Il y eut ce simple désir d'inviter le batteur écossais Jamie Muir à Chantenay-Villedieu. La réponse fut une très longue et très belle lettre expliquant où il en était avec la musique. Déjà, en 1984, en bonne partie, conjuguée au passé. L'après est parfois une millimétrique question d'instants.
Son nom était lié à The Music Improvisation Company (de 1968 à 1971- album ECM 1970) avec Evan Parker, Derek Bailey, Hugh Davies et Christine Jeffrey, et dans ces rapprochements exaltés, à celui du King Crimson de 1972 où Robert Fripp s'offrit l'intelligent luxe de deux batteurs : « Je me suis dit : bon, Bill [Bruford] est un batteur adorable, mais peut-être un peu trop straight pour certaines choses. Puis j'ai pensé à cet allumé, Jamie Muir, que je venais de rencontrer [suggestion de Richard Williams du Melody Maker], un excellent batteur, mais pas vraiment assez carré pour certaines des choses que j'aimerais qu'il fasse... J'ai soudainement eu l'idée d'utiliser les deux, cela semblait si juste ». Entre The Music Improvisation Company et King Crimson : une grosse année. Ce batteur, qui avait commencé par le trombone dans sa jeunesse écossaise, s'illustre brièvement avec le turbulent Pete Brown (le parolier de Jack Bruce qui avait son propre groupe comptant au fil d'un temps court, John McLaughlin, George Khan et Chris Spedding). Avec Don Weller, Allan Holdsworth et Lyn Dobson, il explore les ferments d'une sorte de jazz rock anglais (disons, différent du rock jazz en cours). Comme d'autres improvisateurs, il est aussi invité par le compositeur de musique électronique Laurie Scott Baker. Même si marquante, brève aussi fut l'aventure avec King Crimson, où s'il fut sans doute le musicien le plus provoquant, le plus volcanique, repoussant les limites du groupe, il ne resta que quelques mois. Il disparut sans explication (ce qu'il regretta plus tard) après la sortie de l'album Larks’ Tongues In Aspic (Muir eut l'idée du titre "Langues d'alouettes en gelée") tournant le dos à une imminente tournée. « Certaines expériences sur une période d'environ six mois m'ont fait décider d'abandonner la musique ».
La musique n'offrait sans doute pas les réponses escomptées, il partit se retirer dans un monastère bouddhiste en Écosse. Mais, retour à Londres, revint la tenace free music. Pour Jamie Muir, l'improvisation devait être seulement vivante et jamais intellectualisée. Moment tenace mais fugace, en cet espace 1980 - 1983. Magnifiques éclairs avec Derek Bailey, Evan Parker, Paul Rogers, Alterations... L'improvisation n'apporte pas toutes les réponses ou les apporte-t-elle trop vite ? En 1983, il enregistre avec David Cunningham et Mike Giles (autre batteur de King Crimson) la musique du film Ghost Dance du réalisateur Ken McMullen (avec Leonie Mellinger, Pascale Ogier, Robbie Coltrane et Jacques Derrida). La dance music l'intéresse (il l'expérimente chez lui en multipistes, mais est bien trop méfiant de l'industrie musicale pour persévérer). Ghost ou Dance : le tourbillonnaire revenant délaisse la musique et finalement choisit le retrait et la peinture. Le temps court. Le 17 février 2025, Jamie Muir disparaît sans possible revenir.
De cet inconnu si connu restent (ici) les mots d'une lettre et (ici et ailleurs) surtout une dizaine d'albums discographiques.
Photo DR
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