Est-ce que j'aurais eu moins d'amour pour les disques de Rodriguez si je n'avais vu le film du réalisateur suédois Malik Bendjelloul, si je n'avais entendu cette histoire d'un type de Working Class Hero autrement plus vrai que celui prétendu par John Lennon, si je n'avais su son impact sur toute une jeunesse lorsque lui n'en savait rien, si je n'avais perçu, grâce à lui, la possible objectivité du hasard, si je n'avais senti son incroyable dignité de travailleur, de père et de musicien, si je n'avais été si touché par ce premier contact ?
Toujours est-il que, chaque jour, depuis que j'ai vu Searching for Sugar Man puis acheté de suite l'intégralité de la discographie du chanteur de Detroit, c'est à dire Cold Fact (1970) et Coming from Reality (1971), j'écoute ses albums aux titres précis. J'ai l'impression dans mon coeur, dans mon corps, qu'en cette période de doute prononcé, ce temps de violence sans nom souvent privé d'amour, de confusion entre la substance collective et l'esprit individuel, ses chansons aux paroles toujours si tangibles me sauvent à chaque fois. C'est une impression de plénitude d'une musique qui a traversé tout le spectre de la vie, a vaincu les cynismes et les banalités affligeantes, le vide imbécile et prétentieux, la dictature technologique, l'anti-rythme policier, les politiques misérables, la rouerie médiatique et autres aliénations modernes. L'insuccès premier de Rodriguez a permis le succès de son humanité. Alors lorsque j'entends "Sugar man", "Crucify your mind", "This Is Not A Song, Its An Outburst : Or the establishement blues", "Rich folks hoax", "I wonder", "I think of you" ou "Sandrevian lullaby - lifestyles", je crois encore, in extremis, à la musique comme langage fort ; soudain toutes les autres belles choses que j'ai entendues, toutes à l'heure, hier ou il y a longtemps, se rassemblent, alors quelque chose bouge. "Combien de temps pouvez-vous vous réveiller dans cette bande-dessinée et planter des fleurs ?"*
* "Cause" (Sixto Rodriguez in Coming from reality)
4 commentaires:
Pas même d'indemnités pour nos chômeurs multimillionnaires qui vendent leur une société virtuelle.
Vraiment de quoi élever la voix.
Les ploutocrates se révoltent.
Les pales gouvernants portés par un semblant de suffrage
aussitôt se déculottent.
Merci de célébrer aussi les vivants
Merci Jean pour le tuyau.
J'ignorais totalement Rodriguez.
J'ai trouvé le film, les 2 CD en question, plus un live et des singles.
Etonnant !
Quelle justesse ton texte, qui s'accorde parfaitement avec mes sentiments et ma pensée au sujet de Rodriguez " l'honnête homme ".
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