temps, on est averti comme dit le proverbe que : «Le futur de “je donne” est “je prends”.».
(1) Invitation de Futurs composés
(2) Président d’Universal Music France, vice-président d’Universal Music International, président de l’Olympia, président de la SCPP, président du SNEP, officier des Arts et des Lettres et Chevalier de la Légion d’Honneur
(3) L'express n°3181 du 20 juin 2012
(4) Libération 24 janvier 2006
(5) Quelques exemples :
Les Allumés du Jazz : il n'existe pas de filière musicale,
Appel des 333,
Nous sommes tous des bémols,
CNM : 6 réseaux refusent de signer le protocole,
La bombe CNM,
Sud Culture,
CGT,
Syndeac : "un marché de dupes"
Photo : de gauche à droite : David Jisse et Benoît Thiebergien, Laurent Petitgirard, Jean-Paul Bazin, Marie-Christine Blandin, Catherine Ruggiéri par B. Zon
3 commentaires:
Arrêtez vos choix partisans, le projet Sarkozy de sauvetage de la musique est un bon projet et sages sont les socialistes qui s'y rallient. Un peu de pragmatisme.
Vous ne pourrez continuer à défendre les musiques sans audience bien longtemps.
J’ai plutôt l’habitude de privilégier la parole collective sur ce genre de sujet mais il s’avère qu’aujourd’hui je ne supporte plus de lire ou d’entendre ce genre de propos :
« Arrêtez vos choix partisans, le projet Sarkozy de sauvetage de la musique est un bon projet et sages sont les socialistes qui s'y rallient. Un peu de pragmatisme.
Vous ne pourrez plus continuer à défendre les musiques sans audience bien longtemps" ???
Est-ce un constat ou une menace ? Ni l’un ni l’autre. Il s’agit plutôt d’ignorance : la pire plaie de l’humanité.
Considérer que les musiques d’aujourd’hui dont le jazz fait partie- et ce mot me convient-car j’entends bien ce qui se cache derrière le concept fumeux de « musiques sans audience » est stupide, sans fondement et est le signe d’une méconnaissance totale de la réalité de ces musiques, justement. Tellement faux que je m’en veux presque de répondre dans les lignes qui suivent.
Des dizaines de lieux, de festivals, de labels indépendants, de compositeurs, d’improvisateurs consacrent leur travail, leur vie souvent à défendre cette musique en mouvement.
Le public est au rendez-vous, par dizaine de milliers tout au long de l’année, sur tous les territoires.
Au sujet du CNM.
Ce protocole d’accord concernant la préfiguration de la création du CNM-user des mots justes me semble essentiel- n’est pas sérieux.
La méthode d’élaboration de ce protocole, la concertation menée au pas de charge qui s’en est suivie a laissé beaucoup d’acteurs même de cette musique au bord du chemin.
La définition du périmètre et des compétences de ce nouveau projet n’est pas claire, ni l’articulation des interventions de celle-ci avec les politiques publiques.
Encore moins claires sont les questions liées à ses financements ainsi que l’organisation de sa gouvernance.
Ainsi, un certains nombre d’entre nous-acteurs du jazz- ont choisi de ne pas signer ce protocole.
Ce n’est pas un choix partisan. C’est un choix pragmatique, justement empreint de la réalité de ce que nous vivons, des idées que nous portons et des outils que nous développons pour les mettre en œuvre.
Merci Philippe !
D'ailleurs, je ne prendrais dans la réaction (le mot est juste) de F.F. le mot partisan que dans son sens de la chanson d'Anna Marly et E. d'Astier de le Vigerie : "la complainte du partisan". Cette chanson avec des moyens de diffusion peu favorables (pour dire le moins) avait su rencontrer son public, un public qui voulait se débarrasser de la honte et de l'imbécilité inhumaine. Quelle musique écoutez-vous monsieur F.F. ?
Jean
Enregistrer un commentaire