Salut les ours !
Salut les chats !
Salut les bisons !
Salut les oiseaux !
Salut les tortues !
Salut les baleines !
Salut les pingouins !
Doucement les castors !
Enfants d'Espagne
29.12.24
BARRE PHILLIPS
26.12.24
EN PENSANT UN INSTANT À ISTRATI
23.12.24
QUATUOR PAUVROS, KASSAP, RICAU, BELLORINI
Quelle musique faire dans le rébus d'un monde désaxé ? Hier soir 22 décembre, Les Temps du Corps - Atelier Tampon Nomade proposaient un étonnant groupe qui apportait une réponse si plausible qu'elle adressait de substantiels contrecoups. Le quatuor (car il s'agissait plus d'un quatuor que d'un quartet) Jean-François Pauvros (guitare), Sylvain Kassap (clarinette contrebasse), François Ricau (guitare) et Michel Bellorini (guitare) a offert (et ce particulièrement lors d'une somptueuse première suite) un moment où s'est, sardanapalesquement, déployé le cœur révolté de nos reviviscences.
13.12.24
MARTIAL SOLAL
Ce matin, vendredi 13 décembre 2024 à 7 heures, la journaliste de France Inter annonce parmi les titres du jour : la mort de Martial Soral. Ouf ! On a eu peur qu'il s'agisse de son paronyme pianiste Martial Solal. Et puis quelques minutes plus tard, un autre journaliste fait un (très) rapide portrait de Martial Solal. Ah oui c'est de la musique ! Ce type d'erreur ne doit pas être grave, un peu comme quand, sur la même chaîne était annoncée la disparition du chanteur Beck au moment de la mort de l'homonyme guitariste Jeff.
Le décès d'Irène Schweizer, le 16 juillet de cette année, rappela d'une force très intime un concert du 14 juin 1980 à Chantenay-Villedieu qui n'avait pas quitté nos mémoires heureuses d'une délicieuse et complémentaire différence que l'on rêvait en nature grandissante. Concert évoqué la nuit du 11 au 12 décembre dernier sur les ondes de France Musique, lors de l'hommage à Irène Schweizer lors de la nuit de l'improvisation produite par Anne Montaron. Soirée chantenaysienne double solo de piano : Martial Solal et Irène Schweizer. Ils avaient tiré à pile ou face l'ordre des passages sur proposition de Martial Solal. Le pianiste joua en premier et fut très attentif spectateur de la seconde partie de la pianiste. Tout était très amical, de sourires, de belle entente, sans rôle à jouer.
Martial Solal était une sorte d'énigme, loin du courant free et d'une insolente liberté. Beaucoup d'encre et de débats radiophoniques à son sujet. Alain Gerber aimait Milford Graves et Martial Solal. Nous aussi. On avait largement apprécié Sans Tambour Ni Trompette (RCA), son disque en trio avec Jean-François Jenny-Clark et Gilbert Rovère, ses solos Ah non (RCA) et Himself (PDU), le duo avec Hampton Hawes Key For Two (Byg), les Piano Conclave de George Gruntz (Atlantic, Mps) ou leur - en quelque sorte - raccourci dans le duo avec Joachim Kühn Duo in Paris (Musica), le duo avec Niels Henning Ørsted-Pedersen Movability (Mps) (Quel plaisir de les avoir vus ensemble aussi). Et puis les multiples albums et concerts avec Lee Konitz : Satori (Milestone), Jazz à Juan (Steeple Chase) JAZZ À JUAN !!! Ah oui alors !, le duo Konitz-Solal Duplicity (Horo - combien de trésors enfouis sur cette étiquette). L'association Konitz Solal, sorte de félicité eurythmique se poursuivra sur scène comme sur plusieurs albums dont quelques-uns en duo.
Les uns le taxaient de froideur, les autres lui en voulaient d'avoir manqué Coltrane ou, pire, de ses horrifiants commentaires acerbes sur le free jazz (sur lesquels il est en partie revenu)... qu'est-ce que ça pouvait bien faire (disons que ça faisait mais qu'on n'en restait pas là). Si la musique n'était que question de températures ou de qui aime qui... ce n'était pas ce qui guidait certains et certaines d'entre nous pour aller écouter un jour Derek Bailey et le lendemain Martial Solal, lesquels ne jouèrent jamais en duo mais tous deux jouèrent avec Michel Portal (ils enregistreront plus tard deux disques en duo chez Erato et BMG-RCA). Ces sortes d'arithmétiques rêveuses ont leurs petits pouvoirs. Et "Twist à Saint Tropez" co-composé avec Guy Lafitte ne peut être taxé de froideur.
Solal était aussi l'artisan de la rencontre de son trio avec Sidney Bechet en 1957 pour un fameux album chez Vogue (les disques) diversement apprécié. Enregistrement avec Kenny Clarke (qui avait joué avec Bechet avant d'inventer la batterie bop) et Pierre Michelot pour une face, l'autre avec le bassiste Lloyd Thompson et le batteur Al Levitt. Au même moment, Solal et Bechet ne jouent pas la même musique, mais des histoires parallèles se déroulant dans des temps différents. Fascinant ! Comme la température, l'osmose n'est pas tout, il existe toutes sortes de liens qui sont autant d'indépendances affirmées capables d'exister ensemble. Ce genre d'idée nous plaira tant qu'elle sera recherchée et provoquera immédiatement pour certains et certaines, par exemple, l'adhésion à un nouveau courant de musique improvisée anglaise ouvert avec le groupe Alterations (qui dérangera une free music déjà sacralisée avec ses codes).
Forte de cet héritage, la fille de Martial Solal, Claudia Solal prendra en chantant d'autres libres chemins de liberté. Un concert à l’Opéra de Lyon le 14 octobre 2016 les réunira (avec le batteur Bernard Lubat, et le contrebassiste Mads Vinding).
Bon ! Il est d'autres appréciables compagnonnages et amitiés avec Guy Pedersen, Daniel Humair, Charles Bellonzi, Stéphane Grappelli, André Hodeir, Lucky Thompson (oui, oui Godard - Melville - À bout de souffle)... L'histoire de Martial Solal, on ne la fera pas ici tant il est de gens tellement plus compétents pour la raconter, la détailler, l'interpréter. On se contentera de mentionner les entretiens avec Xavier Prévost des 3, 4 & 5 décembre 2003 réalisés par Cati Couteau pour « Musiques mémoires » (Entretiens patrimoniaux - INA) publiés en livre + DVD (éditions Michel de Maule) sous le titre Martial Solal, compositeur de l’instant et consultables en leur intégralité sur le site de l'INA. Tout y est.
Tout de même pour finir : un autre souvenir, celui de l' irrévérencieuse complicité du duo Martial Solal - Jean-Louis Chautemps. Longue pratique commune, mais duo trop rare. Solal estimait que du free jazz, "Chautemps avait le droit de le faire" et qu' "avec Chautemps, c'est sûr qu'il y a des moments, comme il est, il peut être tellement exubérant, triste ou gai, ou comique, enfin, il peut être tout..."* ce qui s'apprécie particulièrement lors d'un concert inoubliable du 29 décembre 1980 au Studio 106 de la Maison de la Radio qui se concluait par "You Stepped out of a dream".
* extraits des entretiens avec Xavier Prévost cités plus haut (consultables ici)
• Photographie : Guy Le Querrec - Magnum : Chautemps et Solal le 29 avril 1988 à L'Europa Jazz Festival du Mans
30.11.24
"LE RÊVE" DÉTAILLÉ PAR OCTAVE MIRBEAU
15.11.24
L'AUTRE GODARD
16.10.24
GUILLAUME SÉGURON CHEZ BORIS VIAN
"LIGHTNING SHADOWS OVER DARK (SOCIAL BANDITS)"
Contrebassiste à l'archet archéologique, Guillaume Séguron scrute les tempos de l'histoire, des petits chemins et leurs éclairages d'avenir. Une histoire du "maintenant", la contrebasse est un instrument de relation forte. Ses échanges de jeunesse avec Jean-François Jenny-Clark aideront à en ouvrir les pistes. Album clé de son parcours, Nouvelles réponses des archives, est une signature de généreuse précision. Avec Catherine Delaunay (compagnie de longue date) et Davu Seru, il a même percé un secret, celui de La double vie de Pétrichor.
Ses chemins passent par ceux de Rémi Charmasson, Louis Sclavis, Anthony Ortega, Stephan Oliva, Raymond Boni, Jacques Di Donato, Alexandra Grimal, Régis Huby, Gerry Hemingway, Mat Maneri, André Jaume, Joe Mc Phee, Daunik Lazro, Jean-Luc Cappozzo, Olivier Benoît, François Corneloup, Edouard Ferlet, Tony Hymas...
Samedi 19, on pourra le retrouver à Chevilly-Larue dans une suite dédiée aux Bandits Sociaux au sein d'un quartet comprenant aussi Léo Remke-Rochard (rencontré en Corrèze en 2016), Émilie Lesbros (une première), Nathan Hanson et Guillaume Séguron (avec qui il a joué une fois le 10 août 2016 lors d'une inoubliable soirée au magasin Général de Tarnac en compagnie de Donald Washington, Catherine Delaunay, Davu Seru, Brian Roessler, Pascal Van den Heuvel). .
• Médiathèque Boris Vian, Chevilly-Larue 17h, le 19 octobre - Entrée Libre comme une réponse
Photo B. Zon : Concert avec Catherine Delaunay et Davu Seru à Tarnac (19 mars 2015)
15.10.24
LÉO REMKE-ROCHARD IN CHEVILLY
"LIGHTNING SHADOWS OVER DARK (SOCIAL BANDITS)"
À quinze ans, Léo Remke-Rochard, passionné de musique et de poésie (il fréquente assidument les soirées open mic de Minneapolis et St Paul), fonde avec son compère batteur Jack Dzik, Eyemyth, indépendance de l’indépendance qui publie cassettes (mais aussi LPs ou Cds) de musiciens qu’ils apprécient. Et bien sûr de leur propre groupe le duo Riverdog qui enregistrera plus tard avec Jac Berrocal et Anamaz.
Outre avec Riverdog, on a pu l’entendre avec Jean-Marc Foussat (album en duo pour la danseuse Stéphane Guillaumon), Jean-François Pauvros, Ursus Minor, Catherine Delaunay.
Samedi 19, on pourra le retrouver à Chevilly-Larue dans une suite dédiée aux Bandits Sociaux au sein d'un quartet comprenant aussi Guillaume Séguron (rencontré en Corrèze en 2016), ÉmilieLesbros (rencontrée dans le Minnesota en 2012), Nathan Hanson (longues discussions de plusieurs années après les concerts au Black Dog - St Paul, Minnesota -, et invité pour un soir du groupe Riverdog).
• Médiathèque Boris Vian, Chevilly-Larue 17h, le 19 octobre - Entrée Libre comme un poème
Photo B. Zon : Concert de Riverdog à Treignac (août 2018)
14.10.24
EMILIE LESBROS IN PARIS
"LIGHTNING SHADOWS OVER DARK (SOCIAL BANDITS)"
Attraction terrestre, tel est - en 2011 - le titre du distingué premier album solo d’Émilie Lesbros, chanteuse alors déjà remarquée dans le groupe Rosa. Titre qui se déplie comme une infinie carte de géographie où les voyages s’organiseront de plus en plus en un plein chant de grande liberté, le plaisir d’être ici ou là, toujours à l’écoute du monde. Le dire aussi.
Fidèle des orchestres de Barre Phillips, on a pu l’écouter également en compagnie Darius Jones, Rafaëlle Rinaudo, Craig Taborn, Sylvain Kassap, Kami Octet, Elliott Sharp, Raymond Boni, Willie Murphy, Ill Chemistry, Ches Smith, Sweet Dog On The Moon, Daunik Lazro, les Percussions de Strasbourg ou bien sûr Ona Liza.
Samedi 19, on pourra la retrouver à Chevilly-Larue dans une suite dédiée aux Bandits Sociaux au sein d'un quartet comprenant aussi Léo Remke-Rochard (rencontré dans les Twin Cities), Guillaume Séguron (une première), Nathan Hanson (avec qui elle a déjà joué dans le Minnesota - on se souvient d'un bouleversant "Gloomy Sunday" en mars 2012).
• Médiathèque Boris Vian, Chevilly-Larue 17h, le 19 octobre - Entrée Libre comme attraction
Photo B. Zon : avant un concert au Black Dog - St Paul, Minnesota (16 mars 2012)
13.10.24
NATHAN HANSON IN FRANCE
"LIGHTNING SHADOWS OVER DARK (SOCIAL BANDITS)"
12.10.24
28.9.24
WILLEM VAN MANEN
L'histoire du jazz, comme l'histoire du monde, est pleine de recoins sensibles, de bifurcations habiles, de pauses à l'aune, de tournes qui boulent, d'élans moqueurs, de coulisses de l'exploit ou de "Nuit du chasseur" seule perle signée d'une riche carrière. L'unique album du tromboniste Willem Van Manen sobrement titré de son seul nom est tout ça : deux duos avec Misha Mengelberg dont un très éveillé "Panonica", trois trios avec le bassiste Harry Miller et le batteur Martin Van Duynhoven, et quatre solos que les critiques avisés diront "exemplaires". Et une bonne dose d'humour.
L'écrasement catégoriel de l'histoire relayant la curiosité au rang d'infanterie sacrifiée, la mémoire a ses sursauts, celui de se souvenir de la beauté de cet album par exemple. Ou se souvenir de Willem Van Manen, sensationnel tromboniste de la scène hollandaise, dans l'orchestre de Willem Breuker bien sûr, dont il fut l'un des piliers pendant quatre ans, ou dans de petits ensembles comme le dévergondé quartet de The Message avec Breuker, Peter Bennink, Maarten Altena et apparition du mime Will Floor, aussi avec l'ICP Orchestra, Hans Dulfer, Theo Lovendie, Leo Cuypers (Zeeland Suite), aux côtés de ses inventifs pairs d'instrument Albert Mangesldorff, Paul Rutherford, Vinko Globokar, ou encore dans le très politique Orkest De Volharding de Louis Andriessen qui lui passera le relais (mais nom du dieu des cats, pourquoi tous ces albums ne sont-ils pas réédités !!!).
On le sait (encore) moins (ici), à la moitié des années 80, cet impeccable improvisateur, tout en jouant dans l'orchestre qu'il fonde, Contraband (5 albums, avec Theo Jörgensmann), se consacre brillamment et prioritairement à la composition (15 études pour trombone, un opéra de chambre...), puis cesse sa pratique de l'instrument avant de se retirer de la vie musicale. Willem Van Manen s'est retiré de la vie tout court le 26 septembre 2024.
27.9.24
PETIT TRAITÉ DE COSMOANARCHISME de
JOSEP RAFANELL I ORRA
14.9.24
NO BORDERS
29.8.24
CATHERINE RIBEIRO + ALPES : "PAIX"
21.8.24
LA LUTTE PAS TRÈS CLASSE
PAR DAVID SNUG
Les temps que nous vivons, aussi absurdes que souffreteux, sont évidemment un sujet de pointe pour David Snug, épastrouillant commentateur par ses dessins et BD. Son opuscule La lutte pas très classe paru chez nada (éditeur fort recommandable) revient sur cette lutte des classes qui semble diablement gommée, oubliée même (pourtant fondatrice, disait-on il y a plus d'un siècle, pour parvenir à la véritable société sans classe). On y apprend par exemple, dessins à l'appui, que "Le socialisme sans lutte des classes, c'est le parti socialiste" ou bien que "Alexandre Marius Jacob sans lutte des classes, c'est Arsène Lupin" ou encore que "Les musiciens de rue sans lutte des classes, c'est les pianos dans les halls de gare" et bien d'autres qu'on se fera un plaisir de poursuivre pour se mettre à jour à la rentrée (de la lutte) des classes (c'est quand déjà ?).
18.8.24
SOUDAIN GENA ROWLANDS
On sera évidemment reconnaissant à José Ferrer (le Cyrano de Bergerac de Michael Gordon) d'avoir offert un premier rôle de cinéma à Gena Rowlands en 1958*, on le sera davantage encore à l'endroit de David Miller pour le très annonciateur Seuls sont les indomptés, scénarisé par Dalton Trumbo, où figurent Gena Rowlands, Kirk Douglas et Walter Matthau. David Miller, c'était le type qui avait réalisé le dernier film des Marx Brothers, ou proposé un rôle atypique à Doris Day pour l'(assez) hitchockien Midnight Lace, mais aussi le très beau Le Masque arraché avec Joan Crawford. Gena Rowlands, lorsqu'elle éclate doucement dans Seuls sont les indomptés, a déjà fait une apparition dans Shadows de John Cassavetes ou dans un épisode de la série Johnny Staccato (avec Cassavetes dans le rôle de ce drôle de détective privé). Ensuite, à double tour, elle fut la vague indomptable de toutes les humanités du cinéma torrentiel de John Cassavetes. Et bien plus encore, mais ça - on l'espère - tout le monde le ressent si fort.
* L'amour coûte cher (The High Cost of Loving)
9.8.24
QUESTION SUPER BANCO DU JEU DES 1000€
Question super banco du jeu des mille euros (France Inter) à Saint Marcel Lès Valence (Drôme) le 10 février 2016 :
Le présentateur : "Quelle terme désigne l'odeur caractéristique de la terre après la pluie ?"
La candidate: "... (soupir !)"
ding ! ding ! ding !
Le présentateur : "Odeur particulière que prend la terre après la pluie, on sent bien de quoi il s'agit. C'est un mot qui vient de deux mots grecs d'ailleurs. C'est un néologisme parce que ce terme a été créé en 1964 par deux chercheurs anglais !"
ding ! ding ! ding !
Le présentateur : "... et cela vient de deux
mots grecs je vous le disais. Le premier signifie Pierre et le deuxième Sang des dieux"
ding ! ding ! ding !
La candidate : "On va se faire tuer là"
dong ! ding dong !
Le candidat : "Avec l'éthymologie grecque, on va tenter quelque chose..."
Le présentateur : "Est-ce que vous vous êtes bien concertés déjà ?"
La candidate : "Non, mais j'ai déjà la première partie du mot."
Le présentateur : "Evelyne a la première partie. Est-ce que Sébastien a la deuxième ?"
Le candidat : "On va dire : lithothéosonose !"
... Chers auditeurs et auditrices (des disques nato), la réponse est dans l'album ci-dessus représenté.
Illustration de couverture : Matthias Lehmann
6.8.24
MAZEL
Enfin en 1969, année cinétique, il rejoint de justesse le journal de Spirou quand Charles Dupuis, après le départ de Delporte, cherche quelqu'un pour une série de cape et d'épée. Alors, avec le scénariste Raoul Cauvin, Mazel poursuit à haute énergie ce qu'il avait commencé avec Fleurdelys en inventant la série Câline et Calebasse qui deviendra plus tard Les Mousquetaires. Franquin dessine pour l'occasion Spirou s'agitant joyeusement avec un fleuret et disant : « Mazel ? Un pinceau vif comme une épée ! » Et c'est bien cette vivacité qui frappe, cette façon de rendre irrésistiblement vivant ses personnages à l'instar d'autres magiciens de la BD. Le minutieux soin documentaire des décors et des situations aussi impressionne comme l'articulation de la mise en scène/mise en page. Le dessin déborde le scénario, il va plus profondément. Le trait est magnifiquement souple. Et puis la véritable héroïne de la série est, plus encore que le gascon Calebasse ne payant pas heureusement de mine, la jument de trait Câline. Malheur à ceux qui se moquent stupidement de sa corpulence qu'elle écrase de son hennissement content « Hirâhirâhirâhirâ ». Câline est de toute beauté, de toute liberté ; elle piétine les codes imbéciles. Mazel dessinera encore d'autres séries Boulouloum et Guiliguili (Les jungles perdues) ou, en finale, Jessie Jane avec le scénariste (et cinéaste) Gérald Frydman. Mazel s'oriente alors vers la peinture. Vingt ans après... ce triste 20 juin 2024.
Calîne et Calebasse ont ajouté de l'imagination à l'imaginaire cape et d'épée au même titre qu'André Hunebelle ou Richard Lester, et c'est à ce titre autant que par ce trait vif décrit par Franquin (qui s'y connaissait en trait vif) qu'il serait parfaitement indélicat d'oublier Mazel. « Hirâhirâhirâhirâ ».
* Cité par Patrick Gaumer in Spirou n°4504
4.8.24
PEDRO SOLER
C'était peut-être grâce au dessin de Picasso ornant la pochette… le 33tours Riches heures du Flamenco semblait être un peu chez tout le monde. Ce devait être normal puisqu'il était sorti en 1963 chez Le Chant du Monde, la maison fondée en 1938 par Léon Moussinac. Une jolie introduction au Flamenco avec La Joselito, Jacinto Almaden, Pepe De La Matrona et le guitariste Pedro Soler. On retrouvait ce dernier dans la série Spécial instrumental de la même étiquette où chaque album était centré de façon pédagogique sur un instrument. S'y illustraient Steve Lacy (le saxophone soprano), François Tusques (le piano préparé), Kent Carter (la contrebasse), Steve Waring (le banjo), Atahualpa Yupanqui (la guitare des Andes) et même John Wright pour la très mésestimée guimbarde. Tout nous disait : "Attention, il y a beaucoup de musiques et il va y avoir beaucoup de musiques" et "Le Flamenco n'est pas une mince affaire". Pedro Soler était un bon guide, ses disques solo donnaient les clés nous permettant de nous immerger ensuite dans la plus vive assemblée flamenca. Il figurait aussi aux côtés de Germaine Montero dans Présence de Lorca (toujours au Chant du Monde) ou, rencontre marquante, de Maria Casarès pour les poèmes d’Antonio Machado. La guerre d'Espagne avait repoussé beaucoup d'Espagnols dans le sud de la France et Toulouse, capitale d’exil, avait ses bouts d'Andalousie. Jacinto Almadén, Pepe de Badajóz pour précepteurs.
Et puis les chants du monde se sont fait entendre au-delà des ponts et les camarades de Pedro Soler se nommaient désormais Beñat Achiary, Michel Doneda, Ravi Prasad, Renaud Garcia-Fons, Kudsi Erguner, Bernard Lubat, Dominique Regef, Philippe Mouratoglouou Ramon Lopez, Raúl Barboza, Georges Kazazian ou son fils le violoncelliste Gaspar Claus. Après le 3 août 2024, on les écoutera autrement.
25.7.24
JOHN MAYALL
Ce matin pluvieux donc, le gars sortit de son cartable l'album Bluesbreakers de John Mayall. Ça valait une leçon d'histoire. Le nom de John Mayall apparaissait soudain dans la voie lactée, comme bientôt celui de son prédécesseur Alexis Korner. Et l'aiguilleur du ciel pointait si bien les noms de Robert Johnson, Memphis Slim, Willie Dixon, Freddie King, Mose Allison... autant qu'il accueillait (mais c'est une histoire parallèle aux nombreux ricochets) à partir de 1963 (British Blues Boom) des talents à l'éminence garantie : Eric Clapton (entre les Yardbirds et Cream), Jack Bruce (avant Manfred Mann), Mick Taylor (avant les Rolling Stones), Peter Green, John McVie et Mick Fleetwood (tous les trois avant Fleetwood Mac), Ansley Dunbar (avant Frank Zappa), Jon Hiseman, Dick Heckstall-Smith (avant Colosseum), Andy Fraser (avant Free), Colin Allen (avant Stone the Crows) ou le moins chanceux batteur et ami Keef Hartley (pour Woodstock, son fin manager, avait accepté le cachet de 500$ mais refusé que son groupe soit filmé... le sens de l'histoire). On pouvait aussi entendre les saxophonistes Alan Skidmore, Ernie Watts et Ray Warleigh, le trompettiste Henry Lowther. Si ça ne suffisait pas, avec ses copains, John Mayall jouait aussi de l'harmonica sur l'album From New Orleans To Chicago de Champion Jack Dupree.
Les disques continuèrent à sortir des cartables : Blues from Laurel Canyon ou USA Union avec le violoniste défricheur Don Sugarcane Harris, les trop sous estimés guitariste Harvey Mandel et bassiste Larry Taylor. Tous nous emmenaient ailleurs, comme si c'était leur essentielle nature, et puis, alors que les oreilles cherchaient résolument cet ailleurs, le très encourageant Jazz Blues Fusion. À la corde, deux marathoniens de l'histoire du jazz : le trompettiste Blue Mitchell et le saxophoniste Clifford Solomon (et aussi le batteur Ron Selico, entendu avec Frank Zappa dans Hot Rats, le guitariste blues blues blues Freddy Robinson et la constance du bassiste Larry Taylor).
Ensuite les disques prirent d'autres voies plus débordantes que celles des cartables. John Mayall fut un sacré bon prof.
20.7.24
IRÈNE SCHWEIZER
"Jazz meets the world", c'était le nom d'une série d'albums produits en 1967 par Joachim Ernst Berendt pour Saba. Une de ces expérimentations (façon de parler, l'idée de rencontrer le monde pourrait aller de soi) des années soixante, mélange de recherche de racines, de chants insoupçonnés, de confrontations inédites, de respirer autrement, d'éphémère prévisionnel, de renouveau des libellules. Don Cherry ou François Tusques ouvraient des voies parallèles. À la moitié des années soixante-dix, on trouvait facilement ce genre de disques (Saba ou MPS... les productions Berendt) en solde dans les bacs de trottoirs des disquaires du quartier latin à Paris. Pedro Iturralde, George Gruntz, le jeune Paco de Lucia, ou Tony Scott en étaient quelques-uns des artisans. Un album intriguait particulièrement, celui de la rencontre entre le trio d'Inde Dewan Motihar et celui de la pianiste helvète Irène Schweizer augmenté des souffles de Barney Wilen et Manfred Schoof (artistes très bien vus par Berendt). Il émanait du trio d'Irène Schweizer (avec Uli Trepte à la basse et Mani Neumeier à la batterie, deux futurs fondateurs du groupe de ce qui fut un peu étrangement dénommé Krautrock : Guru Guru) quelque chose de profondément impliqué, comme une belle part d'histoire entière immédiatement intensément vécue (cette histoire de liberté qui n'a nul besoin d'inventer des restrictions). Un de ces sérieuses découvertes d'une vie.
Suffisamment pour se jeter oreille et cœur dans tous les albums où figurait Irène Schweizer, ceux des groupes du batteur Pierre Favre (qu'on trouvait chez les mêmes disquaires) et les premières traces chez Ogun ou FMP (avec Rüdiger Carl, Louis Moholo ou John Tchicai). FMP où sortirent, en 1977 et 1978, Wilde Señoritas et Hexensabbat, deux albums tellement émoustillants qu'on ne pouvait faire autrement que les écouter sans cesse et en parler tout le temps. Si fait qu'il fut de désir bien naturel d'inviter Irène Schweizer en 1980 à Chantenay-Villedieu pour une soirée de deux solos, partagée avec Martial Solal. Le jeune Jean-Marc Foussat avait fait le voyage en Revox. Solal et Irène avaient tiré à pile ou face qui jouerait le premier, ce fut Solal. La relation entre les deux pianistes, en ce petit coin bucolique d'un monde meets the jazz, fut de la plus humaine amabilité. Ils s'entretinrent de moult faits et gestes pianistiques en prenant tout le temps, tous les temps même, comme celui d'Errol Garner. Chacun joua hors les murs (dans un entretien avec le journaliste Gérald Arnaud, Martial Solal parla même de ce concert dans son heureuse différence) et Irène Schweizer - souvenir d'edelweiss africain - chavira le public chantenaysien. Elle revint en 1981 pour un quintet proposé par le saxophoniste André Jaume avec la chanteuse Tamia, le contrebassiste Léon Francioli et son compère Pierre Favre.
On l'écoutait beaucoup Irène, avec le Feminist Improvising Group, ou ce merveilleux trio avec Joëlle Léandre et Annick Nozati (nuits de Dunois en douze sons), dans nombre d'enregistrements FMP, etc., etc. La plus tendre des fulgurances ou la plus fulgurante tendresse. L'intuition en fusain.
Ceci explique cela : le rapport entre Irène Schweizer et les batteurs éclate de franchise juxtaposée, de hardiesse au plus près du battement. Ainsi soit libre. Les enregistrements publiés par la maison de disques zürichoise Intakt, fondée par Patrik Landolt (avec forte stimulation d'Irène Schweizer), en sont l'impeccable documentation : duos avec Louis Moholo (of course), Andrew Cyrille, Günter Sommer, Han Bennink, Hamid Drake, Joey Baron, Makaya Ntshoko et bien sûr Pierre Favre (on se souvient en passant de l'impression qu'elle fit à Michael Bland émerveillé en l'écoutant à Willisau un 29 août 2004). En complément des enregistrements FMP, on sera bien avisé d'ailleurs de réaliser le travail accompli par Intakt pour tant d'inestimables documents des relations de la pianiste, avec Joëlle Léandre (Les Diaboliques, trio complété par Maggie Nichols ou le Paris Jazz Quartet avec Daunik Lazro et Yves Robert), Marilyn Crispell, le London Jazz Composers Orchestra et Musical Monsters, éblouissant album - perle parmi les perles - enregistré à Willisau avec Don Cherry en compagnie de John Tchicai, Irène, Francioli et Favre.
Un nouveau rêve a rencontré le monde. Il perdurera au-delà de ce 16 juillet 2024.
Photographie : Guy Le Querrec - Magnum, Irène Schweizer avec Pierre Favre, Chantenay-Villedieu, 5 septembre 1981.
8.7.24
LA BD À TOUS LES ÉTAGES (DISCOGRAPHIQUES)
Il y a bien sûr une joie certaine de croiser, au Centre Pompompidou, dans l'exposition La BD à tous les étages, des œuvres de Killofer, Mœbius, Mattotti, Johan de Moor avec cette petite vibration qui rend heureux en pensant aux couvertures de disques qu'ils ont illustrées. À tant d'autres aussi dont le dessin est de musique... cette conjonction éperdument coordonnée, tellement aimée, de la participation d'illustratrices et illustrateurs de BD aux disques nato : l'inverse du repli : la chair entière.