Dédié à Alex Dutilh
Il est souvent bon de méditer sur les écrits anciens surtout lorsqu'ils sont visionnaires. Voici un texte écrit dans le numéro 15 de la revue Die Ziegelbrenner daté du 30 janvier 1919. L'auteur en est B. Traven (ou Ret Marut), Directeur du département de la presse de la République des Conseils de Bavière en 1919 écrasée en mai par les sociaux-démocrates de Noske et les Corps Francs (dont nombreux deviendront les futurs S.A.). Traven sera l'auteur du Trésor de la Sierra Madre adapté au cinéma par John Huston.
"HUMAINS !
Vous n'avez qu'un ennemi. C'est le plus dépravé de tous. La tuberculose et la syphilis sont des fléaux terribles qui font souffrir l'homme. Mais il existe un fléau plus dévastateur que la peste qui ravage le corps et l'âme de l'homme, une épidémie incomparablement plus terrible, plus sournoise et plus pernicieuse : j'ai nommé la presse, cette catin publique. Toute révolution, toute libération de l'homme manque son but si on ne commence pas par anéantir sans pitié la presse. Tous les péchés seront remis à l'homme, mais le péché contre l'esprit ne lui sera jamais pardonné. Anéantissez la presse, chassez de la communauté des hommes ses maquereaux à coups de fouet, et tous vos péchés vous seront remis, ceux que vous commettez et ceux que vous n'avez pas encore commis. Pas une réunion, pas une assemblée d'êtres humains ne doit se dérouler sans que ne retentisse la déflagration de votre cri : ANÉANTISSEZ LA PRESSE!"
éditions L'Insomniaque
5 commentaires:
Euh ! Et notre Journal des Allumés alors ? C'est pas de la presse ? Un presse-citron, peut-être...
Et bien Jean-Jacques, qu'est-ce qui t'arrive. Ce petit article publié par Traven en Allemagne en 1919 (regarde le contexte historique) est une invitation à réfléchir, pas à se sentir membre d'une corporation sur la défensive. Lorsque Frank Zappa s'en prend (par exemple) au jazz, ça ne l'empêche pas de dire combien il aime Eric Dolphy ou Charlie Parker (toi-même l'a vu avec Shepp à Amougies animal). Lorsque Philippe Carles parle à la radio, ce n'est pas un membre de la "presse", mais une personne intelligente etc. etc. La musique que l'on aime souffre de bien des attitudes mesquines et affairistes. Je sais aussi combien je dois à quelques gens de plumes (des oiseaux ?) de m'avoir aidé à l'aimer.
Jean
Je n'ai écrit ce petit commentaire que pour te permettre de donner cette indispensable précision ;-)
Sur le marché, le baron est un personnage clef, qui permet au camelot d'ameuter les passants : "Comment ? Ils ne sont pas beaux, mes citrons ? Non, mais venez voir, tâtez de ma cervelle...). Et puis, j'ai toujours aimer me déguiser, comme un gamin, un acteur ou un fruit !
Je ne suis pas sûr d'être entièrement d'accord avec les propos de Bruno Traven qui d'ailleurs n'auraient pu te parvenir s'ils avaient été censurés. Je ne peux pas suivre ce discours généraliste qui consiste en un jugement porté globalement sur une corporation professionnelle ou quelconque groupement "communautaire" quel qu'il soit, type "L'africain est rieur" ou "l'arabe est fourbe", le "musulman est islamiste" ou même "le socialiste est de gauche", "le communiste est stalinien", le "Jazzman est noir", l'improvisateur est moderne"," Portal ne sait pas jouer le blues" ou encore "le fonctionnaire est fainéant" et pour finir, "le journaliste est vendu". Je suis encore moins enclin à supporter ce discours d'éradication qui rappelle par trop certains faits historiques de sinistre mémoire. Le référent biblique et moraliste rédemptoire suggéré dans ce texte par le lexique: "fléau","peste","fouet", "péché","Pardonné" et autres incitations au bannissement par la torture donne par ailleurs à ce texte un tour inquisiteur qui me gène beaucoup.
Il est vrai que l'on peut regretter qu'une minorité restreinte de journalistes aux prérogatives plus que larges exercent sur notre forme d'expression un pouvoir de censure surpuissant. Mais faut-il en plus leur donner ce pouvoir supplémentaire qui serait de supprimer à cause d'eux un mode d'expression dans son entier? La presse, c'est aussi le Monde diplomatique qui publie les écrits passionnants, utiles et indispensables à la contestation, de penseurs comme I.Ramonet ou N.Chomsky. C'est aussi ou c'était les numéros passionnants des années 60 des Cahiers du Cinéma. C'est aussi le Journal des Allumés du Jazz, que je considère au risque de t' offenser donc, comme une publication de presse qui de surcroît montre par son existence même qu'une alternative est possible et vitale dans ce domaine. Faut-il supprimer ces organes de presse à cause de l'incompétence de certains? Faut-il Supprimer la chanson française à cause de la Starac' ou Vincent Delerm?. Il faut dénoncer les abus, souligner par notre exigence les faiblesses, répondre par la qualité, échanger, argumenter faire circuler la parole et les idées, interroger celles qui nous dérangent. Ce blog est la preuve qu'il reste des moyens d'expression indépendants et cette réponse en est une autre preuve tangible. La contestation est un travail de tous les jours dont la tâche première est en toute logique d'écouter. Ce qui ne peut être dit ne peut être contestable. Hier soir, j'ai vu "La flèche Brisée" de Delmer Dave. Ce film est en soi la démonstration qu'une alternative efficace, pertinente est possible puisqu'il renouvelle le discours sur le peuple indien, sans tomber dans la globalisation "Communautariste" dans un genre cinématographique pourtant commercialement établi, le western et de plus à une époque ou ce discours n'était pas si simple à tenir. On pourra minimiser l'impact politique de ce film en rappelant qu'il fut fait après coup et qu'on connaît en finalité le sort du peuple indien. Il n'empêche que la thèse historique elle-même qui est développée au travers du scénario est un plaidoyer très lucide contre la vengeance immédiate placé de plus, dans la bouche de l'opprimé par le personnage du chef Cochise.
Comme lui, qui avec vigilance compte pierre à pierre, les jours de paix, surveillons chaque jour de création artistique. Préservons-les des commentaires abusifs et simplistes en exigeant la compétence de la part de ceux qui les formulent et, nous-même, donnons un sens artistique et historique à nos actes pour qu'il prennent la densité créative nécessaire à la résistance sans tomber dans le piège de la violence immédiate.
F.Corneloup
Je ne sais pas où tu as trouvé ce prénom de "Bruno", cher Jean !
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