Thierry De Lavau avait pris la parole, lors de la cérémonie funéraire de Gérard Terronès en mars 2017. Il y dessinait, de mémoire, la précise silhouette de tous les idéaux portés par le proverbial producteur.
Cet anarchiste mélomane, avait aussi, comme Terronès mais dans un autre champ, été producteur, en fondant avec Yves Lecarpentier, V.I.S.A., maison qui vit les premiers pas de groupes comme Berrurier Noir, ou en 1984 du groupe islandais K.U.K.L. dont la chanteuse s'appelait Björk. Ses goûts prononcés pour les formes les plus jusqu'au-boutistes du rock avaient portes grandes ouvertes pour le jazz ou les musiques de ce que Gato Barbieri avait étiqueté comme Third World (Thierry est né en Guinée). Bien sûr on connaissait Thierry De Lavau pour être un des membres fondateurs de Radio Libertaire, mais c'est aussi parce qu'on le rencontrait dans les concerts et dans les manifestations (concert + manifestation, une équation à retenir), que les proximités s'établissaient tout naturellement. Ce sentiment d'être là où il fallait !
Tiens, ici quelques mots sur May Picqueray, que, jeune militant, il avait connue. Il parlait superbement de l'œuvre d'Aimé Césaire, pratiquait la plongée sous-marine, avait une conscience aigüe de l'écologie (fidélité à Élisée Reclus), aimait les enfants (plus récemment la joie d'être grand-père), s'occupait activement d'insertion et passa une dizaine d'agissantes années au merveilleusement invraisemblable studio Campus (Paris XI) avec son camarade Jean-François Pauvros, lequel l'avait rencontré dans une manifestation. Il photographiait aussi très très bien. Une idée de suite toujours à venir.
Passer à Traffic, l'émission débordant les cadres (toutes les façons de musiques du monde) qu'il produisait avec Agnès sur Radio Libertaire, était un grand plaisir parce que son ressenti, et celui d'Agnès, de "nos musiques" nous éclairait, mais aussi parce qu'on y découvrait beaucoup de choses nouvelles et que la musique y paraissait furieusement comme un essentiel de nos vies. Les conversations se poursuivaient lors de manifestations ou de concerts (à Sons d'Hiver dont il était un fidèle, ou au Farniente Festival à Saint Nazaire, par exemple).
Avec la musique comme élément nécessaire au développement de l'expression, à sa liberté, Thierry De Lavau a su traverser son temps, su écouter, su voir, su saisir activement en toute insoumission* . Il nous a quittés le 26 janvier 2024.
* avant que ce soit une marque déposée
Photographie : Florence